Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Mauricie - 

Centre du Québec

Québec, le 17 janvier 2003

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

146389-04-0009-R

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Michèle Carignan

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Marcel Beaumont,

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Yvon Martel,

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

101956092

AUDIENCE TENUE LE :

17 mai 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Trois-Rivières

 

 

 

 

 

 

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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE PRÉSENTÉE EN VERTU DE L'ARTICLE 429 .56 DE LA LOI SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET LES MALADIES PROFESSIONNELLES (L.R.Q., chapitre A-3.001)

 

 

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RICHARD BADEAU

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DU MAY (1985) INC.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

[1]               Le 20 mars 2002, monsieur Richard Badeau (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête afin de faire réviser ou révoquer une décision rendue par cette instance le 4 février 2002.

[2]               Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles confirme une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 20 juin 2000 à la suite de la révision administrative et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 24 novembre 1999.

[3]               Seul le travailleur était présent à l’audience et représenté par un avocat.

 

L'OBJET DE LA REQUÊTE

[4]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision rendue par cette instance, le 4 février 2002 parce qu’il a été découvert un fait nouveau qui aurait pu entraîner une décision différente ou encore qu’il n’a pu être pleinement entendu à cause de la négligence de son avocat.  Sur le fond du litige, il demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a subi une lésion professionnelle le 24 novembre 1999 sous l’aspect d’une rechute, récidive ou aggravation.

 

LES FAITS

[5]               Le 9 janvier 1992, le travailleur s’inflige des douleurs au niveau lombaire lors d’un accident du travail.

[6]               Le 3 août 1992, le médecin l’opère et lui fait une fusion lombaire au niveau L2-L3.

[7]               Le 1er mars 1994, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) entérine une entente intervenue entre le travailleur et Du May (1985) inc. (l’employeur) selon laquelle le diagnostic de la lésion professionnelle est une entorse lombaire à l’origine d’une lombalgie ayant nécessité une chirurgie entraînant une atteinte permanente à l’intégrité physique de 21.6 % et des limitations fonctionnelles.

[8]               Le 29 novembre 1999, le travailleur produit une réclamation à la CSST pour faire reconnaître qu’il a subi une rechute, récidive ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale.  Il dépose une expertise médicale faite par le docteur Jarzem.  Celui-ci émet l’opinion que le travailleur présente une sténose spinale adjacente à la fusion lombaire. 

[9]               La CSST refuse cette réclamation et, à la suite de la révision administrative, cette décision est maintenue.  Le travailleur conteste cette décision à la Commission des lésions professionnelles.

[10]           La Commission des lésions professionnelles tient une première audience le 24 octobre 2001 lors de laquelle le travailleur est présent et représenté par un avocat.

[11]           Après avoir analysé l’ensemble de la preuve et après avoir reçu un avis unanime des membres recommandant de refuser la réclamation, la Commission des lésions professionnelles a conclut que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 24 novembre 1999.

[12]           Dans la décision que l’on veut faire réviser, la preuve médicale est rapportée de façon exhaustive.  La commissaire a fait une analyse minutieuse de l’ensemble de la preuve et elle a écarté de façon motivée l’opinion émise par le docteur Jarzem.  À ce sujet, la commissaire mentionne ce qui suit au paragraphe 70 de sa décision :

« Or, bien que le docteur Jarzem interprète une mesure de 85 mm2 comme étant une sténose du canal spinal, la Commission des lésions professionnelles ne peut faire abstraction de l’interprétation des résultats de la tomodensitométrie du 21 décembre 1999 par le radiologiste.  Pour les niveaux L3-L4 et L4-L5, ce dernier indique que le travailleur est porteur d’un canal limite sans toutefois qualifier cette condition de sténose.  Son analyse ne lui permet par de conclure à l’existence d’une sténose spinale. »

 

 

[13]           Au paragraphe 72 de la décision, la commissaire écrit :

« Également, la Commission des lésions professionnelles retient que l’électromyogramme du 10 décembre 1999 démontre un examen normal dans les territoires explorés au niveau du membre inférieur droit.  Sur ce point, le docteur Jarzem précise qu’un électromyogramme peut s’avérer négatif en présence d’une sténose spinale.  Toutefois, tenant compte des résultats de la tomodensitométrie du 21 décembre 1999 tels qu’interprétés par le radiologiste, la Commission des lésions professionnelles estime que l’électromyogramme peut alors corroborer l’absence d’une sténose spinale. »

 

 

[14]           Le 20 mars 2002, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision ou en révocation à l’encontre de la décision rendue par cette instance le 4 février 2002.  Le travailleur est alors représenté par un nouvel avocat.  Il joint à sa requête, un rapport de résonance magnétique qu’il a passé le 21 novembre 2001.  L’interprétation de cet examen radiologique se lit comme suit :


« (...)

 

CONCLUSION :

(...)

Fibrose avec rétraction postérieure des racines nerveuses vis-à-vis le site opératoire à L2-L3.

Sténose canalaire modérée à L3-L4 et légère à L4-L5.

Dégénérescence discale entre L3-L4 et L4-L5 avec pincement intervertébral et petite herniation discale sous-ligamentaire d’ordre millimétrique associée sans aucune compression. »

 

 

[15]           Le travailleur a témoigné à l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision.  Il déclare qu’il a mentionné à son premier avocat, avant la tenue de l’audience devant la Commission des lésions professionnelles, qu’il devait passer une résonance magnétique à la demande de son médecin mais il ne connaissait pas la date.  Son avocat ne lui a posé aucune question sur cet examen lors de l’audience.  La résonance magnétique a été réalisée le 21 novembre 2001 soit après la tenue de l’audience.  Lorsqu’il a reçu les résultats de cet examen, il a communiqué avec son avocat.  Celui-ci lui a dit « qu’il n’avait pas le temps de s’en occuper et que de toute façon, il était trop tard pour déposer ce rapport puisque le tribunal allait rendre sa décision ».  Le travailleur a fait faire des photocopies du compte rendu de la résonance magnétique et il en a envoyé une copie à la CSST.

L'AVIS DES MEMBRES

[16]           Le membre issu des associations d’employeurs estime que le rapport de résonance magnétique ne constitue pas un fait nouveau puisque ce rapport existait avant que la décision soit rendue et que le travailleur n’était pas dans l’impossibilité de le déposer au tribunal.  Si cela n’a pas été fait, même si c’est à cause du mauvais conseil de son avocat, cela ne constitue pas une cause suffisante qui justifie de révoquer la décision.  Il n’y a rien qui empêchait le travailleur de déposer lui-même ce rapport à la Commission des lésions professionnelles.

[17]           Quant au membre issu des associations syndicales, il estime que le rapport de résonance magnétique constitue un fait nouveau parce que l’examen n’avait pas encore été passé le jour de l’audience.  Il est vrai qu’aucune demande pour réouvrir le dossier n’a été faite par le travailleur.  Toutefois, celui-ci a effectué des démarches pour qu’on prenne connaissance de son rapport.  Il a, en effet, demandé à son avocat de déposer ce rapport à la Commission des lésions professionnelles mais celui-ci lui a dit qu’il était trop tard parce que le tribunal était en délibéré.  Il a toutefois envoyé une copie à la CSST.  Il s’agit, selon ce membre, d’un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente.

 


LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[18]           La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il a été démontré un motif permettant la révision ou la révocation de la décision rendue par cette instance le 4 février 2002.

[19]           L’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel.  Cependant, le législateur a prévu à l’article 429.56 que, la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue dans certains cas.  Cette disposition se lit comme suit :

429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1°  lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

2°  lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

3°  lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[20]           Au soutien de sa requête, le travailleur fait valoir que le rapport d’interprétation de la résonance magnétique constitue un fait nouveau et que s’il avait été connu en temps utile, il aurait pu entraîner une décision différente.  Il fait également valoir un manquement au droit d’être entendu à cause de l’erreur de son avocat qui aurait dû demander à la Commission des lésions professionnelles une réouverture d’enquête afin de déposer le rapport de résonance magnétique.

[21]           Dans la présente affaire, la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision estime que c’est plus en regard du 2e paragraphe du 1er alinéa de l’article 429.56 que du 1er paragraphe que la requête en révision ou révocation doit être analysée.

[22]           La Commission des lésions professionnelles écarte l’argument voulant que le rapport de résonance magnétique constitue un fait nouveau puisque ce rapport existait et était disponible avant que la Commission des lésions professionnelles rende sa décision.  S’il n’a pas été déposé au tribunal c’est en raison de la négligence de l’avocat du travailleur qui n’a pas voulu s’en occuper et qui a fourni une information erronée au travailleur voulant qu’il était trop tard pour déposer ce document au tribunal qui allait rendre sa décision.

[23]           Dans l’affaire Imbeault et SÉCAL[2], la Commission des lésions professionnelles mentionne que lorsque le 2ième paragraphe du 1er alinéa de l’article 429.56 est soulevé par une partie, il revient au tribunal d’apprécier la preuve et de décider si des raisons suffisantes ont été démontrées pour expliquer que la partie n’a pas pu se faire entendre.  Dans cette décision, le tribunal précise que les raisons invoquées doivent être sérieuses et qu’il ne doit pas y avoir eu négligence de la part de la partie qui prétend n’avoir pu se faire entendre.

[24]           Dans la présente affaire, le travailleur avait choisi d’être représenté par un avocat et il avait confiance en celui-ci.  À partir du moment où l’avocat lui a dit qu’il était trop tard pour déposer à la Commission des lésions professionnelles le rapport d’interprétation de la résonance magnétique, le travailleur a cru cette information et il ne l’a pas envoyée au tribunal.  Il l’a toutefois transmis à la CSST.  On ne peut donc pas reprocher au travailleur d’avoir été négligent dans le suivi de son dossier.

[25]           La preuve révèle que c’est à cause de la négligence de l’avocat du travailleur si le rapport de résonance magnétique n’a pas été déposé à la Commission des lésions professionnelles.  La soussignée constate que si l’avocat avait pris la peine de prendre connaissance du rapport d’interprétation de la résonance magnétique et d’en évaluer sa pertinence par rapport à l’objet en litige, qu’il aurait su qu’il devait demander une réouverture d’enquête afin de déposer ce document.

[26]           Compte tenu de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles estime que le travailleur n’a pas pu être pleinement entendu par le tribunal à cause de la négligence et de l’information erronée de son avocat.  Il s’agit-là d’une raison jugée suffisante au sens du 2e paragraphe du 1er alinéa de l’article 429.56 de la loi.

[27]           Compte tenu de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il a été démontré un motif donnant ouverture à la révocation de la décision rendue par cette instance le 4 février 2002.

[28]           La révocation d’une décision ayant pour effet de remettre les parties dans l’état où elles étaient avant que l’audience se soit tenue, les parties seront convoquées à une nouvelle audience qui sera tenue par la soussignée.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête en révocation déposée le 20 mars 2002 par monsieur Richard Badeau;

RÉVOQUE la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 4 février 2002;

AVISE les parties qu’elles seront convoquées de nouveau à une audience devant la soussignée à une date à être fixée ultérieurement afin qu’il soit disposé du fond du litige.

 

 

 

 

 

MICHÈLE CARIGNAN

 

Commissaire

 

 

 

LACOURSIÈRE, LEBRUN & ASS.

Me Bernard Vézina

 

Représentant de la partie requérante

 

 



[1]              L.R.Q., c. A-3.001

[2]              84137-02-9611, 99-09-24, M. Carignan.

AVIS :
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