Morand et Forage Expert GR inc. |
2007 QCCLP 3114 |
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[1] Le 13 décembre 2005, monsieur Robert Morand dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l'encontre d'une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d'une révision administrative, le 1er novembre 2005.
[2] Par cette décision, la CSST déclare que la réclamation pour la lésion professionnelle alléguée par monsieur Morand le 12 décembre 2003 est irrecevable, qu’il n'a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et qu’il devra rembourser le montant de 1 193,54 $ qui lui a été versé à titre d'indemnité de remplacement du revenu pour la période du 30 mai au 12 juin 2005.
[3] Le 26 février 2007, la Commission des lésions professionnelles tient une audience à Saint-Jérôme à laquelle monsieur Morand est présent et est représenté par Me Marie-Anne Roiseux. La CSST est représentée par Me François Bilodeau. Forage Expert G.R. inc. (l'employeur) n'est pas représenté à l'audience.
[4] Les parties ont demandé de ne procéder que sur la question de la recevabilité de la réclamation pour la lésion professionnelle alléguée de monsieur Morand et de reporter, s'il y a lieu, l'audience sur le fond de la contestation à une date ultérieure.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Monsieur Morand demande de déclarer que sa réclamation pour la lésion professionnelle alléguée du 12 décembre 2003 est recevable.
L'AVIS DES MEMBRES
[6] Les membres issus des associations syndicales et d'employeurs sont d'avis qu’il y a lieu d'accueillir la requête de monsieur Morand, d'infirmer la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative le 1er novembre 2005 et de déclarer que la réclamation que monsieur Morand a déposée à la CSST le 13 juin 2005 pour la lésion professionnelle alléguée du 12 décembre 2003 est recevable.
[7]
Ce n'est qu'au mois de mai 2005 que monsieur Morand avait un intĂ©rĂŞt Ă
réclamer, ce qui constitue un motif raisonnable pour le relever des
conséquences de son défaut de respecter le délai prescrit par l'article
LES FAITS ET LES MOTIFS
[8] Dans le présent cas, monsieur Morand admet que la date de la lésion est le 12 décembre 2003, date à laquelle il allègue la survenance d'un fait accidentel.
[9] Monsieur Morand reconnaît qu’il a déposé sa réclamation pour la lésion professionnelle alléguée du 12 décembre 2003 en juin 2005 seulement, soit plus de six mois après le fait accidentel en question.
[10] Malgré ce délai, il demande de reconnaître que sa réclamation est recevable, car il n'avait pas intérêt à déposer celle-ci avant le mois de mai 2005. Si le tribunal décide que sa réclamation a été produite après l'expiration du délai prescrit par la loi, monsieur Morand demande de déclarer qu’il avait un motif raisonnable pour expliquer ce retard et de le relever des conséquences de son défaut d'avoir respecté ce délai.
[11] La Commission des lésions professionnelles doit donc déterminer si monsieur Morand a produit sa réclamation pour sa lésion professionnelle alléguée du 12 décembre 2003 dans le délai prescrit par la loi et, dans la négative, s'il a présenté un motif raisonnable pour être relevé des conséquences de son défaut d'avoir respecté ce délai.
[12]
Les articles
270. Le travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est incapable d'exercer son emploi pendant plus de 14 jours complets ou a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique ou, s'il décède de cette lésion, le bénéficiaire, produit sa réclamation à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la lésion ou du décès, selon le cas.
L'employeur assiste le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, dans la rédaction de sa réclamation et lui fournit les informations requises à cette fin.
Le travailleur ou, le cas échéant, le bénéficiaire, remet à l'employeur copie de ce formulaire dûment rempli et signé.
__________
1985, c. 6, a. 270.
271. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui ne le rend pas incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion ou celui à qui aucun employeur n'est tenu de verser un salaire en vertu de l'article 60, quelle que soit la durée de son incapacité, produit sa réclamation à la Commission, s'il y a lieu, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de sa lésion.
__________
1985, c. 6, a. 271.
[13]
Les articles
265. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle ou, s'il est décédé ou empêché d'agir, son représentant, doit en aviser son supérieur immédiat, ou à défaut un autre représentant de l'employeur, avant de quitter l'établissement lorsqu'il en est capable, ou sinon dès que possible.
__________
1985, c. 6, a. 265; 1999, c. 40, a. 4.
266. Cet avis est suffisant s'il identifie correctement le travailleur et s'il décrit dans un langage ordinaire, l'endroit et les circonstances entourant la survenance de la lésion professionnelle.
L'employeur facilite au travailleur et à son représentant la communication de cet avis.
La Commission peut mettre Ă la disposition des employeurs et des travailleurs des formulaires Ă cette fin.
__________
1985, c. 6, a. 266.
[14] Il ressort des articles 270 et 271 qu'un travailleur doit produire sa réclamation « dans les six mois de sa lésion ».
[15] La jurisprudence de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) et de la Commission des lésions professionnelles a développé différentes approches relatives à la détermination du point de départ du délai prévu par la loi pour déposer une réclamation pour une lésion professionnelle.
[16] Dans le cas des articles 270 et 271, un premier courant jurisprudentiel reconnaĂ®t le principe selon lequel la rĂ©clamation doit ĂŞtre produite dans les six mois de la lĂ©sion, et ce, peu importe que la victime de la lĂ©sion professionnelle s'absente ou non de son travail[2].Â
[17] Un second courant jurisprudentiel en arrive Ă une interprĂ©tation diffĂ©rente des articles 270 et 271 et reconnaĂ®t le principe selon lequel le dĂ©lai prĂ©vu Ă ces articles commence Ă courir Ă partir du moment oĂą le travailleur prĂ©sente un intĂ©rĂŞt rĂ©el et actuel Ă dĂ©poser une rĂ©clamation, Ă savoir notamment Ă compter du dĂ©but de la pĂ©riode d'incapacitĂ© Ă travailler[3].Â
[18] La soussignĂ©e considère, pour sa part, que l'interprĂ©tation des articles 270 et 271 qui correspond le plus au texte de la loi est celle selon laquelle le dĂ©lai doit ĂŞtre calculĂ© Ă compter de la lĂ©sion et non celle qui soutient que ce dĂ©lai commence Ă courir Ă partir du moment oĂą le travailleur prĂ©sente un intĂ©rĂŞt rĂ©el et actuel Ă dĂ©poser une rĂ©clamation.Â
[19] Le tribunal estime, toutefois, que l'intĂ©rĂŞt rĂ©el et actuel est un critère dont il faut nĂ©anmoins tenir compte dans certains cas. Â
[20] La Commission des lésions professionnelles constate, tout d'abord, que le libellé utilisé à l'article 270 diffère de celui utilisé à l'article 271.
[21] Ă€ l'article 270, qui vise le cas du travailleur qui est incapable d'exercer son emploi pendant plus de quatorze jours complets en raison d'une lĂ©sion professionnelle ou le cas du travailleur qui a subi une atteinte permanente Ă son intĂ©gritĂ© physique ou psychique en raison d'une lĂ©sion professionnelle ou le cas du travailleur dĂ©cĂ©dĂ© en raison d'une lĂ©sion professionnelle, le lĂ©gislateur Ă©crit que le travailleur ou le bĂ©nĂ©ficiaire produit sa rĂ©clamation Ă la CSST « sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de la lĂ©sion ou du dĂ©cès ».Â
[22] Ă€ l'article 271, qui vise le cas du travailleur victime d'une lĂ©sion professionnelle qui ne le rend pas incapable d'exercer son emploi au-delĂ de la journĂ©e au cours de laquelle s'est manifestĂ©e sa lĂ©sion ou le cas du travailleur Ă qui aucun employeur n'est tenu de verser un salaire en vertu de l'article 60[4], le lĂ©gislateur Ă©crit que le travailleur produit sa rĂ©clamation Ă la CSST « s'il y a lieu, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de sa lĂ©sion ».Â
[23]
Le tribunal note que le législateur utilise les termes « s'il y a
lieu » à l'article
[24] La soussignĂ©e estime que l'insertion de cette expression Ă l'article 271 a pour but de souligner le fait que dans les cas visĂ©s Ă l'article 271, le travailleur peut ou non avoir un intĂ©rĂŞt Ă dĂ©poser une rĂ©clamation Ă la CSST.Â
[25]
En effet, un travailleur a un tel intérêt dans les cas où il a droit au
remboursement d'une prestation en raison d'une lésion professionnelle. Dans
ces cas, il y a lieu pour le travailleur qui désire réclamer de
telles prestations de produire une réclamation à la CSST sur le formulaire qu'elle
prescrit dans les six mois de sa lésion, tel que le prévoit le libellé de l'article
[26] Ă€ l'article 270, le lĂ©gislateur n'utilise pas les termes « s'il y a lieu », car dans chacun des cas visĂ©s par cet article, il y a nĂ©cessairement lieu de produire une rĂ©clamation Ă la CSST. Effectivement, chacun de ces cas donne droit au travailleur Ă des prestations.Â
[27]
C'est le cas du travailleur qui est incapable d'exercer son emploi
pendant plus de quatorze jours complets en raison d'une lĂ©sion professionnelle.Â
L'article
[28]
C'est également le cas du travailleur qui subit une atteinte permanente
à son intégrité physique ou psychique en raison d'une lésion professionnelle,
car en vertu de l'article
[29]
C'est aussi le cas d'un travailleur qui décède en raison d'une lésion
professionnelle. L'article
[30]
La soussignée considère, en conséquence, que le délai de production d'une
réclamation prévu à l'article
[31] Les termes « de la lĂ©sion » utilisĂ©s par le lĂ©gislateur aux articles 270 et 271 ont, par ailleurs, Ă©tĂ© interprĂ©tĂ©s de diffĂ©rentes manières.Â
[32] Dans certains cas, la Commission d'appel et la Commission des lĂ©sions professionnelles ont considĂ©rĂ© que le moment de la lĂ©sion Ă©tait dĂ©terminĂ© Ă partir de l'instant oĂą un diagnostic Ă©tait posĂ©[5]. Â
[33] Dans d'autres cas, il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© que le dĂ©lai se compte Ă partir de la survenance de la blessure ou de la maladie[6] ou encore Ă compter du moment oĂą les mĂ©decins remettent au travailleur une Attestation mĂ©dicale[7].Â
[34] Enfin, certains ont considéré que le délai doit commencer à courir à compter de la manifestation de la lésion[8].
[35] La soussignĂ©e estime, pour sa part, que le dĂ©lai doit commencer Ă courir Ă compter de la manifestation de la lĂ©sion, mais que l'Ă©valuation du moment de la manifestation de la lĂ©sion ne peut toujours ĂŞtre dĂ©terminĂ©e selon une règle fixe préétablie puisque chaque cas doit ĂŞtre apprĂ©ciĂ© selon les circonstances propres de l'espèce.Â
[36] Effectivement, le terme « lĂ©sion » est dĂ©fini au dictionnaire Le nouveau petit Robert[9] comme une « modification de la structure normale d'une partie de l'organisme, Ă la suite d'une affection, d'un accident. »Â
[37] Dans certains cas, une lĂ©sion se manifeste par des signes objectifs apparents (plaie, saignement ou autre) et non Ă©quivoques. Il est donc aisĂ© d'Ă©tablir le moment de sa manifestation.Â
[38] Dans d'autres cas, toutefois, la lĂ©sion se manifeste graduellement et mĂŞme parfois de façon insidieuse si bien que l'intervention d'un professionnel de la santĂ© est parfois nĂ©cessaire pour Ă©tablir son existence. C'est la raison pour laquelle la jurisprudence qui porte sur le point de dĂ©part du dĂ©lai prĂ©vu aux articles 270 et 271 en arrive Ă des rĂ©sultats qui peuvent sembler divergents lorsqu'il s'agit d'Ă©tablir Ă partir de quel moment il y a lieu de considĂ©rer que la lĂ©sion s'est manifestĂ©e.Â
[39] La soussignée est donc d'avis qu'il est préférable, en cette matière, de privilégier une approche de cas par cas et d'analyser les circonstances propres de chaque affaire afin de déterminer à quel moment la lésion s'est manifestée.
[40] Dans le présent cas, monsieur Morand reconnaît que la date de la lésion est le 12 décembre 2003, date de la survenance du fait accidentel allégué par ce dernier.
[41] Le tribunal constate, par ailleurs, que monsieur Morand a consulté un médecin en date du 23 décembre 2003 et que ce dernier n'a pas jugé nécessaire de le retirer du travail.
[42] Monsieur Morand explique, Ă l'audience, que son mĂ©decin lui a prescrit une injection de cortisone, mais que ce traitement n'a pas apportĂ© d'amĂ©lioration de son Ă©tat. Devant cet Ă©chec, le mĂ©decin a recommandĂ© un examen par rĂ©sonance magnĂ©tique, lequel a Ă©tĂ© rĂ©alisĂ© le 15 juin 2004 et a rĂ©vĂ©lĂ©, selon l'interprĂ©tation du docteur P. Kaplan, une dĂ©chirure complète du tendon supraĂ©pineux.Â
[43] Monsieur Morand relate que vers la fin de l'Ă©tĂ© 2004, son mĂ©decin a pris connaissance du rapport d'interprĂ©tation du docteur Kaplan. Il a alors recommandĂ© une intervention chirurgicale, mais n'Ă©tait pas en mesure, Ă cette Ă©poque, de prĂ©ciser la date de l'opĂ©ration. Monsieur Morand a donc continuĂ© Ă effectuer son travail habituel jusqu'au vendredi 27 mai 2005, date Ă laquelle on l'a informĂ© que l'intervention Ă©tait prĂ©vue pour le lundi suivant, 30 mai 2005.Â
[44] Étant devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, monsieur Morand a signé le formulaire Avis de l’employeur et demande de remboursement le 8 juin 2005, lequel a été déposé à la CSST en date du 13 juin 2005.
[45]
Le tribunal constate que les dispositions de l'article
[46]
C'est plutĂ´t l'article
[47] Le tribunal constate, d’autre part, que le mĂ©decin que monsieur Morand a consultĂ© en date du 23 dĂ©cembre 2003 lui a prescrit une infiltration de cortisone et, devant l'insuccès de ce traitement, a recommandĂ© un examen par rĂ©sonance magnĂ©tique.Â
[48] Monsieur Morand avait donc un intĂ©rĂŞt, Ă cette Ă©poque, Ă produire une rĂ©clamation Ă la CSST dans la mesure oĂą il dĂ©sirait rĂ©clamer le remboursement du coĂ»t de ce traitement et de cet examen.Â
[49] Dans les faits, monsieur Morand n'a pas produit de rĂ©clamation Ă la CSST pour obtenir le remboursement de frais encourus pour une infiltration, car aucuns frais ne lui ont Ă©tĂ© rĂ©clamĂ©s pour ce traitement.Â
[50] Il explique, par ailleurs, que les frais relatifs Ă l'examen par rĂ©sonance magnĂ©tique ont Ă©tĂ© remboursĂ©s par une assurance collective.Â
[51] Monsieur Morand n'a donc pas engagĂ© de frais pour le traitement qu’il a reçu ni pour l'examen qu’il a subi en relation avec la lĂ©sion du 12 dĂ©cembre 2003.Â
[52]
Monsieur Morand a, par ailleurs, respecté la procédure prévue aux
articles
[53] Le tribunal estime que monsieur Morand n'avait donc pas, à l'époque, à produire une autre réclamation à la CSST pour cette lésion dans la mesure où il ne réclamait pas le remboursement de prestations à la CSST.
[54]
Effectivement, l'article
[55] Le tribunal est d'avis qu'il y aurait eu lieu de déposer une réclamation à la CSST, seulement dans l'hypothèse où monsieur Morand avait désiré réclamer des frais engagés en raison de cette lésion.
[56]
En décembre 2003, monsieur Morand a considéré qu'il n'y avait pas lieu
de réclamer des prestations à la CSST. Il s'est donc limité à déclarer l'événement
à son employeur conformément à la procédure prévue aux articles
[57] Monsieur Morand relate, par ailleurs, qu'à la fin de l'été 2004, il a appris qu’il devait subir une intervention chirurgicale, mais que son médecin n'était pas en mesure, à cette époque, de lui préciser la date de l'opération.
[58] Le tribunal estime que monsieur Morand n'avait pas non plus Ă dĂ©poser une rĂ©clamation Ă la CSST en 2004 puisqu'il n'y avait pas lieu de rĂ©clamer quoi que ce soit Ă ce moment.Â
[59]
À cette époque, l'article
[60] Ă€ compter du 30 mai 2005, monsieur Morand a Ă©tĂ© retirĂ© du travail en raison de l'intervention chirurgicale pratiquĂ©e le mĂŞme jour et est devenu incapable d'exercer son emploi pendant plus de quatorze jours complets.Â
[61] Le tribunal constate que la lĂ©sion Ă l'Ă©paule droite subie par monsieur Morand le 12 dĂ©cembre 2003 et qui ne le rendait pas incapable d'exercer son emploi au-delĂ de la journĂ©e au cours de laquelle elle s'Ă©tait manifestĂ©e est devenue, Ă compter du 30 mai 2005, une lĂ©sion le rendant incapable d'exercer son emploi pendant plus de quatorze jours complets.Â
[62] Dans les deux cas, la date de la lĂ©sion demeure la mĂŞme puisqu'il s'agit de la lĂ©sion Ă l'Ă©paule droite subie par monsieur Morand le 12 dĂ©cembre 2003.Â
[63] Ainsi, lorsque le 13 juin 2005, monsieur Morand dépose sa réclamation à la CSST pour la lésion professionnelle alléguée du 12 décembre 2003 le rendant incapable d'exercer son emploi à compter du 30 mai 2005, le délai prescrit à l'article 270 est échu.
[64] Dans une telle situation, le tribunal estime, toutefois, qu'une réclamation déposée après l'expiration du délai peut être déclarée recevable puisque le fait d'attendre au moment de l'incapacité de travailler pour la produire à la CSST peut constituer un motif raisonnable[10].
[65]
L'article
démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard. Cet article est
libellé comme suit :
352. La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.
__________
1985, c. 6, a. 352.
[66]
Dans le présent cas, le tribunal considère que ce n'est qu'au mois de
mai 2005 que monsieur Morand avait un intérêt à réclamer, ce qui constitue un
motif raisonnable pour le relever des conséquences de son défaut de respecter
le délai prescrit par l'article
[67] Le tribunal ne retient pas l'argument du représentant de la CSST qui soutient que monsieur Morand aurait dû réclamer à la fin de l'été 2004, soit au moment où il a su qu’il devait être opéré et qu’il deviendrait incapable d'exercer son emploi dans le futur.
[68] Effectivement, tel que le souligne la Commission des lĂ©sions professionnelles dans l'affaire Bonenfant et Fondation PĂ©trifond cie ltĂ©e et Geodex inc.[11], « on ne soumet pas une rĂ©clamation pour obtenir une dĂ©cision de type dĂ©claratoire sur le caractère professionnel d'une lĂ©sion ». La rĂ©clamation a plutĂ´t pour but d'obtenir rĂ©paration par le paiement d'une indemnitĂ© ou d'une autre. Â
[69] Le tribunal considère, en outre, que le fait que monsieur Morand ait choisi de réclamer à son régime d'assurance le coût de l'examen par résonance magnétique ne lui fait pas perdre le droit de réclamer à la CSST puisqu'en matière de délai, « il faut privilégier une interprétation qui favorise l'exercice des droits plutôt que l'inverse »[12] comme le souligne la Commission des lésions professionnelles dans l'affaire Viger et C.H.U.Q. (Pavillon Hôtel-Dieu)[13] en rappelant les principes qui se dégagent de l'arrêt rendu par la Cour d'appel dans N.A. Crédit services inc. c. 153226 Canada inc.[14]
[70] La réclamation déposée par monsieur Morand le 13 juin 2005 est donc recevable.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Robert Morand en date du 13 décembre 2005 relativement à la recevabilité de sa réclamation pour la lésion professionnelle alléguée du 12 décembre 2003 ;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative le 1er novembre 2005 ;
DÉCLARE que la réclamation pour la lésion professionnelle alléguée par monsieur Morand le 12 décembre 2003 est recevable ;
CONVOQUERA à nouveau les parties à une audience sur le fond de la contestation déposée par monsieur Morand le 13 décembre 2005.
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Martine Montplaisir |
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Commissaire |
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Me Marie-Anne Roiseux |
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C.S.D. |
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Représentante de la partie requérante |
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Me François Bilodeau |
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Panneton Lessard |
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Représentant de la partie intervenante |
[1] Â Â Â Â Â Â Â Â Â L.R.Q., c. A-3.001
[2]          Bérubé et
Thiro ltée, C.A.L.P.
[3] Â Â Â Â Â Â Â Â Â Costanzo et
Chemins de fer nationaux, C.A.L.P.
[4]          Quelle que soit la durée de son incapacité
[5]          Éthier et
Rolland inc.,
[6] Â Â Â Â Â Â Â Â Â Williams et
Centre hospitalier Douglas, C.A.L.P.
[7] Â Â Â Â Â Â Â Â Â Provost et
Coopérative forestière Hautes-Laurentides, C.L.P.
[8] Â Â Â Â Â Â Â Â Â Poulin et C.U.M., C.A.L.P.
[9]          Le nouveau petit Robert : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, nouv. éd. remaniée et amplifiée, Paris, Dictionnaires Le Robert, 1996, 2551 p.
[10] Â Â Â Â Â Â Â Wojtaszczyk
et Bas de nylon Doris ltée,
[11] Â Â Â Â Â Â Â C.L.P.
[12]        Bonenfant et Fondation Pétrifond cie ltée et Geodex inc., précitée, note 11
[13]        Précitée, note 10
[14] Â Â Â Â Â Â Â [1998] R.D.J. 83 (C.A.)