Décision

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Natrel (St-Laurent) et Paquette

2007 QCCLP 620

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

27 janvier 2007

 

Région :

Lanaudière

 

Dossier :

274884-63-0511

 

Dossier CSST :

128036878

 

Commissaire :

Claude-André Ducharme

 

Membres :

Lorraine Patenaude, associations d’employeurs

 

Claude Breault, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Natrel (St-Laurent)

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Guillaume Paquette

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 3 novembre 2005, l'employeur, Natrel (St-Laurent), dĂ©pose Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles une requĂŞte par laquelle il conteste une dĂ©cision de la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail (la CSST) rendue le 21 octobre 2005 Ă  la suite d'une rĂ©vision administrative.

[2]                Par cette dĂ©cision, la CSST confirme celle qu'elle a initialement rendue le 4 aoĂ»t 2005 et dĂ©clare que monsieur Guillaume Paquette (le travailleur) a subi une lĂ©sion professionnelle le 16 juillet 2005.

[3]                La Commission des lĂ©sions professionnelles a tenu une audience Ă  Joliette le 23 novembre 2006 en prĂ©sence des parties et de leurs reprĂ©sentants.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                L'employeur demande Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles de dĂ©clarer que monsieur Paquette n'a pas subi une lĂ©sion professionnelle le 16 juillet 2005.

LES FAITS

[5]                Le tribunal retient les Ă©lĂ©ments suivants des documents contenus au dossier et des tĂ©moignages de monsieur Paquette, de son superviseur, monsieur Daniel QuĂ©villon, et du docteur Jean VĂ©zina.

[6]                Le 16 juillet 2005, monsieur Paquette, alors âgĂ© de 31 ans, occupe depuis trois mois et demi un emploi de prĂ©posĂ© Ă  l'expĂ©dition chez l'employeur. Il est affectĂ© au quart de nuit, soit de 23 h Ă  7 h. Ses tâches consistent Ă  prĂ©parer des commandes de produits laitiers destinĂ©s Ă  des magasins.

[7]                Les caisses de litres de lait sont entreposĂ©es en piles de cinq sur des palettes.  Il fait glisser une pile sur le transpalette avec lequel il prĂ©pare la commande en la tirant de sa main gauche avec un crochet qu'il accroche Ă  la caisse la plus basse et en agrippant de sa main droite la caisse la plus haute. Le poids d'une pile de cinq caisses est de 150 Ă  200 livres. La palette est au mĂŞme niveau que le transpalette. Deux photographies montrant monsieur Paquette en train de tirer une pile de caisses ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es en preuve. Lorsque la commande ne comporte qu'une seule caisse, il la prend avec ses mains.

[8]                Le 18 juillet 2005, monsieur Paquette prĂ©sente Ă  la CSST une rĂ©clamation pour faire reconnaĂ®tre une lĂ©sion professionnelle au dos qu'il dĂ©clare avoir subie Ă  la suite des Ă©vĂ©nements suivants survenus au cours de la nuit du 14 au 15 juillet et de celle du 15 au 16 juillet 2005 :

Tirais des caisses de lait douleur au dos le jeudi et lors du retour le vendredi dos barré durant le travaille entorse lombaire. [sic]

 

 

[9]                Le vendredi 16 juillet, monsieur Paquette quitte son travail avant la fin de son quart et il se rend Ă  l'HĂ´pital SacrĂ©-CĹ“ur de MontrĂ©al. L'infirmière qui l'accueille rapporte qu'il se plaint d'une douleur dorsolombaire importante et qu'il est incapable de s'asseoir et de rester en place. Il est examinĂ© par la docteure Magdalena Duniewicz. Cette dernière rapporte dans ses notes que « vers 0 h 30 en levant une grosse caisse, doul. lombaire aiguĂ« et a " barrĂ© " Â». Dans la description de son examen objectif, elle mentionne une douleur au niveau D10-D12 (vraisemblablement Ă  la palpation) et, Ă  l'aide de l'Ă©toile de Maigne, elle fait Ă©tat, par des traits, de limitations Ă  tous les mouvements de la colonne dorsolombaire. Elle diagnostique un dĂ©rangement intervertĂ©bral mineur (DIM) dorsal et prescrit un mĂ©dicament anti-inflammatoire et un arrĂŞt de travail jusqu'au 25 juillet.

[10]           Le 21 juillet 2005, Ă  la demande de l'employeur, monsieur Paquette retourne sur les lieux de son travail pour prendre les photographies qui ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es au dossier. Le mĂŞme jour, monsieur Valentin Leduc, qui est vraisemblablement la personne responsable des dossiers CSST chez l'employeur, remplit un rapport d'accident Ă  partir des informations que monsieur QuĂ©villon lui a transmises après avoir questionnĂ© monsieur Paquette. Il est indiquĂ© dans ce rapport que la partie du corps atteinte est le « dos cĂ´tĂ© gauche Â». Les Ă©vĂ©nements des 15 et 16 juillet sont dĂ©crits comme suit :

Vendredi le 15 juillet 2005, en tirant une pile de caisses « 5 caisses de haut Â», le salariĂ© a ressenti une douleur au dos. Aucun glissement. Les caisses n'ont pas accrochĂ©, aucun Ă©vĂ©nement imprĂ©vu et soudain. Le samedi 16 juillet 2005, il a commencĂ© Ă  23 h 00 et Ă  1 h 00 du matin il s'est penchĂ© et il a barrĂ©  Â»

 

 

[11]           Le 24 juillet 2005, le docteur Daniel MĂ©nard voit monsieur Paquette en relance. Il mentionne ce qui suit dans ses notes de consultation :

FA entorse dorsolombaire

Mal force = Natrel

Prepose commande

Rotation N

Penche

RAT le 25 juillet 05. [sic]

 

 

[12]           Dans le rapport mĂ©dical qu'il Ă©met Ă  l'attention de la CSST, il diagnostique une entorse dorsolombaire et il autorise le retour au travail le lendemain.

[13]           Monsieur Paquette reprend son travail le 25 juillet 2005 en soirĂ©e. Au cours de la journĂ©e, il est examinĂ© par le docteur Jean VĂ©zina Ă  la demande de l'employeur. Dans son expertise, ce mĂ©decin dĂ©crit comme suit l'historique de l'Ă©vĂ©nement :

J'aimerais d'emblée préciser qu'il n'y a dans ce dossier aucun événement de nature traumatique provenant d'une violence extérieure qui serait survenu le 16 juillet 2005.

 

En entrant au travail dans la nuit du 15 au 16 juillet 2005, Monsieur Paquette aurait avisé verbalement son supérieur qu'il avait déjà un malaise au dos. Monsieur Paquette attribuait ce malaise au fait qu'il avait, la veille, dans le cadre habituel de son travail de préparateur de commandes, ressenti une douleur au dos en tirant à deux mains vers lui une pile de caisses de lait.

 

Il a terminé son quart de travail et souligne qu'il aurait verbalement averti son supérieur de cet incident.

Samedi, le 16 juillet 205, vers 0.45 heures, en se penchant normalement pour aller soulever une caisse de lait, Monsieur Paquette indique qu'il a "barré" avec douleur dorsale basse avec par la suite de la difficulté à se relever d'une position fléchie.

 

Il a complĂ©tĂ© un rapport d'accident qu'il dĂ©crit de la façon suivante :

 

"En tirant sur une pile de caisses, vendredi le 15 juillet 2005, en tirant une pile de caisses, 5 caisses de haut, le salarié a ressenti une douleur au dos." (sic)

 

On ajoute sur le rapport d'incident qu'aucun glissement ne s'est produit, que les caisses n'ont pas accroché, qu'il n'y a aucun événement imprévu et soudain. On indique que le samedi 16 juillet 2005, il a commencé à 23 heures et à 1 heure du matin, il s'est penché et a barré.

 

 

[14]           Le docteur VĂ©zina conclut que son examen objectif est normal et il ne pose aucun diagnostic de lĂ©sion. En ce qui a trait Ă  la date de consolidation, il Ă©crit ce qui suit :

Sur le plan administratif, le 16 juillet 2005, en l'absence d'événement de nature traumatique provenant d'une violence extérieure. Il effectuait ses tâches habituelles et accomplissait des gestes prévisibles. Le seul élément d'imprévisibilité est l'allégation de l’apparition d'une douleur à l'exécution d'une tâche normale pour son emploi.

 

D'autre part, le diagnostic retenu par le médecin traitant n'est pas une blessure. Il fait état d'un DIM D10-D12. Or, le dérangement intervertébral mineur (DIM) est un concept qui tente d'expliquer des douleurs d'origine rachidienne, en l'absence de lésion objectivée.

 

Sur le plan médical, je fixe la date de consolidation au 25 juillet 2005.

 

 

[15]           Le 27 juillet 2005, l'agente d'indemnisation responsable du traitement de la rĂ©clamation de monsieur Paquette rapporte les explications suivantes de ce dernier :

Tire sur une pile de caisse de lait 5 de haut pour le transférer sur mon transpalette, en tirant la pile que j'ai senti une douleur au dos c'est la première fois que sa m'arrive! [sic]

 

 

[16]           Le 5 aoĂ»t 2005, la CSST accepte la rĂ©clamation de monsieur Paquette pour le DIM dorsal et elle dĂ©cide qu'il a subi une lĂ©sion professionnelle le 16 juillet 2005. L'employeur demande la rĂ©vision de cette dĂ©cision.

[17]           Le 28 aoĂ»t 2005, le docteur Jean-Jacques Barbeau Ă©met un rapport final dans lequel il fait Ă©tat du diagnostic de DIM lombaire. Il Ă©tablit la date de la consolidation de la lĂ©sion au 25 juillet 2005 et il indique qu'elle n'a pas entraĂ®nĂ© d'atteinte permanente Ă  l'intĂ©gritĂ© physique ni de limitations fonctionnelles. Dans sa note de consultation, il mentionne que monsieur Paquette a besoin d'un rapport final.

[18]           Le 21 octobre 2005, Ă  la suite d'une rĂ©vision administrative, la CSST confirme la dĂ©cision qu'elle a rendue le 21 octobre 2005. Dans son rĂ©sumĂ© des faits, la rĂ©viseure mentionne, Ă  partir des explications que lui a fournies monsieur Paquette, que le 15 juillet 2005, pour attĂ©nuer la douleur qu'il a ressentie en tirant la pile de caisses de litres de lait, il s'est frottĂ© avec une crème analgĂ©sique. Elle estime que le diagnostic tel que prĂ©cisĂ© par le docteur MĂ©nard est une entorse dorsolombaire et elle conclut Ă  la survenance d'une lĂ©sion professionnelle par application de la prĂ©somption prĂ©vue Ă  l'article 28 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). L'employeur conteste cette dĂ©cision, d'oĂą l'objet du prĂ©sent litige.

[19]           Lors de son tĂ©moignage, monsieur Paquette explique que le premier Ă©vĂ©nement du 15 juillet 2005 est survenu vers 3 h ou 4 h du matin. Il dĂ©clare qu'il a ressenti une douleur au dos lorsque la pile qu'il tirait a accrochĂ© un clou. Il prĂ©cise qu'il est frĂ©quent que des caisses bloquent Ă  cause de bouts de bois et surtout de clous. Croyant que la douleur passerait, il a continuĂ© son travail jusqu'Ă  la fin de son quart en ressentant toujours de la douleur au dos. Il a quittĂ© les lieux sans parler Ă  quiconque de l'incident parce qu'il ne connaissait pas la politique de dĂ©claration d'accident chez l'employeur et surtout, parce qu'il n'avait qu'une douleur au dos. De retour chez lui, il a pris des comprimĂ©s de Robaxacet.

[20]           Le mĂŞme jour, Ă  son arrivĂ©e au travail Ă  23 h, il ressentait encore de la douleur au dos et il a dit Ă  son superviseur, monsieur QuĂ©villon, qu'il ne savait pas s'il pourrait terminer son quart. Il ne se rappelle pas s'il lui a dĂ©crit les circonstances dans lesquelles cette douleur s'Ă©tait manifestĂ©e la veille et il ne se souvient pas si son superviseur lui a posĂ© des questions Ă  ce sujet.

[21]           Vers 2 h 00 du matin (le 16 juillet), il Ă©tait en train de mettre des litres de lait dans une caisse vide, en Ă©tant accroupi. Lorsqu'il a voulu se relever, il a Ă©tĂ© incapable de le faire parce que son dos a « barrĂ© Â» au mĂŞme site douloureux que la veille. Il a demandĂ© de l'aide. Par la suite, il Ă©prouvait de la difficultĂ© Ă  marcher. Il a quittĂ© son travail après avoir dĂ©clarĂ© l'incident de la veille Ă  monsieur QuĂ©villon et il s'est rendu Ă  l'hĂ´pital avec son automobile. Il a eu de la difficultĂ© Ă  rester assis et debout pendant trois jours. Le 24 juillet, il allait beaucoup mieux.

[22]           ConfrontĂ© au fait que le docteur VĂ©zina indique dans son expertise que c'est en se penchant que son dos a « barrĂ© Â», monsieur Paquette croit lui avoir expliquĂ© que c'est en se relevant. Après avoir Ă©tĂ© mis au courant de la description de l'Ă©vĂ©nement que la docteure Duniewicz rapporte dans ses notes de consultation du 16 juillet, il maintient que c'est probablement en se relevant que son dos a « barrĂ© Â».

[23]           De plus, monsieur Paquette explique avoir indiquĂ© Ă  monsieur QuĂ©villon que le 15 juillet, la pile de caisses de litres de lait a accrochĂ© un clou lorsqu'il la tirait et il pense avoir dit la mĂŞme chose Ă  l'agente de l'indemnisation et Ă  la rĂ©viseure.

[24]           ConfrontĂ© Ă©galement au fait qu'il a mentionnĂ© Ă  la rĂ©viseure qu'il s'Ă©tait frottĂ© avec une crème analgĂ©sique Ă  son retour Ă  la maison le 15 juillet alors qu'Ă  l'audience, il dit avoir pris des comprimĂ©s de Robaxacet, monsieur Paquette explique que sa conjointe qui est infirmière lui a peut-ĂŞtre appliquĂ© une crème analgĂ©sique ce jour-lĂ , mais qu'il ne se souvient pas très bien de tout cela.

[25]           Enfin, monsieur Paquette affirme qu'il n'avait jamais vraiment connu de problème au dos avant l'Ă©vĂ©nement du 15 juillet 2005. Tout au plus, il pouvait ressentir une fatigue qu'il impute au fait que c'Ă©tait la première fois qu'il exerçait un travail qui Ă©tait aussi exigeant physiquement.

[26]           Lors de son tĂ©moignage, monsieur QuĂ©villon explique que le 15 juillet 2005, vers 6 h 30 min du matin, il a vu monsieur Paquette en train de faire des contorsions et il lui a demandĂ© s'il faisait du yoga. Ce dernier lui a rĂ©pondu qu'il a ressenti une douleur (un point) au dos en tirant une pile de caisses de litres de lait au cours de la nuit. En rĂ©ponse Ă  une question qu'il lui a posĂ©e, il a prĂ©cisĂ© qu'il ne s'Ă©tait rien passĂ© « de spĂ©cial Â». Il ne lui a pas dit que la pile a accrochĂ© un clou lorsqu'il la tirait.

[27]           En arrivant au travail le 16 juillet, monsieur Paquette l'a avisĂ© qu'il avait un point dans le dos et un peu plus tard au cours de la nuit, il l'a informĂ© que son dos avait « barrĂ© Â» en se penchant pour prendre une caisse.

[28]           Monsieur QuĂ©villon explique que les blessures les plus frĂ©quentes chez les prĂ©parateurs de commandes consistent en des maux d'Ă©paules, de coudes ou de dos. Enfin, il convient qu'il peut arriver que des piles de caisses de litres de lait accrochent des clous de palettes.

[29]           Au cours de son tĂ©moignage, le docteur VĂ©zina reprend les principaux Ă©lĂ©ments de son expertise et notamment, la description des Ă©vĂ©nements que lui a donnĂ©e monsieur Paquette. Il affirme que celui-ci ne lui a pas mentionnĂ© que la pile de caisses de litres de lait avait accrochĂ© un clou et qu'il lui a dit que le 16 juillet, c'est en se penchant que son dos avait « barrĂ© Â» et non en se relavant avec la caisse.

[30]           Il rĂ©itère que le dĂ©rangement intervertĂ©bral mineur est un concept qui tente d'expliquer une douleur d'origine rachidienne lorsqu’aucune lĂ©sion ne peut ĂŞtre objectivĂ©e et qu'il s'agit d'une Ă©cole de pensĂ©e qui est rejetĂ©e par plusieurs mĂ©decins. Pour lui, ce concept ne dĂ©crit pas une blessure ni une lĂ©sion.

[31]           Il reconnaĂ®t que le dĂ©rangement intervertĂ©bral mineur est parfois associĂ© Ă  une entorse, mais il rappelle la dĂ©finition d'une entorse, voulant qu'il s'agisse d'une lĂ©sion traumatique douloureuse qui provient de la distension violente d'une articulation, avec ou sans arrachement ligamentaire.

[32]           Il explique qu'une entorse dorsolombaire implique un mouvement de torsion au niveau du pivot dorsolombaire et il estime que les Ă©vĂ©nements rapportĂ©s par monsieur Paquette ne comportent pas de mouvements susceptibles de causer une entorse. Il considère que le fait de se relever de la position penchĂ©e n'implique pas de sollicitation qui va au-delĂ  des capacitĂ©s physiologiques.

[33]           Le docteur VĂ©zina ne comprend pas pourquoi dans son rapport mĂ©dical du 24 juillet 2005, le docteur MĂ©nard pose le diagnostic d'entorse dorsolombaire. Selon lui, compte tenu que son examen Ă©tait normal, il aurait dĂ» indiquer « examen normal Â» comme diagnostic. Il trouve incompatible le fait que ce mĂ©decin ait diagnostiquĂ© une entorse dorsolombaire le 24 juillet et autorisĂ© le retour au travail pour le lendemain 25 juillet.

[34]           Commentant l'Ă©toile de Maigne reproduite par la docteure Duniewicz dans ses notes de consultation du 16 juillet, il explique qu'il s'agit d'une façon de reprĂ©senter les douleurs et les ankyloses affectant la colonne dorsolombaire et que normalement, les traits rĂ©fèrent Ă  des limitations de mouvements et les « x Â» Ă  des douleurs.

[35]           Compte tenu qu'il ne connaĂ®t pas la signification que la docteure Duniewicz attribue aux traits, il n'est pas en mesure de savoir si, par ceux qu'elle a tracĂ©s sur le schĂ©ma, elle dĂ©crit des limitations d'amplitude articulaire ou des douleurs. Comme il est question d'une douleur au niveau D11-D12, il estime qu'elle rĂ©fère probablement Ă  des douleurs. Il explique que s'il s'agit de limitations de mouvements, cela traduirait une souffrance segmentaire.

[36]           Il convient qu'il est possible que monsieur Paquette se soit blessĂ© en tirant la pile de caisses de litres de lait, mais il estime que cela est peu probable parce qu'il effectuait son travail normal.

[37]           Le docteur VĂ©zina ne modifie pas son opinion, lorsque confrontĂ© au fait que monsieur Paquette tirait la caisse de sa main gauche et que la douleur qu'il a ressentie au dos Ă©tait Ă  gauche. Il considère que le mouvement qu'il a effectuĂ© n'implique pas une sollicitation excessive parce qu'il ne comporte qu'une lĂ©gère flexion antĂ©rieure et une lĂ©gère rotation vers la droite.

[38]           Il estime que si monsieur Paquette avait subi une entorse dorsolombaire sĂ©vère le 15 juillet, il n'aurait pas Ă©tĂ© capable de travailler le lendemain. Après s'ĂŞtre fait rappeler que la lĂ©sion n'a entraĂ®nĂ© qu'un arrĂŞt de travail de quelques jours, il convient qu'elle n'Ă©tait pas très sĂ©vère et que monsieur Paquette demeurait capable de travailler le 16 juillet. Il s'agit selon lui d'une situation qui se rencontre frĂ©quemment.

[39]           Monsieur Paquette a dĂ©posĂ© en preuve un extrait de l'ouvrage de Dupuis-Leclaire[2] portant sur le dĂ©rangement intervertĂ©bral mineur dans lequel on peut y lire ce qui suit :

Si le D.I.M. représente bien une réalité clinique - renforcée par l'existence de manifestations «cellulo-téno-périosto-myalgiques» dans le territoire métamérique correspondant - nous sommes réduits aux hypothèses en ce qui concerne sa nature et son mécanisme. Deux hypothèses sont possibles, l'une mécanique, l'autre réflexe, l'une n'excluant d'ailleurs pas l'autre.

 

Dans tous les cas, le D.I.M. est la conséquence d'une sollicitation excessive du segment en cause: traumatisme, effort, mouvement raté, mauvaises habitudes posturales ou troubles statiques mal compensés qui retentissent en excès sur le segment. On peut ainsi assimiler le D.I.M. à une entorse aiguë ou chronique du segment vertébral qui aurait la particularité d'être habituellement réversible par un mouvement forcé fait dans une direction donnée, alors que le mouvement inverse l'aggrave.

 

 

L’AVIS DES MEMBRES

[40]           La membre issue des associations d'employeurs est d'avis que la requĂŞte doit ĂŞtre rejetĂ©e. Elle retient que le diagnostic de la lĂ©sion subie par monsieur Paquette est un dĂ©rangement intervertĂ©bral mineur dorsal et que la preuve Ă©tablit que cette lĂ©sion rĂ©sulte de l'effort qu'il a effectuĂ© pour tirer la pile de caisses de litres de lait. Compte tenu du poids de cette pile, elle considère que l'effort qu'il a effectuĂ© est assimilable Ă  un Ă©vĂ©nement imprĂ©vu et soudain et que monsieur Paquette a Ă©tĂ© victime d'un accident du travail.

[41]           Le membre issu des associations syndicales est Ă©galement d'avis que la requĂŞte doit ĂŞtre rejetĂ©e. Il retient Ă©galement le diagnostic de dĂ©rangement intervertĂ©bral mineur dorsal et il considère que monsieur Paquette peut bĂ©nĂ©ficier de la prĂ©somption de l'article 28 de la loi. Il estime de plus qu'en raison de l'effort effectuĂ© pour tirer la pile de caisses de litres de lait, la preuve Ă©tablit Ă©galement la survenance d'un accident du travail au sens de l'article 2 de la loi.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[42]           La Commission des lĂ©sions professionnelles doit dĂ©cider si monsieur Paquette a subi une lĂ©sion professionnelle le 16 juillet 2005.

[43]           L'article 2 de la loi dĂ©finit la lĂ©sion professionnelle comme suit :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[44]           Monsieur Paquette prĂ©tend que sa lĂ©sion rĂ©sulte d'un accident du travail et il ne soumet pas qu'il s'agit d'une maladie professionnelle. Dans ce contexte, il n'y a donc pas lieu d'examiner cette dernière hypothèse.

[45]           En matière d'accident du travail, l'article 28 de la loi prĂ©voit une prĂ©somption qui est Ă©noncĂ©e dans les termes suivants :

28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 28.

 

 

[46]           Ă€ dĂ©faut de pouvoir recourir Ă  cette prĂ©somption, le travailleur doit Ă©tablir que les conditions prĂ©vues Ă  la dĂ©finition de l'accident du travail prĂ©vue Ă  l'article 2 de la loi sont satisfaites. Cette dĂ©finition se lit comme suit :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[47]           Le reprĂ©sentant de l'employeur prĂ©tend que l'examen du docteur MĂ©nard ne supporte pas le diagnostic d'entorse dorsolombaire qu'il pose. Il rappelle que la docteure Duniewicz rapporte une douleur dorsale D11-D12 et qu'elle diagnostique un dĂ©rangement intervertĂ©bral mineur dorsal. Il estime que c'est ce diagnostic qui doit ĂŞtre retenu.

[48]           En rĂ©fĂ©rant Ă  la jurisprudence[3], il soumet que la prĂ©somption de l'article 28 de la loi ne peut pas s'appliquer dans le cas d'un dĂ©rangement intervertĂ©bral mineur parce qu'il ne s'agit pas d'une blessure.

[49]           Il prĂ©tend de plus que monsieur Paquette n'a pas dĂ©montrĂ© que sa lĂ©sion rĂ©sulte d'un accident du travail au sens de l'article 2 de la loi.

[50]           Ă€ cet Ă©gard, il soumet que mĂŞme si le travail de ce dernier comportait des exigences physiques, il demeure qu'il effectuait son travail habituel et qu'il n'est survenu aucun Ă©vĂ©nement imprĂ©vu et soudain les 15 et 16 juillet 2005.

[51]           Il considère que l'histoire du clou n'est pas crĂ©dible parce que monsieur Paquette donne cette version pour la première fois Ă  l'audience. Il estime de plus que d'autres Ă©lĂ©ments remettent en cause la crĂ©dibilitĂ© de ses dĂ©clarations. Il fait rĂ©fĂ©rence au fait que lors de son tĂ©moignage, monsieur Paquette dit ne pas avoir dĂ©clarĂ© l'Ă©vĂ©nement du 15 juillet ce soir-lĂ  alors qu'il en a informĂ© son superviseur, au fait qu'il dit avoir pris des Robaxacet alors qu'Ă  la rĂ©viseure, il a expliquĂ© s'ĂŞtre frottĂ© avec une crème analgĂ©sique et au fait qu'il dit que c'est en se relevant qu'il a ressenti une douleur au dos le 16 juillet alors que dans ses premières dĂ©clarations, il indique que c'est en se penchant.

[52]           Par ailleurs, le reprĂ©sentant de l'employeur prĂ©tend que la preuve dĂ©montre qu'il n'existe pas de relation entre les gestes effectuĂ©s les 15 et 16 juillet et la lĂ©sion diagnostiquĂ©e et ce, qu'il s'agisse d'une entorse dorsolombaire ou d'un dĂ©rangement intervertĂ©bral mineur. Il rappelle Ă  ce sujet l'opinion du docteur VĂ©zina, voulant que le fait de tirer la pile de caisses de litres de lait ou de se pencher n'implique pas la jonction dorsolombaire et ne comporte pas une sollicitation excessive.

[53]           Dans cette perspective, il soumet que la prĂ©somption de l'article 28 est renversĂ©e dans l'hypothèse oĂą le tribunal en viendrait Ă  la conclusion qu'elle est applicable.

[54]           Pour sa part, le reprĂ©sentant de monsieur Paquette rappelle que ce dernier effectue un travail qui est exigeant physiquement et que les blessures les plus frĂ©quentes des employĂ©s qui l'exercent concernent les Ă©paules, les coudes et le dos.


[55]           En rĂ©fĂ©rant Ă  la jurisprudence[4] et Ă  l'extrait de l'ouvrage de Dupuis-Leclaire dĂ©posĂ© en preuve au dossier[5], il prĂ©tend qu'un dĂ©rangement intervertĂ©bral mineur peut ĂŞtre considĂ©rĂ© comme une blessure.

[56]           Il soumet qu'il n'y a aucune preuve d'une pathologie prĂ©existante pouvant expliquer le dĂ©rangement intervertĂ©bral mineur dorsal que monsieur Paquette a subi et il rappelle que le docteur VĂ©zina reconnaĂ®t que le mouvement effectuĂ© pour tirer la pile de caisses de litres de lait comporte un lĂ©ger mouvement de rotation. Il estime qu'il existe des faits prĂ©cis et concordants qui permettent de retenir que monsieur Paquette s'est blessĂ© lors de l'accomplissement de cette tâche.

[57]           Il demande de ne pas accorder d'importance Ă  l'histoire du clou en soumettant que monsieur Paquette n'en a peut-ĂŞtre pas parlĂ© parce qu'il arrive souvent que des piles accrochent dans des clous de palette.

[58]           Après considĂ©ration de la preuve au dossier, des arguments soumis par les reprĂ©sentants des parties et de la jurisprudence, la Commission des lĂ©sions professionnelles en vient aux conclusions suivantes.

[59]           En premier lieu, le tribunal estime que la prĂ©tention du reprĂ©sentant de l'employeur concernant le diagnostic est bien fondĂ©e.

[60]           Trois diagnostics diffĂ©rents ont Ă©tĂ© posĂ©s. La docteure Duniewicz a diagnostiquĂ© un dĂ©rangement intervertĂ©bral dorsal, le docteur MĂ©nard une entorse dorsolombaire et le docteur Barbeau un dĂ©rangement intervertĂ©bral mineur lombaire.

[61]           Ces trois diagnostics ne sont pas nĂ©cessairement inconciliables, mais compte tenu que la docteure Duniewicz est le seul mĂ©decin Ă  avoir examinĂ© monsieur Paquette alors qu'il Ă©tait symptomatique et que son examen l'a amenĂ©e Ă  poser le diagnostic de dĂ©rangement intervertĂ©bral mineur dorsal, c'est ce diagnostic qui doit ĂŞtre considĂ©rĂ© comme Ă©tant celui posĂ© par le mĂ©decin qui a charge au sens de l'article 224 de la loi.

[62]           En ce qui a trait maintenant Ă  l'application de la prĂ©somption de l'article 28 de la loi, rappelons qu'une des conditions d'application de cette prĂ©somption exige que le travailleur ait subi une blessure.

[63]           La question de savoir si le dĂ©rangement intervertĂ©bral mineur constitue ou non une blessure demeure controversĂ©e en jurisprudence. Comme en tĂ©moignent les dĂ©cisions dĂ©posĂ©es par les reprĂ©sentants des parties, si dans certains cas, on considère qu'il ne s'agit pas d'une blessure, dans d'autres, on dĂ©cide le contraire.

[64]           Une autre approche qui est suivie dans plusieurs dĂ©cisions[6] veut que le dĂ©rangement intervertĂ©bral mineur ne rĂ©fère pas d'emblĂ©e Ă  une blessure, comme c'est le cas par exemple d'une entorse, mais qu'il puisse en constituer une Ă  l'analyse de l'ensemble des faits du dossier. La Commission des lĂ©sions professionnelles expose Ă  ce sujet ce qui suit dans la dĂ©cision Turcotte et C.H.S.L.D. du Centre Mauricie[7] :

La notion de blessure n’est pas définie à la Loi.  Au cours des années, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et la Commission des lésions professionnelles ont référé aux définitions des dictionnaires usuels afin de mieux cerner cette notion.  De façon générale, on retient qu’une blessure constitue une lésion aux tissus vivants provoquée par un agent vulnérant extérieur qui entraîne une perturbation dans la texture des organes ou une modification dans la structure normale d’une partie de l’organisme.

 

Le libellé du diagnostic revêt donc toute son importance.  Certains diagnostics expriment clairement l’existence d’une blessure.  Il en va autrement pour d’autres diagnostics traduisant davantage la présence de symptômes et de douleurs que l’identification objective d’une blessure.  Le cas échéant, on laisse notamment place à la subjectivité.  Les vocables dérangement intervertébral mineur interscapulaire ou douleurs musculo-squelettiques en sont des exemples éloquents.

 

Toutefois, la Commission des lésions professionnelles tient à souligner qu’il faut se garder d’écarter systématiquement l’application de la présomption uniquement en fonction du libellé du diagnostic retenu, sans aucune autre analyse.  Dans ce genre de situation, la Commission des lésions professionnelles croit nécessaire d’aller au-delà du diagnostic et d’analyser l’ensemble des faits.  Cet exercice peut permettre de préciser le diagnostic retenu et ainsi objectiver une blessure, le cas échéant.

 

 

[65]           Cette approche amène le tribunal Ă  retenir que le dĂ©rangement intervertĂ©bral mineur dorsal que monsieur Paquette a subi constitue une blessure, et ce, pour les raisons suivantes.

[66]           Au prĂ©alable, il convient d'Ă©carter l'argument du reprĂ©sentant de l'employeur voulant que monsieur Paquette ne soit pas crĂ©dible. Il est vrai que certaines affirmations que ce dernier a faites lors de son tĂ©moignage, notamment l'histoire du clou, ne sont pas supportĂ©es par ses dĂ©clarations antĂ©rieures.

[67]           Toutefois, si ces affirmations n'apparaissent pas fiables, le tribunal retient des explications de monsieur Paquette que cette situation est imputable Ă  des oublis et non Ă  un manque de crĂ©dibilitĂ©. En effet, quel intĂ©rĂŞt aurait monsieur Paquette Ă  cacher le fait qu'il a avisĂ© son superviseur de l'Ă©vĂ©nement le 15 juillet en quittant son travail ce soir-lĂ  alors qu'une telle dĂ©claration est dans son intĂ©rĂŞt? Le tribunal n'a jamais eu l'impression, en Ă©coutant le tĂ©moignage de monsieur Paquette, que ce dernier n'Ă©tait pas crĂ©dible.

[68]           Cela dit, si l'histoire du clou ne peut pas ĂŞtre retenue parce que les affirmations de monsieur Paquette Ă  ce sujet ne sont pas corroborĂ©es par une preuve contemporaine, il demeure que la preuve prĂ©pondĂ©rante Ă©tablit que la douleur qu'il a ressentie Ă  la rĂ©gion dorsale gauche s'est manifestĂ©e alors qu'il tirait de sa main gauche une pile de caisses de litres de lait pesant plus de 150 livres.

[69]           Le docteur VĂ©zina reconnaĂ®t qu'il est possible que monsieur Paquette se soit blessĂ© en effectuant ce geste, mais il estime que cela n'est pas probable. Son opinion n'est toutefois pas très convaincante, surtout qu'il la motive par le fait que monsieur Paquette exerçait son travail habituel, comme s'il Ă©tait impossible de se blesser en exerçant une activitĂ© que l'on accomplit habituellement. Par ailleurs, lorsqu'il invoque l'absence de sollicitation excessive pour supporter son opinion, il ne semble pas tenir compte du fait que monsieur Paquette tirait un poids de plus de 150 livres sur une palette de bois. Le fait que ce dernier n'ait pas effectuĂ© un mouvement significatif de torsion au niveau du pivot dorsolombaire est plus ou moins dĂ©terminant puisque, selon ce mĂ©decin, il s'agit du mĂ©canisme de production d'une entorse dorsolombaire alors que ce n'est pas le diagnostic retenu. Enfin, le docteur VĂ©zina convient que la position adoptĂ©e par monsieur Paquette sur les photographies qui ont Ă©tĂ© dĂ©posĂ©es en preuve, comporte une certaine rotation de la colonne dorsolombaire.

[70]           Les circonstances dans lesquelles la douleur s'est manifestĂ©e apparaissent ainsi très compatibles avec la production d'une blessure Ă  la rĂ©gion dorsale, surtout dans le contexte oĂą il n'y a aucune preuve d'une pathologie prĂ©existante qui puisse expliquer la manifestation de cette douleur.

[71]           Il importe peu de dĂ©terminer prĂ©cisĂ©ment si, au cours de la nuit du 16 juillet, le dos de monsieur Paquette a « barrĂ© Â» en se penchant ou en se relevant avec une caisse. Compte tenu que la douleur Ă©tait localisĂ©e au mĂŞme site que la veille, il faut plutĂ´t retenir qu'en effectuant ce geste, il a aggravĂ© la lĂ©sion qu'il a subie au cours de la nuit du 15 juillet.

[72]           Un autre Ă©lĂ©ment de la preuve qui permet de retenir que monsieur Paquette a subi une blessure, c'est le fait que l'examen de la docteure Duniewicz comporte des signes objectifs d'une lĂ©sion. Le tribunal fait rĂ©fĂ©rence Ă  la douleur D11-D12 provoquĂ©e par la palpation dont fait Ă©tat ce mĂ©decin dans ses notes de consultation ainsi que les limitations d'amplitude articulaire Ă  tous les mouvements de la colonne dorsolombaire lesquelles, comme l'indique le docteur VĂ©zina, traduisent une souffrance segmentaire.

[73]           Ă€ cet Ă©gard, le tĂ©moignage du docteur VĂ©zina sur le schĂ©ma de l'Ă©toile de Maigne de la docteure Duniewicz est apparu au tribunal pour le moins surprenant.

[74]           En effet, après avoir expliquĂ© que les traits apposĂ©s sur l'Ă©toile de Maigne sont censĂ©s reprĂ©senter des limitations d'amplitude articulaire et que les « x Â» rĂ©fèrent Ă  des douleurs, le docteur VĂ©zina estime ne pas ĂŞtre en mesure d'interprĂ©ter le schĂ©ma de la docteure Duniewicz, sous prĂ©texte qu'il ne sait pas si pour ce mĂ©decin, les traits correspondent Ă  des limitations de mouvements ou Ă  des douleurs alors qu'il n'y a aucune raison qui permet de penser que la docteure Duniewicz n'a pas respectĂ© les pratiques en ce domaine.

[75]           On est en droit de se demander si une telle approche ne tĂ©moigne pas d'un certain parti pris de la part de ce mĂ©decin, ce qui affecte inĂ©vitablement la force probante de son opinion.

[76]           Après analyse, la Commission des lĂ©sions professionnelles en vient donc Ă  la conclusion que la preuve prĂ©pondĂ©rante dĂ©montre que le dĂ©rangement intervertĂ©bral mineur dorsal subi par monsieur Paquette constitue une blessure et dans ce contexte, que la prĂ©somption de l'article 28 de la loi doit recevoir application puisque les autres conditions d'application de cette prĂ©somption sont satisfaites.

[77]           Pour les raisons mentionnĂ©es prĂ©cĂ©demment et parce qu'elle apparaĂ®t beaucoup trop thĂ©orique et sans nuances, le tribunal estime que l'opinion du docteur VĂ©zina n'a pas pour effet d'Ă©tablir qu'il n'existe aucune relation entre la lĂ©sion subie par monsieur Paquette et les Ă©vĂ©nements qu'il a dĂ©crits et par consĂ©quent, que l'employeur n'a pas renversĂ© la prĂ©somption de l'article 28.

[78]           Par ailleurs, le tribunal tient Ă  prĂ©ciser que mĂŞme s'il avait retenu que la prĂ©somption de l'article 28 ne pouvait pas s'appliquer, il en serait venu Ă  la conclusion que monsieur Paquette a subi une lĂ©sion professionnelle.

[79]           En effet, compte tenu du poids de la pile de caisses de litres de lait qu'il tirait lorsque la douleur dorsale s'est manifestĂ©e, l'effort qu'il a effectuĂ© est assimilable Ă  la notion d'Ă©vĂ©nement imprĂ©vu et soudain de telle sorte que la preuve Ă©tablit la survenance d'un accident du travail au sens de l'article 2 de la loi.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requĂŞte de l'employeur, Natrel (St-Laurent);

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 21 octobre 2005 à la suite d'une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur Guillaume Paquette a subi une lĂ©sion professionnelle le 16 juillet 2005.

 

 

__________________________________

 

Claude-André Ducharme

 

Commissaire

 

 

 

 

Me Lukasz Granosik

OGILVY RENAULT

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Daniel Thimineur

TEAMSTERS QUÉBEC (C.C. 91)

Représentant de la partie intéressée

 

 

 



[1]           L.R.Q. c. A-3.001.

[2]           Michel DUPUIS et Richard LECLAIRE Pathologie médicale de l'appareil locomoteur, St-Hyacinthe, Edisem, Paris, Maloine, 1986, p. 149-151.

[3]           Roy et Produits nautiques Altra inc., C.L.P. 136404-04B-0004, 4 février 2002, A. Gauthier; Champagne et Société Immobilière du Québec, C.L.P. 267674-72-0507, 1er novembre 2005, M.-H. Côté.

[4]           Groupe ParĂ© Brossel ltĂ©e (faillite) et Alain, C.L.P. 223406-03B-0312, 28 juillet 2004, R. Jolicoeur; Laganière et Château Marbre et Granit, C.L.P. 255526-71-0502-C, 16 septembre 2005, M. Cuddihy.

[5]           Précité, note 2.

[6]           Fortin et Écolo palettes inc., C.L.P. 134335-64-0003, 2000-11-15, J.F. Martel; Bergeron et Ministère des Transports du Québec, C.L.P. 146423-72-0009, 8 mai 2001, C.-A. Ducharme; Gauthier et Alimentation Demers & Bellefeuille inc., C.L.P. 155539-61-0102, 6 février 2002, L. Nadeau; Léveillé et Paysages Richard, C.L.P. 267106-04B-0507, 29 mai 2006, J.-F. Clément; Casavant et Olymel (Magog) - Siège Social, C.L.P. 282628-05-0602, 18 septembre 2006, F. Ranger.

[7]           C.L.P. 123275-04-9909, 13 septembre 2000, S. Sénéchal.

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Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.