Décision

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Société Asbestos ltée c. 2858-0702 Québec inc.

2015 QCCA 1158

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

N° :

200-09-009055-150

(235-17-000033-155)

 

DATE :

 7 juillet 2015

 

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L'HONORABLE

CLAUDE C. GAGNON, J.C.A.

 

 

SOCIÉTÉ ASBESTOS LTÉE

et

COUILLARD CONSTRUCTION LTÉE

REQUÉRANTES - défenderesses

c.

 

2858-0702 QUÉBEC INC.

et

RAYMOND CIMON

INTIMÉS - demandeurs

et

PROCUREURE GÉNÉRALE, ès qualités de représentante du ministre du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques et du ministre des Transports du Québec

MISE EN CAUSE - mise en cause

 

 

JUGEMENT

 

 

[1]           Les requérantes sollicitent l’autorisation d’interjeter appel d’un jugement de la Cour supérieure du district judiciaire de Frontenac (l’honorable France Bergeron), rendu le 30 juin 2015, et prévoyant les conclusions suivantes :

[61]      FAIT DROIT à l’injonction interlocutoire provisoire pour une durée de dix jours;

[62]      ORDONNE à Société Asbestos Ltée et Couillard Construction Ltée, à leurs employés, représentants, préposés, mandataires, administrateurs et ayants-droit :

-           de cesser d’exploiter ou de permettre l’exploitation d’une carrière sur la propriété portant le matricule no 4000-04-9691 au rôle d’évaluation foncière de la Ville de Thetford Mines et plus particulièrement sur les lots 3855319, 4091476, 4091482, 4091513, 4091639, 4091646, 4091647, 4091648, 4091652, 4091653, 4091654, 4091663, 4091674, 4098034, 4098036, 4098040, 4098052, 4098053, 5332034, 5332035, 5332036 du cadastre du Québec, incluant non limitativement l’extraction, la manipulation, le tamisage, le chargement et le transport de gravier;

-           de ne pas reprendre ou permettre que soit repris l’exploitation d’une carrière, incluant non limitativement l’extraction, la manipulation, le tamisage, le chargement et le transport de gravier audit lieu;

et ce, jusqu’à ce qu’un jugement soit rendu sur la requête en injonction interlocutoire ou qu’un certificat d’autorisation autorisant une telle exploitation ait été délivré par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, conformément à la Loi sur la qualité de l’environnement et à ses règlements ou encore qu’un jugement final de la Cour reconnaisse que les défenderesses sont dispensées d’obtenir un tel certificat d’autorisation;

[63]      DISPENSE les demandeurs de fournir tout cautionnement;

[64]      PERMET la signification de la présente ordonnance en dehors des heures légales de signification et même un jour non juridique et PERMET sa signification sur le seuil de la porte;

[65]      REPORTE le dossier le 10 juillet 2015, à 9 h 30;

[66]      FRAIS À SUIVRE.

[2]           Elles demandent également, si l’autorisation d’appeler est accordée, la suspension de l’exécution provisoire de l’ordonnance.

[3]           Au soutien de leur pourvoi, elles invoquent des erreurs de droit qu’aurait commises la juge :

-               l’omission d’analyser les critères applicables aux injonctions interlocutoires provisoires;

-               l’omission de considérer et de décider de l’existence de droits acquis;

-               une conclusion erronée quant à l’urgence;

-               l’omission de considérer la balance des inconvénients en ce qui concerne Couillard Construction Ltée [Couillard].

*   *   *

[4]           Le site de la carrière de laquelle Couillard extrait du granite depuis 2014 appartient à Société Asbestos Ltée [Asbestos] qui y a exploité des mines d’amiante à compter du début du XXe siècle.

[5]           Asbestos a opéré ses mines dans la région de Thetford Mines jusqu’en juillet 1986 au moment où une société en commandite a été créée, dont le gérant et le commandité étaient Lab Chrysotile inc.

[6]           Cette dernière a géré les actifs miniers d’Asbestos jusqu’à sa faillite en 2007. Asbestos a, par la suite, récupéré les actifs gérés par le commandité.

[7]           Comme leurs concurrents de la région de Thetford Mines, Asbestos et Lab Chrysotile exploitaient un gisement de péridotite qui contenait de l’amiante chrysotile, de la dunite et des extrusions de granite.

[8]           Parce que pour extraire l’amiante d’un gisement il faut aussi en extraire les autres minerais, Asbestos et Lab Chrysotile inc. ont commercialisé, en plus de l’amiante, les autres minerais du gisement à compter des années ’60. De plus, à compter de 2007, Asbestos a vendu, de façon ininterrompue, des agrégats provenant de résidus miniers, de la dunite et du granite.

[9]           Informée de la présence d’extrusion de granite d’excellente qualité à proximité de l’ancien puits de la mine BC2, Asbestos a approché Couillard pour lui offrir d’exploiter ce site et une entente à cette fin fut conclue entre les requérantes.

[10]        L’exploitation de la carrière par Couillard a donc débuté à l’été 2014 pour s’interrompre en décembre et reprendre en mai 2015 jusqu’au 30 juin 2015. Parallèlement à cette activité, le ministère des Transports a retenu la soumission de Couillard pour la relocalisation de la route 112 dans le secteur de Black Lake.

[11]        Couillard a également obtenu des commandes pour 80 000 tonnes de granite qu’elle extrait de la propriété d’Asbestos et qui doivent être livrées sur différents chantiers, dont celui de la route 112, au plus tard jusqu’en octobre 2015.

[12]        Le 12 mars 2015, le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques [MDDELCC] a transmis à Asbestos et à Couillard des avis de non-conformité concernant l’exploitation d’une carrière sans avoir obtenu de certificat d’autorisation prévu à l’article 22 de la Loi.

*   *   *

[13]        Asbestos prétend, à cet égard, que l’exploitation constitue l’agrandissement d’une carrière dont l’exploitation a débuté et s’est poursuivie de façon continue depuis bien avant l’entrée en vigueur de la loi le 21 décembre 1972. Couillard agirait, quant à elle, en fonction de droits acquis par Asbestos. Ce que contestent vigoureusement les intimés.

[14]        La juge de la Cour supérieure a, pour sa part, exprimé l’avis que la preuve ne lui permettait pas de conclure à l’existence de droits acquis. Elle constate cependant une violation à une loi d’ordre public commise par les requérantes qui, à la lumière des enseignements de la Cour, justifierait la délivrance quasi automatique d’une injonction interlocutoire.

[15]        Elle estime, de plus, que les intimés ont démontré l’existence d’un préjudice sérieux pour l’environnement s’il est permis à Couillard de poursuivre l’exploitation de la carrière sans détenir le certificat d’autorisation jusqu’à ce qu’elle soit libérée de toutes ses obligations de livraison d’agrégats.

*   *   *

[16]        L’injonction interlocutoire provisoire, qu’elle soit accordée ou refusée, cause généralement, comme c’est le cas en l’espèce, un préjudice auquel le jugement final ne pourra complètement remédier.

[17]        Il ne suffit pas cependant, pour justifier l’octroi d’une autorisation d’appeler d’une telle ordonnance, que la demande satisfasse au critère prévu à l’article 29 C.p.c.

[18]        Encore faut-il que les fins de la justice le requièrent ainsi que l’exige l’article 511 C.p.c. Ce qui est très rarement le cas.

[19]        L’autorisation d’appel n’est, en conséquence, accordée que dans des circonstances exceptionnelles, et ce, principalement en raison du caractère discrétionnaire et temporaire de telles ordonnances[1].

[20]        La question de l’existence de droits acquis ou de leur abandon n’est pas sans intérêt. Mais, au premier moment où une formation de la Cour pourrait en être saisie, l’ordonnance visée sera déjà périmée puisqu’elle vient à échéance le 10 juillet prochain, soit dans à peine trois jours.

[21]        Je suis, en conséquence, d’avis que les requérantes n’ont pas établi de circonstances à ce point exceptionnelles que la permission demandée devrait être accordée. Considérant également que l’ordonnance provisoire peut fort bien ne pas être renouvelée et qu’elle ne lie ni le juge saisi de l’injonction interlocutoire ni celui qui tranchera l’injonction permanente, je suis d’avis de ne pas accorder la permission demandée.

[22]        Bref, je suis plutôt convaincu que l’intérêt de la justice ne requiert pas d’octroyer l’autorisation d’appeler.

[23]        Dans ces circonstances, la demande de suspension de l’exécution provisoire devient sans objet.

POUR CES MOTIFS, LE SOUSSIGNÉ :

[24]        REJETTE la requête pour permission d’appeler, avec dépens;

[25]        DÉCLARE la demande de suspension de l’exécution provisoire sans objet.

 

 

 

 

CLAUDE C. GAGNON, J.C.A.

 

Me Richard Dufour et Me Lisette Lafontaine

Dufour, Mottet

Pour les requérantes

 

Me Mireille Lemay

Tremblay, Bois

Pour les intimés

 

Me Stéphane Lepage

Chamberland, Gagnon

Pour la mise en cause

 

Date d’audience :

7 juillet 2015

 



[1]     Grand Council of Crees (Eeyou Istchee) c. Québec (procureur general), 2008 QCCA 2282; Syndicat des travailleuses et travailleurs de la scierie Valmont-CSN c. Scierie Valmont inc., 2008 QCCA 1243; Sobeys c. Casot Ltée, 2005 QCCA 678; Boulerice c. Dupuis, 2009 QCCA 885.

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