Perron (Succession de) |
2011 QCCLP 7167 |
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[1] Le 25 novembre 2010, madame Huguette Perron, pour la Succession Marcel Perron, dépose à la Commission des lésions professionnelles, une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 16 novembre 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Cette décision confirme une première décision de la CSST datée du 6 mai 2010 et déclare que le décès de monsieur Marcel Perron (le travailleur) n’est pas relié à la maladie professionnelle pulmonaire dont il était porteur. Par conséquent, il n’y a pas ouverture aux bénéfices de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), en particulier au versement d’indemnités de décès.
[3] L’audience de la présente requête a lieu à Laval, le 25 octobre 2011, en présence de madame Huguette Perron. Le délibéré a débuté à cette date.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La succession demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la révision administrative, de déclarer que le travailleur est décédé des suites de sa maladie professionnelle pulmonaire et pour cette raison, de déclarer qu’elle a droit aux indemnités de décès prévues à la loi.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] La membre issue des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont du même avis. La succession ne démontre pas que la maladie professionnelle pulmonaire a entraîné le décès du travailleur. La preuve médicale prépondérante est à l’effet que le travailleur est décédé d’une autre cause. La succession n’a pas droit aux bénéfices de la loi.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] La Commission des lésions professionnelles doit décider de la cause du décès du travailleur pour, ensuite, décider si la succession a droit de recevoir les indemnités de décès prévues à l’article 97 de la loi :
97. Le décès d'un travailleur en raison d'une lésion professionnelle donne droit aux indemnités prévues par la présente section.
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1985, c. 6, a. 97.
[7] Il est acquis aux présentes que le travailleur était porteur d’une lésion professionnelle, soit une maladie professionnelle. En effet, en 2001, le Comité spécial des présidents concluait que le travailleur souffrait d’une maladie professionnelle pulmonaire sous forme de pachypleurite d’amiante responsable d’un syndrome restrictif. Un déficit anatomo-physiologique de 25 % était accordé. La même conclusion sera reprise en 2005. En 2008, l’évaluation montrait une légère aggravation de 5 % avec une classe fonctionnelle à 2. Le Comité spécial des présidents jugeait qu’une évaluation de contrôle n’était pas nécessaire avant 2012.
[8] Le travailleur était également porteur d’autres conditions, notamment l’épilepsie et la maladie d’Alzheimer. Depuis février 2007, vu son état de santé précaire, il résidait dans un Centre hospitalier pour soins de longue durée (CHSLD). Le travailleur décédait le 1er juin 2009.
[9] Dans les semaines qui suivent, madame Huguette Perron, veuve du travailleur, présente une réclamation à la CSST pour recevoir les indemnités de décès prévues à la loi. Par décision datée du 6 mai 2010, la CSST refuse cette réclamation au motif que le décès du travailleur n’est pas relié à sa maladie professionnelle pulmonaire. La révision administrative, le 16 novembre 2010, confirme ce refus. C’est de cette décision dont se plaint la succession en l’instance.
[10] Après la tenue d’une audience où madame Perron a pu faire valoir ses arguments et après l’analyse de la preuve documentaire contenue au dossier, la Commission des lésions professionnelles constate que la relation entre la maladie professionnelle pulmonaire et le décès du travailleur n’est pas démontrée.
[11] Le rapport d’une autopsie pratiquée le 3 juin 2009 est au dossier. Les diagnostics finaux retenus sont :
1) Bronchopneumonie d’aspiration alimentaire récente, bilatérale.
2) Plaques fibreuses et calcifiées, pleurales bilatérales et diaphragmatiques, associées à une fibrose pulmonaire interstitielle multifocale prédominant aux lobes inférieurs et à la présence de corps amiantosiques, le tout compatible avec une amiantose. À corréler avec l’histoire clinique.
3) Maladie d’Alzheimer et ancien infarctus cavitaire étendu du territoire de l’artère cérébrale moyenne droite
4) Modifications suggérant des séquelles d’un ancien traumatisme cérébral avc xanthochromie frontale (cf. rapport 09H14663 du Dr Jose Ferreira, neuro-pathologiste, daté du 26 octobre 2009)
5) Cholélithiase vésiculaire
6) Hypertrophie prostatique bénigne
7) Athérosclérose systémique légère à modérée
[12] En matière de relation causale entre une maladie professionnelle pulmonaire et un décès, la CSST n’est pas tenue de référer le dossier au Comité spécial des présidents. Ainsi, la procédure d’évaluation médicale ne s’applique pas pour déterminer la cause du décès d’un travailleur[2]. Dans le cas sous étude, la CSST, à la réception du rapport d’autopsie, a requis l’opinion de son bureau médical. Après avoir pris connaissance du dossier de la CSST et du rapport d’autopsie, le médecin du bureau médical écrit ce qui suit dans les notes évolutives du 7 avril 2010 :
[…]
On retient aussi que le travailleur était déjà épileptique de type grand mal, sous médication, qu’il était porteur d’une maladie d’Alzheimer et qu’il souffrait d’apnée du sommeil. Selon le rapport d’autopsie de juin 2009, les diagnostics finaux sont la bronchopneumonie d’aspiration alimentaire bilatérale, les plaques fibreuses pleurales, la maladie d’Alzheimer.
Considérant que l’état respiratoire du travailleur avait peu progressé dans les dernières années comme en témoigne le rapport du Comité des Présidents qui suggérait une nouvelle évaluation que dans quatre ans.
Considérant que le travailleur était porteur de conditions personnelles telles l’épilepsie de type grand mal, l’apnée du sommeil, la maladie d’Alzheimer.
Considérant que le travailleur est décédé suite à une bronchopneumonie d’aspiration alimentaire bilatérale.
Nous sommes d’avis que ces conditions personnelles ont contribué principalement au trouble de déglutition qui a provoqué l’aspiration de particules alimentaires dans l’arbre respiratoire et ainsi causer (sic) la bronchopneumonie responsable du décès du travailleur selon le rapport d’autopsie.
[13] Le dossier ne contient aucun autre document de nature médicale discutant de la cause probable du décès.
[14] Dans Succession Gilles Moreau[3], la Commission des lésions professionnelles rappelle qu’en vertu de l'article 97 de la loi, pour obtenir gain de cause, la succession du travailleur doit faire la démonstration, par preuve prépondérante, que le décès du travailleur est survenu à cause de sa lésion professionnelle. Il n'est pas nécessaire d'obtenir une preuve équivalant à un niveau de certitude médicale, mais il est nécessaire, aux fins de se prononcer sur une telle relation, que la preuve démontre de manière prépondérante à tout le moins un niveau de probabilité qui dépasse la simple possibilité, voire l'hypothèse.
[15] Cette preuve est absente en l’instance. Comme le mentionnait la soussignée à madame Huguette Perron, à l’audience, le fait que le travailleur était porteur d’une maladie professionnelle pulmonaire n’est pas remis en question. Cependant, la preuve que cette maladie soit la cause la plus probable de son décès n’est pas établie. Au contraire, selon ce qui ressort du rapport d’autopsie, le décès résulte d’un trouble de déglutition qui a provoqué l’aspiration de particules alimentaires dans l’arbre respiratoire et ainsi causé la bronchopneumonie, elle-même responsable du décès.
[16] La Commission des lésions professionnelles ne peut faire droit aux prétentions de la succession en l’instance.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de la Succession Marcel Perron;
CONFIRME la décision rendue le 16 novembre 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Marcel Perron n’est pas décédé des suites de sa maladie professionnelle pulmonaire et, qu’à ce titre, la succession Marcel Perron n’a pas droit aux indemnités de décès prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.
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Louise Boucher |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Trudel-Chénard et Asten Canada, [1989] C.A.L.P. 909 ; Succession Marcel David et Atlas Asbestos Co. Ltd. C.A.L.P. 12726-60-8906, 24 mai 1991, L. McCutcheon (J3-12-11).
[3] Succession Gilles Moreau et Bois Grande-Rivière GDS, C.L.P. 279308-01B-0601, 15 février 2007, R. Arseneau. Voir au même effet : Succession Léopold Turbide et Compagnie minière Québec Cartier, [1992] C.A.L.P. 867 ; Patrice Lessard (Succession) et Les Mines d'amiante Bell ltée, [1995] C.A.L.P. 197 ; Mine Jeffrey inc. et Succession Arthur Bisson, C.L.P. 278827-05-0512, 15 septembre 2006, F. Ranger, (06LP-123).
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