Décision

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Morales c. Ménage-Poly inc.

2017 QCCQ 10123

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-32-148472-154

 

 

 

DATE :

1er septembre 2017

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ENRICO FORLINI, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

ENRIQUE MORALES

et

MARIEM SBAI

Demandeurs

c.

MÉNAGE-POLY INC.

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]   Mariem Sbai réclame 12 000 $ en dommages et intérêt de Ménage-Poly inc. (Ménage-Poly) au motif que cette dernière a fait de fausses représentations au moment de la signature d’un contrat de franchise et n’a pas correctement exécuté les obligations découlant du contrat. Ménage-Poly conteste la réclamation, plaide qu’il y a absence de fausses représentations et ajoute qu’elle a correctement exécuté toutes les obligations découlant du contrat de franchise.

 

[2]   Le codemandeur Enrique Morales réclame 3 000 $ de Ménage-Poly et soulève sensiblement les mêmes arguments que Mme Sbai. Ménage-Poly nie qu’il existe un contrat de franchise entre elle et M. Morales et nie également lui devoir quelconque montant.

[3]   Par ailleurs, Ménage-Poly se porte demanderesse reconventionnelle et réclame de M. Mourad Sbai, le conjoint de Mme Sbai, 14 000 $ au motif que ce dernier aurait violé une clause de non-concurrence stipulée au contrat de franchise. Ménage-Poly réclame à Mme Sbai 600 $ en frais de service mensuels impayés.

Questions en litige

[4]   Quant à la demande de Mme Sbai, les questions en litige sont les suivantes :

a)    Ménage-Poly a-t-elle manqué à ses obligations découlant du contrat de franchise?

b)   Ménage-Poly a-t-elle fait de fausses représentations quant à la rentabilité de la franchise?

c)    Dans l’affirmative quels sont les dommages auxquels a droit Mme Sbai?

[5]   Quant à la demande de M. Morales, les questions en litige sont les suivantes :

d)   M. Morales a-t-il fait la preuve qu’un contrat de franchise a été conclu avec Ménage-Poly?

e)    M. Morales était-il justifié de mettre fin au contrat de franchise?

f)     Quels sont les dommages auxquels a droit M. Morales?

[6]   Enfin, le Tribunal déterminera si la demande reconventionnelle contre Mme Sbai est bien fondée et si celle dirigée contre M. Sbai est recevable.

Décision quant à la demande de Mme Sbai

Contexte

[7]   Ménage-Poly est une entreprise qui agit comme franchiseur dans le domaine de l’entretien ménager résidentiel et commercial.

[8]   Ménage-Poly fait de la publicité sur le site Kijiji pour attirer des franchisés.

[9]   En avril 2013, Mme Sbai prend connaissance d’une publicité de Ménage-Poly et remplit un formulaire en ligne dans le but de devenir franchisée de Ménage-Poly.  Elle rencontre M. Abderrahman Ourokch, actionnaire majoritaire, administrateur et président de l’entreprise, pour discuter des modalités du contrat.

[10]     Le 6 mai 2013, Mariem Sbai et son conjoint Mourad Sbai concluent un contrat de franchise avec Ménage-Poly[1].

[11]     Mme et M. Sbai versent 12 000 $ à Ménage-Poly en guise de frais d’achat de la franchise[2]. Selon le contrat de franchise, le franchiseur Ménage-Poly octroie à ses franchisés, M. et Mme Sbai le droit d’exploiter et d’établir un commerce d’entretien ménager selon le « système Ménage-Poly inc. »[3].

[12]     La durée de la convention de franchise est de dix ans[4]. Le territoire visé par la franchise inclut tous les arrondissements de la ville de Montréal, la ville de Laval et la ville de Longueuil[5]. Enfin, le contrat de franchise prévoit que les franchisés ont l’obligation de verser des frais de service mensuels de 200 $ par mois à Ménage-Poly[6]. Selon l’article 8 du contrat « Ces frais de service serviront à défrayer les services continus qui lui seront fournis par le Franchiseur (Ménage-Poly) ».

[13]     Le 5 décembre 2013, Mourad Sbai informe par écrit Ménage-Poly qu’il cède ses droits dans le contrat de franchise à sa conjointe, Mme Sbai[7]. Le 6 décembre 2013, M. Ourokch consent à la cession[8]. À compter de cette date, Mme Sbai est seule franchisée.

[14]     Par courriel daté du 10 mars 2015, Ménage-Poly informe Mme Sbai qu’elle est en défaut puisqu’elle n’a pas payé les frais de service (200 $) pour le mois de mars 2015[9].

[15]     Par courriel daté du 15 mai 2015, Ménage-Poly rappelle à Mme Sbai qu’elle n’a pas acquitté les frais de service pour les mois de mars, d’avril et de mai 2015, donc au total, 600 $[10]. Mme Sbai communique avec M. Ourokch le 15 mai 2015 pour discuter du non-paiement des frais de services, mais ce dernier ne retourne pas ses appels.

[16]     Le 25 mai 2015, Ménage-Poly transmet par courriel à Mme Sbai un avis de terminaison du contrat de franchise au motif qu’elle a fait défaut qu’acquitter les frais de service pour les mois de mars, avril et mai 2015[11].

 

[17]     Le 29 juin 2015, Mme Sbai et M. Morales mettent en demeure Ménage-Poly de leur payer 15 000 $ au motif qu’ils ont été victimes de mensonges dans le but de les inciter à acheter les franchises[12].

[18]     En août 2015, Mme Sbai et M. Morales introduisent leur demande contre Ménage-Poly devant cette Cour.

Questions en litige

a)    Ménage-Poly a-t-elle manqué à ses obligations découlant du contrat de franchise?

Le contrat de franchise et le droit

[19]     Le contrat de franchise entre Mme Sbai et Ménage-Poly est un contrat d’adhésion au sens des articles 1378 et 1379 du Code civil du Québec (C.c.Q.). En effet, comme l’explique Mme Sbai au procès, toutes les stipulations du contrat ont été unilatéralement rédigées par Ménage-Poly. Mme Sbai n’a pas eu la possibilité de modifier aucune clause du contrat. Comme elle l’explique, M. Ourokch lui a dit que le contrat était à prendre ou à laisser[13].

[20]     Une des conséquences de la qualification du contrat de franchise comme contrat d’adhésion est qu’en cas de doute, ce contrat doit s’interpréter en faveur de la franchisée, Mme Sbai[14].

[21]     Un contrat de franchise est un contrat innommé sur une relation à long terme de collaboration entre deux entreprises indépendantes[15].

[22]     Le franchiseur a une obligation implicite en vertu du contrat de franchise de collaborer et coopérer avec son franchisé. Il ne peut certainement pas le laisser à lui-même.

[23]     Un franchiseur a un devoir d’assistance envers ses franchisés et doit prendre les mesures nécessaires pour maintenir et rehausser la marque tout au long de la durée du contrat de franchise[16].

[24]     Comme l’écrit la juge Lemelin dans Duchesneau c. Gestion Milsa inc. :

[89]        Le franchisé est en droit de recevoir le support, l’encadrement, le matériel ou cahier d’opérations, la publicité et les informations du franchiseur pour partager la connaissance, bien intégrer l’équipe et suivre le système pour toute la durée de l’entente. [17]

[25]     De plus, Ménage-Poly à titre de franchiseur a une obligation implicite de bonne foi envers ses franchisés. La Cour d’appel enseigne dans l’arrêt Dunkin’ Brands Canada Ltd. c. Bertico inc. que cette obligation de bonne foi se traduit comme suit :

This implied obligation of good faith requires a franchisor, by reason of superior know-how and expertise upon which the franchisees rely, to support individual franchisees and the whole of the network through its on-going assistance and cooperation:

[Le franchiseur] doit cependant aussi, en raison de l'obligation de bonne foi et de loyauté qu'il assume à l'égard de son franchisé, faire bénéficier celui-ci de son assistance technique, de sa collaboration donc de ses nouveaux outils ou, au moins, trouver d'autres moyens de maintenir la pertinence du contrat qui le lie pour que les considérations motivant l'affiliation ne soient pas rendues caduques ou inopérantes.

[…]

Le franchiseur doit, en effet, maintenir l'ensemble du réseau à un haut niveau de performance ce qui suppose, dans certains secteurs, une grande souplesse d'adaptation aux nécessités du marché.[18]

(citation omise)

[26]     Au-delà de ces obligations implicites au contrat de franchise, Ménage-Poly a aussi l’obligation d’exécuter entièrement, correctement et sans retard les obligations contractuelles définies au contrat de franchise[19].

 

 

 

 

Application aux faits

[27]     Lorsque Mme Sbai signe le contrat de franchise, elle n’a aucune expérience dans le domaine de l’entretien ménager ou dans le monde de la franchise. Elle n’a immigré au Canada que six mois avant la signature du contrat. Elle se fie énormément sur le professionnalisme et sur l’expertise de Ménage-Poly et de son président, M. Ourokch.

[28]     Le témoignage de Mme Sbai est franc, direct et précis quant aux faits survenus après la signature du contrat de franchise et spécifiquement quant aux manquements contractuels de Ménage-Poly. Au contraire, le témoignage de M. Ourokch est vague, imprécis et peu fiable.

[29]     Le Tribunal retient la version des faits mise en preuve par Mme Sbai quant aux manquements contractuels de Ménage-Poly. En effet, il ressort de la preuve que de façon générale, le franchiseur n’a pas pris les mesures raisonnables pour respecter ses obligations contractuelles, expresses ou implicites et que le tout constitue une faute.

[30]     Ménage-Poly a manqué à plusieurs obligations qu’elle s’est engagée à exécuter suivant le contrat de franchise. Premièrement, Ménage-Poly n’a jamais remis à ses franchisés les projections financières requises par l’article 1.01 du Contrat de franchise.

[31]     Deuxièmement, suivant l’article 6 du Contrat de franchise, Ménage-Poly avait l’obligation de rendre disponible à ses franchisés avant le début de ses opérations et selon le manuel d’exploitation, un programme d’entraînement relatif à l’exploitation du système. Or, Ménage-Poly a manqué à cette obligation en ce qu’elle n’a jamais remis de manuel d’exploitation à sa franchisée.

[32]     De plus, Ménage-Poly n’a jamais fourni à Mme Sbai un programme d’entraînement « relatif à l’exploitation du système », tel que l’expression « système » est définie à l’article 2.08 du Contrat de franchise. Certes, Ménage-Poly a donné une formation à Mme Sbai, mais comme elle l’explique, cette formation n’a duré que 30 minutes et s’est limitée à lui expliquer comment effectuer un ménage résidentiel. Elle s’est engagée à faire plus que cela dans le contrat et a manqué à cette obligation.

[33]     Quatrièmement, Ménage-Poly n’a jamais fourni à Mme Sbai « les procédures d’opération pour aider le FRANCHISÉ dans le développement et la gestion de son commerce, incluant les méthodes de mise en marché, de promotion et de vente » comme elle s’est engagée à le faire à l’article 6.01 du Contrat de franchise.

[34]     Cinquièmement, Ménage-Poly a omis de fournir les services qu’elle s’est engagée à fournir suivant l’article 7.00 du Contrat de franchise. Notamment, le service téléphonique ne fonctionnait que très rarement ou plus souvent était hors fonction. Jamais Ménage-Poly n’a fourni les services de techniques et offres professionnelles, réunions occasionnelles où le franchisé s’attendait à recevoir de la formation et du coaching sur la promotion, la publicité et la vente.

[35]     Enfin, jamais Ménage-Poly n’a fourni à Mme Sbai le service d’achats regroupés qu’elle s’est promis à offrir en vertu de l’article 7.00 du Contrat de franchise.

[36]     Bref, il ressort de la preuve que Ménage-Poly a laissé à elle-même Mme Sbai. Ménage-Poly a manqué à son obligation de collaboration et de coopération envers Mme Sbai. Elle ne lui a pas apporté l’assistance, le soutien technique, le support et l’encadrement auxquels Mme Sbai était en droit de s’attendre.

[37]     Cela se reflète dans les maigres revenus générés par la franchise. Pour la période de six mois entre le 6 mai 2013 et le 31 décembre 2013, Mme Sbai a perçu des revenus de 5 870 $ en tant que franchisée de Ménage-Poly[20]. Pour l’an 2014, la franchise a généré des revenus bruts de 13 600 $[21]. Pour la période du 1er janvier 2015 au 25 mai 2015, Mme Sbai n’a perçu aucun revenu de la franchise Ménage-Poly[22].

[38]     En raison des manquements contractuels répétés et importants de Ménage-Poly, Mme Sbai était justifiée de ne pas payer les frais de service mensuels de 200 $ pour les mois de mars, d’avril et de mai 2015. De surcroît, elle était justifiée considérant les manquements contractuels importants de Ménage-Poly de demander la résolution du contrat de franchise[23]. Pourtant, le 25 mai 2015 c’est Ménage-Poly qui a résilié le contrat par son avis de terminaison. Mme Sbai a raison de prétendre que cet avis de terminaison était injustifié et abusif dans les circonstances.

b)   Ménage-Poly a-t-elle fait de fausses représentations quant à la rentabilité de la franchise?

[39]     Compte tenu de la décision du Tribunal quant à la question en litige a), il n’est pas nécessaire de répondre à cette deuxième question.

c)    Dans l’affirmative quels sont les dommages auxquels a droit Mme Sbai?

[40]     Ménage-Poly a exigé et reçu de Mme Sbai des frais d’achats de franchise de 12 000 $. Il est certes surprenant que le Contrat de franchise ne mentionne aucunement cette obligation du franchisé. De plus, Ménage-Poly a reçu des frais de service mensuel de 200 $ de mai 2013 à février 2015.

[41]     En contrepartie de ces paiements, Mme Sbai était en droit de s’attendre à ce que Ménage-Poly exécute correctement et entièrement les obligations découlant du Contrat de franchise. Pour les motifs exposés ci-dessus, Ménage-Poly n’a pas exécuté ses obligations correctement et entièrement et a donc commis une faute contractuelle, ce qui l’oblige à réparer le préjudice qu’elle a causé à Mme Sbai. 

[42]     Dans les circonstances de la présente affaire, le Tribunal estime que Mme Sbai a payé les frais d’achat de franchise alors qu’elle n'a pas reçu de service en retour, hormis une séance de formation de quelques 30 minutes. Ainsi le Tribunal estime qu’il est juste et approprié de condamner Ménage-Poly à restituer le montant payé par Mme Sbai à titre d’achat de franchise.

Décision quant à la demande de M. Morales

Contexte

[43]     M. Morales prétend qu’il a signé un contrat de franchise avec Ménage-Poly le 19 septembre 2014. Il n’a pas produit en preuve le contrat de franchise puisqu’il soutient que M. Ourokch ne lui a pas remis de copie le jour de la signature, car il n’avait qu’une copie pour signature et que son imprimante était hors fonction. Bien que M. Ourokch s’est engagé à lui remettre une copie du contrat, M. Morales ne l’a jamais reçu.

[44]     M. Morales soutient aussi que les parties ont convenu d’un montant de 6 000 $ pour l’achat de la franchise, dont 2 000 $ a été payé le 10 septembre 2014 et le reste devait être payé par le biais de huit chèques postdatés de 500 $ chacun.

[45]     À la suite de l’exécution du contrat de franchise, M. Morales à commencer à faire de l’entretien ménager dans divers immeubles. Il prétend qu’il s’est aperçu rapidement que les promesses de rentabilité faites par Ménage-Poly étaient fausses et que le franchiseur ne respectait pas ses obligations contractuelles. Il a ainsi mis fin au contrat et réclame le retour du prix d’achat.

[46]     M. Ourokch, président de Ménage-Poly, nie en bloc les allégations de M. Morales. Il prétend que les parties ont négocié en vue de conclure un contrat, notamment qu’ils se sont entendus sur un prix d’achat de franchise de 6 000 $, mais qu’aucun contrat n’a été signé. Enfin, il soutient que M. Morales a fait quelques ménages simplement à l’essai et qu’en fin de compte, ce dernier n’aimait pas effectuer des ménages et donc les parties n’ont jamais signé de contrat.

d)   M. Morales a-t-il fait la preuve qu’un contrat de franchise a été conclu avec Ménage-Poly?

[47]     Pour trancher cette question, le Tribunal doit évaluer la crédibilité du témoignage de M. Morales versus celle de M. Ourokch.

[48]     Le témoignage de M. Morales est direct, franc et précis. Celui de M. Ourokch ne l’est pas. De plus, son témoignage est contredit par des éléments de la preuve, éléments qui corroborent le témoignage de M. Morales.

[49]     Par exemple, M. Ourokch nie avoir reçu quelque montant de M. Morales aux fins de l’achat de la franchise, en plus de nier l’existence même d’un contrat de franchise.

[50]     Or, dans un message texte qu’il a transmis à M. Morales le 18 septembre 2014, il rappelle à ce dernier de lui transmettre « les 8 cheques de 500 au nom de Ménage-Poly » (sic)[24].

[51]     Le 22 septembre 2014, M. Ourokch rappelle à M. Morales à nouveau de lui transmettre les chèques[25]. Le 29 octobre 2014, M. Ourokch écrit à M. Morales dans un message texte qu’il transmet à M. Morales le 29 octobre 2014, M. Ourokch écrit « j’aimerai te voir pour 1000 $ qui reste et les cheques a venir » (sic)[26].

[52]     Quelques minutes plus tard, il écrit « appel moi quand tu as temps mais j ai besoin de la somme. Merci » (sic)[27].

[53]     Les contradictions entre le témoignage de M. Ourokch au procès et ses propos dans les messages textes introduits en preuve portent atteinte à sa crédibilité. Ainsi le Tribunal retiendra la version des faits de M. Morales, faits qui sont corroborés en partie par des messages textes échangés entre les parties.

[54]     De la preuve, le Tribunal retient que M. Morales et Ménage-Poly ont conclu un contrat de franchise le 19 septembre 2014 et se sont entendus pour un prix de 6 000 $, dont 2 000 $ a été payé cette même journée.

e)    M. Morales était-il justifié de mettre fin au contrat de franchise?

[55]     M. Morales prétend qu’il a mis fin au contrat de franchise en raison des fausses représentations faites par M. Ourokch quant à la rentabilité de l’entreprise et deuxièmement, car Ménage-Poly n’a pas exécuté les obligations prévues au contrat de franchise.

[56]     M. Morales témoigne que lors de la négociation du contrat, Ménage-Poly lui promet des revenus entre 1 500 $ et 2 000 $ par mois. M. Ourokch ne nie pas que les parties aient discuté de revenus de 1 200  à 1 800 $ par mois.

[57]     Les revenus générés par la franchise ont été significativement en deçà des promesses faites par Ménage-Poly. En effet pour la période du 19 septembre au 18 octobre 2014, M. Morales n’a réalisé que des revenus de 425 $.

[58]     Ménage-Poly a fait de fausses représentations sur un élément essentiel du contrat.  Cela a vicié le consentement de M. Morales[28]. De plus, M. Morales était fondé à demander la nullité de ce contrat[29].

[59]     Par ailleurs, M. Morales a également raison de se plaindre des manquements contractuels de Ménage-Poly. Il soutient que cette dernière s’est engagée à lui donner une formation et de lui fournir les équipements nécessaires à l’entretien ménager, ce que Ménage-Poly n’a jamais fait. Il s’agit d’une inexécution substantielle qui elle aussi justifie la résolution du contrat de franchise[30].

f)     Quels sont les dommages auxquels a droit M. Morales?

[60]     La preuve révèle que M. Morales a payé 2 000 $ sur le 6 000 $ du prix d’achat de la franchise. Or, son consentement à ce contrat a été vicié pour les motifs expliqués ci-dessus. Dans ces circonstances, M. Morales est justifié de réclamer la restitution du 2 000 $ qu’il a payé à Ménage-Poly[31].

Demande reconventionnelle de Ménage-Poly

[61]     Quant à la demande reconventionnelle de Ménage-Poly dirigée contre Mme Sbai, il réclame le paiement des frais de service de 600 $ pour les mois de mars, d’avril et de mai 2015. Pour les motifs exprimés ci-dessus, Mme Sbai était justifiée de ne pas payer ces montants. Ainsi, la demande reconventionnelle de Ménage-Poly à son égard sera rejetée[32].

[62]     Ménage-Poly formule également une demande reconventionnelle dirigée vers Mourad Sbai, le conjoint de Mme Sbai, et réclame 14 000 $ au motif que M. Sbai aurait violé la clause de non-concurrence prévue au contrat de franchise.

[63]     Comme expliqué au procès à M. Ourokch, cette demande reconventionnelle est irrecevable, car elle est dirigée contre une partie qui n’est pas partie au litige[33].

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[64]     ACCUEILLE la demande de Mariem Sbai;

[65]     CONDAMNE Ménage-Poly inc. à payer à Mariem Sbai 12 000 $ avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter 29 juin 2015[34];

[66]     CONDAMNE Ménage-Poly inc. à payer à Enrique Morales 2 000 $ avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter 29 juin 2015[35];

[67]     AVEC FRAIS DE JUSTICE de 200 $

 

 

__________________________________

ENRICO FORLINI, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Dates d’audience :

20 février 2017 et 2 mai 2017

 



[1]     P-5 : Contrat de franchise.

[2]     Bien que le contrat de franchise (P-5) est silencieux quant aux frais d’achat de franchise payables par les franchisés Mme Sbai témoigne que ce montant a été exigé et Ménage-Poly, par l’entremise de M. Ourokch, admet au procès avoir reçu 12 000 $ de ses franchisés à titre de frais d’achat de franchise. De ce montant, 8 000 $ a été payé le jour de la signature du contrat le 6 mai 2013 et le solde a été payé par biais de 8 versements de 500 $ payable mensuellement.

[3]     Article 1.02 du Contrat; l’expression « système » est défini à l’article 2.07.

[4]     Article 5.00.

[5]     Article 4.00.

[6]     Article 8.00.

[7]     Pièce P-8; l’article 11.01 du Contrat de franchise prévoit qu’un franchisé peut céder ses droits ou intérêts dans le contrat à un tiers, avec le consentement de Ménage-Poly.

[8]     Pièce P-8 : Lettre du 5 décembre 2015 contresignée par M. Ourokch.

[9]     Pièce P-2 (courriels en liasse): Courriel du 10 mars 2015.

[10]    Pièce P-2 (courriels en liasse): Courriel du 15 mai 2015.

[11]    Pièce P-2 (courriels en liasse) : Courriel du 25 mai 2015 (avis de terminaison).

[12]    Pièce P-6.

[13]    Sur le contrat de franchise et sa qualification comme un contrat d’adhésion voir Bertico inc. c. Dunkin’ Brands Canada Ltd., 2012 QCCS 2809, para. 51, confirmé par 2015 QCCA 624.

[14]    Article 1432 C.c.Q.

[15]    Dunkin’ Brands Canada Ltd. c. Bertico inc., 2015 QCCA 624 au para. 59.

[16]    Ibid, para. 62 et 63.

[17]    2017 QCCS 1593, para. 89. Voir aussi GILBERT, Frédéric P., Le droit de la franchise au Québec, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, p. 165.

[18]   Dunkin' Brands Canada Ltd. c. Bertico inc.*, 2015 QCCA 624, 2015EXP-1253, para. 70, permission d’appel à la C.s.C rejetée - 2016 CanLII 13728.

[19]    Article 1590 C.c.Q.

[20]    Pièce P-7 (en liasse) : Déclaration de revenu 2013.

[21]    Pièce P-7 (en liasse) : Avis de cotisation 2014 de Mariem Sbai.

[22]    Pièce P-7 (en liasse) : Avis de cotisation 2015 de Mariem Sbai.

[23]    Articles 1590 et 1604 C.c.Q.

[24]    Pièce P-3, p. 7 : Message texte de 18:19:19.

[25]    Pièce P-3, p. 6 : Message texte de 15:20:07.

[26]    Pièce P-3, p. 5 : Message texte de 12:34:03.

[27]    Pièce P-3, p. 5 : Message texte de 12:47:03.

[28]    Article 1401 C.c.Q.

[29]    Article 1407 C.c.Q.

[30]    Article 1604 C.c.Q.

[31]    Articles 1422 et 1699 C.c.Q.

[32]    Article 1591 C.c.Q.

[33]    Article 547 alinéa 4 C.p.c.

[34]    Pièce P-6 : Mise en demeure adressée à Ménage Poly par Mme Sbai et M. Morales.

[35]    Pièce P-6 : Mise en demeure adressée à Ménage Poly par Mme Sbai et M. Morales.

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