Extra Multi-Ressources |
2014 QCCLP 1883 |
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Dossier 518317-71-1307
[1] Le 31 juillet 2013, Extra Multi-Ressources (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue le 25 juillet 2013 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 31 mai 2013 et déclare que l’employeur doit assumer la totalité du coût des prestations relié à la lésion professionnelle subie par le travailleur le 28 mars 2012.
Dossier 518381-71-1307
[3] Le 31 juillet 2013, l’employeur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue le 25 juillet 2013 par la CSST à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 13 juin 2013 et déclare que l’employeur doit assumer la totalité du coût des prestations relié à la lésion professionnelle subie par le travailleur le 28 mars 2012.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
Dossier 518317-71-1307
[5] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur, à compter de sa démission, doit être imputé aux employeurs de toutes les unités.
Dossier 518381-71-1307
[6] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le coût des prestations, à compter de la date de consolidation, doit être imputé aux employeurs de toutes les unités.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] La Commission des lésions professionnelles doit d’abord déterminer si l’employeur doit être imputé du coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur à compter de la date de sa démission.
[8] Le travailleur est ouvrier journalier lorsqu’il est victime d’un accident du travail le 28 mars 2012 entraînant un étirement minime du ligament latéral du genou gauche.
[9] Dès le 10 avril 2012, le travailleur a repris le travail en travaux légers à la fréquence d’une demi-journée, 5 jours/semaine. À partir du 17 avril 2012, le travailleur travaillait à temps plein, mais en travaux légers.
[10] Alors qu’il était toujours en travaux légers à temps plein, le travailleur a donné sa démission le 11 mai 2012.
[11] La lésion a finalement été consolidée le 30 mai 2012 selon la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 12 avril 2013[1]. Malgré cette date de consolidation, le travailleur a bénéficié de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’au 25 février 2013.
[12]
Il ressort par la suite des éléments de preuve contenus au dossier que
la CSST a tenté d’obtenir un rapport final du médecin traitant et ses
conclusions concernant les points 4 et 5 de l’article
[13]
Le tribunal doit donc décider si l’employeur a droit au transfert de
l’indemnité de remplacement du revenu versée à compter du 11 mai 2012 selon
l’article
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
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1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[14] L’employeur ne demande pas un transfert total du coût, mais un transfert partiel au motif que les coûts, dont il demande le transfert ne sont pas dus « en raison » de l’accident du travail.
[15]
Récemment, la Commission des lésions professionnelles a fait une revue
de l’évolution de la jurisprudence concernant l’article
[97] À la lumière de cette revue jurisprudentielle, dans un souci de cohérence et de respect de l’objet même de la loi et des différentes dispositions qui la composent, la Commission des lésions professionnelles s’interroge sur la voie majoritairement retenue jusqu’à maintenant, dans l’analyse des demandes de transfert partiel d’imputation déposées par les employeurs, notamment en vertu de l’émergence de décisions récentes considérant le régime de financement auquel est assujetti un employeur pour déterminer si un employeur est obéré injustement.
[98] Avec respect pour l’opinion contraire, le tribunal considère qu’une telle façon de faire semble s’éloigner de l’intention du législateur et comporte plusieurs variables peu définies qui influent directement sur l’issue du litige.
[99] Par conséquent, il apparaît nécessaire de
s’interroger sur l’intention réelle du législateur lorsqu’il a édicté le
principe général d’imputation au premier alinéa de l’article
[100] Pour y parvenir, il est essentiel de revenir à
l’analyse contextuelle globale de la loi qui fait ressortir que le principe
général d’imputation prévu au premier alinéa de l’article
[101] Cependant, lorsqu’une partie de ces coûts est générée par une situation étrangère n’ayant pas de lien direct avec la lésion professionnelle, comme c’est notamment le cas du congédiement ou encore de la condition intercurrente ou personnelle interrompant une assignation temporaire, est-il justifiable que ces sommes demeurent imputées au dossier de l'employeur?
[102] Dans de telles circonstances, ne serait-ce pas le
premier alinéa de l’article
[103] En vue de se prononcer à cet égard, le tribunal a
analysé le libellé même de l’article
[104] Le deuxième alinéa de l’article
[105] Or, si l’on compare le libellé de cet alinéa à celui
de l’article
[106] D’ailleurs, dans
l’affaire Les Systèmes Erin ltée27, la Commission des lésions professionnelles s’est penchée sur la portée du deuxième alinéa de
l’article
[26] Finalement,
il importe de souligner que l’article
[27] Cela implique, comme dans le cas de l’article 327, qu’il y a transfert de coût et non partage, comme c’est le cas en application des articles 328 et 329. Cette dernière disposition prévoit que la CSST « peut [...] imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités » alors que l’article 326 prévoit que la CSST « peut [...] imputer le coût des prestations [...] aux employeurs [...] ». Ainsi, lorsqu’il y a matière à application de l’article 326 alinéa 2, la totalité du coût des prestations ne doit plus être imputée à l’employeur, un transfert devant être fait : il ne saurait être question de ne l’imputer que d’une partie du coût. C’est, en quelque sorte, tout ou rien.
[28] D’ailleurs, lorsqu’il est question d’un accident du travail attribuable à un tiers, la totalité du coût des prestations est toujours transférée ; il n’est jamais question de partage ou de transfert du coût pour une période donnée.9 Il a d’ailleurs déjà été décidé à plusieurs reprises qu’il devait obligatoirement en être ainsi.
[29] Étonnamment, lorsqu’il est question d’éviter que l’employeur soit obéré injustement, un transfert du coût des prestations pour une période donnée, soit un transfert d’une partie seulement du coût total, a régulièrement été accordé, sans, par contre, qu’il semble y avoir eu discussion sur cette question.10
[30] Avec respect pour cette position, la commissaire soussignée ne peut la partager, pour les motifs exprimés précédemment. Il en va des cas où l’on conclut que l’employeur serait obéré injustement comme de ceux où l’on conclut à un accident attribuable à un tiers : l’employeur ne saurait alors être imputé ne serait-ce que d’une partie du coût des prestations dues en raison de l’accident du travail.
[31] Il importe cependant de préciser qu’il est possible, en application de l’article 326 (mais alinéa 1), de ne pas imputer à l’employeur une partie du coût des prestations versées au travailleur, pour autant que cette partie du coût ne soit pas due en raison de l’accident du travail. Un bon exemple de cette situation est la survenance d’une maladie personnelle intercurrente (par exemple, le travailleur fait un infarctus, ce qui retarde la consolidation ou la réadaptation liée à la lésion professionnelle) : les prestations sont alors versées par la CSST, mais comme elles ne sont pas directement attribuables à l’accident du travail elles ne doivent, par conséquent, pas être imputées à l’employeur. L’article 326, 1er alinéa prévoit en effet que c’est le coût des prestations dues en raison de l’accident du travail qui est imputé à l’employeur.
9 Voir notamment : General Motors du Canada ltée
et C.S.S.T.
10 Ville de St-Léonard et C.S.S.T. C.A.L.P.
[nos soulignements]
[107] La soussignée souscrit au raisonnement et aux motifs
retenus dans cette décision de même qu’à l’interprétation qui en est faite du
second alinéa de l’article
[108] De plus, un autre élément permet au tribunal de
conclure que le deuxième alinéa de l’article
[109] En effet, le législateur a spécifiquement prévu que l'employeur doit présenter sa demande dans l’année suivant la date de l’accident. Ceci s’explique, de l’avis du tribunal, par le fait que les demandes de transfert total de coûts visent généralement des motifs liés à l’admissibilité même de la lésion professionnelle. C’est clairement le cas à l’égard des accidents attribuables à un tiers et le libellé même de cet alinéa ne permet pas de croire qu’il en va autrement à l’égard de la notion d’obérer injustement. D’autant plus que l’application de ce deuxième alinéa à des demandes de transfert partiel a donné lieu à des interprétations variées de cette notion « d’obérer injustement » et mené à une certaine « incohérence » relativement à l’interprétation à donner à cette notion et à la portée réelle de l’intention du législateur.
[110] La soussignée est d’opinion que le législateur
visait clairement, par les deux exceptions prévues au deuxième alinéa de
l’article
[111] Ceci semble d’autant plus vrai que la plupart des
demandes de transfert total de coûts, liées principalement à l’interruption de
l’assignation temporaire ou à la prolongation de la période de consolidation en
raison d’une situation étrangère à l’accident du travail, surviennent
fréquemment à l’extérieur de cette période d’un an puisqu’elles s’inscrivent au
cours de la période d’incapacité liée à la lésion professionnelle. Il s’agit
donc là d’un autre élément militant en faveur d’une interprétation selon
laquelle les deux exceptions prévues au deuxième alinéa de l’article
[…]
[122] À la lumière des définitions énoncées plus haut et
des décisions auxquelles il est fait référence, le tribunal est d’avis que
l’utilisation du terme « due en raison d’un accident du travail » que
l’on retrouve au premier alinéa de l’article
[123] Ainsi, toute prestation imputée qui n’est pas due en raison d’un accident du travail devrait être retirée du dossier financier de l’employeur.
[…]
[131] En résumé, le tribunal retient de son analyse que
l’exception au principe général d’imputation prévue au deuxième alinéa de
l’article
[132] Par ailleurs, les demandes de transfert partiel de
coûts doivent plutôt être analysées en vertu du premier alinéa de
l’article
[…]
27 Précitée, note 26.
[16] L’approche adoptée par le tribunal dans l’affaire Supervac 2000[4] est de plus en plus suivie et apparaît être le courant majoritaire au sein du tribunal[5].
[17] Plus précisément, dans l’affaire Supervac 2000[6] l’assignation temporaire a été interrompue en raison du congédiement du travailleur. Le tribunal arrive à la conclusion suivante :
[140] En l’espèce, le travailleur est en assignation temporaire à compter de septembre 2011 pour des périodes parfois interrompues, tel qu’il appert de la description des faits. Au cours de la période de l’assignation temporaire, le versement de l’indemnité de remplacement du revenu a été temporairement suspendu. Cependant, le travailleur a de nouveau bénéficié du versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 15 mars 2012, date faisant suite à son congédiement qui n’est d’aucune façon relié à la lésion professionnelle du 15 août 2011.
[141] Il est vrai que le droit du travailleur à l’indemnité de remplacement du revenu provient de son incapacité à exercer son emploi prélésionnel. Ainsi, ce droit subsiste malgré l’assignation temporaire puisqu’il découle de son incapacité à effectuer son emploi prélésionnel.
[142] Toutefois, le tribunal est d’opinion qu’il faut faire une distinction entre l’imputation du coût de ses prestations et le droit à l’indemnité de remplacement du revenu. Ainsi, bien que le travailleur ait eu droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 15 mars 2012, il n’en demeure pas moins que ces coûts ne devaient pas être imputés au dossier de l'employeur puisqu’ils ne sont pas dus en raison de l’accident du travail survenu le 15 août 2011, mais plutôt à cause d’une situation étrangère à cet accident ou n’ayant pas de lien direct avec celui-ci, ce qui justifie le transfert du coût de ses prestations à l’ensemble des employeurs.
[18] La Commission des lésions professionnelles considère que dans le présent dossier, les travaux légers ont cessé avec reprise de l’indemnité de remplacement du revenu uniquement en raison de la démission du travailleur. Le raisonnement du tribunal dans l’affaire Supervac 2000[7] s’applique en l’espèce puisque la reprise du versement de l’indemnité de remplacement du revenu n’est pas due en raison de l’accident du travail, mais en raison d’une situation étrangère à cet accident, sans lien direct avec celui-ci, soit la démission du travailleur.
[19] Par ailleurs, dans l’affaire Les Usines Sartigan inc. et Vachon[8] le tribunal fait droit à la demande de transfert en raison de la démission du travailleur :
[43] Troisièmement, c'est le travailleur qui a décidé de démissionner. Les raisons pour lesquelles il l’a fait ne sont pas pertinentes au litige puisque dans les faits, le travailleur déclare que cette démission était volontaire et, de plus, aucune plainte n’a été déposée à l’encontre de l'employeur. Il faut donc comprendre que le travailleur a pris cette décision seul, en toute connaissance de cause, et l'employeur ne peut en être tenu responsable.
[44] Quatrièmement, la preuve démontre qu’il y avait un travail adapté pour la condition du travailleur et que l’employeur assumait tous les coûts reliés à l’indemnité de remplacement du revenu qu’il versait au travailleur depuis le 18 juillet 2011. La démission du travailleur privait donc l’employeur de la prestation de travail et de la possibilité de minimiser les coûts relatifs à la lésion professionnelle.
[20] Finalement, le tribunal est d’avis qu’il n’y a pas lieu, en l’espèce, de distinguer entre des travaux légers à temps plein valablement autorisé et une assignation temporaire.
[21] Puisque la reprise de l’indemnité de remplacement du revenu n’est pas due « en raison » de la lésion professionnelle, la Commission des lésions professionnelles conclut que l’employeur de doit pas être imputé du coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur à compter du 11 mai 2012 et ce, jusqu’à l’arrêt complet du versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[22]
En ce qui concerne le retard occasionné par les difficultés à joindre le
travailleur, son absence lors de la première demande d’évaluation en vertu de
l’article
[23]
Puisqu’une demande partielle de transfert des coûts s’analyse en vertu
du premier alinéa de l’article
[24] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’employeur n’a pas démontré que les prestations, autres que l’indemnité de remplacement du revenu, n’étaient pas dues en raison de la lésion professionnelle. Il est vrai que les délais ont été particulièrement longs dans le présent dossier, mais celui-ci a suivi son cours normal et c’est à la suite de la décision de la Commission des lésions professionnelles en 2012[9] que la date de consolidation a finalement été déterminée. Il n’y a pas de preuve prépondérante selon laquelle, à ce stade, les prestations ne sont pas dues en raison de la lésion.
[25] Après sa démission, le travailleur a repris un nouvel emploi le 25 février 2013. Le tribunal est donc d’avis qu’à compter de cette date, bien qu’il n’a pas été possible de procéder à l’évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, il est permis de présumer de la capacité de travail sans restriction. Avant cette date, la Commission des lésions professionnelles ne peut conclure que le suivi médical et les autres prestations, à l’exclusion de l’indemnité de remplacement du revenu, n’étaient pas dus en raison de la lésion professionnelle.
[26] La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis qu’après le 25 février 2013, les prestations ne sont pas dues en raison de la lésion professionnelle. Il y a, selon l’ensemble des faits dans le présent dossier, présomption selon laquelle, le travailleur était capable de reprendre son emploi sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles. L’employeur a donc droit au transfert du coût des prestations à l’ensemble des employeurs à compter du 25 février 2013.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 518317-71-1307
ACCUEILLE la requête de Extra Multi-Ressources, l’employeur;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 25 juillet 2013 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que Extra Multi-Ressources ne doit pas être imputé du coût de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur à compter du 11 mai 2012 jusqu’à la fermeture du dossier.
Dossier 518381-71-1307
ACCUEILLE la requête de Extra Multi-Ressources, l’employeur;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 25 juillet 2013 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que Extra Multi-Ressources ne doit pas être imputé d’aucun coût à compter du 25 février 2013 pour l’accident du travail survenu le 28 mars 2012.
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Sylvie Arcand |
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M. Simon Dumas |
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SST GROUPE CONSEIL |
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Représentant de la partie requérante |
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[1] Extra Multi-Ressources et marc Laperrière,
[2] L.R.Q., c. A-3.001.
[3] 2013 QCCLP 6341, révision pendante.
[4] Précitée, note 3.
[5] Provigo Distribution
(Division Maxi),
[6] Précitée, note 3.
[7] Précitée, note 3.
[8]
[9] Précitée, note 1.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.