DÉCISION
[1] Le 11 janvier 2000, madame Aliette Landry (la travailleuse) présente une requête en révision de la décision du 25 novembre 1999 de la Commission des lésions professionnelles.
[2] La Commission des lésions professionnelles rejetait la contestation de madame Aliette Landry et déclarait qu’elle confirmait la décision du 2 juin 1999 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), qui déclarait que la travailleuse n’avait pas subi de lésion professionnelle, le 4 août 1997, et que celle-ci n’était pas incapable d’exercer son emploi en raison d’une lésion professionnelle, le 4 août 1997.
L'OBJET DE LA REQUÊTE
[3] Madame Landry invoque qu’elle n’a pas eu l’opportunité de se faire entendre lors de l’audition survenue le 10 novembre 1999 devant la Commission des lésions professionnelles, puisque son représentant l’avait assurée que les parties plaideraient par écrit et qu’elle n’avait pas à se présenter à l’audience. Il appert que le représentant de la travailleuse n’a transmis aucune argumentation écrite. Au surplus, Jeno Neuman & Fils inc. (l’employeur) s’est présenté à l’audience et a fait valoir ses arguments.
[4] La travailleuse invoque que la règle audi alteram partem n’a pas été respectée et demande la révision de la décision du 25 novembre 1999.
LES FAITS
[5] Madame Aliette Landry est aide-presseuse chez Jeno Neuman & Fils inc.
[6] Le 4 août 1997, la travailleuse allègue une cervicalgie et des douleurs au trapèze et au coude droit qui l’affectent depuis quelque temps.
[7] Le 5 août 1997, la travailleuse présente une réclamation à la CSST.
[8] Le 7 octobre 1999, la CSST rejette la réclamation de la travailleuse. Celle-ci en demande la révision.
[9] Subséquemment, la travailleuse est examinée par le docteur Bourdua, membre du Bureau d'évaluation médicale, qui émet à un diagnostic de cervicalgie avec irradiation aux muscles trapèzes. Il conclut que la lésion est consolidée le 30 septembre 1997, sans autre traitement et il n’y a aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[10] Le 21 octobre 1997, la CSST donne suite à l’avis du docteur Bourdua, en rendant une décision où elle reprend les conclusions de ce dernier. Cette décision n’est pas contestée.
[11] Le 2 juin 1999, la CSST rend une décision en révision administrative où elle confirme la décision du 7 octobre 1997.
[12] La travailleuse conteste cette décision.
[13] Le 29 juillet 1999, la travailleuse donne mandat à R.D.D.S., conseillers, de la représenter, et le 11 août 1999, la Commission des lésions professionnelles est avisée que R.D.D.S. représente madame Aliette Landry, le tout étant signé par la secrétaire de monsieur Lucien D’Ascola, représentant de la travailleuse.
[14] Le 9 novembre 1999, le représentant de la travailleuse transmet par télécopieur, à la Commission des lésions professionnelles, à 14 h 7, un document l’informant que lui et sa cliente ne seront pas présents à l’audition fixée pour le 10 novembre 1999 et il demande à la Commission des lésions professionnelles de rendre une décision selon les éléments contenus au dossier.
[15] Effectivement, le 10 novembre 1999, ni Madame Landry ni Monsieur D’Ascola ne sont présents. L’employeur présente une preuve, en faisant témoigner madame Linda Cromer, pour l’employeur, ainsi qu’un enregistrement sur magnétoscope montrant différentes tâches exécutées par la travailleuse, en 1997.
[16] La Commission des lésions professionnelles rend alors une décision où elle rejette la contestation de la madame Aliette Landry.
[17] Dans son témoignage devant la Commission des lésions professionnelles, lors des audiences relatives à sa requête en révision, Madame Landry mentionne qu’elle était membre du Syndicat des vêtements pour dames, qu’on offrait les services d’un représentant, mais elle avait, dit-elle, entendu parler de Monsieur D’Ascola, dans le milieu du travail, et elle a décidé de se faire représenter par ce dernier, puisqu’elle avait perdu confiance au Syndicat. Elle prétend que Monsieur D’Ascola aurait exigé des honoraires de 1 500 $ plus 20 % du montant, pour la représenter. Elle l’aurait vu, le 5 novembre 1999, pour préparer l’audition. Il lui aurait alors mentionné qu’il ne serait pas nécessaire de se présenter, que l’employeur ne se présentait pas, que ce dernier était au courant et que lui-même ne désirait pas la voir à l’audience parce que, semble-t-il, elle était déprimée. Madame Brisebois, qui était représentante syndicale, était présente, dit-elle, lors de la visite qu’elle a rendue au bureau de Monsieur D’Ascola.
[18] Le 10 janvier 2000, Madame Landry écrit à Monsieur D’Ascola, pour lui faire part qu’à la suite de sa visite à son bureau, le 7 janvier dernier, les réponses à ses questions l’ont laissée insatisfaite, que les renseignements qu’elle a obtenus au cours des derniers jours, la portent à croire que sa façon de la représenter ne répond pas à ses attentes et que le coût de ses services est plus élevé que prévu, compte tenu de sa situation financière. Elle estime également qu’une partie des coûts devrait lui être rendue, puisque le travail n’a pas été fait à sa satisfaction. Elle désire donc mettre fin à l’entente et reprendre possession de son dossier.
[19] Madame Landry fait état des diverses visites qu’elle a effectuées chez Monsieur D’Ascola en août, octobre, novembre et janvier.
[20] Madame Landry ajoute qu’elle avait plusieurs contestations pendantes outre celle-ci. Lorsqu’elle a reçu la décision, elle est allée voir Madame Brisebois et elle a communiqué avec monsieur Éric Lebel, procureur du syndicat. Ce dernier lui a mentionné qu’il n’y avait eu aucune représentation écrite devant la Commission des lésions professionnelles. Elle aurait alors communiqué avec Monsieur D’Ascola qui lui aurait confirmé qu’il avait fait des représentations écrites et que ceci se retrouverait au procès-verbal. Ayant constaté que tel n’était pas le cas, elle demande à Me Éric Lebel de présenter une requête en révision, alléguant qu’elle n’a pas eu l’occasion de se faire entendre. Madame Landry décide, le 28 janvier 2000, de retirer son mandat à Monsieur D’Ascola et elle lui écrit une lettre à ce sujet, le 28 janvier 2000. Elle mentionne que Monsieur D’Ascola avait également exigé une somme supplémentaire de 750 $ pour « une recherche de jurisprudence devant servir dans tous mes dossiers ». Elle lui réclame donc la somme de 1 750 $.
[21] Dans un autre document, elle s’interroge, à savoir si le rapport du docteur Bernucci est favorable à sa demande à la Régie des rentes. De plus, un document de Madame Landry, adressé à Monsieur D’Ascola, apparemment au cours du mois de novembre 1999, expliquait à ce dernier la nature de son travail et la description du poste de travail.
[22] Madame Noella Brisebois, représentante syndicale, a également témoigné à l’audience. C’est elle, dit-elle, qui a monté le dossier pour le porter à Monsieur D’Ascola. La travailleuse avait quatre dossiers de réclamation. On demandait à Monsieur D’Ascola quand ce dernier préparerait la travailleuse pour l’audience. Ce dernier lui a mentionné qu’il ne voulait pas la voir à l’audience, que tout se ferait par écrit et par télécopieur, que le commissaire était au courant de la situation. Elle aurait demandé à Monsieur D’Ascola si le 750 $, pour la recherche de jurisprudence, était justifié. Ce dernier lui aurait dit qu’il couvrait l’ensemble des dossiers. La travailleuse lui aurait mentionné qu'elle voulait être présente à l’audience. Cependant, Monsieur D’Ascola lui aurait dit que celle-ci n’avait pas à se présenter et qu’il présenterait des observations par écrit, ce qui se verrait au procès-verbal de l’audience.
[23] Lorsqu’une vérification a été faite par Me Éric Ouellet, le 23 décembre 1999, ce dernier a constaté qu’il n’y avait rien eu de fait. On a posé des questions à Monsieur D’Ascola qui a prétendu avoir envoyé une contestation écrite. De plus, il prétendait, dans un autre dossier, qu’il avait obtenu une date devant la Commission des lésions professionnelles, soit le 29 février, alors qu’il n’y avait pas encore eu de décision en révision. Lorsque Madame Landry, après le 7 janvier, a voulu reprendre son dossier, il en manquait la moitié. La travailleuse, dit-elle, était en dépression, et c’est pourquoi, elle l’accompagnait. La travailleuse n’a pas demandé de remise de l’audience du 10 novembre.
[24] Madame Brisebois mentionne qu’il y a eu plusieurs autres visites au bureau de Monsieur D’Ascola, en plus de toutes celles qui sont mentionnées au document déposé (T-3).
[25] Madame Landry réitère que pour l’audition du 10 novembre 1999, il y a eu une rencontre avec Monsieur D’Ascola, qu’on lui a envoyé un document écrit entre le 1er et 10 novembre, qu’il y a eu des discussions au téléphone au sujet de sa comparution. Monsieur D’Ascola lui a mentionné qu’il envoyait des notes écrites.
[26] Mesdames Landry et Brisebois prétendent avoir adressé une lettre à Monsieur D’Ascola dans la semaine précédant le 10 novembre, expliquant la nature des tâches exécutées, mais on n’a pu retracer cet envoi.
[27] Madame Marielle Therrien, secrétaire pour monsieur Lucien D’Ascola, a témoigné à l’audience. C’est elle qui a signé la lettre du 9 novembre 1999, selon les directives qui lui ont été données par Monsieur D’Ascola. Elle mentionne que Madame Landry est allée chercher son dossier, mais elle ignore à quel moment.
[28] Quant à Monsieur D’Ascola, il a également témoigné à l’audience. Il prétend n’avoir jamais dit à la travailleuse, qu’il plaiderait par écrit. Il représentait la travailleuse dans trois dossiers. Il y a eu environ une dizaine de rencontres ainsi qu’une dizaine de téléphones. Il affirme que la travailleuse n’a jamais insisté pour se présenter à l’audience. Ses honoraires comprennent l’ensemble des contestations. Il admet qu’il a été radié du Barreau. Ses honoraires de consultation pour la jurisprudence couvraient aussi les autres dossiers. Il a référé la travailleuse au docteur Bernucci pour examen médical.
[29] Le représentant de la travailleuse soulève que celle-ci n’a pu se faire entendre à cause des représentations mensongères de Monsieur D’Ascola. Il réfère particulièrement à la décision de la Commission des lésions professionnelles dans la cause de Daniel Rousseau et G.V. Sport Action ltée et CSST où la Commission des lésions professionnelles avait sévèrement critiqué le comportement de Monsieur D’Ascola, en soulignant que ce dernier ternissait l’image de la justice administrative et rappelait les diverses sanctions que ce dernier s’est vu imposer par le Barreau du Québec.
[30] La travailleuse voulait se présenter à l’audience, au cas où l’employeur serait là, afin d’être d’égal à égal. Elle a été induite en erreur par son représentant.
[31] Le représentant de la travailleuse prétend que celle-ci n’a jamais renoncé à être entendue.
[32] Par ailleurs, le représentant de l’employeur souligne que la travailleuse a renoncé à une audition et à se faire entendre. La travailleuse consentait à ce qu’une décision soit rendue selon le contenu du dossier, mais ce fait n’annule pas en soi le droit à l’employeur d’être présent à l’audience et de présenter une preuve. La travailleuse a choisi de ne pas se présenter à l’audience. Elle ne peut donc reprocher à l’employeur d’avoir été présent. De plus, la travailleuse a présenté une demande aux petites créances pour se faire rembourser des honoraires versés à Monsieur D’Ascola. Il y a, souligne le procureur de l’employeur, un problème de crédibilité : Monsieur D’Ascola nie avoir tenu les propos qu’on allègue. Ce dernier lui dit avoir expliqué à la travailleuse qu’il ne voulait pas qu’elle soit présente à l’audience. De plus, le témoignage de Madame Landry n’est pas corroboré et très souvent, elle ne peut se souvenir de ce qui s’est passé exactement.
[33] La Commission des lésions professionnelles a rendu une décision selon la preuve. Le tout a été analysé. La travailleuse avait donné un mandat écrit à Monsieur D’Ascola en toute connaissance de cause. Le procureur de l’employeur souligne que nous ne sommes pas ici dans le contexte d’une demande de remise qui aurait été refusée. Dans la décision de Marcel Roy et Industries John Lewis ltée[1], le travailleur n’avait pas eu l’occasion de témoigner. Ici, il ne s’agit pas de mettre en preuve des éléments additionnels.
[34] La travailleuse pouvait se présenter à l’audience et retirer le mandat à son procureur. De plus, la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] permet à la Commission des lésions professionnelles de procéder en l’absence d’une partie. Si le représentant de la travailleuse a fait de fausses représentations, son recours doit s’exercer devant une autre instance. On ne peut ici utiliser la requête en révision parce qu’on n’est pas satisfait du mandat de son représentant. Il faut favoriser la stabilité des décisions et du système judiciaire.
L'AVIS DES MEMBRES
[35] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la travailleuse n’a pas démontré qu’elle n’a pu se faire entendre le 10 novembre 1999 devant la Commission des lésions professionnelles. La travailleuse avait choisi librement d’être représentée par Monsieur D’Ascola et son témoignage imprécis sur plusieurs aspects ne permet pas de conclure qu’elle n’a pu faire valoir son point de vue. Elle pouvait se présenter à l’audience du 10 novembre 1999 ou demander une remise, si elle était convaincue qu’elle devait être présente. Si Monsieur D’Ascola l’a mal représentée ou s’il a adopté une mauvaise stratégie, ce n’est pas par voie de requête en révision que la travailleuse peut corriger cette situation. Il y a lieu de rejeter la requête en révision.
[36] Le membre issu des associations syndicales estime que malheureusement, nous sommes ici en présence d’un cas où la travailleuse semble avoir été mal représentée par Monsieur D’Ascola. Cependant, le recours exercé est un recours en révision et il s’agit d’une procédure qui répond à des critères précis. Or, la preuve de la travailleuse n’a pas démontré qu’elle a été empêchée de se faire entendre. Son témoignage est souvent imprécis et c’est plutôt à cause du scénario choisi par son représentant, qu’elle ne s’est pas présentée à l’audience. Le membre issu des associations syndicales est donc d’avis que la requête en révision doit être rejetée.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[37] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a fait valoir un motif permettant de réviser ou révoquer la décision du 25 novembre 1999 de la Commission des lésions professionnelles.
[38] La travailleuse invoque essentiellement le paragraphe 2 de l’article 429.59 de la loi et le non-respect de la règle audi alteram partem, à savoir qu’elle n’a pu se faire entendre, le 10 novembre 1999, à l’audience qui a été fixée.
[39] En vertu des dispositions de l’article 429.49 de la loi, une décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel, et ce n’est que dans des circonstances prévues à l’article 429.56 de la loi qu’on peut demander la révision ou la révocation d’une décision.
[40] L’article 429.56 énonce ce qui suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
________
1997, c. 27, a. 24.
[41] Madame Landry invoque particulièrement le paragraphe 2 de cet article pour faire révoquer la décision.
[42] Il ne faut pas oublier dans la présente instance que Madame Landry a choisi elle-même son représentant. Elle lui a donné mandat d’agir pour elle.
[43] Madame Landry prétend qu’elle a insisté pour être présente à l’audience, ce qui est nié par Monsieur D’Ascola. Ce dernier affirme ne lui avoir jamais dit qu’il plaiderait par écrit.
[44] Nous sommes en présence de deux témoignages contradictoires. Celui de Madame Landry n’est pas toujours clair et convaincant, puisque souvent, elle ne peut se souvenir précisément de ce qui s’est passé. Il en est de même pour Madame Brisebois. Quant à Monsieur D’Ascola, sa réputation est faite, mais il ne s’est pas contredit.
[45] L’article 429.17 de la loi stipule :
429.17. Les parties peuvent se faire représenter par une personne de leur choix.
________
1997, c. 27, a. 24.
[46] Au surplus, la Commission des lésions professionnelles, en vertu de l’article 429.14 de la loi, peut procéder sur dossier si elle le juge à propos et si les parties y consentent.
[47] L’article 429.13 de la loi stipule :
429.13. Avant de rendre une décision, la Commission des lésions professionnelles permet aux parties de se faire entendre.
________
1997, c. 27, a. 24.
[48] Dans la présente instance, la Commission des lésions professionnelles a été avisée par le représentant de la travailleuse de rendre une décision sur dossier.
[49] Si la travailleuse désirait être présente à l’audience, rien ne l’empêchait de s’y présenter, d’annuler le mandat de son représentant et de demander une remise. Ceci n’a pas été fait.
[50] Le pouvoir a été exercé régulièrement par la Commission des lésions professionnelles. Dans la présente instance, la Commission des lésions professionnelles a agi suivant les instructions du mandataire de Madame Landry.
[51] Dans la décision Cam Hoa Huynh v. The Minister of Employment and Immigration[3], le juge Rothstein écrit :
« [23] The applicant may have other relief against
counsel who represented him at the credible basis hearing. But on the question of representation by
counsel, I cannot find that the credible basis tribunal committed an error of
law in this case. It seems to me that
in many cases unsuccessful litigants may wish to blame the result of the
inadequacy of counsel. Where there is
merit to such a claim, a client may be able to proceed against counsel and
secure recovery. However, in my opinion,
the failure of counsel, freely chosen by a client, cannot, in any but the most
extraordinary case, result in an overturning of a decision on appeal or
judicial review. »
[52] Sommes-nous en présence ici d’une situation extraordinaire qui permettrait de révoquer la décision?
[53] La Commission des lésions professionnelles ne croit pas à une telle la situation, ici.
[54] Certes, la Commission des lésions professionnelles n’est pas sans savoir que les comportements de Monsieur D’Ascola ont fréquemment prêté à critiques. Cependant, il faut examiner si dans la présente instance, il s’agit d’une situation où le témoignage de Monsieur D’Ascola doit être absolument mis de côté, parce que peu crédible. Ce dernier affirme qu’il n’a aucunement invoqué qu’il ferait des représentations écrites et ceci est confirmé par le dossier de la Commission des lésions professionnelles. Il a confirmé avoir mentionné à la travailleuse qu’il ne voulait pas qu’elle soit présente à l’audience à cause de son phénomène de dépression. Ce motif peut ou non être justifié, mais il n’appartient pas ici à la Commission des lésions professionnelles de trancher cette question. Si la travailleuse n’est pas satisfaite de la façon dont elle a été représentée par Monsieur D’Ascola, elle peut exercer des recours civils. Par contre, le fait d’invoquer une représentation inadéquate ne justifie pas nécessairement l’existence d’un recours en révision.
[55] Dans la décision de Madame Marie-Paule Hudon Lacombe et Société canadienne des postes[4], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles mentionnait, que ne constituait pas une violation ou un manquement à la règle du droit d’être entendu, le fait que son représentant syndical ait suggéré à la travailleuse qu’il n’y avait pas lieu de se faire représenter par avocat et qu’il a cru bon de ne pas présenter certaines preuves à Commission d’appel. La Commission d’appel soulignait alors :
« … Qu’il ne s’agit pas là d’une violation ou d’un manquement à la règle du droit d’être entendu et elle se réfère à la décision de la Commission des affaires sociales dans l’affaire Sauveteurs et victimes d’actes criminels, (1986) CAS 6 . , décision dans laquelle il est énoncé que même le fait d’être absent et de ne pas présenter de preuve à une audition, le tout sous les conseils de son procureur, ne constitue pas une violation de la règle du droit d’être entendu. »
[56] La Commission d’appel ajoutait, dans la décision précitée, que l’on n’avait établi aucun fait qui permettait de conclure que la travailleuse avait été restreinte dans l’exercice de son droit d’être entendue devant la Commission d’appel. C’est la requérante elle-même qui avait choisi ou accepté d’être représentée par son représentant syndical. Elle n’a fait aucune démarche pour être représentée par avocat, alors qu’il lui était loisible de le faire. Ce n’est seulement qu’après avoir connu la décision de la Commission d’appel, qu’elle a cru avoir été mal représentée, compte tenu des témoignages et des rapports d’expertises qui n’auraient pas été mis en preuve.
[57] Ce n’est pas parce qu’une personne est mal représentée ou mal conseillée qu’il faut en conclure nécessairement qu’elle n’a pu se faire entendre. La travailleuse a choisi en toute connaissance de cause de ne pas se présenter à l’audience. Il s’agit là d’une stratégie préconisée par son représentant et qui n’a pas donné les résultats voulus, mais ceci ne peut donner ouverture à une requête en révision[5].
[58] Dans la décision de Manon Godbout et Spécialités MB 1987 inc. (Les) et Commission de la santé et de la sécurité du travail - Yamaska[6], où on avait demandé à la Commission des lésions professionnelles de rendre une décision sur dossier, celle-ci précise que la lettre n’indique pas qu’il faille que la Commission des lésions professionnelles avise Monsieur Godbout, la travailleuse ou Me Trudel au cas où l’employeur se présenterait à l’audience pour y présenter une preuve et y faire des représentations, le tout aux fins qu’ils puissent alors envisager la possibilité de s’y présenter.
[59] La Commission des lésions professionnelles écrit :
« 34. Il ne peut ainsi être reproché à la Commission des lésions professionnelles d’avoir permis la tenue de l’audience en présence seulement de l’une des parties, notamment l’employeur.
35. Deux des parties (la travailleuse et la C.S.S.T. ) ont consenti à ce que la Commission des lésions professionnelles procède sur dossier puisqu’elles n’entendaient pas, pour leur part, soumettre une preuve ou des représentations, consentant, par la même occasion, à la tenue d’une audience en leur absence dans l’éventualité où l’autre partie, l’employeur, se présenterait. »
[60] Tout comme dans la présente instance, le représentant de la travailleuse a choisi le scénario que l’employeur pourrait être présent à l’audience.
[61] La travailleuse a été convoquée à l’audience. Elle était en mesure de se faire entendre ou de faire des représentations écrites ou demander une remise si elle était convaincue qu’elle devait être présente, ce qu’elle n’a pas fait.
[62] La Commission des lésions professionnelles ne peut considérer dans les circonstances du présent dossier qu’il y a eu violation de la règle audi alteram partem ou qu’elle n’a pu se faire entendre.
[63] La travailleuse avait la possibilité de se présenter devant la Commission des lésions professionnelles. Elle a choisi d’être représentée par Monsieur D’Ascola. C’est son choix. Si malheureusement, ce dernier l’a mal représentée, ce n’est pas devant la Commission des lésions professionnelles qu’elle peut se plaindre en alléguant qu’elle n’a pu être entendue. Le choix de Madame Landry était libre et volontaire et c’est devant une autre instance qu’elle peut faire valoir son insatisfaction.
[64] Comme le soulignait la Commission des affaires sociales dans la décision de Sauveteurs et victimes d’actes criminels[7] :
« Même en prenant pour acquis que le requérant fut représenté de manière insatisfaisante lors de l’audition initiale, les soussignés ne peuvent y voir une matière à révision […] de la décision rendue; il s’agit plutôt en effet d’un problème entre un mandant et un mandataire dans le cadre d’un mandat de représentation; c’est entre les parties à ce moment-là que le litige pourrait ultérieurement se résoudre.
Très régulièrement, la partie qui perd - au terme d’un débat judiciaire - s’estimera a posteriori insatisfaite de la façon dont elle aura été représentée. Réouvrir en révision pour un tel motif voudrait dire, dans ce contexte, que ce serait à la limite que lorsque son représentant aurait triomphé que s’éteindrait un litige, sous réserves évidement que dès lors, c’est l’autre partie qui dénoncerait son procureur. »
[65] Certes la Commission des lésions professionnelles n’est pas sans ignorer que certains représentants ne semblent pas avoir l’intérêt de leur client à cœur. De telles situations sont susceptibles de ternir l’image de la justice administrative. Toutefois, on ne peut conclure qu’à chaque fois qu’une personne est représentée par un de ces personnages, elle est automatiquement mal représentée.
[66] La Commission des lésions professionnelles ne peut malheureusement sanctionner de tels comportements. Tout ce qu’elle peut faire comme le soulignait le commissaire Yves Tardif, c’est de les dénoncer. Par ailleurs, dans le présent cas, il n’appartient pas à la Commission des lésions professionnelles, à la lumière de l’ensemble de la preuve présentée, de se prononcer ici, puisque de toute façon, la travailleuse a aussi choisi de présenter une réclamation contre son représentant devant la Cour des petites créances.
[67] La Commission des lésions professionnelles estime que madame Aliette Landry n’a pas fait valoir de motif permettant de réviser la décision du 25 novembre 1999.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision de madame Aliette Landry, la travailleuse.
|
|
|
Me
Neuville Lacroix |
|
Commissaire |
|
|
|
|
|
|
|
|
S.V.T.I. (Me Daniel Mercier) 9275, rue Clark, # 200 Montréal (Québec) H2N 2K3 |
|
|
|
Représentant de la partie requérante |
|
|
|
|
|
|
|
Robinson Sheppard Shapiro (Me Jacques Bélanger) 800, Place Victoria, # 4700 Montréal (Québec) H4Z 1H6 |
|
|
|
Représentant de la partie intéressée |
|
|
|
|
[1] CLP
102233-04-9807, 2000-01-19, Michel Carignan, commissaire
[2]
L.R.Q.
c. A-3.001
[3]
65
F.T.R. 11
[4]
C.A.L.P.
61-00038-8606, 1988-02-02, Pierre Brazeau, commissaire
[5]
Monsieur Jean-Charles Perreault et Techni-Porc
inc. et CSST, CLP
100781-71-9805-R, 1999-07-07, Santina Di Pasquale, commissaire
[6]
C.L.P.
90735-62B-9708-R, 1999-03-19, Carole Lessard, commissaire
[7] At-57314,
7 mai 1990, tel que cité dans Sauveteurs
et victimes d’actes criminels -
[1990] CAS 629
,638
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.