LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE
DE LESIONS PROFESSIONNELLES
QUEBEC MONTREAL, le 11 mai 1993
DISTRICT D'APPEL DEVANT LE COMMISSAIRE: Me Neuville Lacroix
DE MONTREAL
REGION: Montérégie ASSISTE DE L'ASSESSEUR: Michel Grimard, médecin
DOSSIER:17690-62-9003
DOSSIER CSST:000861658 AUDIENCE TENUE LE: 24 mars 1993
DOSSIER BR: 6040 7089
A: Montréal
MINISTERE DU LOISIR, DE LA CHASSE
ET DE LA PECHE
6255, 13e avenue
Montréal (Québec)
H1X 3E6
PARTIE APPELANTE
et
ROBERT JODOIN
2490, rue Boulogne, app. 210
Longueuil (Québec)
J4L 2J6
et
COMMISSION DE LA SANTÉ ET
DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL
Direction régionale Montérégie
25, boulevard Lafayette (5e)
Longueuil (Québec)
J4K 5B7
PARTIES INTERESSEES
D E C I S I O N
Le 7 mars 1990, le Ministère du Loisir, Chasse et Pêche (l'employeur) en appelle d'une décision du 8 février 1990 du bureau de révision de Longueuil (le bureau de révision).
Par cette décision, le bureau de révision maintient la décision du 28 juin 1989 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission), à l'effet que l'employeur ne peut se faire rembourser par la Commission les prestations visées pour la période d'assignation temporaire à temps partiel dont a bénéficié M. Robert Jodoin (le travailleur).
OBJET DE L'APPEL
L'employeur demande à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) d'infirmer la décision du bureau de révision et de déclarer qu'il a droit au remboursement des prestations qui ont été versées alors que le travailleur était en assignation temporaire sur un poste à temps partiel, et ce, pour la période où il ne travaillait pas.
LES FAITS
Le 13 septembre 1988, le travailleur subit un accident du travail.
Le 25 avril 1989, la représentante de l'employeur demande au médecin traitant du travailleur, le Dr France Guillet, si elle peut procéder à une assignation temporaire.
Le 27 avril 1989, le Dr Guillet estime que le travailleur peut effectuer un retour au travail en assignation temporaire dans le cadre d'un travail léger. Elle ajoute qu'il peut bénéficier d'un retour au travail progressif à raison de trois demi-journées par semaine, à compter du 4 mai.
Le 11 mai, afin de faciliter une réintégration graduelle au travail et en accord avec le médecin traitant, la représentante de l'employeur avise la Commission qu'elle a procédé à une assignation temporaire avec un travail léger. Ainsi, à compter du 4 mai 1989, le travail s'effectuera durant une période de douze heures par semaine. Elle ajoute que les douze heures travaillées seront rémunérées à 100% par le ministère et l'autre période, soit 28 heures/semaine, sera rétribuée à 90% du salaire net par la Commission, tel que le prévoit la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001).
Le 28 juin 1989, la
Commission avise l'employeur qu'elle ne pourra verser des indemnités au
travailleur pour les heures où il n'est pas au travail. Elle ajoute que lors
de l'assignation temporaire, l'employeur doit donner au travailleur le salaire
et les avantages liés à l'emploi qu'il exerçait avant son accident, selon les
articles
L'employeur conteste cette décision le 14 juillet 1989.
A la même date, le travailleur reprend le même emploi qu'auparavant.
Le 8 février 1990, le bureau de révision confirme la décision de la Commission. C'est de cette décision que l'employeur en appelle devant la Commission d'appel.
Le travailleur a précisé qu'à titre d'agent de conservation de la faune, il effectuait un travail exigeant des efforts physiques. Toutefois, comme il était également chef de poste, il s'occupait aussi de la gestion du bureau. Lors de son assignation temporaire, il était affecté uniquement à la gestion et à quelques travaux d'enquête, n'exigeant aucun effort physique.
Mme Alice Massé, conseillère en gestion des ressources humaines chez l'employeur, s'est occupé du dossier du travailleur. Elle a, le 20 avril, contacté le médecin traitant du travailleur, le Dr Guillet, pour savoir si une assignation temporaire était possible. Le 27 avril, le Dr Guillet consentait à une assignation temporaire à un travail léger de bureau, à raison de trois demi-journées par semaine. Mme Massé précise à la Commission que 12 douzes heures par semaine seront payées par l'employeur et les autres, par la Commission. Elle souligne qu'une expérience semblable a déjà été effectuée en 1987 et 1988 laquelle avait été approuvée par la Commission.
ARGUMENTATION
L'avocate de
l'employeur souligne que celui-ci a respecté toutes les conditions énumérées à
l'article
L'avocate de la Commission
affirme que l'employeur ayant accepté une assignation temporaire, il est tenu
au versement du salaire, que l'assignation soit à temps partiel ou non. Elle
réfère à la décision Soucy et Gaudreau
L'avocate de l'employeur souligne que dans cette décision, on a uniquement étudié la question du droit aux avantages. Elle ajoute qu'il n'y a guère avantage pour l'employeur de procéder à une assignation temporaire si dans le cadre d'une assignation à temps partiel, l'employeur doit assumer la totalité des coûts.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La Commission d'appel doit déterminer si dans le cadre d'une assignation temporaire, l'employeur est tenu de verser 100% du salaire au travailleur même durant la période où il ne peut effectuer un travail.
L'article
L'article 180 ajoute:
180. L'employeur verse au travailleur qui fait le travail qu'il lui assigne temporairement le salaire et les avantages liés à l'emploi que ce travailleur occupait lorsque s'est manifestée sa lésion professionnelle et dont il bénéficierait s'il avait continué à l'exercer.
Il s'agit dans le présent cas de préciser la portée de l'article 180 dans le cas où une assignation temporaire est à temps partiel.
Il convient de rappeler que l'objectif de la loi, ainsi que le précise l'article 1, est la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour un travailleur. Cette loi met également en place un mécanisme visant à permettre au travailleur de réintégrer son emploi et si cet objectif ne peut être réalisé, d'exercer un emploi équivalent ou à défaut, un emploi convenable.
L'assignation temporaire est un des moyens mis en place pour faciliter la réintégration du travailleur même s'il demeure incapable d'exercer son emploi ou un emploi convenable, et même s'il n'est pas consolidé.
Ainsi, en attendant que le travailleur redevienne capable d'exercer son emploi, l'employeur peut assigner temporairement un travail à ce dernier.
Si le médecin qui a charge du travailleur estime qu'il peut raisonnablement accomplir un tel travail à temps partiel, l'employeur est-il alors tenu de payer au travailleur son salaire, même durant la période où il ne peut accomplir un travail?
Le travailleur est affecté à une assignation temporaire durant deux jours et demi. L'employeur doit-il lui verser 100% de sa rémunération pour une période de cinq jours ?
Si tel est le cas, quel est l'intérêt d'un employeur d'assigner temporairement un travail à un travailleur victime d'une lésion professionnelle lorsqu'un emploi à temps partiel est recommandé par son médecin ?
Ne peut-on prétendre
alors que durant la période où il ne peut effectuer une assignation temporaire,
le travailleur est alors incapable d'exercer son emploi en raison de cette
lésion et qu'il peut alors être indemnisé conformément à l'article
La Commission d'appel estime qu'une telle interprétation ne va pas à l'encontre des dispositions de l'article 180 et qu'elle est également conforme à l'esprit de la loi.
Lorsque le travailleur effectue le travail qui lui est assigné temporairement, l'employeur verse le salaire et les avantages liés à l'emploi que le travailleur occupait lorsque s'est manifestée la lésion. Par contre, lorsqu'il n'effectue pas le travail qui lui est assigné temporairement, parce que le médecin qui a charge du travailleur estime qu'il ne peut effectuer une assignation temporaire qu'à temps partiel, un travailleur a droit alors à l'indemnité de remplacement du revenu prévue à l'article 45.
L'article 180 vise à empêcher que le travaileur ne soit pénalisé au niveau de son salaire et de ses avantages qui étaient reliés parce qu'il accepte une assignation temporaire. Si le salaire versé dans l'emploi temporaire est moins élevé que celui dont avait droit le travailleur, c'est celui dont il bénéficiait au moment de la lésion qu'il a droit de recevoir.
L'article
L'article 180 prévoit d'ailleurs que l'employeur verse au travailleur qui fait le travail qu'il lui assigne temporairement, le salaire et les avantages liés à l'emploi qu'il occupait avant que ne se manifeste la lésion professionnelle. Lorsque le travailleur exécute un travail à temps partiel, on ne peut dire qu'il fait le travail qui lui est assigné temporairement les jours ou les heures qu'il ne travaille pas.
Il ne s'agit pas d'un cas où le travailleur est privé d'un salaire ou d'un avantage, mais d'une situation où le médecin qui a charge du travailleur impose une restriction à sa période de travail.
Le travailleur, pendant qu'il travaille en assignation temporaire, va percevoir de son employeur son salaire et retirer les avantages reliés à son emploi antérieur, mais non durant la période ou il ne peut effectuer son travail.
C'est alors la Commission qui devra effectuer le versement de l'indemnité de remplacement du revenu, parce qu'alors, le travailleur ne fait pas le travail qui lui est assigné temporairement et qu'il est redevenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion.
La Commission d'appel estime donc que l'employeur peut se faire rembourser par la Commission la partie non travaillée par le travailleur qui est en assignation temporaire sur un poste à temps partiel.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES
ACCUEILLE l'appel de l'employeur, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail doit rembourser à l'employeur la partie non travaillée par le travailleur qui a été en assignation temporaire sur un poste à temps partiel.
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Neuville Lacroix
commissaire
MINISTERE DE LA JUSTICE
(Me Isabelle Robitaille)
Direction des affaires juridiques
1200, Route de l'Eglise (2e)
Ste-Foy (Québec)
G1V 4M1
Représentante de la partie appelante
CHAYER, PANNETON & ASS.
(Me Lucie Rouleau)
25, boulevard Lafayette (5e)
Longueuil (Québec)
J4K 5B7
Représentante de la Commission
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.