Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Saguenay-

Lac-Saint-Jean

SAGUENAY, le 11 octobre 2002

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

180232-02-0203

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Me Claude Bérubé

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

ARTHUR GIRARD

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

CLAUDE GIRARD

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS CSST :

120778931-1 120778931-2

AUDIENCE TENUE LE :

19 juillet 2002

 

 

 

 

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

23 septembre 2002

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Saguenay

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JEAN BRASSARD

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

VOLTECH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 8 mars 2002, le travailleur, monsieur Jean Brassard, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 24 janvier 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) (la Commission) à la suite d'une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la Commission infirme la décision initiale d'admissibilité rendue le 4 octobre 2001 et déclare irrecevable la réclamation déposée par le travailleur. Dans un deuxième volet, la Commission déclare sans objet la deuxième demande de révision déposée le 22 octobre 2001 à l'encontre de la décision rendue le 15 octobre 2001 concernant le pourcentage de l'atteinte permanente puisque cette décision n'a plus d'effet en raison de la décision précédemment rendue.

 

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[3]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d'infirmer cette décision et de déclarer recevable la réclamation qu'il a déposée à la Commission pour une lésion professionnelle survenue le 21 avril 1999, de rétablir les décisions initiales rendues par la CSST quant à l'admissibilité de sa lésion professionnelle et quant au pourcentage d'atteinte permanente qui découle de cette lésion.

 

L'AUDIENCE

[4]               Le travailleur est présent à l'audience.

[5]               Le procureur de l'employeur ayant avisé la Commission des lésions professionnelles de son impossibilité de se présenter à l'audience, une réserve de droits complète lui a été accordée de réagir au témoignage du travailleur par voie de contre-interrogatoire, si jugé nécessaire, de compléter la preuve ou encore de fournir une argumentation au soutien de ses prétentions.

[6]               Dans le délai imparti, le procureur de l'employeur a soumis à la Commission des lésions professionnelles une argumentation écrite à laquelle était jointe une jurisprudence pertinente.

[7]               Le dossier a été pris en délibéré le 23 septembre 2002.

[8]               La preuve soumise à l'appréciation de la Commission des lésions professionnelles, consiste en l'ensemble des documents contenus au dossier préparé pour l'audience ainsi qu'au témoignage du travailleur.

[9]               Après avoir analysé l'ensemble des éléments de la preuve documentaire et testimoniale, tant factuelle que médicale, avoir reçu les arguments invoqués par la procureur de l'employeur, avoir reçu l'avis des membres conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1](la loi) (LATMP) et sur le tout, avoir délibéré, la Commission des lésions professionnelles rend la décision suivante.

 

L'AVIS DES MEMBRES

[10]           Le membre issu des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales sont tous deux d'avis de faire droit à la requête du travailleur et de déclarer recevable la réclamation qu'il a déposée à la CSST pour un événement survenu le 21 avril 1999.

[11]           Ils sont également d'avis qu'il n'y a pas lieu de remettre en question le pourcentage d'atteinte permanente qui a été accordé au travailleur à la suite du rapport d'évaluation médicale qui a été déposé au dossier de la CSST.

[12]           Ils sont d'opinion que le travailleur a respecté le processus prévu à la loi, et ce, bien qu'il n'ait déposé sa réclamation qu'au moment où il a eu intérêt à le faire, c'est-à-dire lorsqu'il lui a été confirmé médicalement que sa lésion entraînait une atteinte permanente de la nature d'un préjudice esthétique.

[13]           Ils sont d'avis qu'en aucune étape du dossier, l'employeur a été brimé ou privé d'une information quelconque puisqu'il a été avisé immédiatement dès la survenance de l'événement et qu'il a reçu du travailleur l'attestation médicale initiale complétée au moment de sa première visite médicale, le jour même de l'événement.

[14]           Quant au travailleur, il n'avait aucun intérêt à réclamer à la CSST avant de savoir s'il y avait matière à telle réclamation.

 

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[15]           En l'espèce, la Commission des lésions professionnelles doit se prononcer dans un premier temps sur la recevabilité de la réclamation déposée par le travailleur pour une lésion à caractère professionnel survenue le 21 avril 1999.

[16]           Suivant la conclusion à laquelle en viendra la Commission des lésions professionnelles, elle devra se prononcer sur l'admissibilité de la réclamation du travailleur ainsi que sur la question du pourcentage d'atteinte permanente octroyé à la suite de cette lésion.

[17]           Dans la décision faisant l'objet du présent litige, on résume comme suit les données factuelles et médicales pertinentes:

« Le 21 avril 1999, le travailleur occupe un emploi d'électricien chez l'employeur.  Dans sa réclamation signée du 30 août 2001, le travailleur explique que le 21 avril 1999, il se coupe au poignet droit en échappant le boîtier d'une lumière encastrée.  Le même jour, le travailleur consulte le docteur Tremblay, lequel indique sur l'attestation médicale initiale un diagnostic de plaie au poignet droit.  Le travailleur reçoit les soins et traitements nécessaires à sa condition mais sans perte de temps de travail.

 

Le 13 août 2001, le docteur Tardif émet un rapport final pour la lésion de 1999 et indique la présence d'une atteinte permanente et réfère le travailleur au docteur Lalancette pour une évaluation en conformité avec le barème des dommages corporels.  Ce dernier procède à cette évaluation le 24 septembre 2001 et attribue un pourcentage d'atteinte permanente de 0,70%.

 

La Révision administrative souligne que la réclamation du travailleur est logée en dehors du délai prescrit par la loi.  En effet, la loi prévoit que le travailleur qui subit une atteinte permanente à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle produit sa réclamation à la Commission dans les six mois de la lésion.  La lésion est survenue le 21 avril 1999, le travailleur avait donc jusqu'au 21 octobre 1999 pour produire sa réclamation à la Commission, alors qu'elle est reçue le 31 août 2001.

 

Le travailleur invoque comme motif pour expliquer sa réclamation tardive à la Commission qu'il croyait que le fait de déclarer à l'hôpital qu'il s'agissait d'un accident du travail que le dossier s'ouvrait à la Commission.  Cependant, c'est le troisième dossier du travailleur selon l'historique des réclamations.  La Révision administrative ne peut considérer ce motif comme raisonnable pour permettre de relever le travailleur de son défaut d'avoir produit sa réclamation dans les délais prescrits par la loi. »

 

 

 

[18]           Dans les faits, la preuve révèle, de manière non contredite, que le travailleur s'est blessé au travail et qu'il a déclaré l'événement la journée même à son employeur en parlant à monsieur Serge Gilbert, un des propriétaires de l'entreprise.

[19]           Le travailleur s'est rendu au centre hospitalier où il a reçu les soins appropriés et il a été en mesure de reprendre son travail avant la fin de la journée.  Une copie de l'attestation médicale complétée au moment de sa visite à l'hôpital a été remise à son employeur.

[20]           Le travailleur n'a pas subi de perte de salaire et la lésion qu'il a subie n'a pas entraîné, pour lui, de déboursés car il a reçu les soins, d'abord à la clinique d'urgence et, par la suite, au CLSC local.

[21]           Suivant l'évolution de la blessure subie au poignet, le travailleur a été dirigé au DLalancette qui a préparé un rapport d'évaluation en conformité des prescriptions de la loi et du Règlement sur le barème des dommages corporels.  Le médecin attribue au travailleur un pourcentage d'atteinte permanente qu'il évalue à 0,70 p. 100, en raison de la présence d'une cicatrice qu'il décrit comme suit:

 « À l'examen, l'on remarque, au niveau palmaire de son poignet droit, une cicatrice blanchâtre (dépigmentée) mesurant au totale .1 X 7 cm.  Il n'y a pas de déformation des tissus adjacents. »

 

 

 

[22]           Dès le 30 août 2001, le travailleur, qui est informé pour la première fois d'une atteinte permanente en raison de la présence d'une cicatrice entraînant l'octroi d'un pourcentage d'une telle atteinte, dépose à la CSST sa réclamation.

[23]           Dans une première décision rendue le 4 octobre 2001, la CSST accepte la réclamation du travailleur et dans une deuxième décision rendue le 15 octobre, elle confirme l'octroi d'un pourcentage d'atteinte permanente de 0,70 p. 100, entraînant pour le travailleur le paiement d'une indemnité totale pour préjudices corporels de 400,32 $.

[24]           L'employeur réagit et conteste les deux décisions rendues par la CSST, d'où la décision rendue le 24 janvier 2002 par la CSST à la suite d'une révision administrative.

[25]           Par cette décision, laquelle fait l'objet du présent litige, la CSST déclare irrecevable la réclamation du travailleur parce que déposée en dehors du délai prévu à la loi, alors que la preuve ne démontre pas la présence d'un motif raisonnable permettant de relever le travailleur de son défaut d'avoir agi en conformité des prescriptions légales.

[26]           Par voie de conséquence, la révision administrative déclare sans objet la demande de révision déposée par l'employeur à l'encontre de la décision du 15 octobre 2002.

[27]           Dans son argumentation écrite, le procureur de l'employeur soutient ce qui suit:

 « Que l'on retienne la date de l'événement du 21 avril 1999 (voir à la page 23 du dossier mis en ordre) ou la date de l'examen de contrôle de la plaie en date du 10 mai 1999 où le docteur Tremblay demandait à monsieur Brassard de bien vouloir se présenter à nouveau dans les six mois pour évaluer la cicatrice vicieuse au poignet droit (voir à la page 11 du dossier mis en ordre) ou à la date de l'évaluation de l'atteinte permanente en date du 24 septembre 2001 (voir à la page 16 du dossier mis en ordre), elles sont pour toutes les trois produites après le délai de six mois de la lésion.

 

Notez que le point de départ de la computation du délai de six mois est à la date de la lésion professionnelle en vertu de la Loi.  Monsieur Brassard devra donc démontrer un motif raisonnable permettant de prolonger le délai ou de relever de son défaut de la respecter.

 

Selon le témoignage du travailleur en audience, il explique ses véritables motifs lors d'un échange avec le commissaire Claude Bérubé à la suite d'une question du pourquoi de sa réclamation.  Monsieur bérubé lui mentionne simplement que c'est parce qu'il y avait des sous en jeu.

 

Même si la lésion initiale n'a pas entraîné d'incapacité à exercer son emploi, monsieur Brassard avait déjà un intérêt à produire une réclamation à partir du 21 avril 1999 puisque son médecin traitant, le docteur Tremblay lui avait prescrit des médicaments à ce moment-là, soit des antibiotiques, pour un problème de cellulite au poignet droit (voir à la page 9 du dossier mis en ordre).

 

Conséquemement, nous pouvons affirmer que monsieur Brassard avait matière à faire une réclamation dès le 21 avril 1999 et qu'il avait jusqu'au 21 octobre 1999 pour produire une réclamation en vertu des articles 270 et 271 LATMP.

 

Le dossier démontre que monsieur Brassard a produit sa réclamation en date du 30 août 2001 (voir à la page 5 du dossier mis en ordre) et que les motifs qu'il avance dans son témoignage à propos d'un intérêt monétaire n'est pas un motif raisonnable pour prolonger le délai ou de la relever du délai prévu aux articles 270 et 271 LATMP à la lumière des faits au dossier. » [sic]

 

 

 

[28]           Au soutien de son argumentation, le procureur de l'employeur dépose et commente une décision récente de la Commission des lésions professionnelles dans laquelle la commissaire Louise Desbois se prononce sur l'obligation du travailleur de produire, dans tous les cas, sa réclamation dans les six mois d'une lésion[2].

[29]           Dans les paragraphes 66 à 78 de cette décision, la commissaire discute comme suit de la question du délai pour le dépôt d'une réclamation à la suite d'une lésion professionnelle :

 « [66] Lorsqu'une lésion rend le travailleur incapable d'exercer son emploi pendant plus de quatorze jours complets ou qu'elle génère une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, l'article 270 prévoit que le travailleur doit produire une réclamation à la CSST.  Cela permet à la CSST d'obtenir l'information qui n'était pas incluse dans l'avis de l'employeur qui ne visait que les quatorze premiers jours et ne traitait pas de l'atteinte permanente.  Il en va de même en cas de décès: l'avis de l'employeur et demande de remboursement ne fournit que la date, mais non les bénéficiaires par exemple.

 

[67] Lorsqu'une lésion ne rend pas le travailleur incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifesté sa lésion ou qu'aucun employeur ne produira l'avis de l'article 268, l'article 271 prévoit que le travailleur produit une réclamation 's'il y a lieu', tel qu'il a été mentionné plus tôt, soit s'il a effectivement quelque chose à réclamer.

 

[68] Il est permis d'inférer de ce qui précède que dans les cas de lésions ne rendant pas le travailleur incapable d'exercer son emploi pendant plus de quatorze jours complets et n'entraînant pas d'atteinte permanente, la réclamation du travailleur n'est pas obligatoire.  Ce qui ne signifie pas par contre que l'absence de réclamation est sans conséquence.

 

[69] Dans le cas où le travailleur s'avère incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion, mais pendant au plus 14 jours complets et qu'aucune atteinte permanente ne découle de sa lésion, la CSST dispose normalement de toute l'information requise pour pouvoir traiter le dossier par le biais de l'avis de l'employeur et de l'attestation médicale l'accompagnant.

 

[70] Par contre, lorsque le travailleur n'a pas été incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cous de laquelle s'est manifestée sa lésion ou lorsqu'aucun employeur ne produira d'avis en vertu de l'article 268, la CSST ne sera informée de la survenance de la lésion professionnelle que si le travailleur produit une réclamation.  L'article 270 prévoit donc qu'il doit en produire s'il a subi une atteinte permanente à son intégrité physique et psychique.  L'article 271 prévoit quant à lui qu'il en produit une 's'il y a lieu', c'est à dire s'il y a matière à réclamation.  Si c'est le cas, cette réclamation doit être produite dans les six mois de la lésion.

 

[71] Ainsi, dans tous les cas, la CSST sera normalement informée de toute lésion professionnelle au plus tard dans les six mois de celle-ci, à moins que cette lésion n'ait entre-temps entraîné aucune conséquence digne de ce nom.

 

[72] Cette mise en contexte étant faire, la Commission des lésions professionnelles constate que les articles 270 et 271 prévoient que le travailleur produit sa réclamation à la CSST, 'dans les six mois de sa lésion'.  Le point de départ de la computation du délai est clairement identifié: la lésion.  On ne saurait ainsi lui substituer un autre point de départ.  Il n'apparaît d'ailleurs pas souhaitable que le point de départ de la computation d'un délai puisse varier et être sujet à trop d'interprétations.

 

[73] Quant à la locution 's'il y a lieu' de l'article 271, elle suit immédiatement et se rattache au fait de produire ou pas une réclamation à la CSST et non à celui de le faire ou pas 'dans les six mois de la lésion'.  Ainsi, la réclamation est produite ou pas par le travailleur, mais si elle l'est, elle doit l'être dans les six mois de la lésion.

 

[74] En l'occurrence, la réclamation du travailleur relative à la lésion professionnelle initiale n'a donc pas été produite à l'intérieur du délai prévu par la loi, que ce soit l'article 270 ou 271 qui s'applique, puisqu'elle a été produite près de deux ans après la lésion.  La question se pose donc à savoir si le travailleur a démontré un motif raisonnable permettant de prolonger le délai ou de le relever de son défaut de la respecter.

 

[75] Dans l'appréciation d'un tel motif raisonnable, les circonstances propres à chaque dossier doivent être considérées.  Cependant, la Commission des lésions professionnelles retient notamment comme motif raisonnable le fait qu'un travailleur n'ait pas réclamé plus tôt à la CSST parce qu'il n'avait rien à réclamer en regard de sa lésion professionnelle.  Ce motif a d'ailleurs déjà été reconnu comme étant un motif raisonnable, tant par la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles que par la Commission des lésions professionnelles.

 

[76] Bien que ce concept de «matière à réclamation» soit ici employé sous l'angle du motif raisonnable, et non comme point de départ de la computation du délai, il rejoint d'une certaine façon l'esprit de plusieurs des décisions déjà citées et constitue même en quelque sorte un fil conducteur entre celles-ci.  En effet, bien que le tribunal retienne alors tantôt celui du début de traitements ou même celui de la connaissance de l'existence d'une atteinte permanente, cela revient généralement en fait à rechercher le moment où le travailleur avait quelque chose à l'intérieur du délai prévu par la loi, et non pour établir la présence d'un motif raisonnable de l'avoir produite après l'expiration de ce délai, est cependant essentiellement la même.

 

[77] Le tribunal privilégie en outre la notion de 'matière à réclamation' parce qu'elle est plus concrète et collée à la réalité du travailleur que celle de 'l'intérêt' qui peut faire l'objet de beaucoup d'interprétations.  L'examen des termes utilisés dans la loi tend également à confirmer l'à-propos de l'utilisation de ce concept, notamment par l'utilisation du terme 'réclamation' plutôt qu' 'avis ' par exemple.

 

 

 

[78] En fait, lorsqu'une lésion professionnelle n'a entraîné ni incapacité de travail pendant plus de 14 jours complets, ni atteinte permanente, et qu'elle n'a pas entraîné matière à quelque réclamation à la CSST, cela constitue certainement pour un travailleur un motif raisonnable de ne pas avoir soumis de réclamation plus tôt.  La loi semble présumer qu'un travailleur saura normalement à l'intérieur d'un délai de six mois si sa lésion entraîne matière à réclamation.  Mais l'article 352 de la loi permet précisément de pallier aux exceptions lorsque cela apparaît raisonnable. »

 

 

[30]           Qu'en est-il dans le présent cas?  Les articles 270 et 271 de la loi sont ceux qui, à première vue, sont susceptibles de s'appliquer au cas sous espèce.

[31]           Cependant, la Commission des lésions professionnelles écarte immédiatement les prescriptions de l'article 270 puisque celui-ci couvre le cas d'un travailleur qui, en raison d'une lésion professionnelle, est incapable d'exercer son emploi pendant plus de quatorze jours complets ou encore subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique.

[32]           En l'espèce, l'événement accidentel n'a pas entraîné une incapacité au-delà de la journée de sa survenance et il n'était pas possible pour le travailleur de déterminer si une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique pouvait résulter de sa lésion.  C'est donc l'article 271 qui doit recevoir application et celui-ci se lit comme suit:

271. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui ne le rend pas incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion ou celui à qui aucun employeur n'est tenu de verser un salaire en vertu de l'article 60, quelle que soit la durée de son incapacité, produit sa réclamation à la Commission, s'il y a lieu, sur le formulaire qu'elle prescrit, dans les six mois de sa lésion.

________

1985, c. 6, a. 271.

 

 

 

[33]           Certes, une interprétation littérale de l'article amène à conclure, comme le fait la commissaire Desbois, dans la cause précitée, que la réclamation du travailleur doit être déposée à la CSST dans les six mois de la lésion.

[34]           Comment en effet interpréter la locution « s'il y a lieu » contenue à l'article autrement que le fait la commissaire Desbois alors qu'elle rattache celle-ci au fait de produire ou non une réclamation à la CSST et non pas de le faire dans un délai qui excède celui qui est prévu à la loi.

[35]           Aussi, la Commission des lésions professionnelles souscrit au raisonnement développé par la commissaire Desbois, dans la décision précitée, cette décision reprenant pour l'essentiel les principes qui se dégagent de la jurisprudence majoritaire de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles et de la Commission des lésions professionnelles.

[36]           Cependant, la Commission des lésions professionnelles est d'avis qu'une interprétation restrictive de la loi doit nécessairement comporter un volet compensateur ou atténuateur puisque le sens à donner à cet article présuppose que le travailleur doit avoir une réclamation à déposer à la Commission car on y fait référence, non pas à un avis d'accident ou d'événement, mais bien au dépôt d'une réclamation.

[37]           En effet, que sert à un travailleur qui n'a rien à « réclamer », de déposer une réclamation à la Commission dans les six mois d'une lésion? Ne doit-il pas y avoir un objet à une telle réclamation?

[38]           De l'avis de la Commission des lésions professionnelles, c'est par le biais de l'article 352 de la LATMP qu'il y a lieu de palier à la rigueur de la loi et de prolonger le délai de six mois lorsque la situation mise en preuve démontre l'absence de matière à réclamer dans le délai susdit.

[39]           Cet article se lit comme suit :

352. La Commission prolonge un délai que la présente loi accorde pour l'exercice d'un droit ou relève une personne des conséquences de son défaut de le respecter, lorsque la personne démontre un motif raisonnable pour expliquer son retard.

________

1985, c. 6, a. 352.

 

 

 

[40]           Qu'en est-il en l'espèce?

[41]           À la face même du dossier, la réclamation déposée par le travailleur ne respecte pas le délai de six mois prévu à la loi et il y a donc lieu de rechercher la présence d'un motif raisonnable qui permettrait de prolonger ce délai.

[42]           Ce n'est qu'au moment de sa visite au Dr Lalancette, en date du 30 août 2001, que le travailleur a été informé officiellement que la blessure qu'il avait subie au travail entraînait un déficit anatamo-physiologique quantifiable.

[43]           Comme la lésion du travailleur n'avait eu auparavant aucune autre conséquence, tant du point de vue monétaire que du point de vue fonctionnel, c'est à cette date seulement que le travailleur est informé pour la première fois , et cela verbalement, de la présence d'une atteinte permanente résultant de sa lésion.

[44]           Ainsi, la Commission des lésions professionnelles n'hésite nullement à conclure qu'il n'y avait pas de matière à réclamation auprès de la CSST avant le 30 août 2001 et qu'il s'agit, dans les circonstances particulières de l'espèce, d'un motif raisonnable qui permettait à la CSST, tout comme il le permet à la Commission des lésions professionnelles, de prolonger le délai pour le dépôt de la réclamation et de relever le travailleur des conséquences de son défaut de le respecter.

[45]           Par ailleurs, le dossier ne démontre pas que le travailleur ait été négligent dans le suivi médical de sa lésion puisqu'il s'en est remis aux médecins qui sont intervenus auprès de lui pour se présenter à la date convenue à l'examen du Dr Lalancette.

[46]           Qui plus est, dans le cadre spécifique de la preuve soumise, la Commission des lésions professionnelles constate que l'employeur n'a subi aucun préjudice à cette démarche puisqu'il a été avisé de l'événement, dès la journée même de sa survenance et que la preuve révèle que le travailleur lui a remis l'attestation médicale initiale.

[47]           Quant à l'argument soulevé par le procureur de l'employeur à l'effet que le travailleur avait un intérêt à produire une réclamation dès le 21 avril 1999, puisque son médecin traitant lui avait prescrit des antibiotiques, la Commission des lésions professionnelles tient à indiquer que le travailleur a confirmé, à l'audience, qu'il n'a pas eu à débourser pour des médicaments, alors que les soins reçus lui ont été prodigués au CLSC.

[48]           Cela étant, la Commission des lésions professionnelles tient à indiquer que dans l'éventualité où le travailleur aurait eu à débourser quelques frais pour des antibiotiques à l'occasion des soins reçus au CLSC, elle n'en aurait pas moins conclu que l'intérêt du travailleur, qui réclame seulement pour dommages corporels, résulte de l'évaluation complétée à la suite de l'examen du 30 août 2001. Il n'y avait pas, avant cette date, matière à sa réclamation qui est à l'origine de la décision rendue par la CSST en regard de l'octroi d'un pourcentage d'atteinte permanente et d'une indemnité pour dommages corporels.

[49]           La requête du travailleur sera donc accueillie.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête du travailleur, monsieur Jean Brassard;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative dans le dossier 120778931-00002;

DÉCLARE recevable la réclamation déposée par le travailleur le 30 août 2001;

DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 21 avril 1999;

CONFIRME, pour d'autres motifs, la décision rendue le 24 janvier 2002 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d'une révision administrative dans le dossier 120778931-00001;

DÉCLARE sans objet la demande de révision déposée par l'employeur parce qu'irrégulière et irrecevable, l'employeur n'ayant pas contesté, de la manière prévue à la loi, le pourcentage d'atteinte permanente accordé au travailleur;

DÉCLARE donc finale la décision rendue le 15 octobre 2001 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite du dépôt du rapport d'évaluation médicale complétée par le médecin ayant charge du travailleur;

DÉCLARE que le travailleur est porteur d'une atteinte permanente évaluée à 0,70 p. 100 auquel s'ajoute 0,01 p. 100 pour douleurs et perte de jouissance de la vie, cette atteinte donnant droit au travailleur à une indemnité de 400,32 $.

 

 

 

 

Me Claude Bérubé

 

Commissaire

 

 

 

 

 

A.P.C.H.Q.

(Me Dominique Gosselin)

5930, boul. Louis-H-Lafontaine

Anjou (Québec) H1M 1S7

 

Représentant de la partie intéressée

 



[1]          L.R.Q., chapitre A-3.001.

[2]          Georges Dufresne et GD Construction & Fils inc., 141787-01B-0006, 01-07-18, L. Desbois.

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