Décision

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Industries V-Tech inc. (Industries Play-Tech inc.) c. Cast Steel Products (Canada) Ltd.

2015 QCCA 1471

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

MONTRÉAL

Nos :

500-09-025539-156 et 500-09-025556-150

(500-17-088677-151)

 

DATE :

16 septembre 2015

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L'HONORABLE

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

 

No: 500-09-025539-156

 

LES INDUSTRIES V-TECH INC., aussi connue comme LES INDUSTRIES PLAY-TECH INC.

8989931 CANADA INC., aussi connue comme V-TECH MACHINERY

RAYMOND SEMAAN

REQUÉRANTS - défendeurs

c.

 

CAST STEEL PRODUCTS (CANADA) LTD.

CAST STEEL PRODUCTS (US) INC.

INTIMÉES - demanderesses

 

 

No: 500-09-025556-150

 

RÉGIS TREMBLAY

AGENCE RÉGIS TREMBLAY INC.

REQUÉRANTS - défendeurs

c.

 

CAST STEEL PRODUCTS (CANADA) LTD.

CAST STEEL PRODUCTS (US) INC.

INTIMÉES - demanderesses

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

 

[1]           Je suis saisie de deux requêtes pour permission d’appeler d’une ordonnance de sauvegarde prononcée le 24 juillet 2015 par la Cour supérieure, district de Montréal (l’honorable Gérard Dugré), et d’une requête pour en suspendre l’exécution provisoire nonobstant appel prononcée au même moment. Les requêtes pour permission d’appeler sont présentées par tous les défendeurs alors que seulement certains d’entre eux présentent la requête pour suspendre l’exécution provisoire. Tous, par ailleurs, demandent dans le cadre de leur requête pour permission d’appeler, que les procédures de première instance soient suspendues pendant l’appel.

[2]           L’ordonnance de sauvegarde fut prononcée par le premier juge dans le cadre de procédures judiciaires instituées par les demanderesses Cast Steel Products (Canada) Ltd. et Cast Steel Products (US) Inc. (« Cast Steel ») à l’encontre des défendeurs en vue d’obtenir des ordonnances les obligeant à respecter des engagements de non-sollicitation et de non-concurrence contenus dans une convention qui fut conclue entre Cast Steel et certains d’entre eux, en l’occurrence Régis Tremblay et Agence Régis Tremblay (« Tremblay »). Ces derniers étaient en effet représentants pour Cast Steel, mais auraient démissionné en septembre 2014. Cast Steel prétend que Tremblay s’est associé aux défendeurs Les Industries V-Tech Inc., 8989931 Canada Inc et Raymond Semaan (« V-Tech ») pour s’emparer de sa clientèle.

[3]           Le 29 mai 2015, Cast Steel a institué une requête pour l’émission d’une injonction interlocutoire et permanente qui était initialement présentable le 8 juin suivant. Réalisant que sa requête pour obtenir une injonction interlocutoire ne pourrait pas être entendue à cette date, elle a fait signifier le 4 juin, une requête de bene esse pour l’émission d’ordonnances de sauvegarde, présentable à cette même date du 8 juin. Cette requête avait été annoncée la veille dans une lettre transmise par la procureure de Cast Steel au procureur de Tremblay. Le procureur de V-Tech n’a, quant à lui, comparu au dossier que le 8 juin et n’avait donc pas été avisé. Il était toutefois présent à l’audition qui a eu lieu ce jour-là.

[4]           À l’occasion de la présentation de ces requêtes, le premier juge a entériné un échéancier et a prononcé un certain nombre d’ordonnances de nature procédurale. Il a notamment refusé la demande de remise qu’ont alors formulée Tremblay et V-Tech qui souhaitaient interroger la personne ayant signé la déclaration sous serment déposée au soutien de la demande de Cast Steel avant de procéder à l’audition de la demande de sauvegarde. Selon lui il n’était pas opportun, ni nécessaire, que cet interrogatoire ait lieu avant qu’il se prononce sur la demande pour l’obtention d’ordonnances de sauvegarde. Tremblay a néanmoins pu déposer une déclaration sous serment mais son procureur indique que cette déclaration était sommaire compte tenu qu’il n’avait pas eu la chance d’interroger l’affiant de Cast Steel avant de la préparer et de la déposer.

[5]           Tremblay et V-Tech se sont opposés à la demande pour l’émission d’une ordonnance de sauvegarde en faisant valoir plusieurs motifs, dont le fait que le critère de l’urgence n’était pas rempli puisque Cast Steel connaissait les faits qui étaient à la base de sa demande depuis déjà plusieurs mois. Elle ne pouvait donc, selon eux, invoquer l’urgence de mettre fin à leurs prétendus agissements alors même qu’elle avait fait preuve d’inertie et tardé à entreprendre les procédures judiciaires. Un requérant qui décide de ne pas demander d’injonction provisoire ne peut, selon eux, échapper à l’exigence de satisfaire au critère de l’urgence en optant plutôt pour une demande de sauvegarde. Ceci était d’autant plus vrai selon eux que le droit d’interroger l’affiant leur ayant été refusé, ils se trouvaient dans la même situation qu’un intimé à une demande d’injonction provisoire.

[6]           Le premier juge a rejeté cet argument et, aux paragraphes 31 à 34 de son jugement, a exprimé clairement l’idée que la notion d’urgence aux fins de l’émission d’une ordonnance d’injonction provisoire et aux fins de l’émission d’une ordonnance de sauvegarde n’est pas la même. Pour lui l’urgence aux fins de l’émission d’une ordonnance de sauvegarde est le fait qu’il est nécessaire pour le tribunal d’agir afin de sauvegarder les droits de toutes les parties pendant qu’elles attendent d’être entendues au stade interlocutoire. Eu égard à la demande d’interroger Farès et d’obtenir des précisions sur certaines allégations, il s’est dit d’avis que rien n’exige que les personnes visées par une telle demande aient l’opportunité de « compléter » le dossier et, au contraire, que de leur reconnaître ce droit conduirait à un résultat absurde puisque de telles ordonnances sont justement émises en attendant que le dossier soit complet.

[7]           Le juge a alors accueilli la demande de Cast Steel et a émis une ordonnance de sauvegarde visant, selon lui, à protéger les droits des parties d’ici l’audition de la demande d’injonction interlocutoire qu’il a fixée aux 24 et 25 novembre 2015 et en a ordonné l’exécution provisoire nonobstant appel.

[8]           Les termes de cette ordonnance sont essentiellement identiques aux termes de l’ordonnance d’injonction interlocutoire et aux termes de l’ordonnance d’injonction permanente recherchées par Cast Steel.

[9]           Cette ordonnance, qui expirera le 24 novembre 2015, est de la nature d’une injonction interlocutoire provisoire et elle peut techniquement faire l’objet d’un appel aux termes de l’article 29 C.p.c. puisqu’elle « ordonne que soit faite une chose à laquelle le jugement final ne pourra remédier. » Ceci n’est toutefois pas suffisant pour que la permission demandée soit dès lors accordée. Il faut en effet que les fins de la justice requièrent d’accorder la permission, tel que l’exige l’article 511 C.p.c. Or, généralement les fins de la justice requièrent rarement que la permission soit accordée puisque, notamment, de telles ordonnances sont émises pour une durée limitée et sont de caractère discrétionnaire.

[10]        D’ailleurs le fait qu’elles soient émises pour une durée limitée fait souvent en sorte que l’ordonnance dont on veut appeler sera échue avant même que cette Cour puisse entendre le débat au fond, rendant ainsi l’appel sans objet.

[11]        Cette réalité fait en sorte que généralement la permission demandée ne sera pas accordée (Grand Council of the Crees (Eeyou Istchee) c. Québec (Procureur général), 2008 QCCA 2282; Syndicat des travailleuses et travailleurs de la scierie Valcourt-CSN c. Scierie Valcourt inc., 2008 QCCA 1243).

[12]        Ce n’est qu’en présence de circonstances exceptionnelles qu’elle le sera.

[13]        En l’espèce, les dates du 24 et 25 novembre 2015 ont été réservées pour l’audition de la demande d’injonction interlocutoire et le juge a entériné une entente sur le déroulement de l’instance qui devait faire en sorte que le dossier soit prêt pour une audition à ces dates. Tremblay et V-Tech invoquent toutefois différents retards qui, selon eux, laissent déjà croire que le dossier ne sera vraisemblablement pas complet et ne pourra donc pas être entendu aux dates prévues. Pour l’instant, cette possibilité n’est pas avérée et demeure hypothétique. Si par ailleurs elle devait se réaliser, un juge de première instance devra néanmoins être saisi d’une demande de renouvellement de l’ordonnance de sauvegarde puisqu’elle expirera le 24 novembre à 17 h, à moins que Cast Steel décide de ne pas en demander le renouvellement, ce qui est peu probable. Le juge qui pourrait éventuellement être saisi d’une demande de renouvellement devrait évidemment considérer l’ensemble des éléments, incluant les motifs pour lesquels le dossier n’est pas complet, et décider ou non de la renouveler.

[14]        Tremblay et V-Tech invoquent diverses erreurs du premier juge tant de droit que de fait. Après avoir pris connaissance des moyens qu’ils allèguent, je suis d’avis que les fins de la justice requièrent que la permission soit accordée, notamment en regard du critère de l’urgence à satisfaire dans le cadre d’une demande d’ordonnance de sauvegarde.

[15]        Tremblay, qui est le plus limité par l’ordonnance prononcée, ne requiert pas la suspension de l’ordonnance d’exécution provisoire pendant l’appel, et seule V-Tech la demande. Les critères pour obtenir une telle suspension sont bien connus. Celui qui la demande doit démontrer une faiblesse dans le jugement entrepris ainsi qu’un risque de préjudice sérieux si l’ordonnance d’exécution provisoire est maintenue. Il doit aussi établir que le poids des inconvénients est en sa faveur. Ces critères doivent tous être satisfaits.

[16]        En l’espèce, je n’ai pas à analyser les deux premiers critères puisque je suis d’avis que le troisième critère n’est pas satisfait. V-Tech subira certainement des inconvénients du fait que l’ordonnance prononcée contre elle demeurera en vigueur, mais ceux-ci m’apparaissent moins importants que ceux que pourrait subir Cast Steel si l’ordonnance d’exécution provisoire était suspendue. V-Tech n’est privée que de solliciter et de faire affaire avec les clients de Cast Steel. Sous cette réserve, elle peut poursuivre ses activités habituelles.

[17]        Tant Tremblay que V-Tech demandent par ailleurs la suspension des procédures de première instance pendant l’appel, au motif qu’ils ne souhaitent pas que l’audition sur la demande d’injonction interlocutoire ait lieu avant que cette Cour ait pu se prononcer sur le bien-fondé du jugement de première instance. Je suis d’avis qu’il n’est pas opportun de l’ordonner. Beaucoup de choses doivent être accomplies avant que la demande d’injonction interlocutoire puisse être entendue. Il serait dommage d’empêcher que ces choses soient faites et que les parties perdent le bénéfice du temps qui est à leur disposition entre maintenant et le moment où cette Cour entendra l’appel et rendra jugement. Sans me prononcer sur le sort qui sera réservé au pourvoi, il m’apparaît que la demande d’injonction interlocutoire demeurera pertinente et qu’en conséquence, il est souhaitable que le dossier progresse et soit mis en état aux fins de l’audition de la demande d’injonction interlocutoire.

POUR CES MOTIFS, LA SOUSSIGNÉE :

[18]        ACCUEILLE les requêtes pour permission d’appeler;

[19]        REJETTE la requête de Les Industries V-Tech Inc., 8989931 Canada Inc. et Raymond Semaan pour suspension de l’ordonnance d’exécution provisoire nonobstant appel;

[20]        PORTE l’affaire au rôle du 20 novembre 2015, à 9h30 pour être plaidée sans mémoire, pour une durée d'audition total pour les requérants, incluant le temps de réplique, de 45 minutes et pour les intimées de 30 minutes, la répartition devant être faite entre elles avant la tenue de l’audience. Le présent jugement tenant lieu de l’inscription en appel en conformité de l’article 494 du Code de procédure civile;

[21]        ORDONNE à la partie appelante, après avoir fait signifier copie à la partie intimée, de déposer au greffe, au plus tard le 30 septembre 2015, cinq exemplaires de la requête faisant l’objet du présent jugement avec toute la documentation qui l’accompagne de même qu’un exposé n’excédant pas 10 pages et ses sources;

[22]        ORDONNE à la partie intimée, après avoir fait signifier copie à la partie appelante, de déposer au greffe, au plus tard le 14 octobre 2015 cinq exemplaires d'un complément de documentation, de même qu’un exposé n’excédant pas 10 pages et ses sources;

[23]        ORDONNE aux parties de déposer leur exposé sur un format 21,5 cm X 28 cm (8 ½ X 11 pouces), rédigé à au moins un interligne et demi (sauf quant aux citations qui doivent être à interligne simple et en retrait), avec des caractères à l'ordinateur de 12 points et il n’y a pas plus de 12 caractères par 2,5 cm;

[24]        FRAIS À SUIVRE le sort des appels.

 

 

 

 

MARIE-JOSÉE HOGUE, J.C.A.

 

 

 

Me Pierre-Jude Thermidor

holmested & associés

Pour Les industries V-Tech inc., 8989931 Canada inc., et Raymond Semaan

 

Me Cara Cameron

davies ward phillips & vineberg, llp

Pour les intimées

 

Me Rémi Bourget

Me Consolato Gattuso

mitchell gattuso, avocats

Pour Régis Tremblay et Agence Régis Tremblay inc.

 

 

 

Date d’audience :

1er septembre 2015

 

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