Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Outaouais

GATINEAU, le 22 JANVIER 2003

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

142993-07-0007-C

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Marie Langlois

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Nicole Girard

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Paul Auger

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DE L'ASSESSEUR :

Docteur Ronald Dufresne

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

116515222

AUDIENCE TENUE LES :

28 mars 2001,

7 novembre 2001

8 novembre 2001,

11 février 2002,

3 avril 2002

 

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

3 avril 2002

 

 

 

 

 

 

À :

GATINEAU

 

 

 

 

 

 

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RECTIFICATION D’UNE DÉCISION EN VERTU DE L’ARTICLE 429.55 DE LA LOI SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET LES MALADIES PROFESSIONNELLES (L.R.Q., CHAPITRE A-3.001)

 

 

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MARC MINEAULT

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

HULL VOLSKWAGEN

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

et

 

DEMERS, CHEVROLET ET OLDSMOBILE

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

[1]        La Commission des lésions professionnelles a rendu, le 20 décembre 2002, une décision dans le présent dossier;

[2]        Cette décision contient une erreur de date qu’il y a lieu de rectifier;

[3]        À la page 62, nous lisons :

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 20 juin 2000, à la suite d’une révision administrative;

[4]        Alors que nous aurions dû lire :

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 28 juin 2000, à la suite d’une révision administrative;

 

 

 

 

 

 

Me Marie Langlois

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Outaouais

GATINEAU, le 20 décembre 2002

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

142993-07-0007

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Marie Langlois

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Nicole Girard

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Paul Auger

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DE L'ASSESSEUR :

Docteur Ronald Dufresne

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

116515222

AUDIENCE TENUE LES :

28 mars 2001, 7 novembre 2001, 8 novembre 2001, 11 février 2002, 3 avril 2002

 

 

 

 

EN DÉLIBÉRÉ LE :

3 avril 2002

 

 

 

 

 

 

À :

GATINEAU

 

 

 

 

 

 

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MARC MINEAULT

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

HULL VOLSKWAGEN

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

et

 

 

 

 

 

 

DEMERS, CHEVROLET, OSLMOBILE

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

et

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET SÉCURITÉ AU TRAVAIL

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DÉCISION

 

 

[1]   Le 19 juillet 2000, monsieur Marc Mineault (le travailleur ) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), rendue le 28 juin 2000, à la suite d'une révision administrative.

[2]   Par cette décision, la CSST confirme les décisions qu'elle a initialement rendues le 17 novembre 1999 et le 28 janvier 2000. La CSST déclare, d’une part, que les demandes de révision soumises par les employeurs Hull Volskwagen et Demers Chevrolet et Osmobile inc., à l’encontre de sa décision du 17 novembre 1999 acceptant la réclamation du travailleur pour une maladie professionnelle à compter du 13 mars 1999, sont sans objet.  La CSST déclare, d’autre part, conformément à l’avis rendu le 22 décembre 1999 par un membre du Bureau d’évaluation médicale (le BEM), que le travailleur n’est pas porteur d’une encéphalopathie toxique aux solvants organiques et que le diagnostic retenu est celui d’état dépressif majeur. Ce dernier diagnostic n’amène aucune limitation fonctionnelle, tant du point de vue psychiatrique que neurologique. La CSST rejette cependant le lien de causalité entre l’état dépressif majeur et le travail exercé par le travailleur.

[3]   Durant les cinq jours que dure l’audience, le travailleur est présent et il y est représenté par un procureur. Il en est de même pour Hull Volskwagen et Demers Chevrolet et Osmobile inc. La CSST, partie intervenante, bien que dûment convoquée, n’est pas représentée.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]   Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles, de reconnaître qu’il a subi, le 13 mars 1999, une maladie professionnelle avec un diagnostic d’encéphalopathie toxique. Il réclame également que des limitations fonctionnelles soient établies afin qu’il ne puisse plus subir d’exposition aux substances neurotoxiques.

LES FAITS

[5]   Le travailleur est âgé de 44 ans au moment où il produit une réclamation pour maladie professionnelle le 13 mars 1999. La maladie est décrite au formulaire de réclamation comme étant une encéphalopathie toxique aux solvants organiques (intoxication par les hydrocarbures aliphatiques, alicycliques et aromatiques). Il croit que ses symptômes sont directement reliés à l’exposition subie, tout au long de sa carrière, aux différentes matières toxiques dont les solvants organiques.

[6]   Le travailleur exerce le métier de débosseleur. À part quelques années de travail sur la construction, quelques mois à son compte à des tâches administratives et quelques mois en 1990 comme propriétaire d’un dépanneur, le travailleur a agi comme débosseleur et carrossier dans différents garages pendant une période de plus de 25 ans.

[7]   À l’audience, il explique que chez l’employeur pour lequel il travaillait en 1971, la peinture et le débosselage se faisaient dans le même atelier. Il travaillait alors avec des « primer » et des plastics, y faisait du sablage et du débosselage. En 1972, au garage Phillip, ses tâches incluaient du sablage, du meulage, du soudage au plomb, technique aujourd’hui remplacée par l’application d’un mastic puisque le plomb est devenu une matière trop dispendieuse. Le travailleur a commencé à faire de la peinture à cet endroit. En 1974, il travaille chez AML dans des tâches et des conditions similaires. Il raconte que pour la période de 1971 à 1975, dans les garages où il a travaillé, il y avait peu de ventilation à l’exception de petits ventilateurs de type de salles de bain. En outre, il n’avait pas accès et ne portait aucun équipement de protection individuelle.

[8]   En 1976, il travaille quelques mois chez Central Body Shop. Il fait du débosselage, du meulage, de la peinture et de la soudure au plomb. À compter du mois d’août 1976 jusqu’en 1983, il est chez Kauffman Brake & Alignment Body Shop, où le travail se fait dans un sous-sol, sans aucune ventilation. Trois à cinq personnes y travaillent ensemble à faire du débosselage et du sablage. Ce garage est équipé d’une cabine pour la peinture. Les débosseleurs avaient néanmoins la tâche de peinturer certaines parties des véhicules, comme les ailes, à leurs postes de travail même. Ils utilisaient de la peinture émail qui séchait lentement. Le travailleur se rappelle que l’endroit était poussiéreux. Aucun équipement de protection individuelle n’était fourni.

[9]   Au cours des années 1983 et 1984, le travailleur souffre d’une maladie pulmonaire et touche des prestations d’assurance-chômage pour sa période d’absence au travail.

[10]           De 1984 à 1989, le travailleur est débosseleur chez Demers Chevrolet Oldsmobile. Les deux premières années, le travail se fait dans un vieux garage où la ventilation est très déficiente. Le travailleur doit, entre autres, vaporiser des produits anti-rouille sur les véhicules, sans protection. Le deuxième emplacement comporte cependant des chambres de peinture et des chambres de sablage séparées de l’atelier de débosselage. L’atelier déménage dans un troisième garage où la ventilation était constituée d’un ventilateur au plafond avec un sac qui ramasse les poussières, sans échangeur d’air. Le travailleur indique que pendant les deux ou trois dernières années chez cet employeur, il y avait des aspirateurs sur les sableuses, mais, dit-il, cet équipement était encombrant à un tel point qu’à 95 % du temps, les travailleurs n’utilisaient pas l’aspirateur en question. Les travailleurs avaient accès à des masques de papier, mais les utilisaient peu. Il estime que leur utilisation pouvait être d’environ cinq heures par année.

[11]           En 1989, il perd son permis de conduire pour conduite en état d’ébriété. La même année, le travailleur croit qu’il aurait vu un médecin du CLSC pour un problème de dépression ou un burnout suite à une surcharge de travail énorme qui l’avait amené à des records de production alors qu’il avait travaillé 224 heures en deux semaines. La maladie aurait été traitée sans médication, mais avec du repos. Cet épisode n’est aucunement documenté au dossier du tribunal et le souvenir qu’en a le travailleur quant aux dates, au médecin consulté et au traitement administré est plutôt vague.

[12]           En 1990, le travailleur est propriétaire d’un dépanneur pour une courte période de temps.

[13]           De 1991 à 1999, le travailleur est employé chez Hull Volkswagen à titre de débosseleur. Il explique que de 1991 à 1994 l’ancien garage comportait une cabine de peinture, mais les aires de débosselage et de sablage n’étaient pas séparées. À compter de 1994, les activités se continuent dans un nouveau garage. Ici encore, les sableuses sont munies d’aspirateurs que les travailleurs n’utilisaient pas parce qu’ils prenaient trop de temps à installer et étaient encombrants. À compter de 1995, le travailleur explique qu’un autre garage s’est joint à Hull Volkswagen et que la quantité de travail a grandement  augmenté.

[14]           Il explique que le nouveau garage comporte des fenêtres qui n’ouvrent pas. Il y a une porte pour une sortie d’urgence qui reste généralement fermée. La porte pour l’entrée des véhicules est souvent ouverte l’été, ce qui procure une meilleure ventilation, mais demeure constamment fermée durant l’hiver, à part les moments où les véhicules entrent et sortent, ce qui ne se produit pas tous les jours. Il y a également une autre porte qui mène vers l’atelier de mécanique. Lorsque les travailleurs laissent cette porte ouverte, les mécaniciens de l’atelier la referment aussitôt pour éviter d’inhaler les vapeurs produites par l’atelier de débosselage et de peinture. Il dit qu’à compter de la première neige, à cause des accidents de la route, les activités du garage s’intensifient de sorte que l’atelier est généralement rempli à capacité l’hiver (30 à 40 véhicules), alors que l’apport d’air frais est à son plus bas, les portes du garage étant presque constamment fermées.

[15]           Cependant, la cabine de peinture est isolée et elle comporte son propre système de ventilation. Les peintres ont en plus un masque protecteur à cartouche. La cabine de peinture est chauffée même l’été, afin que les voitures sèchent plus rapidement. Les voitures sèchent généralement dans les cabines de peinture, mais souvent, selon le travailleur, elles sont mises au garage avant que le processus de séchage ne soit complètement terminé, de sorte que les travailleurs de l’atelier respirent les vapeurs de peinture sans aucune protection. L’aire de préparation des véhicules est, pour sa part, isolée par un mécanisme de rideaux.

[16]           Également, à cause de contrats spéciaux, le travailleur soutient que certains véhicules sont peinturés directement dans le garage, étant trop gros pour entrer dans la cabine de peinture. Le travailleur donne l’exemple de camions d’incendie, des camions de la compagnie Vervale qui transportent des vitres et des camions de la compagnie Labatt ltée. Il explique également que des motomarines ont été réparées et peinturées hors de la cabine de peinture. À l’audience, monsieur Royal Campeau, directeur du service après vente et directeur de l’atelier de la carrosserie chez Hull Volkswagen, témoigne que tous les véhicules sont peinturés dans la cabine prévue à cet effet et que si certains ont été peinturés à l’extérieur, il s’agit de situations exceptionnelles. Selon lui, les camions de Labatt ont été peinturés à l’intérieur de la cabine et il précise que, selon les factures, seules cinq motomarines ont été réparées et bien que repeintes dans l’atelier, elles ne l’ont pas été au complet. Un camion d’incendie a, pour sa part, été peinturé au centre de l’atelier, mais en dehors des heures de travail.

[17]           Le travailleur explique que le système de ventilation n’apporte pas d’air neuf dans le garage. Il n’y a pas d’échangeur d’air. Cette information est confirmée par le rapport d’hygiène du travail qui est analysé plus loin. Les filtres de poussières sont constamment bloqués. Ils ne sont changés qu’une fois par année, alors qu’ils devraient l’être à tous les mois environ. Le travailleur précise qu’une aiguille sur le mécanisme passait de vert à rouge lorsque le filtre était bloqué. Il dit qu’il fallait deux à trois semaines pour que l’aiguille devienne rouge et elle le restait jusqu’à ce que le filtre soit changé. L’employeur dépose le plan du système de ventilation où on peut distinguer un système de ventilation avec des bouches particulières dans la cabine de peinture et dans la salle de mélange des peintures. Il confirme que le système, en dehors de ces salles de peinture et de mélange des peintures, ne comporte pas d’échangeur d’air. L’employeur dépose en preuve une description du système de captation des poussières à la source Eurovac qui est installé dans l’atelier. Il est décrit comme « The Eurovac 1 is an industrial grade dust extraction/vacuum system designed to eliminate all airborne and dead full particulate in your shop ». Sont également produites à l’audience deux factures de la compagnie Ovarco Systems qui montrent qu’un rouleau de 100 pieds de filtres à air a été acheté le 11 avril 1996 et un autre le 6 avril 1998.

[18]           La salle à dîner des employés est située au 2e étage au-dessus de l’atelier de peinture et de débosselage. Les odeurs de peintures et autres produits utilisés à l’atelier sont constamment présentes à la salle à dîner. Le travailleur explique que certains produits avaient une odeur fétide qui s’imprégnait sur les murs, de telle sorte que dès qu’il était possible de le faire les travailleurs mangeaient à l’extérieur de l’établissement.

[19]           Le travailleur ajoute qu’il « n’a jamais été élevé à se protéger » mais qu’environ un an avant son arrêt de travail, l’employeur à commencé à faire la promotion des moyens de protection individuelle. Des masques de papier ont été fournis. À la fin de 1998, de nouveaux masques plus épais ont été achetés, mais les travailleurs ne les utilisaient pas toujours. Les peintres quant à eux, avaient des masques à cartouche.

[20]           Le travailleur utilisait régulièrement des produits à base de solvants dont du Vinyl Wash, certaines peintures pour faire des retouches ou faire la peinture partielle d’un véhicule, des « primer », du solvant industriel, des mastics de finition, de la colle, de la cire brune, de la graisse blanche, un produit de « protection de dessous de caisse », du ciment à système d’échappement et un produit aérosol WD-40. Les fiches signalétiques de ces produits ont été produites à l’audience.

[21]           Selon les fiches, plusieurs des produits utilisés comportent des risques pour le système nerveux. En effet, l’apprêt réactif et l’activateur entrant dans la composition du Vinyl Wash, l’apprêt HTMS, un diluant pour apprêt et un solvant industriel comportent les dangers qui sont identifiés aux fiches comme étant :

INHALATION : 

                           Peut causer une dépression du système nerveux caractérisée par les symptômes successifs suivants : maux de tête, étourdissements, nausées, démarche chancelante, confusion, perte de conscience.

 

EFFETS D’UNE SUREXPOSITION :

                 Des lésions permanentes au cerveau et au système nerveux ont été associées à        la surexposition répétée et prolongée aux solvants.

 

 

 

[22]           Les produits comportant ces risques et la composition de ceux-ci sont :

INGRÉDIENTS DANGEREUX                                             % en poids

 

APPRÊT RÉACTIF CORLAR (810R)

 

Oxyde de zinc                                                                           1-5

Dioxyde de titane                                                                      1-5

Chromate de zinc                                                                      1-5

Silicate de magnésium hydraté                                                   5-10

Carbonate de calcium                                                              10-30

Sulfate de baryum                                                                     3-7

Polymère phénolique                                                                 1-5

Polyvinyl butyral                                                                        3-7

Nitrocellulose                                                                          0,5-1,5

Acétate de butyle                                                                      7-13

Alcool de n-butyle                                                                   0,5-1,5

Acétone                                                                                  0,5-1,5

Méthylisobutylcétone                                                                 3-7

Toluène                                                                                  10-30

Isopropanol                                                                               3-7

Alcool éthylique                                                                        1-5

 


ACTIVATEUR POUR APPRÊT RÉACTIF (815R, 835R)

 

Acétone                                                                                 10 - 30

Isobutanol                                                                               30 - 60

Carbinol de méthylisobutyle                                                      15 - 40

Acide phosphorique                                                                   1 - 5

Acétate d’éther monométhylique de propylèneglycol                  10 - 30

Naphta VM&P                                                                                   10 - 30

Eau                                                                                          1 - 5

 

 

APPRÊT HTMS (1020R, 1040R)

 

Résine acrylique                                                                      10-30

Sulfate de baryum                                                                     7-13

Sulfate de baryum                                                                   10-30

Acétate d’éther monobutylique d’éthylèneglycol                          1-5

Oxide de fer                                                                             1-5

Acétate d’éther monothylique de propylèneglycol                        3-7

Talc                                                                                       10-30

Xylène                                                                                    10-30

Phosphate de zinc                                                                     1-5

 

 

DILUANT POUR APPRÊT-URÉTHANE (122R, 1055R, 1275R)

 

Hydrocarbure aromatique                                                        10-30

Acétate de n-butyle                                                                   5-10

Acétate de n-butyle                                                                   7-13

Acétate de n-butyle                                                                 10-30

Acétate d’éthyle                                                                     10-30

Acétate d’isobutyle                                                                 10-30

Toluène                                                                                  10-30

Xylène                                                                                    10-30

 

 

SOLVANT INDUSTRIEL DILUANT LUCITE (3642S)

 

Acétone                                                                                   7-13

Alcool méthylique                                                                    10-30

Toluène                                                                                  40-70

Acétate d’éther monométhylique de propylèneglycol                    1-5

 

 

 

[23]           Pour l’activateur pour apprêt réactif entrant dans la composition du Vinyl Wash, l’apprêt HTMS et le diluant pour apprêt-uréthane, les fiches signalétiques prévoient la protection respiratoire suivante :

Ne pas respirer les vapeurs et les buées. Porter un respirateur à adduction d’air et à pression positive (TC-19C homologué par le NIOSH/MSHA ou équivalent) bien ajusté pendant l’application du produit et jusqu’à ce que le local de travail soit exempt de vapeurs ou de retombées de vaporisation du produit.

 

 

 

[24]           Pour la protection respiratoire en regard de l’apprêt réactif Corlar et du solvant industriel diluant Lucite, les fiches signalétiques indiquent :

 

Ne pas respirer les vapeurs et les buées. Porter un appareil de protection respiratoire antivapeurs/antiparticules bien ajusté approuvé par le NIOSH/MSHA (TC-23C) pour les peintures pendant l’application du produit et jusqu’à ce que le local de travail soit exempt de vapeurs ou de retombées de vaporisation.

 

 

[25]           D’autres produits utilisés par le travailleur montrent aussi des effets possibles sur le système nerveux, dont un activeur à base d’isocyanates (A) (77S, 192S, 792S, 125S) pour catalyser l’émail utilisé par le travailleur. La fiche technique révèle qu’outre les problèmes d’irritation ou de sensation de brûlures aux yeux et à la peau et les problèmes respiratoires, les risques pour le système nerveux par l’inhalation de cet activateur sont décrits comme :

Des surexpositions répétées ou prolongées aux solvants peuvent entraîner des lésions permanentes au cerveau ou au système nerveux. L’écoulement des yeux, des maux de tête, des nausées, des étourdissements, et des troubles de la coordination sont des symptômes permettant de déterminer que le niveau de solvant est trop élevé.

 

EFFETS D’UNE SUREXPOSITION :

 

Des lésions permanentes au cerveau et au système nerveux ont été associées à la surexposition répétée et prolongée aux solvants.

 

 

[26]           Cet activateur à base d’isocyanates comporte:

INGRÉDIENTS DANGEREUX                                                         % du poids

 

Résine de polyisocyanate aliphatique                                                    15-40

Résine de polyisocyanate aliphatique                                                    30-60

Diisocyanate d’isophosphorone polymérique                                        10-30

Diisocyanate- 1,6 d’hexamethylène                                                      0,1-1,0

Diisocyanate d’isophosphorone                                                            0,1-1,0

Hydrocarbure aromatique                                                                       5-10

Acétate d’éthyle                                                                                 10-30

Acétate d’éthyle                                                                                 30-60

Acides gras d’huile de ricin déshydraté                                                    1-5

Acétate d’éther monométhylique de propylèneglycol                                3-7

Acétate d’éther monométhylique de propylèneglycol                                5-10

Acétate d’éther monométhylique de propylèneglycol                             10-30

Toluène                                                                                              40-70

Phosphate de trytolyle                                                                         10-30

Xylène                                                                                                  3-7

Xylène                                                                                                  5-10

Xylène                                                                                               10-30

 

 

[27]           Les équipements de protection et le type de ventilation recommandés sont les mêmes que pour l’apprêt réactif entrant dans la composition du Vinyl Wash, l’apprêt HTMS et le diluant pour apprêt-uréthane décrits plus haut.

[28]           Une peinture en aérosol (892.187/188/189/190/191/192/193/194/195/196 312g) utilisée par le travailleur comporte également des risques pour le système nerveux. Le fabricant précise les effets d’une exposition chronique :

Une exposition répétée trop souvent peut causer des dommages permanents au cerveau et au système nerveux et peut aussi causer des dommages au foie, aux reins, aux poumons, au cœur et à la rate. Une mauvaise utilisation peut être très dangereuse ou fatale.

 

 

[29]           Les effets d’une exposition aiguë sont : « inhalation des vapeurs peut causer une irritation nasale, des étourdissements, de la fatigue et même une asphyxiation ».

[30]           Les composantes dangereuses de cette peinture sont :

INGRÉDIENTS DANGEREUX                                             % du poids

 

Acétone                                                                                 33-42

Ethyl-Alcool                                                                              5-10

Xylène                                                                                      5-10

Ethyl3-Ethoxy Propionate                                                          5-10

Mélange de propane isobutane                                                      23

 

 

[31]           Il faut éviter le contact avec les yeux, la peau et ne pas avaler. La ventilation doit être suffisante pour maintenir les limites d’exposition basses. Des masques avec cartouche doivent être portés si les limites d’exposition causent des inconforts.

[32]           Une autre peinture en aérosol (argent métallisé 892.181 400 ml) comporte :

INGRÉDIENTS DANGEREUX                                             % de poids

 

Xylène                                                                                    10-30

Toluène                                                                                    5-10

Acétate d’éthyle                                                                     30-60

Propane                                                                                  15-40

Butane                                                                                   15-40

 

 

[33]           Les effets de l’exposition chronique ne sont pas précisés. Toutefois, dans le cas d’une exposition aiguë, l’« inhalation des vapeurs peut causer des nausées, des maux de tête ou des difficultés de respirer. Le contact avec la peau ou les yeux peut causer une irritation ». Le système de ventilation local est suffisant ou un appareil respiratoire approprié est nécessaire dans les endroits restreints.

[34]           Une peinture en aérosol noire mate (192.183 400 ml) est composée de :

INGRÉDIENTS DANGEREUX                                             % du poids

 

Xylène                                                                                      1-5

n-Butanol                                                                                  1-5

Acétone                                                                                 30-60

Propane                                                                                  10-30

Butane                                                                                   10-30

n-Butyl Acétate                                                                                    5-10

 

 

[35]           Sur la fiche de cette peinture les effets d’exposition chronique n’y sont pas précisés, mais dans le cas d’une exposition aiguë, l’« inhalation peut causer des difficultés de respirer tandis que le contact avec les yeux et la peau peut causer une irritation ». Le système de ventilation locale est suffisant ou un appareil respiratoire approprié.

[36]           Le travailleur utilise également fréquemment des colles. La colle Adbond fabriquée par Würth Canada Ltée demande à ce qu’un accélérateur soit ajouté à la colle. La fiche technique indique que la colle contient :

INGRÉDIENTS                                                                     % du poids

 

Cyanoacrylate d’éthyle                                                               70-100

Méthacrylate de polyethyle                                                         moins de 20

 

 

[37]           En terme de mesures préventives, le fabricant indique qu’il faut éviter la respiration prolongée ou répétée des vapeurs ou des aérosols, un appareil respiratoire NIOSH approuvé est recommandé, avec une ventilation locale.

[38]           L’accélérateur pour colle Adbond est composé de :

INGRÉDIENT DANGEREUX                                                           % du poids

 

1,1,1,- Trichloroethane                                                                99.5 min.

 

 

[39]           Ce produit doit toujours être utilisé dans un endroit bien ventilé. Un appareil respiratoire approuvé est recommandé, avec un système de ventilation de routine.

[40]           Une autre colle fabriquée par Permatex inc. est composée de :

INGRÉDIENTS                                                                     % du poids

 

Ethyl cyanoacrylate                                                                    95-100

Poly (nethyl methacrylate)                                                            3-5

Hydroquinone                                                                           0,1-1

 

 

[41]           La fiche technique de cette colle ne comporte pas d’effets sur le système nerveux. En plus des lunettes de protection et des gants, le fabricant recommande un système de ventilation à refoulement de l’air (positive down-draft exhaust ventilation system) afin de maintenir la concentration de vapeurs sous le seuil acceptable.

[42]           Le travailleur rapporte que plusieurs réparations de plastique étaient effectuées avec différents mastics de finition. Pour préparer le mastic fabriqué par la compagnie 3M, le travailleur doit mélanger deux produits. Les fiches techniques des produits « partie A » et « partie B » révèlent la composition suivante :


INGRÉDIENTS                                                                     % du poids

 

PRODUIT A

 

Polymère terminaison arysulfhydrate                                            80-90

Talc                                                                                             1-5

Calcaire                                                                                        1-5

2,4,6-tris (dimethylaminomethyl) phenol                              1-5

Produit de réaction du dimethylsiloxane                                           1-5

Silice                                                                                            1-5

 

 

PRODUIT B

 

Résine époxidiques ; produit de réaction bisphenol A-epichlor- hydrine   40-50

Talc                                                                                                   15-25

Calcaire                                                                                             15-25

12- (Oxiranylmethoxy) - 9 Octadecenoate de 1,2,3 - Propanetriyle          7-13

Produit de réaction du dimethylsiloxane et de la silice                              1-5

 

 

[43]           En plus des moyens de protection des yeux et des mains par le port de lunettes et de gants, les fiches techniques prévoient la protection respiratoire suivante :

-        Éviter l’inhalation prolongée des vapeurs. Sélectionner l’un des appareils respiratoires suivants approuvés par le NIOSH, en se fondant sur la concentration de contaminants dans l’air : respirateur à demi-masque contre les poussières. (La fiche technique du « produit A » ajoute : Éviter l’inhalation des poussières résultant des travaux de coupe, de meulage ou de ponçage).

 

Ventilation recommandée :

-        Assurer une ventilation extractive appropriée pendant le meulage, la coupe ou le ponçage du matériau polymérisé. Utiliser dans les zones bien ventilées. Si la ventilation extractive n’est pas adéquate, recourir à une protection respiratoire appropriée.

 

 

[44]           En termes de toxicité, les fiches techniques ne mentionnent pas de risques particuliers pour le système nerveux.

[45]           La compagnie Bondo-Mar-Hide Corporation fabrique aussi un mastic de finition utilisé par le travailleur dans le cadre de son travail. La fiche technique révèle que ce produit est composé de :

INGRÉDIENTS DANGEREUX                                             % du poids

 

Unsaturated Polymer Resin                                                     moins de 35

Styrene Monomer                                                                   moins de 18

Inert Fillers, such as                                                                moins de 50

Talc, Non-Asbestiform 

Sodium Borosilicate Microsphere

 

 

[46]           La fiche technique ne mentionne pas d’effet sur le système nerveux.

 

[47]           En plus des moyens de protection des yeux et des mains par le port de lunettes et de gants, les fiches techniques prévoient la protection respiratoire suivante :

Use adequate ventilation. NIOSH/MSHA approved organic vapor/dust respirator to avoid inhalation of excessive air contaminants.

Ventilation : Local exhaust ventilation should be used to control the emission of air contaminants. General dilution ventilation may assist with the reduction of air contaminant concentrations.

 

 

 

[48]           La compagnie Würth Canada Ltée produit aussi un mastic de finition dont la fiche technique montre :

INGRÉDIENTS DANGEREUX                                             % du poids

 

Styrène                                                                                                    16

 

 

[49]           La fiche technique de ce produit ne comporte aucune information quant aux effets de l’exposition sur le système nerveux, malgré la présence de styrène.

[50]           Une cire brune de protection de « bas de caisse » (892.079 1L) produite par Würth Canada Ltée est composée de :

INGRÉDIENTS DANGEREUX                                             % de poids

 

Naphtha, Hydrodésulphurisé, C7-C12                                           40-70

Sulphonates de pétrole oxidisé                                                      15-40

Clay organophillique                                                                      1-5

Cire de Parafin, Microcrystalline  »C35                                        10-30

 

 

[51]           Ni les effets d’exposition chronique ni ceux de la surexposition ne sont disponibles. Le fabricant recommande une ventilation locale ou un appareil respiratoire approprié dans les endroits restreints.

[52]           La graisse blanche de lithium (300 g. 893.1041) de Würth Canada Ltée est composée de :

INGRÉDIENTS DANGEREUX                                             % de poids

 

Gaz de pétrole, liquéfiés sucrés                                                    10-30

Heptane                                                                                     30-60

 

 

 

[53]           La fiche technique ne fait état d’aucun effet sur le système nerveux. Le fabricant recommande d’assurer une ventilation adéquate.

[54]           Une autre graisse blanche (no 907 et 909) fabriquée par la compagnie Kleen-Flo Tumbler Industries Ltée utilisée par le travailleur donne la composition suivante :

INGRÉDIENTS DANGEREUX                                             % du poids

 

Petroleum paraffinic oil                                                                45-75

Sulfonic acid calcium salt                                                             25-45

Alkylated Diphenylamine                                                            0.1-0.5

 

 

[55]           Les effets d’exposition sur le système nerveux ne sont pas précisés. Si le produit est utilisé de façon constante à l’intérieur, le fabricant recommande l’usage d’un respirateur avec cartouche.

[56]           Un ciment pour système d’échappement (Muffler Cement) de la compagnie Kleen-Flo Tumbler Ltée est composé de :

INGRÉDIENTS DANGEREUX                                             % du poids 

 

Sodium Silicate Solution                                                                50-70

Hydrous Magnésium Silicates                                                       30-60

 

 

[57]           Les effets d’une exposition sur le système nerveux ne sont pas précisés. Aucune mesure préventive de protection respiratoire n’est prévue.

[58]           De plus, la fiche signalétique du produit aérosol WD-40 de la compagnie WD-40 Products Canada ltée laisse voir qu’il est composé de :

INGRÉDIENTS DANGEREUX                                             % du poids

 

Solvant Stoddard                                                                         60-70

Huile à base de pétrole                                                                10-30

Dioxyde de carbone                                                                      1-5

 

 

[59]           Les émanations du produit peuvent causer une irritation lorsque inhalé. Le gaz de propulsion est un simple asphyxiant. Une surexposition peut amener des étourdissements, nausées, irritation de la peau et des yeux. Quant à l’exposition chronique, la fiche montre que les solvants peuvent causer une dermatite asséchant la peau. Si le produit est utilisé à l’intérieur sur une base continue, il est recommandé d’utiliser un appareil respiratoire à filtre, en plus de lunettes et de gants.

[60]           En plus des produits mentionnés ci-haut, une fiche signalétique de la compagnie Jacklyn Industries Inc. pour du masque liquide est déposée à l’audience. Il s’agit d’un produit non réglementé, pour lequel la liste des ingrédients dangereux n’est pas incluse. Le travailleur témoigne toutefois que c’est un produit qui sert à nettoyer les surfaces, qui a une odeur désagréable de vomissement.

[61]           Un autre produit utilisé est la protection « dessous de caisse » noir (893.075 1L). La fiche signalétique remise au tribunal n’est cependant pas complète. Un autre solvant est utilisé pour le lavage des planchers de l’atelier (thinner). La fiche signalétique n’est pas déposée à l’audience.

[62]           Le travailleur raconte aussi, qu’une fois par année, un inspecteur de la CSST visitait les locaux. Les travailleurs étaient avertis avant la visite et nettoyaient le garage avant le passage de l’inspecteur. Aucune visite surprise n’était effectuée.

[63]           En outre, de façon sporadique, une personne du Centre local des services communautaires (CLSC) visitait le garage et donnait des conseils pour la sécurité des travailleurs. De cette façon, les travailleurs passaient des radiographies des poumons régulièrement et assistaient à des sessions d’informations sur les dangers de leur travail. C’est suite à une de ces visites que le travailleur est amené à voir le docteur Luc Bhérer, médecin conseil à la Direction de la santé publique de l’Outaouais, dont on reparlera plus loin.

[64]            Dans sa dernière année de travail, le travailleur indique que les conditions de travail étaient meilleures et qu’il comprenait de mieux en mieux les dangers auxquels il faisait face.

[65]           Le travailleur explique, par ailleurs, qu’il était payé selon un salaire horaire auquel s’ajoutaient des bonis. Les bonis consistent en un paiement supplémentaire pour les heures planifiées et chargées au client, mais non effectuées par l’employé. Le travailleur donne l’exemple d’une estimation de vingt heures pour le débosselage du véhicule. Si l’employé effectue le travail en deçà des vingt heures estimées, il reçoit une prime. Par exemple, s’il effectue le travail en huit heures, il sera payé à son taux horaire régulier pour les huit heures travaillées. Les douze heures supplémentaires qui avaient été estimées, mais qui n’ont pas été travaillées, constituent, pour le travailleur, sa prime qui est payée à raison de 6,50 $ l’heure. Ces 20 heures sont néanmoins chargées au client. Ce système de boni incitait les travailleurs à travailler toujours plus vite et à traiter de plus en plus de véhicules. Le travailleur explique avoir toujours eu une très bonne performance, ce qui est corroboré par monsieur Campeau. Le travailleur explique par contre que sa productivité avait baissé au cours des dernières années compte tenu des problèmes neuro-comportementaux qu’il ressentait de plus en plus. Monsieur Campeau dépose les rapports de performance du travailleur pour les années 1994 à 1999 qui démontrent, au contraire, qu’en termes de statistiques, la productivité du travailleur n’a pas subi de baisse au cours des deux ou trois dernières années. Elle a, au surplus, toujours été supérieure à la moyenne de l’atelier. Les pourcentages de productivité du travailleur ont varié de la façon suivante : 144% en 1994, 133% en 1995, 178% en 1996, 174% en 1997, 155% en 1998 et 160% pour les mois de janvier , février et mars 1999, alors que la moyenne de l’atelier était de 118% en 1994, et 1995, 136% en 1996, 128% en 1997, 127% en 1998 et 141% en 1999. 

[66]           Le travailleur a cessé de travailler en mars 1999. Il témoigne que ses symptômes ont progressé au cours de ses deux à trois dernières années de travail. Il a commencé à ressentir des sautes d’humeur, des pertes de mémoire, des difficultés de concentration, des étourdissements, il ne se sentait plus le même, se couchait dès qu’il revenait du travail. Son épouse lui demandait, lors de son retour à la maison, s’il était en état d’ivresse. Il se sentait de plus en plus fatigué et irritable à mesure que la semaine progressait, sentant une certaine amélioration les fins de semaine.  Il a aussi d’autres symptômes tels des vomissements, des maux de tête et des nausées.

[67]           Au sujet de ces pertes de mémoire, il rapporte que lors de conversations, il perdait régulièrement le fil de son idée. Il se souvient de certains incidents, comme au travail, lorsqu’il remontait des voitures et oubliait de remettre les bulbes de lumières, ce qui l’obligeait à recommencer son travail. À une occasion, il conduisait sa voiture et a dû arrêter au bord de la route, ne sachant plus où il allait. Il se souvient qu’une veille de Noël, il a ouvert le robinet chez lui et a oublié de le refermer ce qui a causé une inondation dans son sous-sol. Il oubliait parfois  d’aller chercher sa femme au centre commercial alors qu’il le lui avait promis. Il oubliait son chien à l’extérieur et autres incidents du même genre qui démontrent qu’il avait des pertes de mémoire passagères. Lors de leurs témoignages, ni monsieur Campeau (directeur de service après vente et directeur de l’atelier), ni monsieur Castonguay (directeur des finances et directeur général), ni monsieur Poulin (collègue de travail) n’ont rapporté avoir remarqué que le travailleur avait des troubles de mémoire lorsqu’ils le côtoyaient au travail.

[68]           Quant à ses nausées, il explique qu’en débutant sa journée de travail vers 8 heures tout allait bien. Vers 9 h 30-10 h, il commençait à avoir des hauts le cœur. Il vomissait parfois à l’odeur des produits utilisés. Il avait des maux de tête qui se situaient derrière les yeux, il avait l’impression d’être en état d’ébriété.

[69]           Il perdait également patience pour des peccadilles, était irritable beaucoup plus facilement qu’auparavent. Il se rappelle d’une altercation avec le gérant de service, monsieur Campeau, où il a élevé son ton de voix. Cet incident lui a fait réaliser qu’il n’était plus le même, qu’il avait changé ces dernières années. Il explique qu’il n’avait plus goût à la vie, qu’il se couchait vers 7 heures le soir, qu’il avait perdu l’appétit. Les symptômes s’estompaient un peu les fins de semaine, reprenaient tranquillement les lundis, s’aggravaient de jour en jour de sorte qu’ils étaient très importants les mercredis et au plus fort les vendredis.

[70]           Par ailleurs, en 1995, le travailleur a fait une faillite personnelle à la suite d’un déménagement, d’une diminution de 20% de son salaire, passant de 20,76 $ l’heure en 1994 à 16,98 $ l’heure en 1995, et de l’incendie de sa maison qui l’ont laissé avec une perte de 10 000 $.

[71]           Le travailleur est absent du travail à compter du 12 mars 1997 pour un problème de dépression situationnelle. Sont médecin traitant, le docteur Jean-Serge Lalonde, lui avait alors prescrit du Prozac, des traitements de psychothérapie et un arrêt de travail de six mois. Au bout de trois mois, le travailleur se sentant bien est retourné travailler. Des notes médicales du 7 avril 1997 laissent voir que :

Depuis 1 an dit qu’il éprouve des difficultés émotionnelles et se sent triste régulièrement (60%). A plusieurs bonnes journées, diff. financières, baisse de salaire, inquiet pour l’avenir. Marée X 22 ans, diminution appétit sexuel, anhédonie (illisible), dors bien, mange bien

Difficultés d’ajustement situationnelles

 

 

[72]           En décembre 1997, le travailleur consulte à nouveau le docteur Lalonde qui indique, à ses notes médicales, que le travailleur a une diminution de l’intérêt, du moral. Son sommeil est perturbé, il augmente sa consommation d’alcool. Des problèmes psychologiques sont notés. Le médecin pose le diagnostic de dépression situationnelle et prescrit à nouveau du Prozac.

[73]           En mars 1998, le médecin maintient le diagnostic de dépression situationnelle. En avril suivant, les notes du docteur Lalonde montrent que le sommeil est amélioré. Il maintient le diagnostic et la médication.

[74]           Les notes médicales du 12 mars 1999 du docteur Bhérer, laissent voir que le médecin s’interroge sur la possibilité d’une dépression mal résolue. Il se demande également s’il pourrait s’agir d’une encéphalopathie toxique aux solvants organiques, le questionnaire Q16 étant positif. Le médecin note que le travailleur vit un conflit de travail (relations de travail tendues) et qu’il souffre de diaphorèse nocturne.

[75]           Le 13 mars 1999, le travailleur produit une réclamation pour maladie professionnelle. Le rapport médical du docteur Lalonde, accompagnant la réclamation, réfère au rapport du docteur Luc Bhérer. Une lettre du 18 mars 1999 du docteur Bhérer, laisse entendre que le travailleur pourrait souffrir d’une encéphalopathie (syndrome cérébral organique) toxique secondaire à une exposition professionnelle à des solvants organiques, notamment à des hydrocarbures aromatiques et aliphatiques. Le médecin écrit :

Cet homme de 44 ans est très inquiet pour sa santé mentale. Il se demande s’il est malade et si oui, de quel mal il est atteint. Il rapporte différents symptômes neuro-comportementaux, difficultés de concentration et de compréhension, dépersonnalisation, sentiment de ne plus être tout à fait lui-même. Auparavant, il était de tempérament jovial, il aimait la vie. Maintenant, il n’a plus le goût de rien, il se sent déprimé et insatisfait. Il se plaint de difficultés à coordonner ses idées. Il déclare devoir refaire son travail deux fois pour cette raison. Des amis remarquent ses difficultés et lui ont même demandé s’il prend des médicaments, ce qui n’est pas le cas. Depuis plus de deux ans, il remarque que ça ne va plus. Il se demande s’il n’est pas devenu violent. Récemment, il a eu une prise de bec avec son supérieur hiérarchique. Il trouve du réconfort dans l’alcool mais limite sa consommation depuis 3 ans à une bière et 2 verres de vin au souper. Il souffre également d’une baisse très marquée de la libido. Lorsqu’il arrive du travail, avant de souper, il se couche parce qu’il n’a pas d’énergie. Entre 19 h 00 et 20 h 00, il se met au lit. Il dort bien jusque vers minuit. Par la suite, il a un sommeil très léger et se lève à 5 h 30. Il est reposé en se levant mais souffre d’asthénie, surtout à partir du mercredi et cette symptomatologie augmente au fil de la semaine. Il ajoute être fortement incommodé lorsque ses collègues appliquent la couche d’apprêt à proximité et il doit s’éloigner le temps que les vapeurs de solvants s’estompent, autrement, il se sent bizarre et dépersonnalisé. Notamment pour cette raison, sa productivité a diminué sensiblement, il a moins de revenus qui proviennent des bonis. Il se plaint aussi de troubles de mémoire. Il doit faire des listes s’il ne veut pas oublier. Il souffre fréquemment de céphalées alors qu’il n’avait jamais de maux de tête dans le passé. Sa symptomatologie semble légèrement moins intense le dimanche et les jours de congés. Son poids est stable, mais il considère son appétit diminué. Finalement, il rapporte que 4 de ses 7 collègues de travail au garage se font traiter pour dépression.

 

Comme antécédents, il fait une faillite personnelle en 1995. Il a quitté la campagne et emménagé à Gatineau, ce qui lui a occasionné beaucoup de dépenses. Malheureusement, il a subi une baisse importante de salaire peu de temps après et l’incendie de sa maison l’a laissé avec plus de 10,000 $ de dettes qu’il ne pouvait plus assumer. Ses problèmes avec l’alcool ont débuté au cours de cette période et il souligne que c’est grâce à votre aide qu’il a corrigé cette situation et que sa vie familiale n’est plus en péril.

 

Lors de notre rencontre, Monsieur présentait un affect triste. Son comportement est adéquat. Je constate qu’il semble perdre le fil de ses idées à l’occasion. Son discours est cohérent et bien structuré. Le questionnaire 16 (Chronic Organic Solvent Neurotoxicity : Diagnostic Criteria. Occupational Safety and Health Service, Department of Labour New-Zealand, 1992) est positif alors qu’il a plus de 6 questions positives (chez les personnes de plus de 28 ans et plus) et il a répondu adéquatement à la question piège. Je n’ai pas pratiqué l’examen neurologique complet (…). De plus, les atteintes neurologiques dont il souffre sont subtiles et difficiles à mettre en évidence. (…)

 

Outre des contraintes psychologiques liées à un climat de travail dégradé et à une possible dépression cachée, votre patient est susceptible de souffrir d’un syndrome cérébral organique toxique (type2) secondaire à une exposition professionnelle à des hydrocarbures aromatiques, aliphatiques ou alicycliques.

 

 

 

[76]           Le docteur Bhérer recommande au docteur Lalonde de faire voir le travailleur par un neuro-psychologue puisque l’expertise d’un tel spécialiste est « essentielle dans son cas pour objectiver l’atteinte ». Il recommande également de référer le travailleur au docteur Serge Lecours, médecin et toxicologue et au docteur Christophe Nowakowski, psychiatre.

[77]           Le 2 avril 1999, le travailleur est vu par le docteur Lecours qui recommande, à l’instar du docteur Bhérer, une évaluation en neuro-psychologie.

[78]           Concurremment, le 16 avril 1999, le travailleur est évalué par le comité des maladies pulmonaires professionnelles (docteurs Gilles Blanchette, Jean-Luc Malo et Jacques Tremblay, pneumologues) pour la possibilité d’un asthme professionnel. En terme de diagnostic, les médecins indiquent : possibilité de maladie pulmonaire professionnelle sous forme d’alvéolite aux isocyanates. Ils recommandent des examens plus approfondis. Le dossier ne comporte pas de suites de ces recommandations.

[79]           Le 26 avril 1999, un encéphalogramme ne révèle aucune anomalie.

[80]           Le 4 mai 1999, le docteur Claude St-Maurice, omnipraticien et consultant en psychiatrie, examine le travailleur. Il rapporte à la section Histoire de la maladie actuelle que le travailleur aurait fait une forme de dépression depuis deux à trois ans, qu’il a été traité pendant trois mois, qu’il a eu du surmenage au travail. Il eut un arrêt de travail pour une « intoxication aux solvants volatiles vs dépression ». Le travailleur a des « problèmes de confusion, il fait des oublis, cherche des objets, doit vérifier constamment car n’a plus confiance en lui ». Il se plaint de troubles de l’attention et de concentration. Il est lent dans ses décisions, inquiet, insécure et est préoccupé par ces changements. Le médecin lui fait passer un premier test pour évaluer la mémoire à court terme (3 séries de 3 mots) et conclut que l’apprentissage est difficile. Il le teste à nouveau et les résultats sont 3/3 en désordre, 3/3 en ordre et 2/3 en désordre. À l’examen, il note que la présentation est adéquate. Le travailleur a un affect anxieux, mais non dépressif. Il montre des troubles de l’attention, de la concentration, de la mémoire à court terme et de fixation. Le cours de la pensée est normal et le contenu est axé sur ses préoccupations en rapport avec son état. Il est bien orienté dans les trois sphères, le sensorium est clair. Le médecin pose le diagnostic d’intoxication aux solvants volatiles au travail et recommande la poursuite du traitement avec le Prozac, médicament prescrit par le docteur Lalonde il y a deux ans et à nouveau depuis trois mois.

[81]           Le 27 mai 1999, le docteur Eléna Likavcan, neurologue, voit le travailleur à la demande du docteur Lecours. À l’histoire de la maladie actuelle, elle rapporte que le travailleur est suivi pour dépression depuis trois ans et voit un psychologue à Gatineau. Elle écrit :

Depuis 3 ans, il accuse des troubles de la mémoire, décrits comme des oublis et des difficultés de retenir les événements récents. Il se plaint de troubles de la concentration et de l’attention. Il dit qu’il oublie le nom des choses et des personnes, mais après certain temps, ces noms lui reviennent à la mémoire. Il se plaint également d’une fatigue chronique, difficulté de dormir, il se sent changé récemment pour une hypersomnie pendant la journée avec un bon sommeil la nuit. Il accuse également des difficultés sexuelles décrites comme manque d’envie.

 

 

[82]           Après avoir examiné le travailleur, elle conclut que le travailleur a des :

Troubles de la mémoire récente avec ralentissement psychomoteur qui peuvent être reliés à un problème d’intoxication chronique en solvant. L’examen neurologique par ailleurs est normal. Il n’y a pas d’évidence d’une polyneuropathie sensitive motrice distal symétrique liée à une intoxication chronique aux solvants. Il n’y a pas non plus évidence de crise convulsive à son histoire et selon son électroencéphalogramme.

 

 

[83]           Le 7 juin 1999, le travailleur est revu par le docteur St-Maurice, qui considère le travailleur stable au plan des troubles cognitifs (attention, concentration et mémoire à court terme). Il «  n’arrive pas à se rappeler de nouvelles informations ». Le test d’apprentissage ( 3 séries de 3 mots) est très laborieux et inexact (3/3 désordre spontané, 0/3 efforts, 0/3 efforts). Le médecin conclut que le diagnostic est donc une « démence persistante induite par intoxication aux solvants volatiles au travail ». Il poursuit les mêmes mesures thérapeutiques.

[84]           Le 7 juin 1999, le travailleur passe une évaluation neuro-psychologique effectuée par madame Marie-Paule Vachon, docteure en neuropsychologie. Le but de l’évaluation est décrit au rapport de la façon suivante :

1)      Déterminer la nature et la sévérité des difficultés cognitives et exécutives de monsieur Mineault;

2)      Vérifier la possibilité d’une encéphalopathie toxique à la suite d’une exposition prolongée aux solvants organiques;

3)      Faire des recommandations.

 

 

[85]           Son rapport révèle quatre sessions d’évaluation d’une durée maximale de 2 h 30 chacune. La neuro-psychologue rapporte que le travailleur éprouve, en date du 10 mai 1999, divers symptômes physiques, cognitifs et psychologiques. La neuro-psychologue interroge aussi l’épouse du travailleur lors d’une conversation téléphonique le 1er juin 1999. Cette dernière confirme que :

[S]on époux avait beaucoup ralenti depuis quelques années : Il ne pense plus pareil, il a des problèmes de mémoire, il regarde dans le vide, il est est (sic) plus « pépère ». Avant, ajoute-t-elle, c’était un homme très actif qui n’arrêtait jamais : « Il était toujours sur le go ». Maintenant, il n’aurait plus le goût de rien, qu’il serait toujours fatigué et plus dépressif, il se choquerait vite et, par moments, il deviendrait les yeux boursoufflés.

 

 

[86]           Pour les évaluations, la neuro-psychologue indique que le travailleur comprenait généralement bien les consignes, il mettait les efforts requis, il n’avait pas de problème perceptuel ou moteur qui aurait pu entraver le déroulement des épreuves. Les résultats obtenus aux différents tests effectués « peuvent donc être considérés comme un estimé valide des habiletés cognitives et exécutives de monsieur Marc Mineault ». Après avoir fait l’analyse des résultats, elle résume la situation et émet des conclusions, se référant notamment à de la littérature médicale sur le sujet[1].

RÉSUMÉ

[...]

 

À la suite de l’examen des fonctions attentionnelles et mnémoniques, langagières, perceptuelles, sensorielles, intellectuelles et exécutives de monsieur Mineault, le profil qui se dégage est celui d’un homme dont le fonctionnement cognitif et exécutif apparaît en grande partie intègre. Cependant, on a observé des déficits importants dans des domaines très spécifiques comparativement au fonctionnement prétraumatique, déficits qui peuvent expliquer pourquoi monsieur Mineault a eu de nombreux problèmes d’ajustement au travail depuis 3 à 4 ans et a du être traité pour une dépression majeure.

 

Les principaux éléments cognitifs, exécutifs et psychologiques déficitaires apparus au cours de la présente évaluation sont les suivants :

 

-        Diminution de l’empan auditif et visuel

-        Affaiblissement des fonctions attentionnelles (attention soutenue, alternée, sélective et divisée) du contrôle mental et de la vigilance

-        Affaiblissement de la mémoire de travail et de la mémoire incidentelle

-        Problème d’encodage en mode verbal et visuel

-        Ralentissement de la vitesse à traiter l’information verbale et visuelle

-        Affaiblissement de la fluidité verbale et manque du mot

-        Diminution des capacités d’apprentissage en mode visuel dû à un défaut d’encodage

-        Problème de perception dans le champ visuel droit

-        Examen sensori-moteur : affaiblissement de la dextérité fine bilatéralement s et de la force musculaire de la main droite, ralentissement moteur dans les tâches de coordination visuo-motrice

-        Modification mineure de la personnalité (légère impulsivité, diminution de la tolérance à la frustration, tendance au retrait

-        Affaiblissement léger à modéré des fonctions exécutives (problème de planification et d’organisation, impulsivité, léger attrait vers le stimulus saillant, comportement d’imitation, affaiblissement de l’accès au bagage lexical, difficulté légère à exercer un contrôle continu ou une surveillance sur ses actions, difficulté à planifier et à exécuter une action à l’intérieur de contraintes pré-déterminées)

-        Léger affaiblissement des fonctions perceptuelles et visuospatiales, surtout dans le champ visuel droit

-        Symptômes dépressifs et anxieux modérés à sévères

-        Fatigabilité physique et mentale

 

CONCLUSION

 

Dans l’ensemble, les déficits mesurés sont conformes avec les séquelles d’une encéphalopathie toxique secondaire à l’exposition prolongée à des solvants et vapeurs toxiques.

 

En effet, si on se réfère à la littérature et aux résultats des recherches sur les effets neurocomportementaux de l’exposition aux solvants organiques et au plomb on constate que les déficits que présente monsieur Mineault correspondent en grande partie à celui d’une encéphalopathie toxique de stade initial nommé syndrome affectif organique de type dépressif et une partie des symptômes du second stade nommé encéphalopathie toxique chronique sévère légère.

 

En effet, selon les recherches (1,2,4,5)[2], le syndrome affectif organique est la première manifestation de toxicité chronique avec prédominance du désordre de l’humeur (dépression et anxiété). Elle se manifeste par des troubles du sommeil, une perte d’intérêt dans les activités auparavant appréciées, un manque d’énergie, une fatigabilité accrue, un retard psychomoteur et des plaintes à l’effet d’une diminution de l’efficacité mentale (manque de concentration, problèmes de mémoire). On note également que l’effet de l’exposition aux solvants engendre généralement des symptômes d’anxiété généralisée et que le sujet devient beaucoup plus fragile aux autres stresseurs  (3)[3]

 

Le deuxième stade d’une encéphalopathie toxique chronique, le stade d’encéphalopathie toxique chronique légère fait apparaître, en plus du désordre de l’humeur, des difficultés au niveau de la mémoire à court terme verbale et visuelle, des fonctions psychomotrices (vitesse, attention, exactitude) et des fonctions visuospatiales; la formation de concept et les capacités d’apprentissage commencent également à être affectées. La mémoire verbale est particulièrement affectée. Le profil de monsieur Mineault se conforme en grande partie à cette description puisqu’il présente des déficits au niveau du langage, de l’apprentissage verbal et visuel et qu’il démontre un ralentissement au niveau du traitement de l’information verbale et visuelle et de l’exécution des tâches de coordination oeil-main. Ses fonctions visuo-spatiales et constructionnelles sont également affaiblies, plusieurs indices suggérant que l’hémisphère gauche (hémisphère du langage chez les droitiers) serait plus affecté. Par ailleurs, les fonctions exécutives semblent globalement préservées.

 

Ces éléments nous amène (sic) à conclure que l’état actuel de Monsieur Mineault se situerait entre le stade I et II de l’encéphalopathie toxique chronique, ce qui laisse supposer que sa condition ne serait pas encore très sévère, voire que la majorité des symptômes qu’il présente seraient encore réversibles, en autant qu’il ne soit plus jamais exposé aux conditions environnementales qui ont engendré ses problèmes.

 

 

[87]           Le 21 août 1999, la résonance magnétique prescrite par le docteur Likavcan ne montre aucune anomalie.

[88]           Les notes évolutives médicales du 24 août 1999, du docteur St-Maurice, laissent voir que le travailleur est insécure face à son état et aux nombreux examens qu’il a passés. Il y a persistance des troubles cognitifs, avec apparition de perte de confiance en lui-même. Les oublis sont fréquents et le travailleur « est souvent perdu tout en étant conscient, ce qui est frustrant ». Le travailleur dit faire des cauchemars, se réveillant en panique, mais ceci mis à part, il dort bien. Son appétit est bon et son moral se maintient malgré tout. Le médecin refait à nouveau le test des 3 séries de 3 mots avec pour résultat 2/3 inversé, 0/3 et 0/3. Le médecin conclut que la mémoire de rétention est très affectée. Il complète un rapport d’évolution dans lequel il écrit :

Démence persistante induite par intoxication aux solvants volatiles au travail.- Évolution stable sur le plan cognitif.- Mêmes mesures tx .

 

 

[89]           Le 24 août 1999, le docteur Lecours produit un rapport d’évaluation médicale dans lequel il indique à l’examen qu’il y a un ralentissement psycho-moteur alors que l’affect, le comportement, l’attitude et la pensée (sauf la cognition) sont adéquats. Les examens de laboratoire (bilan sanguin, bilan biochimique, analyse d’urine, TSH, vitamine B-12 et les folates, VDRL, plombémie, EEG et CT Scan cérébral) sont normaux sauf l’hypercholestérolémie. Le docteur Lecours est d’avis que des séquelles gênent le travailleur à son travail :

Il s’agit donc d’un patient qui a développé un syndrome cérébral organique suite à une exposition chronique à des solvants en milieu de travail. Ce syndrome se manifeste par une atteinte des fonctions cognitives. Il ne devrait donc plus être exposé à des neuro-toxiques en milieu de travail. Par ailleurs, il devrait être dirigé en réadaptation cognitive afin d’améliorer sa santé et de s’adapter à sa condition. (p. 162).

 

 

[90]           Le 4 septembre 1999, le travailleur est revu par le docteur Lalonde qui le suit pour encéphalopathie toxique. Le médecin prescrit de l’Effexor, un médicament antidépresseur et anxiolytique.

[91]           Le 21 septembre 1999, le docteur St-Maurice note que le travailleur a commencé une thérapie de réadaptation cognitive tel que l’avait recommandé le docteur Lecours en août précédent. Il y a persistance des troubles cognitifs « sans changement pour l’instant ». Il fait à nouveau passer le test d’apprentissage des 3 séries de 3 mots. Les résultats sont 3/3 désordre, 0/3, 0/3. Le médecin recommande la poursuite des mesures thérapeutiques, incluant la prise de l’antidépresseur et anxiolytique Effexor.

[92]           Le 4 octobre 1999, monsieur Michel Galarneau, hygiéniste du travail, à l’emploi de la Régie régionale de la santé et des services sociaux de l’Outaouais, direction de la santé publique, transmet à la CSST le rapport d’échantillonnage qu’il a effectué le 16 juin 1999 chez Hull Volkswagen avec monsieur Jean-Yves Vincent également hygiéniste.

[93]           Le rapport des hygiénistes indique que le but de l’échantillonnage est de « caractériser et de quantifier les niveaux d’exposition aux solvants et isocyanates des travailleurs de l’atelier de peinture automobile ». De façon plus précise, il fallait fournir une étude d’hygiène industrielle à la demande de la CSST, en rapport avec un dossier d’indemnisation pour maladie professionnelle et effectuer l’échantillonnage prévu au programme de santé.

[94]           La stratégie consistait à procéder à l’échantillonnage dans l’atelier avec les portes fermées et avec le système de ventilation en fonction. L’annexe I du rapport laisse voir que la ventilation, dans l’ensemble de l’atelier, ne comporte pas une ventilation d’extraction sauf locale, et qu’il n’y a aucune ventilation avec apport d’air. Des échantillons ont été pris à des postes fixes et dans la zone respiratoire du carossier. Une prise d’échantillon a été faite à trois postes fixes, soit dans la chambre de mélange des peintures, dans le secteur de préparation de peinture où le carossier fait la pulvérisation de peinture hors cabine et dans l’atelier, au poste de travail le plus éloigné des zones de pulvérisation. L’échantillonnage couvrait la journée de travail et s’est fait à la hauteur des voies respiratoires. La prise d’échantillonnage dans la zone respiratoire du carossier a été faite lors de la pulvérisation de peinture hors cabine, lors de l’application de mastic et lors de son travail (le rapport ne donne pas les spécifications quant au travail effectué dans l’atelier à ce moment). Lors de la pulvérisation hors cabine, une application d’un additif pour peinture « Chroma Premier  Activateur» fut faite sur l’aileron avant d’une voiture. La fiche signalétique de ce solvant montre la composition suivante :

INGRÉDIENTS DANGEREUX                                  % du poids

 

Résine de polyisocyanate aliphatique                                 40-70

Toluène                                                                             5-10

Acétate d’éther de monomethyl propylène glycol                10-30

Isomères d’acétate d’hexyle                                             10-30

 

 

[95]           Les solvants échantillonnés sont le toluène, le xylène, le styrène, le solvant Stoddard, et le méthyl ethyl cétone. Les normes de références comparatives utilisées sont celles inscrites au Règlement sur la qualité du milieu de travail[4]. Les résultats d’échantillonnage de ces solvants étaient inférieurs aux normes recommandées. Il est à noter que le résultat pour le toluène n’était pas valable à cause d’une contamination des échantillons. Il ne semble pas que les hygiénistes aient repris l’échantillonnage de ce solvant. Toutefois, l’étude mentionne que les résultats pour le toluène devraient être beaucoup plus faibles que ceux rapportés. Pour le styrène lors de l’application de mastic, on rapporte une lecture de 115 mg/m³ alors que la norme est de 213 mg/m³ pour la valeur d’exposition moyenne pondérée et de 426 mg/m³ pour la valeur d’exposition de courte durée. Le rapport ne comporte pas la fiche signalétique du mastic employé lors de l’échantillonnage. Les hygiénistes indiquent l’importance de porter un demi-masque muni de cartouches pour les vapeurs organiques lors de l’application de mastic.

[96]           Les recommandations des hygiénistes sont :

-        Changer le ventilateur pour le masque à adduction d’air afin de rencontrer les spécifications requises;

-        Installer un apport d’air frais préchauffé;

-        Pulvériser les peintures contenant des isocyanates dans les cabines à peinture et se limiter aux peintures sans isocyanates dans l’aire de préparation;

-        Porter une protection respiratoire adéquate lors de l’application de mastic;

-        Utiliser la hotte de ventilation lors du mélange des peintures;

-        S’assurer que l’entretien périodique des cabines (changement de filtres, nettoyage de conduits, du ventilateur, etc…) soit fait régulièrement afin de s’assurer des meilleures performances possibles;

-        Il faut donc prévoir le port de protection respiratoire adéquate lors des travaux de pulvérisation et s’assurer que les travaux de préparation sont bien faits sous la hotte.

 

[97]           Commentant ce rapport à l’audience, monsieur Paul Poulin, également débosseleur chez Hull Volkswagen, rapporte qu’il était présent lors de l’échantillonnage du 16 juin 1999. Il précise que cette visite a été faite après que l’employeur eut demandé aux travailleurs, comme lors des autres visites de la CSST, de nettoyer toute la place et de ne pas appliquer du « primer » dans le centre de l’atelier. En fait dit-il, cette visite de juin 1999 avait été planifiée trois à quatre jours à l’avance. Selon lui, les conditions dans lesquelles s’est effectuée la visite ne représentent pas les conditions normales de travail que l’on retrouve généralement dans l’atelier, au surplus lors des mois d’hiver, où il n’est pas rare d’avoir 30 à 40 véhicules à débosseler. En été, il peut y en avoir moins de 20.

[98]           Le docteur Serge Lecours critique également le rapport des hygiénistes lors de son témoignage. Il estime que l’étude n’est pas concluante en regard de l’exposition à laquelle le travailleur a été soumis. L’étude effectuée n’est pas spécifique au travail même du travailleur, elle n’a pas permis l’échantillonnage de plusieurs produits utilisés par le travailleur. Elle ne serait pas non plus complète et ne permettrait pas de tracer un véritable portrait de l’exposition du travailleur. Selon lui, il aurait fallu effectuer des échantillons dans l’aire de travail du travailleur, dans sa zone respiratoire tout au long d’une journée habituelle de travail, sans exclure de tâches comme la pulvérisation de « primer » dans l’aire générale de travail.  Aussi, une prise de sang et d’urine du travailleur auraient dû  être effectuées pour y mesurer la présence des solvants et autres substances absorbées par l’organisme. En somme, l’étude n’est pas fiable pour déterminer si le travailleur a ou n’a pas subi une intoxication aux solvants organiques.

[99]           Le 21 octobre 1999, le docteur Jacques Lachapelle, neurologue, évalue le travailleur à la demande de Hull Volkswagen. Il écrit :

Ce travailleur est à l’emploi de la compagnie Hull Volkswagen à titre de débosseleur. Il n’est donc pas en contact direct avec les vapeurs de solvants organiques puisque les travaux de peinture se font dans une chambre isolée du plan.

 

Selon les analyses effectuées à la demande de la CSST par monsieur Galarneau, hygiéniste du travail à la Direction de la santé publique, les échantillonnages de l’air ambiant n’auraient pas démontré de concentration élevée de solvants organiques. (...)

 

EXAMEN PHYSIQUE

En relation avec la lésion professionnelle

 

L’évaluation cognitive n’a pas été approfondie mais excellente chronologie des événements que me rapporte spontanément le travailleur témoigne de l’absence de tout déficit significatif de la mémoire.

 

Monsieur Mineault fait montre d’une bonne concentration durant toute la durée de l’entrevue et de l’évaluation neurologique générale.

 

EXAMEN NEUROLOGIQUE

L’examen neurologique est strictement normal. (...)

 

COMMENTAIRES

La symptomatologie qu’accuse le travailleur est purement d’ordre neuropsychiatrique et est tout à fait non spécifique.

 

Elle peut tout aussi bien relever d’un état dépressif personnel comme d’une exposition à des vapeurs toxiques, mais cette dernière hypothèse doit d’emblée être rejetée puisque, d’une part, le travailleur n’est pas exposé directement aux vapeurs toxiques, que les échantillonnages de l’air ambiant n’ont pas démontré de concentration élevée de solvants organiques et que d’autre part, aucun autre travailleur n’a présenté une telle intoxication.

 

De point de vue purement neurologique, je rejette donc toute relation possible entre la symptomatologie actuelle du travailleur et une intoxication possible sur les lieux du travail aux solvants organiques.

 

[...]

 

Vu la nature neuropsychiatrique de la symptomatologie, je suggère cependant fortement une évaluation en psychiatrie.

 

 

[100]       Le 4 novembre 1999, une note du docteur St-Maurice laisse voir que l’évolution est stable. Le travailleur voit un peu d’amélioration avec l’Effexor. Les notes du médecin n’indiquent pas que le test d’apprentissage de 3 séries de 3 mots a été fait lors de cette visite. Le médecin note que le travailleur se sent plus heureux, les troubles cognitifs sont diminués et l’appétit reprend.

[101]       Le 9 novembre 1999, le docteur Lecours complète un avis complémentaire dans lequel il commente le rapport du docteur Lachapelle. Il est en désaccord avec celui-ci et soutient que même si le travailleur est débosseleur, il est quand même exposé à des solvants tels le styrène dans le mastic ou ceux du « primer »  utilisé par le travailleur. Il ajoute que lors de l’étude d’hygiène industrielle, plusieurs solvants n’ont pas été échantilonnés. Il croit que le fait que le travailleur soit traité avec un antidépresseur, l’Effexor, est compatible avec des séquelles d’intoxication aux solvants. En outre, le docteur Lachapelle ne fait pas la distinction dans son expertise entre les différents types de mémoire et n’a recours à aucun test afin de valider son assertion suivant laquelle le travailleur ne montre pas de déficit significatif de la mémoire. Le docteur Lecours rappelle que « le type de mémoire qui devient anormal dans les intoxications aux solvants est la mémoire à court terme, qui s’appuie sur plusieurs fonctions neuro-psychologiques (encodage, etc.) ». Le médecin conclut :

Le patient a été exposé directement au solvant dans son milieu de travail ainsi qu’indirectement. Les résultats d’évaluation environnementale ne sont pas adéquats puisqu’ils ne tiennent pas compte entr’autre [sic] des différents solvants retrouvés dans ce milieu de travail.

 

 

[102]       Vu les recommandations du docteur Lachapelle, le docteur Lecours réfère le travailleur au docteur Christophe Nowakowski, psychiatre, « qui a déjà évalué quelques centaines de patients avec ce type de problème », afin de bénéficier d’une deuxième opinion psychiatrique.

[103]       Le dossier est soumis au Bureau d’évaluation médicale (BEM). Les docteurs André Gamache, psychiatre et Fernand Duplantis, neurologue produisent un rapport commun le 17 décembre 1999 après avoir évalué le travailleur le 16 décembre 1999. Ils n’ont cependant pas en mains le rapport des hygiénistes. Les médecins sont saisis du diagnostic et des limitations fonctionnelles du travailleur. À l’évaluation, les médecins notent :

Il mentionne qu’il vomissait tous les matins après trente minutes à son lieu de travail, ceci depuis environ deux ans. De façon étonnante, aucun médecin ne fait état de ce problème dans le dossier médical. Il mentionne qu’il croyait que ceci était dû au café qu’il prenait. Il allègue aussi des céphalées survenant depuis environ un ou deux ans, sous forme de douleurs rétro-orbitaires et bitemporales comme une pression, pouvant persister deux heures et survenant aussi bien dans l’après-midi que le matin. Il prenait un comprimé de Tylénol et était soulagé et pouvait continuer à travailler sans céphalée.

 

Il rapporte aussi qu’il avait des étourdissements sous forme de l’impression d’être ivre mais n’avait absolument rien qui tournait autour de lui. Il sentait comme une faiblesse, le tout persistant pendant environ trois à quatre minutes et accompagnée de nausées. Il allègue un gonflement abdominal. Tous ces symptômes seraient apparus de façon plus ou moins progressive depuis environ 1996, 1997. Lorsqu’on lui demande le temps qu’il faisait à son milieu de travail, il fait état d’une surcharge d’ouvrage depuis les trois dernières années. Il précise cependant que cette surcharge se faisait en moins d’heures, c’est-à-dire qu’il ne faisait pas de temps supplémentaire mais travaillait sous pression.

Actuellement, il a quitté son emploi depuis le 13 mars 1999. Il n’a plus de vomissements, pas de céphalées sauf une fois par mois. Les pertes de mémoire sont toujours identiques. Il raconte qu’il y a deux semaines, il est allé une heure dans un garage. Il n’a pas eu de malaise dans ce garage mais, une fois chez lui, il avait une sensation d’engourdissement au-dessus de la tête et présentait de la nausée et de la céphalée. Il rapporte que la senteur était autour de lui dans le garage. Il n’a pas travaillé à son automobile lui-même.

 

 

[104]       À l’examen neurologique, le médecin n’a pu noter de troubles du langage et de la mémoire. Le travailleur est bien orienté dans le temps et dans l’espace et l’évaluation du Folstein est à 30/30. Le reste de l’examen neurologique est normal. Au plan psychiatrique, le travailleur ne rapporte pas de problème de la lignée dépressive. Selon lui, depuis qu’il prend de l’Effexor, il est plus actif, a plus d’entrain, plus d’énergie, mais allègue encore des problèmes au niveau de sa mémoire. À l’examen psychiatrique, l’humeur n’apparaît pas dépressive, l’attention et la concentration sont bonnes, la mémoire immédiate est bonne, la mémoire à moyen et long terme est aussi bien préservée. Le jugement pratique est bon et l’autocritique présente. Le travailleur est, au moment de l’examen, complètement asymptomatique du point de vue dépressif. Le médecin écrit que l’évaluation neuro-psychologique a démontré des anomalies « qui peuvent se rencontrer dans plusieurs autres pathologies qu’une pathologie aux solvants organiques ». En résumé, « l’examen clinique s’avère strictement normal et nous n’avons aucune évidence que ce réclamant est porteur d’une encéphalopathie toxique aux solvants organiques ». Commentant l’évaluation neuro-psychologique, les médecins indiquent :

Dans l’évaluation neuro-psychologique, on parle de syndrome affectif organique de type dépressif, une partie des symptômes du second stade nommée encéphalopathie toxique chronique légère. On parle d’un syndrome affectif organique et la première manifestation de toxicité chronique avec prédominance du désordre de l’humeur (dépression et anxiété). Cependant, on doit se poser la question à l’effet que si l’Effexor peut améliorer un syndrome affectif organique. D’autant plus comment départager un état dépressif et un syndrome affectif organique.

 

[...]

 

Nous devons attirer votre attention sur le point suivant : l’évaluation neuro-psychologique a été fait (sic) dans un but précis, soit de vérifier la possibilité d’une encéphalopathie toxique à la suite d’une exposition prolongée aux solvants organiques. Or, cette évaluation démontre des anomalies chez ce réclamant qui peuvent se rencontrer dans plusieurs autres pathologies qu’une pathologie aux solvants organiques.

 

 

[105]       Les médecins retiennent ainsi :

DIAGNOSTIC 

Axe 1 :Je ne peux pas éliminer un état dépressif majeur, code 296.82

Axe 2 :Pas de trait de personnalité particulier

Axe 3 :Pas de maladie physique

Axe 4 :Pas de stress psychosocial dans les six derniers mois

Axe 5 :Son fonctionnement global est autour de 75, 80.

 

À mon avis, l’épisode dépressif majeur n’est pas éliminé puisqu’il a bien répondu en plus à l’Effexor.

 

EXISTENCE OU ÉVALUATION DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES DU TRAVAILLEUR :

 

Du point de vue psychiatrique et neurologique, on ne voit aucune limitation actuellement sauf le problème relationnel qui semble exister entre monsieur Mineault et son patron.

Le fait de retourner travailler à cet endroit pourrait être  une source de facteurs de stress pour lui.

 

 

[106]       Les médecins du BEM produisent un extrait d’un volume de Neil Rosenberg[5] datant de 1995 sur la neurotoxicité des solvants organiques. Un chapitre de ce volume est résumé plus loin. Les membres du BEM annexent aussi un article sur les usages et abus des tests neuro-psychologiques[6].  Il ressort de cette dernière publication qu’un des usages des tests neuro-psychologiques est d’aider dans l’établissement du diagnostic et dans l’identification des syndromes cliniques pertinents. Les abus se rencontrent souvent sous la forme d’échecs dans l’administration, la notation, l’interprétation et le développement de ces tests. Au plan clinique, l’erreur la plus grande est de tirer des fausses conclusions à partir des résultats des tests :

Perhaps the single major abuse of present day neuropsychological tests is drawing erroneous conclusions from the test results. It is not uncommon to see some psychologists rely almost totally on poor test performance to arrive at the conclusion that the patient has suffered brain injury. This is frequently done even when relevant medical and psychological factors would argue against such a conclusion.

 

 

[107]       Le 16 décembre 1999, le même jour que l’évaluation au BEM, le docteur St-Maurice voit le travailleur. Il indique que le travailleur continue à faire des oublis dans des situations simples et habituelles du quotidien. Il y a amélioration de l’état dépressif et aussi des troubles cognitifs avec la prise d’Effexor. Cependant, lors de stress comme lorsqu’il reçoit une lettre de la CSST ou de son employeur, le travailleur devient anxieux et il y a une augmentation des symptômes dépressifs et cognitifs. « Aujourd’hui objectivement plus dépressif et manifeste de façon évidente des troubles cognitifs ». Au rapport d’évolution, il ajoute, en plus du syndrome cérébral organique induit par intoxication aux solvants volatiles au travail, le diagnostic de dépression majeure secondaire.

[108]       Le 25 janvier 2000, le docteur Lecours recommande une réadaptation cognitive.

[109]       Le 28 janvier 2000, à la suite de cet avis du BEM, la CSST rend une décision refusant le lien entre le diagnostic retenu par le BEM, état dépressif majeur, et le travail, rejetant de ce fait la réclamation du travailleur. Le travailleur conteste cette décision qui est maintenue à la suite d’une révision administrative, d’où le présent litige.

[110]       Le docteur Lecours produit des rapports médicaux à la CSST en avril, juin, août et septembre 2000, indiquant que l’état du travailleur est stable. Il en est de même en janvier et février 2001.

[111]       Le 2 mars 2001, le docteur Nowakowski procède à l’expertise psychiatrique du travailleur suite à la recommandation du docteur Lecours et à la demande du procureur du travailleur. Son rapport du 27 mars 2001 laisse voir que le médecin est d’avis que le travailleur a souffert d’une encéphalopathie toxique qui est reliée à son travail de débosseleur. Il est en désaccord avec les conclusions du docteur Lachapelle et des médecins du BEM. Le tribunal croit opportun de rapporter les pages 16 à 20 de son expertise :

Ainsi, autant mon examen que le dossier antérieur sont incompatibles avec un diagnostic d’épisode dépressif majeur. Par ailleurs, les symptômes dépressifs mineurs qui ont parfois été rapportés sont entièrement compatibles avec le degré d’apathie que l’on retrouve dans les cas d’encéphalopathie toxique, et les diverses plaintes subjectives d’atteintes cognitives, ainsi que les résultats de l’évaluation neuro-psychologique, sont entièrement compatibles avec ce diagnostic.

 

Signalons que l’atteinte cognitive de l’encéphalopathie toxique n’est généralement objectivable qu’avec des tests spécialisés, soit une évaluation neuro-psychologique. Cet aspect a déjà été soulevé par le Docteur Bherer.

 

Ainsi, on ne peut se fier aux conclusions du rapport du BEM à l’effet qu’il n’y a pas d’atteinte cognitive, à moins de s’assurer au préalable que cette question a été vérifiée avec des tests appropriés, ce qui ne semble pas être le cas.

 

En effet, cette conclusion du BEM semble motivée par un examen mental qui s’est avéré normal au niveau des fonctions cognitives, ainsi qu’un test de Folstein qui ne démontre aucune atteinte, puisqu’il y a une cote à 30/ 30.

 

Signalons tout d’abord que l’examen mental ordinaire  évalue les fonctions cognitives au moyen d’un nombre très limité de tests relativement simples, dont les résultats sont difficilement quantifiables, qui n’évaluent pas l’ensemble des fonctions cognitives et pour lesquels il n’y a pas de normes standardisés (sic). Il est généralement admis que ces tests son (sic) peu sensibles, et servent uniquement à dépister des atteintes cognitives très importantes.

 

Pour ce qui est du test de Folstein, parfois connu sous le nom de le Mini Mental, il s’agit d’un test dont le but est également de dépister des atteintes cognitives majeures, et plus spécifiquement les cas de démence. Il ne s’agit pas d’un test qui a été conçu pour dépister des atteintes cognitives moins généralisées, comme on en trouve dans l’encéphalopathie toxique.

 

Ainsi, le seul teste (sic) qui a été administré, et qui est approprié pour évaluer un diagnostic d’encéphalopathie toxique est l’évaluation neuro-psychologique. Celle-ci a été effectuée, et s’est avérée positive.

 

Le BEM souligne par ailleurs, à la page 12, que les anomalies décelées au niveau de l’évaluation neuro-psychologique peuvent se rencontrer dans plusieurs autres pathologies qu’une pathologie aux solvants organiques. Ceci est vrai, mais par ailleurs n’infirme pas ce diagnostic. En effet, l’encéphalopathie toxique est une atteinte cérébrale qui est d’une part diffuse, et d’autre part, dont l’atteinte fonctionnelle peut être quelque peu variable d’un patient à l’autre. Ainsi, on doit s’attendre à l’évaluation neuro-psychologique de retrouver un tableau d’atteinte cérébrale diffuse, comme cela peut arriver dans un certain nombre d’autres pathologies, comme par exemple l’anoxie ou la commotion cérébrale.

 

Ainsi, l’évaluation neuro-psychologique permet, en toute rigueur, de conclure à une atteinte cérébrale diffuse, et de restreindre le diagnostic différentiel, mais de là, on doit tirer un diagnostic spécifique sur la base de l’histoire clinique. (...)

 

J’ai également pris connaissance de la littérature soumise par le BEM concernant l’usage abusif des évaluations neuro-psychologiques. Je suis d’accord avec les conclusions de cet article. Cependant, si le BEM suggère qu’il y a eu abus dans ce cas, je ne suis pas d’accord. En effet je n’ai retrouvé aucun des abus mentionnés dans cet article dans le présent dossier.

 

Par ailleurs, il ne faut certainement pas aller aussi loin que le Docteur Lachapelle, et dire que la symptomatologie est tout à fait non spécifique. Les tableaux dépressifs peuvent effectivement donner une certaine atteinte cognitive, mais dont le profil demeure quand même différent de celui d’une atteinte cérébrale organique diffuse.

 

Ainsi, dans le cas de M. Mineault, nous avons trois constatations fondamentales :

 

-        Il y a eu une exposition aux solvants

-        Il y a soit absence de symptômes dépressifs ou des symptômes dépressifs tout à fait mineurs, et insuffisants pour expliquer l’atteinte cognitive dont se il plaint et qui a été objectivée

-        Il y a eu une diminution de la symptomatologie avec le retrait de l’exposition, comme en témoigne une exacerbation des symptômes pendant la deuxième moitié de la semaine alors qu’il travaillait, et une diminution des symptômes depuis l’arrêt de travail.

 

Sur cette base, le diagnostic d’encéphalopathie toxique est de loin le plus probable.

 

Par ailleurs, si on examine les antécédents psychiatriques du patient, on note qu’il y a effectivement certains symptômes dépressifs qui ont été présents dans le passé. Lors de mon examen, M. Mineault présente certains déficits au niveau de la mémoire autobiographique, et il n’est donc pas très clair à partir de son histoire s’il a eu un arrêt de travail antérieur pour cause de dépression. À partir de mon questionnaire, il semble clair que M. Mineault a présenté des symptômes dépressifs en 1989, et il est possible qu’il en ait présenté également en 1995, à l’époque où il a dû faire faillite. Le dossier par contre semble indiquer qu’il y a eu un arrêt de travail pour cause de symptômes dépressifs en 1997, et selon certains autres documents, qu’il y a eu un épisode dépressif vers 1995.

 

Quoi qu’il en soit, ces périodes dépressives, s’il en est, apparaissent comme étant clairement de nature réactionnelle. Il s’agit donc de pathologies qui sont actuellement résorbées, et qui n’ont pas d’incidence sur l’arrêt de travail qui a débuté en mars 1999.

 

Enfin, le Docteur Lachapelle mentionne que l’hypothèse d’une encéphalopathie toxique doit être rejetée, puisque les échantillonnages d’air n’ont pas démontré de concentrations élevées de solvants organiques et qu’aucun autre travailleur n’a présenté une telle intoxication.

 

En ce qui concerne la deuxième partie de cette proposition, on ne sait pas si les autres travailleurs ont été examinés. Par ailleurs, il faut certainement tenir compte d’une variabilité importante d’un individu à l’autre concernant la susceptibilité aux effets provoqués par les solvants. Les normes dont on dispose sont établies sur des moyennes, mais n’excluent pas que certains individus puissent présenter des symptômes à des concentrations inférieures aux normes établies. De plus, selon le Docteur Lecours, on n’a pas procédé à un échantillonnage de tous les solvants potentiellement impliqués dans cette situation.

 

Ainsi, en conclusion, M. Mineault a présenté des symptômes qui étaient essentiellement cognitifs et non dépressifs, et l’encéphalopathie toxique demeure la clause la plus probable.

 

Cette conclusion est renforcée par le fait que M. Mineault a présenté une hypersensibilité aux odeurs fortes, ce qui est un symptôme assez caractéristique de l’encéphalopathie toxique aux solvants, mais qui est par ailleurs un symptôme tout à fait inhabituel pour les états dépressifs.

 

 

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS

 

M. Mineault a été exposé à différents solvants organiques dans le cadre de son travail de débosseleur.

 

Bien qu’il n’y ait pas d’études environnementales concluantes à l’effet que M. Mineault a été exposé à certaines substances à des niveaux au-dessus des normes généralement permises, il n’en demeure pas moins que toutes les substances susceptibles de causer une encéphalopathie toxique et auxquelles il a été exposé n’ont pas été mesurées, et que par ailleurs, il y a une variabilité interindividuelle suffisante pour pouvoir provoquer une encéphalopathie toxique chez certains individus même en deçà des normes généralement admises.

 

Après avoir révisé l’ensemble du dossier et questionné M. Mineault, on doit conclure que l’encéphalopathie toxique est le diagnostic le plus probable pour pouvoir expliquer ses symptômes, depuis leur début, soit entre 1995 et 1997.

 

Par conséquent, il existe une limitation fonctionnelle, à savoir que M. Mineault ne devrait pas être exposé à des agents neurotoxiques dans l’avenir. (A1)

 

 

[112]       Le 12 mars 2001, le docteur Lecours rédige une nouveau rapport d’expertise à la suite du rapport du BEM. Il est en désaccord avec ce rapport, notamment sur la revue de littérature qui y est effectuée. Docteur Lecours est d’avis que les études de Rosenberg citées par le BEM sont désuètes et ont été contredites par plusieurs autres études. Il ajoute que le rapport des hygiénistes n’est pas complet car il ne fait pas état des données techniques d’échantillonnage. Il produit certains articles de littérature dont la liste apparaît en annexe. Le médecin maintient les conclusions de son rapport du 29 août 1999 et de son rapport complémentaire du 9 novembre 1999.

[113]       Le 6 février 2002, le docteur Lecours identifie, dans un autre rapport complémentaire adressé au procureur du travailleur, les substances neurotoxiques qui entrent dans la composition des produits faisant l'objet des fiches signalétiques déposées à l’audience et qui sont susceptibles de causer une encéphalopathie toxique comme celle dont souffre le travailleur. Il liste l’acétate de butyle, l’alcool de n-butyle, l’acétone, le méthylisobutylcétone, le toluène, l’isopropanol et l’alcool éthylique entrant dans la composition de l’apprêt réactif Corlar; l’acétone, l’isobutanol, l’acétate d’éther monométhylique de propylène glycol et le nafta de l’activateur pour apprêt réactif; l’acétate d’éther monobutylique d’éthylèneglycol, l’acétate d’éther monothylique d’éthylèneglycol et le xylène de l’apprêt HTMS; l’acétate de n-butyle, l’acétate d’éthyle, l’acétate d’isobutyle, le toluène et le xylène du diluant pour apprêt-uréthane; l’acétone, l’alcool méthylique, le toluène et l’acétate d’éther monométhylique de propylèneglycol du solvant industriel diluant Lucite; l’acétate d’éthyle, l’acétate d’éther monométhylique de propylèneglycol, le toluène et le xylène de l’activateur à base d’isocyanate; l’acétone, l’éthyl-alcool de la peinture en aérosol (9892.187 à 196); le xylène, le n-butanol et l’acétone de la peinture en aérosol noire mate; le styrène monomer du mastic de finition de la compagnie Bondo-Mar-Hide; le styrène du mastic de la compagnie Würth Canada Ltée; le xylène et le toluène de la protection de « dessous de caisse » noir; le solvant Stoddard du produit en aérosol WD-40.

[114]       Les docteurs Lecours, Nowakowski, et Lachapelle témoignent à l’audience. Une abondante littérature médicale est également déposée. Les positions des spécialistes, hormis leurs rapports écrits déjà cités, se résument comme suit.

[115]       Le docteur Lecours explique que les symptômes d’encéphalopathie toxique aux solvants organiques comprennent des nausées, des étourdissements et éventuellement des problèmes cognitifs, des troubles de l’attention, des troubles d’organisation dans un plan, avec des problèmes affectifs dont l’irritabilité et la labilité émotionnelle. Il ajoute qu’après le retrait du milieu où se retrouvent les solvants, la condition d’une personne se stabilise ou s’améliore, elle ne se dégrade pas. Le médecin croit que certains symptômes rapportés par le travailleur, tels les étourdissements, les nausées, les vomissements et les sensations d’ivresse témoignent d’une surexposition aux solvants. Il est d’avis que l’histoire d’exposition du travailleur n’exclut pas les surexpositions, même si elles ne sont pas documentées par une étude d’hygiène industrielle. De toutes façons, le rapport d’hygiène industrielle et les fiches techniques soumises démontrent  la présence de solvants en milieu de travail chez Hull Volkswagen. En fait, plus il y a de personnes qui travaillent avec les solvants en même temps dans le même atelier, plus l’exposition est importante. Plus le travail est rapide, plus il y a d’utilisation de solvants. De plus, il y a l’effet cumulatif des différents solvants. Par exemple, lors de l’application du Vinyl Wash, des mastics, des peintures, des « primer », des diluants ou autres produits utilisés, les solvants s’évaporent et se retrouvent dans l’air. En contre interrogatoire, le médecin admet ne pas avoir été au courant, dès le début des investigations, des problèmes d’alcool qu’a déjà présentés le travailleur. Il rétorque cependant que les symptômes du travailleur ne sont pas ceux qui permettraient d’identifier l’alcool comme cause. Il ajoute que le taux de plombémie dans le sang du travailleur est de 0,45, ce qui démontre que le travailleur a été exposé au plomb. Ce taux est néanmoins sous la limite du seuil de 0,50. Tel que mentionné précédemment, il témoigne que l’étude d’hygiène industrielle n’est pas concluante.

[116]       Le docteur Lecours explique que dans le cas de l’encéphalopathie toxique, comme dans le cas de plusieurs autres maladies, les symptômes ne sont pas spécifiques et il n’y a pas de test précis qui démontre la présence de cette maladie. Poser ce diagnostic découle de plusieurs éléments. De ce fait, il faut tenir compte de l’histoire d’exposition et de l’évolution des symptômes. Il faut également faire passer des tests pour éliminer les autres diagnostics possibles. On doit compléter avec des tests neuro-psychologiques. Il faut également tenir compte de la susceptibilité individuelle. Le fait que le travailleur a bien répondu au médicament antidépresseur Effexor ne démontre aucunement que ses symptômes relevaient d’une dépression puisqu’il s’agit d’un médicament qui agit sur les symptômes dépressifs et aussi sur les fonctions cognitives. De plus, en réponse à une question du tribunal, le docteur Lecours a affirmé que l’hypersensibilité aux odeurs (cacosmie) et l’encéphalopathie toxique sont en relation. Par ailleurs, il explique que le travailleur a œuvré de nombreuses années dans des conditions où il n’était pas protégé. Les masques en papier fournis chez Hull Volkswagen peuvent être efficaces pour les poussières, mais ne sont d’aucune utilité pour la protection aux agents chimiques des solvants. En l’espèce, le médecin estime que le diagnostic le plus probable, compte tenu de tout le dossier, est l’encéphalopathie toxique. Le médecin fait état de la littérature médicale qui tend à supporter sa conclusion. Cette littérature est résumée en partie plus loin.

[117]       Le docteur Nowakowski témoigne également à l’audience. Il explique qu’une encéphalopathie est une atteinte organique du cerveau, quelqu’en soit la cause. Elle est toxique lorsqu’occasionnée par un agent toxique. Il identifie les types 1, 2 et 3 selon le degré d’atteinte et de réversibilité allant du plus léger (type 1) au plus sérieux (type 3). L’encéphalopathie toxique n’est pas une atteinte spécifique, l’atteinte cérébrale est diffuse. Elle peut ressembler à celle amenée par la commotion cérébrale ou l’anoxie. Les nausées et les vomissements sont des symptômes non spécifiques mais dans le cas sous étude, ils sont rapportés lorsque les niveaux d’exposition augmentent, s’accentuant au cours de la journée et plus la semaine avance, et deviennent alors des signes d’une exposition aiguë. L’histoire d’exposition ou de traumatisme est très importante afin de différencier le diagnostic. Lorsqu’en plus, il y a une atteinte cognitive, il faut procéder à l’évaluation neuro-psychologique pour confirmer le diagnostic. Dans le cas du travailleur, les signes d’atteinte cognitive sont plus importants que ce que l’on peut généralement s’attendre dans un cas de dépression. Il ajoute que les atteintes à certains solvants comme le toluène et le styrène amènent des atteintes cérébrales diffuses qui peuvent se manifester par des changements de personnalité, de l’apathie et autres changements du même genre.

[118]       En l’espèce, le docteur Nowakowski est en désaccord avec les conclusions des médecins du BEM et soutient que le travailleur n’est pas atteint de dépression majeure, que les symptômes dépressifs vécus par le travailleur ne sont pas suffisants pour conclure à ce diagnostic, d’autant plus qu’ils sont joints à des problèmes cognitifs. Le fait que le travailleur a été traité par son médecin avec des médicaments antidépresseurs (Effexor) ou stimulants (Prozac) ne justifie aucunement le diagnostic de dépression majeure, bien qu’ils agissent sur les symptômes dépressifs en question. Les notes du docteur Lalonde révisées par le docteur Nowakowski confirment qu’il n’y a pas lieu de poser le diagnostic de dépression majeure. Il y a néanmoins présence de symptômes dépressifs, ce qui est compatible avec le diagnostic d’encéphalopathie toxique, mais pas de vraie dépression. De plus, lorsqu’il a examiné le travailleur en 2001, soit près de deux ans après le retrait du travail, les symptômes dépressifs étaient absents, mais il demeurait une certaine atteinte cognitive. Le fait que la détérioration cognitive persiste milite aussi en faveur de sa conclusion suivant laquelle le diagnostic le plus probable dans les circonstances est celui d’encéphalopathie toxique. Le médecin ajoute que l’exposition à plusieurs solvants amène des effets additifs, des interactions avec effets de synergie, ce qui porte le médecin à penser que les solvants auxquels le travailleur a été exposé ont pu amener des effets d’intoxication malgré que leur concentration ait pu être sous les seuils acceptables individuellement.

[119]       Le docteur Lachapelle témoigne également à l’audience. Il est d’avis que le diagnostic à retenir est celui de dépression majeure comme le concluait les médecins du BEM. Il dépose un document qu’il a préparé et qui reprend les définitions rapportées par l’auteur Rosenberg[7] quant aux  types d’encéphalopathie. Le tribunal reproduit ces définitions après en avoir fait une traduction libre, pour assurer une meilleure compréhension :

TYPE I :         Symptoms only. Complaints of non specific symptoms; completly reversible if exposure discontinued; equivalent to neurasthenic syndrome (TRADUCTION : Symptômes seulement. Plaintes de symptômes non spécifiques, totalement réversible si l’exposition est discontinuée, équivalent au syndrome neurasthénique).

 

TYPE 2 A :     Sustained personality or mood change. Same as Type I but symptoms are not reversible (TRADUCTION : Changements de personnalité et d’humeur soutenus. Les symptômes sont les mêmes que le Type 1, mais ne sont pas réversibles).

 

TYPE 2 B :       Impairment in intellectual function. Symptoms are accompanied by objective evidence of impairment on neuropsychological tests; « minor neurological signs » may be and may not be reversible, synonymous with « psycho-organic syndrome » and « mild dementia » (TRADUCTION : Affaiblissement des fonctions intellectuelles. Les symptômes sont accompagnés d’évidence objective de détérioration aux tests neuro-psychologiques, signes neurologiques mineurs peuvent être ou non réversible, synonyme de syndrome psycho-organique et démence légère).

 

TYPE 3 :          Dementia. Marked global deterioration of intellectual function; neurologic signs evident, poorly reversible if at all, but is generally non progressive once exposure has ceased (TRADUCTION : Démence, détérioration globale des fonctions intellectuelles; signes neurologiques évidents; peu réversible si réversible, mais généralement non progressif dès la fin de l’exposition).

 

 

[120]       Il donne aussi des expressions synonymes de l’encéphalopathie :

-        Psycho organic syndrome

-        Chronic encephalopathy

-        Presenile dementia

-        Painters syndrome

-        Neurasthenic syndrome

 

[121]       Notons que le docteur Nowakowski est en accord avec l’ensemble de cette nomenclature, à l’exception de la mention de démence dans le type 2B.

[122]       La démence est définie au DSM IV[8] comme suit :

Démence persistante induite par une substance

A.     Apparition de déficits cognitifs multiples, comme en témoignent à la fois :

(1)    Une altération de la mémoire (altération de la capacité à apprendre des informations nouvelles ou à se rappeler les informations apprises antérieurement);

 

(2)    Une (ou plusieurs) des perturbations cognitives suivantes :

(a)    Aphasie (perturbation du langage)

(b)    Apraxie (altération de la capacité à réaliser une activité motrice malgré des fonctions motrices intactes)

(c)    Agnosie (impossibilité de reconnaître ou d’identifier des objets malgré des fonctions sensorielles intactes)

(d)    Perturbations des fonctions exécutives (faire des projets, organiser, ordonner dans le temps, avoir une pensée abstraite)

 

B.     Les déficits cognitifs des critères A1 et A2 sont tous les deux à l’origine d’une altération significative du fonctionnement social ou professionnel et représentent un déclin significatif par rapport au niveau de fonctionnement antérieur.

 

C.     Les déficits ne surviennent pas exclusivement au cours d’un délirium et persistent au-delà de la durée habituelle d’une Intoxication ou d’un Sevrage à une substance.

 

 

D.     Mise en évidence d’après l’histoire de la maladie, l’examen physique ou les examens complémentaires que les déficits sont liés étiologiquement aux effets persistants de l’utilisation d’une substance (p. ex. Une substance donnant lieu à un abus, un médicament)

 

 

Démence due à des étiologies multiples

 

A.                Apparition de déficits cognitifs multiples, comme en témoignent à la fois :

 

(1)                Une altération de la mémoire (altération de la capacité à apprendre des informations nouvelles ou à se rappeler les informations apprises antérieurement);

 

(2)                Une (ou plusieurs) des perturbations cognitives suivantes :

(a)    Aphasie (perturbation du langage)

(b)    Apraxie (altération de la capacité à réaliser une activité motrice malgré des fonctions motrices intactes)

(c)    Agnosie (impossibilité de reconnaître ou d’identifier des objets malgré des fonctions sensorielles intactes)

(d)    Perturbations des fonctions exécutives (faire des projets, organiser, ordonner dans le temps, avoir une pensée abstraite)

 

B.                Les déficits cognitifs des critères A1 et A2 sont tous les deux à l’origine d’une altération significative du fonctionnement social ou professionnel et représentent un déclin significatif par rapport au niveau de fonctionnement antérieur.

 

C.                Mise en évidence d’après l’histoire de la maladie, l’examen physique ou les examens complémentaires que la perturbation a plusieurs étiologies (p. ex. traumatismes crânien en plus de l’utilisation chronique d’alcool, Démence de type Alzheimer avec apparition secondaire d’une Démence vasculaire).

[123]       Le docteur Lachapelle invoque des arguments épidémiologique, d’observation comportementale, de lecture du dossier et de revue de la littérature pour rejeter la thèse de l’encéphalopathie toxique chez le travailleur.

[124]       Premièrement, il estime que les données épidémiologiques sur la démence et la maladie de l’Alzheimer n’ont jamais démontré que ces maladies ont été engendrées par une exposition normale à des solvants organiques. Cela en soi serait suffisant pour écarter l’encéphalopathie toxique de type 2B, puisque le diagnostic de démence a été retenu par le docteur St-Maurice.

[125]       Deuxièmement, il note que messieurs Campeau et Castonguay, qui ont côtoyé le travailleur, n’ont observé aucun signe de problèmes de mémoire ou autre chez le travailleur. Le médecin soutient avoir vu en clinique, dans sa carrière, près de 2 300 patients souffrant de démence. Il a observé le travailleur lors des journées d’audience et ses observations ne concordent aucunement avec les déficits notés par la neuro-psychologue lors de l’administration des tests neuro-psychologiques dont les troubles de la mémoire, de l’attention, de la concentration, de langage, de la fonction perceptuelle ou trouble de la fonction frontale. Il n’a pas non plus noté, lors des journées d’audience, de problèmes d’orientation spatiale ou de problème cognitif, ce qui lui permet également d’éliminer le diagnostic d’encéphalopathie toxique.

[126]       Troisièmement, à l’analyse du dossier médical, le médecin note que le travailleur réussit de moins en moins bien au test de mémoire (3 séries de 3 mots) administré par le docteur St-Maurice à plusieurs reprises, ce qui est incompatible avec le fait que les symptômes d’encéphalopathie demeurent soit stables ou s’améliorent avec le temps. Il n’y a pas de détérioration possible lorsque la personne est retirée du milieu toxique. Le médecin croit que les symptômes dépressif et d’anxiété ont influencé les résultats aux tests neuro-psychologiques.

[127]       De plus, lors de son examen du 21 octobre 1999, le médecin ne notait aucun signe neurologique. En outre, le médication anti-dépressive a amélioré la symptomatologie tant des troubles affectifs que des troubles cognitifs, ce qui contribue à déterminer que le problème cognitif est lié à l’état dépressif et n’est pas un problème structurel cognitif comme le seraient les troubles cognitifs reliés à l’encéphalopathie toxique. De plus, le test de Folstein analysé par les médecin du BEM donne un score de 30/30 alors que la démence est soupçonnée lorsque le score est de moins de 25 ou 26. Ainsi, il n’y a aucun motif d’écarter ce test et les conclusions que tirent les médecins du BEM. Il n’y a par conséquent rien d’autre qu’un syndrome dépressif majeur. Il rappelle que les symptômes d’encéphalopathie sont non spécifiques et peuvent se retrouver dans d’autres maladies. Il est en désaccord avec le docteur Nowakowski qui dit que le travailleur est affecté d’encéphalopathie toxique de type 2B alors qu’il ne voit aucun signe de démence. De plus, le docteur Lachapelle fait une revue de la littérature médicale (résumée plus loin) qui, à son avis, supporte la thèse qui veut que l’encéphalopathie toxique de type 2B n’est pas reliée à une exposition à faible dose à des solvants. Il termine son témoignage en indiquant que son opinion est fondée sur les recherches scientifiques actuelles, mais qu’elle n’est pas statique et pourrait évoluer avec les découvertes scientifiques à venir.

[128]       Le travailleur explique que sa mémoire est maintenant presque rétablie même s’il a encore certaines difficultés à l’occasion. Il donne l’exemple d’oublier le dimanche matin le titre des films qu’il a vus le samedi soir s’il en a vu deux. Il n’a pas retravaillé depuis mars 1999, mais envisage un retour à un autre travail très bientôt dans un entrepôt de fruits et légumes qui est un fournisseur pour les garderies et les écoles. Aujourd’hui, il a développé une hypersensibilité aux odeurs fortes. Par exemple, s’il va chez le quincaillier ou à la pépinière, les odeurs lui montent à la tête et lui causent de sérieuses céphalées, de sorte qu’il doit quitter les lieux.

[129]       La Commission des lésions professionnelles croit opportun de résumer, selon un ordre chronologique, certains des nombreux articles de littérature fournis par les parties, dont la liste complète apparaît en annexe, permettant ainsi d’avoir une vision de l’évolution scientifique sur la question du lien de causalité entre l’exposition aux solvants en milieu de travail et les dommages affectant le système nerveux central.

[130]       En 1985, dans un article du Scandinavian Journal of Work and Environmental Health, les auteurs Spencer et Schaumburg, de l’Institute of Neurotoxicity, Neurology and Pathology de l’Albert Einstein College of Medicine à New York, indiquent qu’il y a un besoin évident de recherches supplémentaires, malgré plusieurs études récemment publiées sur des expositions humaines à divers mélanges de solvants pouvant être reliées à un certain type de démence légère ou d’encéphalopathie chronique toxique.  « In short, while there is cause for concern and a clear need for further research, compelling data are unavailable. » En outre les auteurs soulignent le problème du métabolisme des solvants et de l’évolution clinique de la pathologie :

Cessation of exposure to a neurotoxic substance paradoxically may be associated with a period of intensified abnormality (« coasting ») prior to the onset of recovery.  The degree of reversibility depends principally on the type of neurological damage : peripheral nerves generally regenerate, whereas lesions of the brain and special sense organs, are more often associated with permanent deficits.[9]

 

 

[131]       En 1987, l’agence américaine NIOSH (National Institute for Occupational Safety and Health) publie un bulletin[10] sur la neurotoxicité des solvants organiques. Le but d’un tel bulletin est de fournir un éclairage sur l’information scientifique en regard des risques occupationnels « dissiminate new scientific information about occupational hazards ». En regard de la neurotoxicité chronique des solvants organiques sur l’humain, l’agence signale tout d’abord le travail de deux forums internationaux tenus sur le sujet à Copenhague en juin 1985 (WHO Workshop) et en Caroline du Nord en octobre 1985 (International Solvent Workshop) qui ont établi différentes catégories pour caractériser les troubles du système nerveux central induits par les solvants.

[132]       L’agence résume les nomenclatures. Le tribunal reproduit les définitions en y ajoutant une traduction libre, dans le but de faciliter la compréhension. La forme la plus légère est « Organic affective syndrome » (WHO Workshop) ou Type 1 (International Solvent Workshop). Cette atteinte est caractérisée par : « fatigue, memory impairment, irritabilty, difficulty in concentration, and mild mood disturbance » (TRADUCTION : fatigue, perte de mémoire, irritabilité, difficultés de concentration et légère perturbation de l’humeur).

[133]       Le second type, quant à lui, est décrit comme une légère encéphalopathie chronique (WHO Workshop) ou type 2 (International Solvent Workshop).  Ici, on mentionne la présence de neurotoxicité et d’anomalies aux test neuro-psychologiques.  Le type 2 à été divisé en deux; soit le type 2A correspondant à : « sustained personality or mood changes such as emotional instability and diminished impulse control and motivation » (TRADUCTION :  changements soutenus de personnalité ou d’humeur comme l’instabilité émotionnelle et la diminution du contrôle des impulsions et de la motivation ) et le type 2B à : « impairment in intellectual function manifested by diminished concentration, memory and learning skill capacity » (TRADUCTION : affaiblissement des fonctions intellectuelles se manifestant par une concentration diminuée, une capacité de la mémoire amoindrie et une plus faible capacité d’apprentissage ).

[134]       Quant à la troisième catégorie, elle est décrite comme  une encéphalopathie chronique sévère (WHO Workshop), ou le type 3 (International Solvent Workshop).  Celle-ci se caractérise par : « global deterioration in intellectual and memory functions (dementia) that may be irreversible, or at best, only poorly reversible » (TRADUCTION : détérioration globale des fonctions intellectuelles et de mémoire (démence) qui peut être irréversible ou au mieux, partiellement réversible). 

[135]       L’agence précise que le type 1 et le type 2 sont ceux qui peuvent le plus vraisemblablement affecter les travailleurs exposés aux solvants. En conclusion du bulletin, après avoir fait une revue de la littérature scientifique sur le sujet, les auteurs signalent que les études indiquant que les solvants peuvent provoquer des effets toxiques sur l’humain ne sont pas sans faiblesses.  Ils notent que certaines conclusions sont basées sur des données subjectives recueillies par des questionnaires non fiables. Les méthodes neurophysiologiques ou neuro-psychiatriques pour détecter des dommages au système nerveux ou des déviations par rapport à la normale ne sont pas sûres du point de vue des études épidémiologiques à cause de la variabilité même des réponses chez des individus normaux. Également, ils signalent l’étendue de la gamme des expositions à des produits chimiques dangereux au travail comme une source de difficultés dans l’interprétation des données épidémiologiques. Toutefois, l’agence termine son document en émettant un avertissement aux médecins leur indiquant qu’il y a suffisamment de preuve pour établir la présence d’effets néfastes sur la santé des travailleurs exposés aux solvants :

However NIOSH believes that collective toxicologic and epidemiological data on organic solvent neurotoxicity provide sufficient evidence to warrent concern about adverse health effects from occupational exposure to these chemicals.

 

 

[136]       En 1988, Grasso, attaché au Robens Institute of Industrial and Envitronmental Health and Safety en Angleterre, dans une étude publiéee dans Occupational Medicine : State of the Art Reviews[11], signale que bien qu’il existe, à cette époque, des preuves suffisantes pour reconnaître l’existence de lésions au système nerveux central et périphérique reliées à de fortes expositions à certains solvants organiques, ce niveau de certitude n’existe toujours pas pour les expositions prolongées à de bas niveaux de solvants.

[137]       En ce qui a trait à l’évolution de l’encéphalopathie causée par les solvants (particulièrement le type 2B) et à la comparaison avec la maladie d’Alzheimer, Eckberg et autres[12], attachés à des hôpitaux en Suède, ont conclu en 1990, à la suite d’une étude sur le suivi à long terme de travailleurs exposés aux solvants, que cette pathologie n’est pas une maladie progressive comparable à la démence pré-sénile telle la maladie d’Alzheiner ou la maladie de Pick : « If a worker was removed from exposure when he presents symptoms without signs of impairement in intellectual fonction recovery was seen in most cases. »

[138]       Également en 1990, dans un éditorial du New England Journal of Medicine[13], portant sur la médecine du travail et plus particulièrement les problèmes neurologiques, les auteurs Cullen, Cherniack et Rosenstock, de New Haven Occupational Medicine Program, de l’Université Yale au Connecticut et de Occupational Medicine Program, de l’University of Washington School of Medicine en Californie, indiquent que malgré toutes les données discordantes sur le sujet, il est prudent de présumer qu’une exposition répétée et importante à des solvants peut produire une dysfonction neuro-psychologique chronique, laquelle peut devenir irréversible chez les patients qui ne sont pas retirés de l’exposition tôt après le début des symptômes. Chez les patients qui sont retirés du milieu d’exposition, le pronostic est favorable. Les auteurs concluent de cette façon malgré les incertitudes toujours existantes sur la forme et l’étendue des dysfonctions neurologiques attribuables aux solvants organiques. 

[139]       En 1992, dans un document interne d’informations médicales préparé par la Direction des services médicaux de la CSST sur l’intoxication aux solvants[14], on indique que « Les intoxications aux solvants ont fait l’objet de nombreuses controverses au cours de la dernière décennie; les récentes et nombreuses études sur le sujet tendent à démontrer qu’une inhalation répétée de solvant peut altérer les fonctions cérébrales supérieures des travailleurs(euses) ». On ajoute que les solvants organiques sont en général des dépresseurs du système nerveux et peuvent être classifiés en : hydrocarbures aliphatiques ou aromatiques, hydrocarbures aliphatiques halogénés, alcool, éthers, esthers, cétone et dérivés de glycol. On signale « que toute exposition multiple est susceptible d’entraîner une modification de la sévérité des effets.  On pourra alors rencontrer des effets d’ordre synergique ou encore des effets additifs dans certains cas. »  Lorsque l’on aborde la notion d’intoxication chronique, les auteurs signalent un problème diagnostique plus complexe que dans le cas de l’intoxication aiguë.  Ici, ils réfèrent aux trois types d’atteinte cérébrale proposés par l’Organisation Mondiale de la Santé. De façon générale, le type 1 ne présente pas d’atteinte organique permanente et l’évaluation paraclinique et neuro-psychologique seront normale. Une réduction ou un retrait total de l’exposition devrait amener une disparition des symptômes.  Les types 2 et 3 présenteront vraisemblablement une atteinte permanente des fonctions cérébrales supérieures qui pourra être mise en évidence en particulier par les tests neuro-psychologiques. L’examen neurologique à ces stades pourra objectiver une atteinte des fonctions cérébrales supérieures. On signale que le diagnostic différentiel sera à faire avec les problèmes suivants :

-        les intoxications du SNC (alcool, drogues- médicaments)

-        les conditions psychiatriques (dépression- psychose- névrose)

-        les problèmes endocriniens et métaboliques

[140]       Les auteurs font une mise en garde intéressante concernant l’évaluation neuro-psychologique. Ils mentionnent qu’aucun des tests n’est en soi pathognomonique [signe ou  symptôme particulier à une maladie donnée qui permet d’en déterminer la nature] d’une intoxication aux solvants organiques. Ils signalent que de nombreuses études épidémiologiques ont permis de dégager un profil d’atteinte, soit une diminution de l’attention, des difficultés mnésiques, un allongement du temps de réaction et une fatigue mentale.

[141]       Dans Occupational Neurology and Clinical Neurotoxicity on retrouve un article de Bleecker et Hansen[15] de 1994 portant sur les séquelles neuropsychiatriques des expositions en milieu de travail. Les auteurs mentionnent un problème auquel il faut faire face lors de l’évaluation, sur le plan neurologique, des effets des expositions à de multiples solvants :  « Exposure is frequently estimated by a weak surrogate (i.e., years of employment) or is limited by a one-time industrial hygiene sampling, done at the time of testing, which may not necesseraly reflect historic solvent levels ».

[142]       Une recherche de 1994[16] est aussi rapportée. Celle-ci présente les résultats d’une étude rétrospective portant sur une cohorte de peintres et deux populations de contrôle. La période étudiée débute en 1970 et se termine en 1987.  Les cohortes ont été identifiées à partir des données du recensement norvégien de 1970.  On a sélectionné au delà de 11,000 peintres et, comme population de contrôle, 36,899 travailleurs de la construction et 9314 travailleurs de l’industrie alimentaire.  Les auteurs ont retenu le diagnostic de névrose comme base médicale de l’étude.  En tenant compte du contexte temporel, ce diagnostic est celui qui permet le mieux, avec certains diagnostics secondaires, d’identifier les travailleurs présentant vraisemblablement des séquelles d’exposition aux solvants organiques.  Les diagnostics proviennent des données du National Insurance Administration de Norvège qui contiennent la liste de tous les individus qui se sont vus allouer une pension d’invalidité depuis 1970 en Norvège.  Les auteurs précisent qu’ils n’ont pas été capables, dans leur analyse, de faire les ajustement nécessaires entre les populations pour tenir compte des facteurs de biais, tels le tabagisme, les habitudes de consommation alcoolique et autres facteurs du même genre.  Dans l’analyse, ils ont cependant constaté que la possibilité, que l’on alloue une pension d’invalidité secondaire à une névrose, était considérablement plus importante chez les peintres que chez les travailleurs de la construction ou ceux de l’industrie alimentaire.  Il en va de même pour le diagnostic secondaire d’alcoolisme.  Les auteurs mentionnent certaines difficultés qui ont été rencontrées dans la sélection des diagnostics; en effet avant 1981 les diagnostics d’encéphalopathie et d’effet toxique des solvants organiques étaient peu ou pas en usage pour justifier une demande d’allocation d’une pension d’invalidité et également peu en usage pour le type de condition possiblement associée aux expositions à des solvants organiques. 

[143]       La conclusion finale des auteurs est que l’exposition des peintres aux solvants organiques constitue le facteur majeur de danger environnemental qui distingue cette cohorte des deux autres cohortes. Les auteurs concluent de cette façon en dépit des faiblesses majeures de ce type d’étude et du fait que l’étude elle-même est fondée exclusivement sur des hypothèses d’exposition et des diagnostics émis dans le cadre d’une demande de pension d’invalidité sans que les auteurs n’aient eu la possibilité de vérifier la justesse de ces diagnostics et leur relation avec une nouvelle nomenclature introduite en 1981 pour les lésions pouvant être reliées aux solvants organiques.

[144]       Une étude de 1996[17] avait pour but d’évaluer l’évolution des améliorations, relativement à la détresse psychologique et au fonctionnement social, qui avaient été notées dans une étude précédente, ont eu un impact à long terme chez les personnes qui ont bénéficié d’une intervention psycho-sociale précoce. L’objectif était donc de voir si les patients traités montraient un meilleur pronostic que ceux non traités. On signale que le suivi à long terme à démontré une amélioration du fonctionnement social chez les patients traités et une diminution de la souffrance psychologique lorsque comparés à leur état six ans auparavant.  Toutefois, les données sont les mêmes que les patients aient ou n’aient pas bénéficié de ce type de traitements.  Les chercheurs ont alors amalgamé ces deux groupes et les ont comparés à un groupe contrôle de personnes non exposées et non porteuses de cette pathologie. Ils concluent que la récupération des personnes exposées, autant celles traitées que celles non traitées, était loin d’être complétée. Une certaine amélioration des symptômes est néanmoins démontrée avec le temps. En effet, après une période de sept ans, on note une certaine réduction de la détresse mentale, laquelle est caractérisée par un haut degré de symptômes obsessifs-compulsifs, de dépression et de somatisation.  Encore une fois, ces constatations ne sont cependant pas différentes selon que les personnes aient ou n’aient pas bénéficié de traitement. De plus, il faut signaler que les résultats des tests neuro-psychiatriques ne se sont pas détériorés durant la période de suivi à long terme.

[145]       En 1997, la revue Lancet publie une article[18] de White et Proctor des Department of Neurology au Boston University School of Medicine, Department of Environmental Health au Boston Univertity School of Public Health et Boston Environmental Hazards Center au Boston DVA Medical Centre et Psychology Service du Boston DVA Medical Center. L’article porte sur les solvants et leur neurotoxicité.  Les auteurs font une revue des procédures d’évaluation clinique et de la littérature épidémiologique sur les effets neuro-comportementaux des expositions aux solvants.  En préambule, on note que les auteurs abordent la complexité de la notion du niveau de l’exposition.  Celle-ci dépend non seulement du niveau de la concentration du solvant dans l’air, mais de plusieurs autres facteurs tels, la voie d’entrée, la solubilité dans le sang et le degré d’activité physique au moment de l’exposition par le travailleur. En plus, lorsque les solvants sont employés en mélanges, leurs effets peuvent être additifs, synergiques ou se potentialiser.  Au plan de l’évaluation de l’exposition, on parle des divers modes d’évaluation telle l’évaluation par l’hygiéniste du travail et les auteurs signalent que les questionnaires et le monitoring biologique sont les deux méthodes les plus pratiques pour les cliniciens.  En regard des méthodes d’évaluation de l’exposition, les auteurs décrivent les limites à donner à leur interprétation. Ils rappellent que les normes recommandées ne peuvent servir dans un cas particulier à déterminer si une personne a subi un dommage du système nerveux à la suite d’une exposition :

First published threshold limit values and recommended limits of exposure cannot be followed slavishly in assessing whether a patient is likely to have nevous system damage from exposure.

 

 

[146]       Les auteurs rappellent que, chez certains patients, des dysfonctions du système nerveux ont été notées même à des expositions sous les niveaux recommandés. La question de la susceptibilité individuelle n’est pas prise en compte dans l’établissement de ces niveaux :« The recommended exposure values are based on data from group studies and there is great indivivual variability in susceptibility to specific toxicants. »  Dans la formulation du diagnostic, les auteurs White et Proctor mentionnent l’importance des symptômes, des signes cliniques, de l’histoire d’exposition aux solvants et de l’absence de toute autre condition médicale pouvant expliquer les symptômes et signes notés chez le patient. Le diagnostic différentiel peut être complexe.  Le résultat des tests neuro-psychologiques et l’histoire du patient deviennent alors très importants et informatifs.  Enfin, on signale l’interaction synergique avec l’alcool qui peut amener un tableau clinique du système nerveux plus prononcé : « Another issue important in the differential diagnosis is the synergitic interaction between exposure to industrial solvant and ethanol, which can result in a more pronounced picture of nervous system effects in an alcoholic than in a patient who abstains from alcohol use. »

[147]       En 2000, dans le journal Médecine du travail et ergonomie, Lonnoy et Lison[19] de l’Unité de toxicologie Industrielle et de Médecine du travail de l’Université catholique de Louvain en France font état des résultats d’une étude réalisée au Luxembourg chez une population de 14 peintres d’ateliers. Ceux-ci travaillaient dans des cabines de peinture avec ventilation verticale.  En plus de la description de l’environnement de travail et de la protection individuelle employée, les auteurs précisent les méthodes d’investigation clinique des travailleurs et ajoutent qu’ils ont fait compléter le questionnaire Q16 « spécifiquement recommandé pour le diagnostique du SPS » (syndrome psycho-organique dû aux solvants).  Les auteurs notent que l’étude fut réalisée dans des garages où une bonne ventilation et l’utilisation de protections individuelles adéquates sont plus probables que dans de plus petits garages.  L’examen clinique s’est révélé normal dans tous les cas. Cependant, il y a eu détection de plaintes compatibles avec un stade précoce de dysfonctionnement du système nerveux.

Le monitoring de l’air ambiant montre pour les substances mesurées une exposition très faible par rapport aux TLV-TWA ».

(...)

L’observation principale de cette étude est la détection de plaintes compatibles avec un stade précoce de dysfonctionnement du système nerveux central .

(...)

On a en effet noté un net excès de symptômes spécifiques chez 40% des peintres comparativement à 6% dans le groupe de contrôle.  

 

Les études de corrélations montrent une relation entre les scores obtenus au Q16 et le pourcentage de temps quotidien passé dans la cabine d’une part et entre le score Q16 et l’exposition cumulée d’autre part.

 

 

 

[148]       En 2000, dans un article du Neurologic Clinics[20], des auteurs du Department of Neurology, Psychiatry, and Environmental and Industrial Health, du School of Public Health de l’University of Michigan Health System aux États-Unis rappellent que le lien occupationnel avec l’encéphalopathie toxique demeure controversé particulièrement lors d’expositions à faibles doses, pour une période de temps prolongée, à certains solvants tels le trichloroétylène, le trichloroéthane, le perchloroéthylène, le mineral spirits ou autres solvants du même type. Ils concluent que les études épidémiologiques n’identifient pas, à ce jour, un lien causal entre l’exposition chronique à de faibles doses de solvants organiques et l’encéphalopathie toxique ou la neuropathie toxique. L’encéphalopathie chronique des peintres et les autres syndromes similaires représentent des concepts non nécessaires qui sont fondés sur des données scientifiques inadéquates.

[149]       Dans un article de 2001[21], des auteurs du Department of Environmental and Occupational Medicine, de l’University of Aberdeen Medical School de l’Écosse et de l’Institute of Rehabilitation de l’University of Hull du Royaume Uni, présentent les distinctions cliniques qui existent entre les trois catégories telles que proposées par l’Internatinal Workshop de 1985 et retenu par NIOSH dans son bulletin de 1987.  Les symptômes de dépression sont mentionnés pour les types 1 et 2; les tests psychométriques sont normaux pour le type 1, et généralement normaux pour le type 2A. Au type 2B on trouve alors des anomalies aux tests psychométriques et également des signes neurologiques mineurs. Quand à l’évolution, pour le type 1, les symptômes sont réversibles après la cessation de l’exposition, en ce qui a trait au type 2 , le degré de réversibilité des symptômes en 2A reste obscur et en 2B, ceux-ci peuvent parfois s’améliorer après la cessation de l’exposition, mais peuvent aussi demeurer inchangés.  En ce qui a trait aux effets chroniques, on dit que des symptômes persistants sont le résultat d’une exposition élevée pendant au moins dix années.  Par contre, on mentionne qu’une exposition chronique, à une faible concentration de solvants, a été le plus souvent associée à un déficit de la mémoire à court terme et à des changements de personnalité.  Enfin, on ajoute que selon le degré d’atteinte du système nerveux central au moment du diagnostic, les symptômes peuvent s’améliorer ou se stabiliser après que l’exposition ait cessé. Concernant les études épidémiologiques sur le sujet, les auteurs indiquent que la validité de plusieurs études est sujet à controverse, car celles-ci sont limitées compte tenu du manque de rigueur scientifique (inconsistencies or variations of exposure assessment, infrequent measures of biological monitoring, problems with methodology for dose-response and mixed exposures, limited or no control of confounding factors and lack of standardized diagnostic criteria). 

[150]       La Commission des lésions professionnelles a également pris connaissance du chapitre sur la neurotoxicité des solvants organiques émanant du livre de Rosenberg[22] de 1995. Selon l’auteur, ce chapitre a pour but de faire le point sur l’état des connaissances concernant les propriétés neurotoxiques, tant aiguës que chroniques, de certains solvants organiques, principalement ceux présentant un intérêt pour l’industrie pétrochimique. Une emphase particulière est donnée à l’analyse des effets neurocomportementaux, lesquels sont les plus controversés parmi les problèmes possiblement reliés à ces produits. Tout d’abord on fait état du problème posé par ces substances. Bien que la plupart des solvants organiques puissent produire des effets non-spécifiques lors d’expositions à de très hautes concentrations, seulement quelques uns peuvent produire des effets neurologiques relativement spécifiques chez des personnes exposées de façon chronique à de basses concentrations.  On mentionne que des études récentes se sont penchées sur ce dernier type d’exposition.  Deux types majeurs de syndromes peuvent survenir chez les individus exposés de façon chronique aux solvants : une neuropathie périphérique ou une encéphalopathie.  Alors que plusieurs solvants sont capables de produire des encéphalopathies aiguës et réversibles lors d’expositions à hautes concentrations, les effets chroniques de la réversibilité sur la structure ou la physiologie de l’appareil neurologique est l’objet de divers débats. Concernant ce que l’auteur appelle le syndrome psycho-organique, il parle de deux écoles de pensée; soit celle des pays scandinaves où cette entité est reconnue et celle des autres pays européens et de l’Amérique du Nord où les scientifiques sont moins enclins à la reconnaître et où la tendance des scientifiques a plutôt été d’essayer d’élucider les effets chroniques spécifiques, propres à chacun des différents solvants. 

[151]       Dans ce contexte, Rosenberg signale deux problèmes majeurs. Premièrement le type d’exposition dans le milieu industriel en est un d’exposition à des mélanges de solvants plutôt qu’à un solvant spécifique.  Ceci rend alors extrêmement difficile l’étude du problème de la neurotoxicité spécifique des divers solvants d’autant plus que selon l’auteur, on ne sait pas comment ces différents solvants réagissent entre eux.  Le deuxième problème est le manque d’information sur les degrés d’exposition à ces divers mélanges de solvants.  D’ailleurs ceci semble caractériser la plupart des études publiées sur le sujet et rend, de ce fait, l’étude dose-réponse impossible et donc non connue sur le plan de la neurotoxicité.

[152]       Rosenberg signale également que dans une tentative pour standardiser la terminologie sur le sujet, deux groupes internationaux ont défini trois catégories de problèmes chez l’humain; soit un type 1, 2A, 2B et 3 que l’auteur résume d’ailleurs[23]. Selon l’auteur, aucune des classifications émises sur le sujet ne tient compte de divers biais qui pourraient alors orienter les chercheurs vers d’autres pathologies donnant les mêmes symptômes que ceux étudiés et de plus, ces études ne considèrent pas suffisamment le critère de la durée de l’exposition.  Il est noté que la pierre angulaire de toutes les études sur le sujet est le fait que les données sont surtout de nature neuro-psychologique.  Bien que l’auteur se pose des questions sur la valeur de l’analyse faite dans ces études, il admet qu’en règle générale les expositions chroniques à de basses concentrations sont associées à des changements cognitifs, de vitesse de perception, de mémoire à court terme et occasionnellement, des changements des fonctions visioconstructives.

[153]       Toutefois, l’auteur insiste toujours pour revenir sur le fait que, d’après les études des pays nordiques, on pourrait poser ce genre de diagnostic chez pratiquement toute personne ayant travaillé avec des solvants, et ce, pour n’importe quelle période d’exposition.  Il insiste sur le fait que dans toutes ces études, les éléments les plus difficiles à évaluer sont le degré et la durée des expositions de même que la nature exacte des solvants impliqués.  Il répète que diverses sources de biais comme l’alcool, la nutrition, les traumatismes crâniens, les problèmes psychiatriques, le vieillissement et autres problèmes du système nerveux central sont rarement considérés dans les différentes études.

[154]       L’auteur parle des études les plus récentes et particulièrement d’une étude où, selon lui, pour la première fois on avait la possibilité d’étudier la relation dose-réponse entre une exposition de basse concentration à un mélange de solvants et le syndrome psychoorganique Il note que malgré cette étude où tous les paramètres sont bien contrôlés, il fut impossible d’établir une relation entre une exposition chronique de basse concentration aux solvants et le syndrome psycho-organique.

[155]       En conclusion générale, Rosenberg soutient que la thèse, voulant qu’une exposition chronique à des concentrations faibles de mélanges de solvants puisse induire des effets neurocomportementaux néfastes, n’est pas supportée par la littérature scientifique contemporaine qu’il a revue. Par ailleurs, au sommaire, Rosenberg admet que de nombreuses questions demeurent sans réponse. À l’exception des 5 solvants ( disulfide de carbone, n-hexane, methyl-butyl ketone, toluène (chez les abuseurs de cette substance) et le trichloroéthylène impur) pour lesquels la preuve scientifique a démontré leurs effets neurotoxiques sur l’humain lors d’exposition à des niveaux relativement élevés, les expositions à faibles niveaux de la plupart des solvants et les mélanges de solvants demeurent non prouvés comme neurotoxiquants humains.

L'ARGUMENTATION DES PARTIES

[156]       Le procureur du travailleur soutient que le travailleur doit bénéficier de la présomption de l’article 29 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[24] (la loi) et plaide que l’employeur n’a pas réussi à renverser l’application de cette présomption. La procureure de l’employeur estime, au contraire, que la preuve n’a pas démontré que le travailleur était porteur d’une encéphalopathie toxique aux solvants et, de façon subsidiaire, elle soutient que la présomption de l’article 29 ne peut recevoir application puisque le travailleur n’a pas été victime d’une intoxication. Elle plaide aussi que la preuve et la littérature médicale, incluant les différentes études épidémiologiques, ne permettent pas de retenir que l’encéphalopathie toxique est une maladie caractéristique du travail de débosseleur, maladie qui n’est pas non plus reliée directement aux risques particuliers du travail exercé par le travailleur.

L'AVIS DES MEMBRES

[157]       Le membre issu des associations syndicales de même que le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que la preuve prépondérante a démontré la probabilité que le travailleur était affecté d’une encéphalopathie toxique aux solvants organiques qui avait été induite par son travail de plus de 25 ans comme débosseleur dans plusieurs garages. Ils estiment que l’histoire d’exposition, l’absence de protection et la ventilation inadéquate en plus des symptômes vécus par le travailleur sont compatibles avec l’intoxication aux solvants organiques en milieu de travail. Ils considèrent que tous les éléments visant à l’application de la présomption de l’article 29 de la loi ont été démontrés selon la balance des probabilités et que l’employeur n’a pas réussi à renverser la présomption établie. Quant aux séquelles possibles, les membres sont d’avis que le dossier doit être retourné à la CSST afin que le tout soit évalué selon les prescriptions de la loi, y incluant la production d’un rapport final.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[158]       La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a été victime d’une maladie professionnelle pour laquelle il s’absente du travail à compter du 13 mars 1999. Afin de statuer sur cette question, le tribunal doit dans un premier temps décider s’il y a lieu de retenir le diagnostic d’encéphalopathie toxique aux solvants organiques. Dans l’éventualité où ce diagnostic est maintenu, le tribunal doit, en deuxième lieu, décider s’il est en relation avec le travail effectué par le travailleur.

[159]       Avant de procéder à l’analyse, le tribunal croit opportun de rappeler que le fardeau de la preuve repose sur les épaules du travailleur. Ce fardeau implique que ce dernier doit faire la preuve prépondérante de sa thèse. Ainsi, pour trancher la question qui lui est soumise, la Commission des lésions professionnelles doit se fonder sur des règles juridiques et doit décider selon la balance des probabilités. Elle n’a pas à rechercher la certitude scientifique. C’est ce qu’énonçait la Cour suprême du Canada dans l’affaire Snell c. Farrell[25] :

La causalité n’a pas à être déterminée avec une précision scientifique.

 

(...)

 

...  Il n’est pas essentiel que les experts médicaux donnent un avis ferme à l’appui de la théorie de la causalité du demandeur.  Les experts médicaux déterminent habituellement l’existence de causalité en des termes de certitude, alors qu’une norme inférieure est exigée par le droit.

 

 

[160]       Cette règle est rappelée par la Cour d’appel du Québec dans l’affaire Société de l’assurance automobile du Québec et Viger et Tribunal administratif du Québec[26] dans laquelle on peut lire ce qui suit :

Je crois, comme le premier juge, que l’erreur du TAQ est d’exiger en l’espèce une preuve avec la rigueur d’une preuve scientifique plutôt qu’une preuve prépondérante traditionnellement acceptée en matière de responsabilité civile.  Bref, le TAQ confond la causalité scientifique et la causalité juridique.  Il s’agit là d’une erreur révisable.

 

 

[161]       D’ailleurs, la Commission des lésions professionnelles a aussi repris ces principes à plusieurs reprises, notamment dans l’affaire Les Industries Mailhot Inc et Lefrançois[27] :

De façon préalable à l’étude des faits particuliers de l’espèce, la Commission des lésions professionnelles constate, à la lumière des commentaires des différents experts et à la lecture de la littérature déposée à l’audience, que le monde médical n’a pas réussi à faire l’unanimité sur le caractère possible, plausible ou probable d’une telle relation.

Qui plus est, c’est maintenant à l’encontre de la validité et/ou de la valeur probante des études épidémiologiques, favorables à l’une ou l’autre position, que le débat semble avoir glissé.

 

Or, il ne relève pas de la compétence de la Commission des lésions professionnelles de se prononcer sur la valeur de telle ou telle étude épidémiologique et cela d’autant plus qu’au fil des années, l’évolution de la recherche médicale permet de modifier, de valider et/ou d’infirmer les conclusions d’études, qui jusqu’alors pouvaient encore servir d’autorité.

 

La Commission des lésions professionnelles ne saurait perdre de vue que sa compétence lui vient de la contestation, par les parties, d’une décision rendue par une instance qui, elle-même, doit procéder suivant l’analyse de la preuve médicale et factuelle, preuve à caractère objectif qui résulte à la fois des faits et des constatations médicales objectives propres à l’espèce.

 

Ainsi, la Commission des lésions professionnelles, qui n’entend pas conclure sur la valeur probante des études et constatations faites et colligées, qui par Hadler, qui par NIOSH, doit cependant, procéder à l’analyse de l’ensemble des éléments de la preuve testimoniale et documentaire qui concerne le volet factuel et médical de cette preuve, pour se prononcer, dans les limites de sa compétence, sur les questions qui lui sont soumises.

 

 

 

[162]       Rappelons également que les notions de lésion professionnelle et maladie professionnelle sont définies à l’article 2 de la loi de la façon suivante :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

 

«lésion professionnelle» : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

«maladie professionnelle» : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

 

________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1.

 

 

 

[163]       Le législateur a prévu une présomption de maladie professionnelle à l’article 29 de la loi, qui se lit ainsi :

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

________

1985, c. 6, a. 29.

[164]       En ce qui a trait aux maladies causées par des produits ou substances toxiques, il y a lieu de référer à la Section I de l’Annexe I.  On peut y lire ce qui suit :

 

 

ANNEXE I

 

MALADIES PROFESSIONNELLES

(Article 29)

 

SECTION I

MALADIES CAUSÉES PAR DES PRODUITS

OU SUBSTANCES TOXIQUES

 

 

MALADIES

GENRES DE TRAVAIL

(…)

(…)

12.  Intoxication par les hydro-carbures aliphatiques, alicycliques et aromatiques:

un travail impliquant l'utilisation, la manipulation ou une autre forme d'exposition à ces substances.

 

[165]       Le législateur a aussi prévu un mode de preuve sans présomption. L’article 30 de la loi édicte :

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

________

1985, c. 6, a. 30.

 

 

[166]       Il ressort des dispositions concernant la présomption de maladie professionnelle et en particulier de l’Annexe I que deux éléments doivent être prouvés pour que la présomption puisse s’appliquer, soit une intoxication à certaines substances d’une part et, d’autre part, un travail impliquant une exposition à ces substances.

[167]       L’intoxication n’est pas un terme défini par la loi. Dans une décision de 1991[28], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles s’en remet à une définition du dictionnaire et citait Le Petit Robert [29]:

Intoxication : (.) Action nocive qu’exerce une substance toxique (poison) sur l’organisme; ensemble des troubles qui en résultent. (.)

 

 

[168]       En 1997, dans l’affaire Stacey et Allied Signal Aérospatiale inc[30], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles reprend avec approbation cette définition et énonce que la notion d’intoxication prévue à l’Annexe I de la loi vise non seulement l’intoxication aiguë mais également l’intoxication chronique « puisqu’elle consiste en l’ensemble des troubles ou des accidents qui résultent de l’action nocive d’une substance toxique ». Le tribunal peut conclure à une intoxication au sens de l’Annexe I de la loi dès lors que la preuve démontre que « l’exposition à la substance toxique a été suffisante pour être la cause plausible de la maladie diagnostiquée ».

[169]       De plus, on retrouve dans la jurisprudence d’autres décisions qui font état du principe selon lequel un travailleur n’a pas à être exposé à un seuil minimal pour pouvoir bénéficier de la présomption de l’article 29 de la loi. Dans l’affaire Gagné et Miron.[31] de 1991, reprise avec approbation par la Commission des lésions professionnelles en 2001[32], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles s’exprime ainsi :

La Commission d’appel considère qu’il n’est pas nécessaire de faire la preuve de la concentration de ces fumées et de ces gaz [nickel, manganèse, chrome, cuivre, oxyde d’azote, ozone] puisque l’annexe ne qualifie pas le degré d’exposition.

 

 

[170]       Citons au même effet l’affaire Lanoix et Hydro-Québec[33]dans laquelle la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles décide, en janvier 1998, que le travailleur a subi une intoxication aux solvants après avoir travaillé comme mécanicien (préposé à l’entretien des véhicules automobiles) pendant de nombreuses années et avoir été soumis à une exposition modérée aux distillats aliphatiques légers du pétrole, au trichloroéthane 1.1.1 et à l’hexane. Il subissait aussi une exposition légère au tétrachloroéthylène.

[171]       Le principe est énoncé à nouveau dans l’affaire Roy et Hawker Siddeley Canada Inc., rendue par la Commission des lésions professionnelles en 1999[34] dans laquelle la commissaire Couture s’exprime ainsi :

En effet, la Commission des lésions professionnelles estime, contrairement à ce qu’a décidé le bureau de révision, que le travailleur n’avait pas à être exposé à un seuil minimal pour pouvoir bénéficier de l’application de cette présomption. La Commission des lésions professionnelles rejoint ainsi l’opinion exprimée par  la Commission des affaires sociales dans les décisions déposées par le travailleur [AT-61967 et AT 64818, CAS 18 février 1991, Commissaires Pierre Leblanc et Christine Truesdel] En effet, nulle part à l’annexe I de la loi, le législateur n’a cru bon d’indiquer qu’il fallait, pour bénéficier de la présomption de maladie professionnelle, être exposé à un niveau particulier de produit. La Commission des lésions professionnelle estime au contraire, que le législateur a justement voulu, en ne précisant pas de seuil particulier, faciliter la preuve du travailleur. La Commission des lésions professionnelle est du même avis que celui exprimé dans la décision précitée, comme quoi, le but visé par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [L.R.Q. chap. A-3.001] est distinct de celui visé par la Loi sur la santé et la sécurité du travail [L.R.Q. chap. S-2.1]; ainsi que les règlements qui en découlent. La Commission des lésions professionnelles est d’avis que les présomptions prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles n’ont pas à être interprétées selon les normes édictées en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et les règlements en découlant. Ce n’est donc pas parce que le travailleur a été exposé à des doses inférieures à ce qui est prévu au Règlement sur la qualité du milieu du travail que la présomption prévue à l’article 29 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne peut s’appliquer. Ceci ne veut pas dire qu’une fois appliquée, cette présomption ne puisse  pas être renversée, bien au contraire. La Commission des lésions professionnelles estime que la preuve du niveau d’exposition pourrait, dans certains cas, permettre le renversement de cette présomption.

 

 

[172]       Plus récemment, dans Federated Genco Ltée et Saint-Amand[35], la Commission des lésions professionnelles fait la distinction entre une exposition et une intoxication à une substance toxique. La commissaire Racine écrit :

De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, il faut distinguer entre une exposition à une substance toxique et une intoxication à cette substance. Une intoxication exige le développement d’une pathologie découlant de l’exposition au produit toxique. En conséquence, pour reconnaître une intoxication au plomb, le travailleur doit démontrer qu’il souffre d’une maladie reliée à son exposition au plomb. Le travailleur doit donc prouver que sa démence ou son syndrome cérébral organique sont causés par son exposition au plomb.

 

 

[173]       Ainsi, il ressort de cette jurisprudence que pour appliquer la présomption de l’article 29 de la loi, il faut donc prouver que la maladie a été engendrée par une substance toxique d’une part, ceci constituant l’intoxication et, d’autre part, démontrer que le travailleur était exposé à cette substance au travail, ce qui constitue l’exposition. Pour conclure à l’intoxication, les décisions citées ci-haut établissent le principe suivant lequel le seuil d’exposition n’a pas à dépasser un niveau particulier, l’exposition n’a pas à être aiguë, sévère ou au delà des normes reconnues.

[174]       Par ailleurs, d’autres décisions sont cependant à l’effet contraire et exigent que l’intoxication soit aiguë[36] ou au delà des normes[37] pour donner ouverture à la présomption de l’article 29 de la loi. Dans Jacob et Natpro[38], la commissaire indique à ces motifs de refus :

Au surplus, le tribunal ne peut ignorer les conclusions de l’inspecteur Schreiber et de son étude sur les concentrations de substances incriminées en milieu de travail, principalement le toluène, se situant en dessous des normes reconnues.

 

 

[175]       Le tribunal ne peut souscrire à cette interprétation de la loi. Tel que mentionné auparavant, l’application de la présomption requiert une preuve en 2 volets, soit une intoxication à une substance toxique déterminée à l’annexe et une exposition à cette substance dans le cadre du travail. Il faut donc savoir si la maladie diagnostiquée a été contractée à cause d’une intoxication au sens de la loi et non pas de voir si le niveau d’exposition est plus élevé que ce qui est recommandé ou prévu dans un règlement ou ailleurs. Le tribunal se range ainsi du côté de la jurisprudence qui reconnaît que la notion d’intoxication prévue à l’article 29 de la loi inclut l’exposition en deçà d’un seuil recommandable. Rappelons cependant que la présomption, une fois établie, peut être renversée notamment avec une preuve d’histoire d’exposition incompatible avec l’intoxication.

[176]       En outre, dans certaines décisions[39], la Commission des lésions professionnelles a rejeté l’application de la présomption en se fondant sur le fait que l’encéphalopathie toxique n’est pas une maladie mentionnée à l’Annexe I de la loi :

Dans le cas sous étude, cette présomption ne peut s’appliquer pour le motif que la pathologie retenue a été encéphalopathie de type II B, alors qu’un tel diagnostic n’est pas mentionné dans l’annexe I de la loi.[40]

 

 

[177]       Encore là, le tribunal ne peut être en accord avec ces conclusions, puisque la loi requiert, non pas que la maladie soit spécifiquement mentionnée à l’Annexe I de la loi, mais que la preuve établisse que la maladie soit générée par l’intoxication.

[178]       Aussi, des réclamations ont été refusées à cause de l’absence de preuve scientifique de l’exposition. En 1998, dans l’affaire Bouchard et Entreprise L. Bouchard[41], citée plus tard en 2001 dans l’affaire Garage Michel Potvin et Moreau[42], la commissaire Beaudoin s’exprime ainsi :

Ainsi donc, la Commission des lésions professionnelles estime que l’absence de données scientifiques étayées concernant la nature des solvants, la quantité utilisée et les concentrations auxquelles le travailleur aurait pu être exposé et l’existence d’une possible relation avec une atteinte neurologique ne peut constituer une preuve prépondérante qui milite en faveur des prétentions du travailleur.

 

 

[179]       Dans une autre affaire[43], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles rejette également une réclamation notamment à cause de l’absence de preuve scientifique de l’exposition aux solvants.

[180]       Le tribunal considère que cette exigence de preuve scientifique n’est pas conforme à l’esprit de la loi, elle est trop onéreuse pour un travailleur et de surcroît pourrait favoriser un effet pervers en ce sens qu’elle pourrait encourager les employeurs à effectuer le moins possible d’études d’hygiène industrielle. 

[181]       Par ailleurs, d’autres décisions reconnaissent des lésions professionnelles en application de la définition de maladie de l’article 2 de la loi. À titre d’exemple, une lésion professionnelle avec le diagnostic d’encéphalopathie toxique est reconnue dans Plante et Maranda Realiable Splendor Inc.[44]. Dans cette affaire, le travailleur est exposé à des solvants dans le cadre de son métier de mégissier pendant environ 37 ans.

[182]       Aussi, la jurisprudence a reconnu à quelques reprises qu’une encéphalopathie toxique était reliée directement aux risques particuliers du travail au sens de l’article 30 de la loi. En effet, dans l’affaire Lacombe et Emballages Industries Vulcan Ltée[45], le travailleur doit préparer un mélange de peinture en ajoutant du toluène qu’il transvide dans une cuve contenant de la peinture d’aluminium. Son travail est effectué dans un petit local sans ventilation. Il est exposé à du toluène de façon importante lors de périodes de courte durée. La commissaire retient que l’exposition au toluène subie par le travailleur est en partie responsable du syndrome cérébral organique qui affecte le travailleur, celui-ci étant porteur par ailleurs d’un problème vasculaire reconnu comme une condition personnelle. En raison du caractère mixte ou de l’origine hybride de la pathologie du travailleur et du fait que le diagnostic retenu n’est pas à proprement parler un diagnostic d’intoxication, la commissaire écarte l’application de l’article 29 et conclut que le travailleur souffre d’une maladie professionnelle reliée aux risques particuliers du travail, au sens de l’article 30 de la loi.

[183]       En outre, l’étude de la jurisprudence démontre que l’encéphalopathie toxique ou le syndrome cérébral organique n’ont jamais, à date, été reconnus en tant que maladies caractéristiques du travail au sens de l’article 30 de la loi.

[184]       On retrouve aussi dans la jurisprudence des cas où la Commission des lésions professionnelles et avant elle la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles ont rejeté des réclamations de travailleurs, déclarant l’absence de preuve du diagnostic d’encéphalopathie toxique[46].

[185]       Dans le cas sous étude, afin de statuer sur l’origine professionnelle ou non de la maladie, que ce soit en vertu de l’article 29 ou 30 ou encore de la définition de l’article 2 de la loi, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer la maladie qui affecte le travailleur. Le travailleur souffre-t-il d’une encéphalopathie toxique aux solvants organiques comme le soutiennent les docteurs Likavcan, St-Maurice, Lecours et Nowakowski ou d’une dépression majeure comme le prétendent les docteurs Gamache, Duplantis du BEM et le docteur Lachapelle.

[186]       À cet égard, il convient de rappeler que poser un diagnostic est un acte médical qui doit être fait par un médecin. Ainsi, comme l’écrivait, en décembre 2001, la commissaire Jobidon dans l’affaire Garage Michel Potvin[47] précitée : «  la démarche pour poser un diagnostic doit être analysée en fonction des opinions médicales par opposition à un diagnostic posé par un neuro-psychologue ». Cependant, « cette science de la neuropsychologie apparaît à la Commission d’appel complémentaire au travail des médecins et fort utile, mais ne saurait être reconnue comme déterminante dans la valeur d’un diagnostic à retenir »[48] comme l’énonçait la commissaire Godin dans une affaire en 1996. Par ailleurs, ces tests, bien que complémentaires à l’avis des médecins, n’en sont pas moins cruciaux dans l’établissement du diagnostic. C’est d’ailleurs ce que déclarait la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles en octobre 1995 dans l’affaire Cimon et Fibre de verre Moderne Inc[49], refusant la réclamation du travailleur en présence de tests neuro-psychologiques non probants. Le même raisonnement a été suivi par la commissaire Carignan à la Commission des lésions professionnelles en juillet 1998

 

 

dans l’affaire Jacob et Naptro Inc. et CSST[50]. Au surplus, la littérature médicale confirme cette conclusion. Pour confirmer l’importance de ces tests dans ce type de maladie, mentionnons, à titre d’exemple, le bulletin de 1987 publié par la réputée agence américaine NIOSH qui, dans la description même des caractéristiques de l’encéphalopathie toxique de type 2, fait référence aux anomalies dépistées avec les tests neuro-psychologiques. Il en de même dans le document interne de la CSST de 1992 qui reprend les définitions de l’Organisation mondiale de la santé et précise que l’atteinte cérébrale peut être mise en évidence par ces tests.

[187]       En l’espèce, les docteurs Lecours et Nowakowski sont catégoriques quant à l’importance de ces tests pour confirmer le diagnostic d’encéphalopathie toxique, lorsqu’il est soupçonné au plan médical. C’est d’ailleurs la démarche qu’a entreprise le docteur Bhérer après avoir identifié les symptômes compatibles, avoir pris connaissance de l’histoire du travailleur et lui avoir administré le questionnaire Q16 qui s’est avéré concluant.

[188]       Ainsi, la neuro-psychologue Vachon a administré les tests à la demande du docteur Bhérer qui soupçonnait l’encéphalopathie toxique. Dr Vachon conclut que ce diagnostic est compatible avec les résultats des différents tests. Les médecins agissant pour le BEM ont fourni un article de littérature suggérant de prendre avec circonspection les résultats des tests administrés[51], mais n’ont pas fourni d’information concrète qui aurait pu amener le tribunal à écarter les tests. Ils n’ont fait aucune allégation particulière et n’ont fourni aucune preuve qu’une irrégularité ou un abus serait survenu dans l'administration, la notation, l'interprétation ou le développement des tests passés par le travailleur et n’ont pas établi que les conclusions de ceux-ci seraient erronées ou non compatibles avec les tests dans le cas du travailleur. Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles retient les conclusions de Dr Vachon et déclare que les résultats des tests neuro-psychologiques sont compatibles avec le diagnostic d’encéphalopathie toxique.

[189]       Le tribunal considère que le travailleur a témoigné sobrement et de façon crédible relativement aux symptômes qui l’affectaient. Il a décrit des sautes d’humeur, des pertes de mémoire, des difficultés de concentration, de la fatigue, une certaine dépersonnalisation, de l’irritabilité, des vomissements, des céphalées, des nausées, des sensations d’ivresse. D’ailleurs, ces symptômes ont été repris notamment dans les rapports des docteurs Bhérer, St-Maurice, Likavcan et dans le rapport du BEM en plus des rapports des docteurs Lecours et Nowakowski.

[190]       Le tribunal doit déterminer, selon la balance des probabilités, si ces symptômes sont le reflet d’une encéphalopathie toxique, d’une dépression majeure ou d’une autre pathologie. Pour ce faire, le tribunal reproduit les textes des définitions de NIOSH et Rosenberg, telles que traduites par la soussignée :

TYPE 1           Fatigue, perte de mémoire, irritabilité, difficultés de concentration, légère perturbation de l’humeur (traduction du texte NIOSH);

Symptômes seulement. Plaintes de symptômes non spécifiques, totalement réversible si l’exposition est discontinuée, équivalent au syndrome neurasthénique (traduction du texte de Rosenberg)

 

TYPE 2 A       Changements de personnalité ou d’humeur (instabilité émotionnelle et diminution du contrôle des impulsions et de la motivation) (traduction du texte de NIOSH);

Changements de personnalité et d’humeur soutenus. Les symptômes sont les mêmes que le Type 1, mais ne sont pas réversibles (traduction du texte de Rosenberg)

 

TYPE 2 B        Affaiblissement des fonctions intellectuelles (concentration diminuée, capacité de la mémoire amoindrie et une plus faible capacité d’apprentissage)  (traduction du texte de NIOSH);

Affaiblissement des fonctions intellectuelles. Les symptômes sont accompagnés d’évidence objective de détérioration aux tests neuro-psychologiques, signes neurologiques mineurs peuvent être ou non réversible, sont synonymes du syndrome psycho-organique et de démence légère (traduction du texte de Rosenberg)

 

TYPE 3           Détérioration globale des fonctions intellectuelles et de mémoire (démence) qui peut être irréversible ou au mieux, partiellement réversible. (traduction du texte de NIOSH);

Démence, détérioration globale des fonctions intellectuelles; signes neurologiques évidents; peu réversible si réversible, mais généralement non progressif dès la fin de l’exposition (traduction du texte de Rosenberg)

 

 

[191]       Le tribunal constate que la définition de l’encéphalopathie toxique de type 2B retenue par NIOSH[52] et supportée par le docteur Nowakowski diffère quelque peu de celle de Rosenberg[53] que favorise le docteur Lachapelle. En effet, pour l’agence américaine, la démence n’est pas une caractéristique explicitement mentionnée dans la définition du type 2B alors que pour Rosenberg, le type 2B est synonyme d’une démence légère (synonymous with mild dementia). À partir de cette différence, doit-on, comme le fait le docteur Lachapelle, conclure que le travailleur n’est pas affecté d’encéphalopathie toxique parce qu’il n’est pas affecté de démence? Avant de répondre à cette question, le tribunal doit décider si le travailleur est ou non atteint de démence. Soulignons à ce sujet que seul le docteur St-Maurice en fait état dans le diagnostic qu’il pose, soit « démence induite par intoxication aux solvants ». Ni les notes au dossier ni les témoignages des docteurs Nowakowski et Lachapelle ne permettent d’objectiver les éléments que l’on retrouve généralement dans un diagnostic de démence[54] et aucun des deux psychiatres qui l’ont examiné ne conclut que le travailleur est affecté de démence. Le docteur Lachapelle est également de cet avis. Ainsi, la preuve prépondérante laisse voir que le travailleur n’est pas affecté de démence. De l’avis du tribunal, cette conclusion n’entraîne cependant pas l’exclusion automatique du diagnostic d’encéphalopathie toxique. En effet, la définition retenue par l’agence américaine NIOSH n’en fait pas mention et la définition de Rosenberg n’en exclut pas la possibilité. De fait, contrairement à ce que laisse entendre le docteur Lachapelle, Rosenberg n’indique pas qu’il s’agit d’une condition sine qua none. On peut néanmoins raisonnablement comprendre de sa définition que les symptômes d’encéphalopathie toxique s’y apparentent. Au surplus, aucun autre article de la littérature soumise ne supporte la lecture qu’en fait le docteur Lachapelle. Par conséquent, l’absence de démence chez le travailleur n’est pas un élément déterminant en regard du diagnostic d’encéphalopathie toxique.

[192]       Doit-on conclure que le diagnostic est celui de dépression majeure? Le tribunal ne le croit pas non plus. En effet ce diagnostic est posé par les médecins du BEM, mais d’une façon peu convaincante. Ils concluent leur évaluation en indiquant « Je ne peux pas éliminer un état dépressif majeur » et ajoutent « À mon avis, l’épisode dépressif majeur n’est pas éliminé puisqu’il a bien répondu en plus à l’Effexor ». Cependant à l’examen, les médecins mentionnent que le travailleur est complètement asymptomatique du point de vue dépressif et semblent se fier au fait qu’il a bien répondu à une médication anti-dépressive pour établir leur diagnostic en ajoutant toutefois « Comment départager un état dépressif et un syndrome affectif organique ».

[193]       Par contre, le diagnostic d’encéphalopathie toxique est retenu de façon positive et convaincante par les docteurs Lecours et Nowakowski en plus d’avoir été soulevé comme diagnostic possible par le docteur Bhérer, Likavkan et St-Maurice. En effet, après avoir tenu compte de l’histoire de l’exposition au travail, avoir analysé les tests d’urine, de sang, la résonance magnétique, l’encéphalogramme qui auraient pu permettre d’éliminer le diagnostic d’encéphalopathie toxique et avoir tenu compte des tests neuropsychologiques, le docteur Lecours retient le diagnostic d’encéphalopathie toxique aux solvants.  Il en est de même du docteur Nowakowski qui estime qu’il s’agit du diagnostic le plus probable.

[194]       Toutefois, selon le docteur Lachapelle, les symptômes que présente le travailleur sont des symptômes non spécifiques qui peuvent aussi bien découler d’un état dépressif que d’une encéphalopathie toxique. Le docteur Nowakowski est en désaccord, indiquant que bien que plusieurs symptômes se retrouvent dans d’autres pathologies dont la dépression, les problèmes cognitifs qui persistent chez le travailleur sont un des indicateurs permettant de conclure à une encéphalopathie toxique plutôt qu’à une dépression majeure. Le docteur Lachapelle estime cependant que le travailleur n’a pas de déficit cognitif. Il s’appuie notamment sur le rapport des médecins du BEM qui indiquent que ni l’examen neurologique ni l’examen psychiatrique ne laissent voir de problème cognitif. Le test de Folstein, administré par le BEM, est normal à 30/30. Le résultat de ce test est contradictoire avec ceux des tests neuro-psychologiques qui montrent des anomalies cognitives. Le docteur Nowakowski explique que le test de Folstein est un test approprié pour dépister les atteintes cognitives majeures et plus particulièrement les cas de démence, mais s’avère peu sensible pour dépister les problèmes plus subtils. Les meilleurs instruments demeurent, selon le docteur Nowakowski, les tests neuro-psychologiques qui sont plus spécifiques et permettent de dépister des atteintes moins apparentes. Le tribunal est en accord avec cette position puisqu’elle est compatible avec l’ensemble de la littérature qui veut que dans la définition même du type 2 d’encéphalopathie, on examine les tests neuropsychologiques.

[195]       Ajoutons que les symptômes que décrit le travailleur se retrouvent aussi bien dans les définitions retenues par NIOSH que par Rosenberg, à l’exception de la question de la démence que nous avons abordée et éliminée plus haut.

[196]       De plus, le docteur Nowakowski estime, à la lecture du dossier, que les épisodes de dépression vécus en 1989 et 1995 sont compatibles avec une dépression situationnelle reliée au déménagement, aux problèmes financiers et autres problèmes personnels du travailleur. Aussi, le médecin croit, à l’instar du docteur Lecours, que l’hypersensibilité aux odeurs (cacosmie) que vit maintenant le travailleur est également un symptôme qui peut être relié à l’encéphalopathie toxique.

[197]       Par conséquent, le tribunal retient que le travailleur n’est pas affecté de démence et que les autres symptômes qui l’affectent sont compatibles avec l’encéphalopathie toxique de type 2B. Il s’agit du diagnostic le plus vraisemblable, tel que vu précédemment, puisque ce diagnostic est engendré par une intoxication aux solvants, la Commission des lésions professionnelles doit conclure qu’il s’agit d’une intoxication au sens de l’Annexe 1 de la loi.

[198]       Reste à savoir si le travailleur a subi, au travail, une exposition aux solvants. Le tribunal croit que tel est le cas pour les motifs exprimés ci-après.

[199]       Le docteur Lachapelle soutient dans son rapport du 21 octobre 1999 que, de toutes façons, les symptômes décrits ne peuvent être associés à l’encéphalopathie toxique chez le travailleur puisque celui-ci n’est pas en contact direct avec les solvants du fait qu’il ne travaille pas dans la chambre de peinture. Au surplus, il souligne que l’étude d’hygiène industrielle n’a pas démontré de concentration élevée de solvants. Le tribunal constate que les prémisses, sur lesquelles le docteur Lachapelle fonde la conclusion de son rapport du mois d’octobre 1999, sont erronées. D’une part, bien que le travailleur soit débosseleur chez Hull Volkswagwen et non peintre, il utilise quand même plusieurs produits qui contiennent des solvants. Les fiches signalétiques des produits utilisés et le rapport complémentaire du 6 février 2002 du docteur Lecours permettent l’identification d’un grand nombre de solvants dont : l’acétate de butyle, l’alcool de n-butyle, l’acétone, le méthylisobutylcétone, le toluène, l’isopropanol et l’alcool éthylique entrant dans la composition de l’apprêt réactif Corlar; l’acétone, l’isobutanol, l’acétate d’éther monométhylique de propylène glycol et le nafta de l’activateur pour apprêt réactif; l’acétate d’éther monobutylique d’éthylèneglycol, l’acétate d’éther monothylique d’éthylèneglycol et le xylène de l’apprêt HTMS; l’acétate de n-butyle, l’acétate d’éthyle, l’acétate d’isobutyle, le toluène et le xylène du diluant pour apprêt-uréthane; l’acétone, l’alcool méthylique, le toluène et l’acétate d’éther monométhylique de propylèneglycol du solvant industriel diluant Lucite; l’acétate d’éthyle, l’acétate d’éther monométhylique de propylèneglycol, le toluène et le xylène de l’activateur à base d’isocyanate; l’acétone, l’éthyl-alcool de la peinture en aérosol (9892.187 à 196); le xylène, le n-butanol et l’acétone de la peinture en aérosol noire mate; le styrène monomer du mastic de finition de la compagnie Bondo-Mar-Hide; le styrène du mastic de la compagnie Würth Canada Ltée; le xylène et le toluène de la protection de « dessous de caisse » noir et le solvant Stoddard du produit en aérosol WD-40.

[200]       Au surplus, l’étude d’hygiène industrielle a montré la présence de quelques solvants, soit le toluène, le xylène, le styrène et le solvant Stoddard. Les autres solvants entrant dans la composition des différents produits utilisés par le travailleur n’ont pas fait l’objet de l’échantillonnage. De plus, l’échantillonnage a été effectué une seule fois au mois de juin, alors que c’est la période la moins occupée de l’année. L’étude n’est pas non plus spécifique au travail même du travailleur puisque la prise des échantillons n’a pas été faite en fonction de toutes les activités exercées par ce dernier. Ce que l’étude démontre, c’est que le 9 juin 1999 les 4 solvants échantillonnés avaient des concentrations en deçà des normes prévues au Règlement sur la qualité du milieu de travail, ni plus ni moins. On ne peut certes rien conclure quant aux solvants non échantillonnés et aux autres périodes de l’année. L’étude ne permet pas davantage de connaître les effets synergiques et additifs des solvants qui, comme le laisse voir la littérature fournie, constituent un élément important à tenir compte avant de conclure en cette matière. Ainsi, le testing d’hygiène industrielle ne reflète pas la vraie histoire d’exposition au cours de la carrière du travailleur. On ne peut donc affirmer que l’étude prouve que le travailleur n’a pas été soumis à des concentrations élevées de solvants, d’autant plus qu’aucun monitoring biologique n’a été fait en temps utile. Aussi, il faut mettre en lumière le fait que le travailleur a été exposé tout au long de sa carrière à une gamme de solvants dans des conditions qui le mettaient à risque. Il est même probable, comme le laissait entendre le docteur Lecours, que le travailleur ait été exposé, à un moment ou à un autre, à des concentrations élevées de mélanges de solvants lorsque plusieurs travailleurs utilisaient des solvants en même temps, dans le même espace de travail. Mentionnons au surplus l’absence de protection individuelle. La preuve démontre que les masques de papier qui étaient fournis chez Hull Volkswagen dans les dernières années servent à capter les poussières, mais pour les solvants, ils ne sont d’aucune efficacité. Aussi, les systèmes de ventilation étaient complètement inefficaces en regard des solvants. De plus, l’histoire d’exposition du travailleur a été relatée par celui-ci de façon crédible et n’a pas été contredite.

[201]       La Commission des lésions professionnelle en conclut que le travailleur a été exposé à des solvants organiques au cours des 25 années où il a travaillé comme débosseleur. Compte tenu de la conclusion suivant laquelle le travailleur a subi une intoxication aux solvants et du fait qu’il a été exposé à ces substances dans ses différents milieux de travail, le tribunal établit que la présomption de l'article 29 de la loi doit s’appliquer.

[202]       L’employeur a-t-il renversé cette présomption? Le tribunal ne le croit pas. En effet, pour opérer un renversement de cette présomption, une fois que l’intoxication et l’exposition sont démontrées, l’employeur aurait eu à prouver, à titre d’exemple que la durée d’exposition ou le niveau d’exposition n’est pas suffisant pour développer la maladie affectant le travailleur ou encore que l’exposition n’a pas eu lieu au travail, ce qui n’a pas été démontré par l’employeur en l’espèce.

[203]       Ici, l’employeur tente de fonder sa prétention à partir de la littérature déposée, néanmoins sans succès. Le tribunal retient, après avoir analysé l’abondante preuve documentaire, que la preuve scientifique de la relation causale ne fait pas l’unanimité dans la littérature médicale. Des études épidémiologiques se sont avérées non concluantes dans plusieurs cas. Certaines études qui montraient un lien de causalité ont été sévèrement critiquées pour leur manque de rigueur scientifique. Cependant, tel que mentionné précédemment, la Commission des lésions professionnelles n’a pas à trancher entre les controverses scientifiques et ne doit pas se laisser entraîner sur cette voie, le niveau de preuve requis devant le tribunal administratif étant celui de la prépondérance de la preuve et non de la certitude scientifique. D’ailleurs, la littérature laisse entendre que la certitude scientifique n’est pas encore atteinte. Prenons à titre d’exemple l’agence américaine NIOSH qui termine son analyse de la littérature antérieure à 1987, en adressant un avertissement aux médecins quant à la présence d’effets néfastes sur la santé des travailleurs exposés aux solvants. L’année suivante en Angleterre, Grasso conclut qu’il existe, à cette époque, des preuves suffisantes pour reconnaître l’existence de lésions au système nerveux central et périphérique reliées à de fortes expositions à certains solvants organiques, mais que ce niveau de certitude n’existe toujours pas pour les expositions prolongées à de bas niveaux de solvants. Le tribunal note qu’à ce moment, la relation n’est pas exclue, mais elle n’est pas encore prouvée scientifiquement. De toutes façons, comme en témoignait le docteur Lecours, les symptômes de nausées, vomissements et étourdissements rapportés par le travailleur peuvent être des signes d’intoxication à des niveaux élevés de solvants. Au surplus, comme l’expriment plusieurs auteurs, il faut, dans l’analyse de chaque cas, tenir compte de la susceptibilité individuelle.

[204]       En 1990, aux États-Unis, des auteurs dont les recherches sont publiées dans le New England Journal of Medicine concluent que malgré toutes les données discordantes sur le sujet, il est prudent de présumer qu’une exposition répétée et importante à des solvants peut produire une dysfonction neuro-psychologique chronique, laquelle peut devenir irréversible chez les patients qui ne sont pas retirés de l’exposition tôt après le début des symptômes. En 1997, des auteurs américains rappellent que chez certains patients des évidences de dysfonctions du système nerveux ont été notées même à des expositions sous les niveaux recommandés. Rappelons que la question de la susceptibilité individuelle n’est pas  prise en compte dans l’établissement des niveaux recommandés.  Dans une autre étude de l’an 2000, en France, des plaintes compatibles avec un stade précoce de dysfonctionnement du système nerveux sont démontrées chez une population de 14 travailleurs d’ateliers de peinture en contact avec des solvants organiques. Un autre article du mois d’août 2001 laisse voir qu’en ce qui a trait aux effets chroniques, les symptômes persistants sont le résultat d’une exposition élevée pour au moins 10 années. Par contre, on mentionne qu’une exposition chronique, à une faible concentration de solvants, a été le plus souvent associée à un déficit de la mémoire à court terme et à des changements de personnalité.  Enfin, on ajoute que selon le degré d’atteinte du système nerveux central au moment du diagnostic, les symptômes peuvent s’améliorer ou se stabiliser après que l’exposition ait cessé.

[205]       De plus, dans son ouvrage de 1995, Rosenberg se pose des questions sur la valeur de l’analyse faite dans plusieurs études, mais il admet qu’en règle générale les expositions chroniques à de basses concentrations de solvants sont associées à des changements cognitifs, de vitesse de perception, de mémoire à court terme. Toutefois, l’auteur insiste toujours pour revenir sur le fait que d’après les études des pays nordiques, on pourrait poser ce genre de diagnostic chez pratiquement toute personne ayant travaillé avec des solvants, et ce, pour n’importe quelle période d’exposition. En conclusion générale, Rosenberg soutient que la thèse voulant qu’une exposition chronique à des concentrations faibles de mélanges de solvants puisse induire des effets neuro-comportementaux néfastes n’est pas supportée par la littérature scientifique contemporaine qu’il a revue. Par ailleurs, au sommaire, Rosenberg admet que de nombreuses questions demeurent sans réponse. À l’exception des 5 solvants pour lesquels la preuve scientifique a démontré leurs effets de neurotoxiques sur l’humain lors d’exposition à des niveaux relativement élevés, les expositions à faibles niveaux pour la plupart des solvants et les mélanges de solvants demeurent non prouvés de façon scientifique comme neurotoxiquants humains.

[206]       Le tribunal doit déterminer si cette littérature scientifique est suffisamment convaincante pour renverser la présomption établie par toute la preuve au dossier. Le tribunal ne le croit pas puisque la littérature n’établit aucunement l’absence de relation, ce qui dans les circonstances aurait été nécessaire pour renverser la présomption. On retient plutôt de la littérature que des études supplémentaires sont nécessaires. Ajoutons que même le docteur Lachapelle a laissé entendre que la littérature évoluait et qu’il n’est pas impossible que dans l’avenir la relation soit démontrée, ce qui lui permettrait de se rallier à la position des docteurs Lecours et Nowakowski.

[207]       Un autre argument invoqué par le docteur  Lachapelle repose sur le fait que les tests de 3 séries de 3 mots ont empiré après le retrait du travailleur de son milieu de travail, ce qui est un signe incompatible avec une encéphalopathie toxique qui selon la littérature, s’améliore ou reste stable après le retrait de l’exposition. Rappelons que les résultats sont le 4 mai 1999, 3/3 en désordre, 3/3 en ordre et 2/3 en désordre; le 7 juin 1999, 3/3 en désordre, 0/3 et 0/3; le 24 août 1999, 2/3 en désordre, 0/3, 03/; et le 21 septembre 1999, 3/3 en désordre, 0/3, 0/3. Selon le tribunal, ces résultats montrent que le travailleur a moins bien performé le 7 juin, le 24 août et le 21 septembre 1999 qu’il l’avait fait le 7 mai 1999. Doit-on en conclure pour autant que la condition du travailleur s’est détériorée après son retrait du milieu de travail? Le tribunal ne peut en arriver à cette conclusion compte tenu de l’ensemble de la preuve qui tend plutôt à démontrer que les symptômes (sautes d’humeur, difficultés de concentration, fatigue, dépersonnalisation, irritabilité, vomissements, céphalées, nausées et sensation d’ivresse) se sont améliorés avec le temps, sauf les problèmes cognitifs qui ont persisté plus longtemps et l’hypersensibilité aux odeurs qui dure encore aujourd’hui. Ainsi, les conclusions du docteur Lachapelle à partir de ces quelques tests ne permettent pas de renverser la preuve de l’amélioration de la condition du travailleur après le retrait du travail.

[208]       En regard des problèmes d’alcool qui ont été soulevés à l’audience, aucune preuve concrète n’a été amenée à ce sujet, même le docteur Lachapelle répondait négativement à la question que lui posait le tribunal à ce sujet lors de l’audience. Aucun médecin ne relie les problèmes d’alcool qu’a vécus le travailleur dans le passé aux symptômes qui l’ont amené à quitter le travail en mars 1999. Le tribunal se voit contraint de conclure dans le même sens, même si certains auteurs dont Rosenberg, White et Proctor identifient l’alcool comme un biais à considérer avant de conclure à l’intoxication aux solvants. White et Proctor ajoutent de surcroît la possibilité d’un effet synergique avec l’alcool qui peut engendrer un tableau clinique du système nerveux plus prononcé.

[209]       En résumé, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur est affecté d’une encéphalopathie toxique aux solvants organiques; que ce diagnostic constitue une intoxication par les hydrocarbures aliphatiques, alicycliques et aromatiques au sens de l’item 12 de l’Annexe I de la loi; que le travailleur a été exposé à ces substances par son travail. Il en résulte que la présomption de maladie professionnelle de l’article 29 de la loi doit s’appliquer et qu’en l’absence de renversement de cette présomption, le tribunal conclut que le travailleur a été victime d’une lésion professionnelle qui a justifié son absence du travail à compter du 13 mars 1999.

[210]       Qu’en est-il des limitations fonctionnelles que le travailleur demande au tribunal de retenir ?

[211]       En l’espèce, le dossier ne contient aucun rapport final ni évaluation médicale permettant d’établir la date réelle de consolidation de la lésion et la totalité des séquelles en résultant, à part le rapport du docteur Nowakowski qui indique que le travailleur « ne devrait pas être exposé à des agents neurotoxiques dans l’avenir ». Le tribunal retourne donc le dossier à la CSST pour que l’ensemble des séquelles de la lésion soient évaluées de la lésion, y compris les limitations fonctionnelles et l’atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique le cas échéant.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Marc Mineault, le travailleur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 20 juin 2000, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle sous forme de maladie professionnelle le 13 mars 1999;

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin qu’elle statue sur les séquelles de la lésion, y compris l’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et les limitations fonctionnelles.

 

 

 

 

 

 

Me Marie Langlois

 

Commissaire

 

 

 

Me Claude Bovet

 

Représentant de la partie requérante

 

 

Béchard, Morin, Quigley, Tousignant

(Me Ann Quigley)

 

Représentante de la partie intéressée

 

 

Panneton, Lessard

(Me Julie Perrier)

 

Représentante de la partie intervenante


ANNEXE

 

AUTORITÉS CITÉES PAR LE TRAVAILLEUR

Doctrine

·                    ABJORNSSON G., B. PALSSON, U. BERGENDORF, B. KARLSON, K. OSTERBERG, L. SEGER et P. ORBAECK, « Long-Term Follow-Up of Psychological Distress, Social Functioning, and Coping Style in Treated and Untreated Patients with Solvent-Induced Chronic Toxic Encephalopathy », (1998) 40 Journal of Occupational and Environmental Medicine 801

·                    AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, Mini DSM-IV : critères diagnostiques, Paris, Masson, 1996, 361

·                    ANGER W. K., D. STORZBACH, R. W. AMLER et O. H.  SIZEMORE,  chap.  48    :   « Human Behavioral Neurotoxicology : Workplace and Community Assessments », dans William N. ROM, Environmental & Occupational Medicine, 3e éd., Philadelphie, Lippincott-Raven, 1998, p. 709-731

·                    AXELSON Olay et Christer HOGSTEDT, chap. 52 : « The Health Effects of Solvents », dans Carl ZENZ, O. Bruce DICKERSON et Edward P. HORVATH, Occupational Medicine, 3e éd., St-Louis (Missouri), Mosby-Year Book, 1994, p. 764-778

·                    BLEECKER Margit L. et John A. HANSEN, Occupational Neurology and Clinical Neurotoxicology, Baltimore, Williams & Wilkins, 1994, 387

·                    BOLLA K. I., B. S. SCHWARTZ, J. AGNEW, P. D. FORD et M. L. BLEECKER, « Subclinical Neuropsychiatric Effects of Chronic Low-Level Solvent Exposure in US Paint Manufacturers », (1990) 32 Journal of Occupational Medicine 671

·                    CHEN R., R. CHEN, L. WEI et A. SEATON, « Neuropsychological Symptoms in Chinese Male and Female Painters : an Epidemiological Study in Dockyard Workers », (1999) 56 Occupational and Environmental Medicine 388

·                    CHEN R., F. DICK, S. SEMPLE, A. SEATON et L. G. WALKER, « Exposure to Organic Solvents and Personality », (2001) 58 Occupational and Environmental Medicine 14

·                    CHEN R., F. DICK et A. SEATON, « Health Effects of Solvent Exposure among Dockyard Painters : Mortality and Neuropsychological Symptoms », (1999) 56 Occupational and Environmental Medicine 383

·                    DANIELL W. E., W. E. DANIELL, K. H. CLAYPOOLE, H. CHECKOWAY, T. SMITH-WELLER, S. R. DAGER, B. D. TOWNES et L. ROSENSTOCK, « Neuropsychological Function in Retired Workers with Previous Long-Term Occupational Exposure to Solvents », (1999) 56 Occupational and Environmental Medicine 93


·                    EKBERG Kerstin, Monica HANE et Thomas BERGGREN, chap. 53 : « Psychologic Effects of Exposure to Solvents and Other Neurotoxic Agents in the Work Environment », dans Carl ZENZ, O. Bruce DICKERSON et Edward P. HORVATH, Occupational Medicine, 3e éd., St-Louis (Missouri), Mosby-Year Book, 1994, p. 779-789

·                    GADE A., A. GADE, E. L. MORTENSEN et P. BRUHN, « "Chronic Painter's Syndrome" : a Reanalysis of Psychological Test Data in a Group of Diagnosed Cases, Based on Comparisons with Matched Controls », (1988) 77 Acta Neurologica Scandinavica 293

·                    JOHNSON B. L., Prevention of Neurotoxic Illness in Working Populations, Chichester (New York), Wiley, 1987, 257

·                    KING Norman, La neurotoxicité des solvants; controverse ou réalité?, CLSC des Faubourgs, 1996 (document interne)

·                    LONNOY L. et D. LISON, « Analyse des risques liés à l'exposition aux solvants organiques dans un échantillon de peintres-carossiers », (2000) XXXVII Médecine du travail & Ergonomie 179

·                    NIOSH, « Organic Solvent Neurotoxicity », Current Intelligence Bulletin no 48, 31 mars 1987

·                    ROSENBERG Neil L., chap. 4 : « Neurotoxicity of Organic Solvents », dans Neil L. ROSENBERG, Occupational and Environmental Neurology, Boston, Butterworth-Heinemann, 1995, p. 71-112

·                    ROSENSTOCK L. et M. R. CULLEN, Textbook of Clinical Occupational and Environmental Medicine, Philadelphie, Toronto, W. B. Saunders, 1994, 909

·                    SYRACUSE RESEARCH CORPORATION, Toxciological Profile for Toluene, Health Effects, , 2000 (référence incomplète)

·                    TRIEBIG G., D. CLAUS, I. CSUZDA, K. F. DRUSCHKY, P. HOLLER, W. KINZEL, S. LEHRL, P. REICHWEIN, W. WEIDENHAMMER, W. U. WEITBRECHT et autres, « Cross-Sectional Epidemiological Study on Neurotoxicity of Solvents in Paints and Lacquers », (1988) 60 International Archives of Occupational and Environmental Health 233

·                    TURCOT J. et S. TURMEL, Intoxication aux solvants : informations médicales, CSST (document interne), mars 1992

·                    WHITE R. F. et S. P. PROCTOR, « Occupational Medicine - Solvents and   Neurotoxicity », (1997) 349 The Lancet 1239

·                    ZENZ Carl, O. Bruce DICKERSON, Edward P. HORVATH, Occupational Medicine, St-Louis, Mosby, 1994, p. 767-769

 


 

Jurisprudence

·                    Lanoix et Hydro-Québec, C.A.L.P. 51841-64-9306, 8 janvier 1998, R. Brassard

·                    Roy et Hawker Siddeley Canada Inc., [1999] CLP 279 , 286-287

·                    Plante et Maranda Reliable Splendor Inc., CALP 18828-03-9005, 29939-03-9106, 12 novembre  1993, G. Godin

·                    Stacey et Allied Signal Aérospatiale inc, [1997] C.A.L.P. 1713

 

 

AUTORITÉS CITÉES PAR L’EMPLOYEUR

 

Doctrine

·                    ABJORNSSON G., B. PALSSON, U. BERGENDORF, B. KARLSON, K. OSTERBERG, L. SEGER et P. ORBAECK, « Long-Term Follow-Up of Psychological Distress, Social Functioning, and Coping Style in Treated and Untreated Patients with Solvent-Induced Chronic Toxic Encephalopathy », (1998) 40 Journal of Occupational and Environmental Medicine 801

·                    ALBERS J. W. et S. BERENT, « Controversies in Neurotoxicology : Current Status », (2000) 18 Neurologic Clinics 741

·                    BOLLA K. I., B. S. SCHWARTZ, J. AGNEW, P. D. FORD, M. L. BLEEKER, « Subclinical Neuropsychiatric Effects of Chronic Low-Level Solvent Exposure in US Paint Manufacturers », (1990) 32 Journal of Occupational Medicine 671

·                    BRUHN  P.,   P.  ARLIEN-SOBORG,  C.  GYLDENSTED  et  E.  L. CHRISTENSEN,   « Prognosis in Chronic Toxic Encephalopathy : a Two-Year Follow-Up Study in 26 House Painters with Occupational Encephalopathy », (1981) 64 Acta Neurologica Scandinavica 259

·                    CHERRY N., H. HUTCHINS, T. PACE et H. A. WALDRON, « Neurobehavioural Effects of Repeated Occupational Exposure to Toluene and Paint Solvents », (1985) 42 British Journal of Industrial Medicine 291

·                    CULLEN M. R., M. G. CHERNIACK et L. ROSENSTOCK, « Occupational Medicine (1) », (1990) 322 The New England Journal of Medicine 594

·                    EDLING C., K. EKBERG, G. JR AHLBORG, R. ALEXANDERSSON, L. BARREGARD, L. EKENVALL, L. NILSSON et B. G. SVENSSON, « Long-Term Follow Up of Workers Exposed to Solvents », (1990) 47 British Journal of Industrial Medicine 75

·                    ERREBO-KNUDSEN E. O. E. et F. OLSEN, « Solvents and the Brain : Explanation of the Discrepancy between the Number of Toxic Encephalopathy Reporter (and Compensated) in Denmark and Other Countries », (1987) 44 British Journal of Industrial Medicine 71

·                    ERREBO-KNUDSEN E. O. et F. OLSEN, « Organic Solvents and Presenile Dementia (The Painters' Syndrome) : a Critical Review of the Danish Literature », (1986) 48 Science of the Total Environment 45

·                    FLODIN U., C. EDLING et O. AXELSON, « Clinical Studies of Psychoorganic Syndromes among Workers with Exposure to Solvents », (1984) 5 American Journal of Industrial Medicine 287

·                    GADE A., E. L. MORTENSES, P. BRUHN, « Chronic Painter’s Syndrome. A Reanalysis of Psychological Test Data in a Group of Diagnosed Cases, Based on Comparisons with Matched Controls », (1988) 77 Acta Neurol Scand. 293

·                    GRASSO P., « Neurotoxic and Neurobehavioral Effects of Organic Solvents on the Nervous System », (1988) 3 Occupational Medicine : State of the Art Reviews 525

·                    GREGERSEN P., H. KLAUSEN et C. U. ELSNAB, « Chronic Toxic Encephalopaty in Solvent-Exposed Painters in Denmark 1976-1980 : Clinical Cases and Social Consequences after a 5-Year Follow-Up », (1987) 11 American Journal of Industrial Medicine 399

·                    GUBERAN E., M. USEL, L. RAYMOND, R. TISSOT et P. M. SWEETNAM, « Disability, Mortality, and Incidence of Cancer among Geneva Painters and Electricians : a Historical Prospective Study », (1989) 46 British Journal of Industrial Medicine 16

·                    LINZ D., P. L. DE GARMO, W. E. MORTON, A. N. WIENS, B. M. COULL et R. A. MARICLE, « Organic Solvent-Induced Encephalopathy in Industrial Painters », (1986) 28 Journal of Occupational Medicine 119

·                    PRIGATANO G. P. et J. E. REDNER, « Uses and Abuses of Neuropsychological Testing in Behavioral Neurology », (1993) 11 Neurologic Clinics 219

·                    RIISE T., K. R. KYVIK et B. MOEN, « A Cohort Study of Disability Pensioning among Norwegian Painters, Construction Workers, and Workers in Food Processing », (1995) 6 Epidemiology 132

·                    SPENCER P. S. et H. H. SCHAUMBURG, « Organic Solvent Neurotoxicity : Facts and Research Needs », (1985) 11 Suppl. 1 Scandinavian Journal of Work and Environment Health 53

·                    TRIEBIG G., D. CLAUS, I. CSUZDA, K.-F. DRUSCHKY, P. HOLLER et autres, « Cross-sectional Epidemiological Study on Neurotoxicity of Solvents in Paints and Lacquers », (1988) 60 Int Arch Occup Environ Health 233

·                    VAN VLIET C., C. VAN VLIET, G. M. SWAEN, J. J. SLANGEN, T. DE BOORDER et F., STURMANS, « The Organic Solvent Syndrome : a Comparison of Cases with Neuropsychiatric Disorders among Painters and Construction Workers », (1987) 59 International Archives of Occupational and Environmental Health 493


 

Jurisprudence

·                    Garage Michel Potvin et autres et Moreau, CLP no 136540-31-0004, 136542-31-0004, 136544-31-0004, 136546-31-0004, 136549-31-0004, 136553-31-0004, 136555-31-0004, 136561-31-0004, 146912-31-0009, 146929-31-0009, 146930-31-0009, 146931-31-0009, 21 décembre 2001, M.-A. Jobidon

·                    MIL Davie et Simms, C.A.L.P. 37196-03-9203, 16 juin 1999, G. Godin ( Requête en révision rejetée)

·                    Morin et Carrossart et autres, C.L.P. 119718-31-9906, 120917-31-9907, 149440-31-0011, 31 août 2001, R. Ouellet

 

 

AUTORITÉS SUPPLÉMENTAIRES CONSULTÉES PAR LE TRIBUNAL

 

Ouvrage

·                    Le petit Robert 1 : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, nouv. éd. revue et corrigée, Paris, Le Robert, 1989

 

Jurisprudence

·                    Snell c. Farrell, [1990] 2 R.C.S. 311

·                    Gagné et Miron inc., C.A.L.P.  05190-60-8711, 9 août 1991, M. Paquin

·                    Plante et Maranda Reliable Splendor Inc., CALP 18828-03-9005, 29939-03-9106, 12 novembre  1993, G. Godin

·                    Cimon et Fibre de verre Moderne Inc., CALP no 41092-03-9206, 27 octobre 1995, M. Renaud

·                    Bellemare et Fonderie Grand-Mère, CALP no 64169-04-9411, 5 septembre 1996, M. Renaud

·                    Pineault et Céramique Moderne J.P.L Inc., CALP no 81999-03-9608, 27 août 1997, R. Chartier

·                    Jacob et Natpro Inc. et CSST, CLP no 66551-04-9502, 14 juillet 1998, M. Carignan

·                    Bouchard et Entreprise L. Bouchard Inc. et CSST C.L.P. 85601-03-9701, 27 octobre 1998, M. Beaudoin

·                    Croteau et Lab Sociétié Commandite Black Lake et autre, CLP no 107752-03B-9812,      1 juin 1999, P. Brazeau

·                    Les Industries Mailhot Inc et Lefrançois, C.L.P. 81760-63-9608, 89244-63-9706, 89410-63-9706, 30 juillet 1999, C. Bérubé

·                    Société de l’assurance automobile du Québec et Viger et Tribunal administratif du Québec, Cour d’appel, 500-09-008169-997, 28 août 2000, jj. Michaud, Robert, Forget

·                    Jean et Chabot Auto Inc.et CSST, C.L.P. 123440-03B-9909, 20 février 2001, M. Cusson

·                    Laroche et Lab Société en commandite-B. C., C.L.P. 149325-03B-0010, 13 juin 2001, P. Brazeau

·                    Leclerc et Les produits Foamex Inc. et CSST, C.L.P. 171181-04B-9905, 21 juin 2001, F. Mercure

·                    Federated Genco Ltée et Saint-Amand, C.L.P. 140301-71-0006, 29 novembre 2001, C. Racine

·                    Lacombe et Emballages Industries Vulcan Ltée,CLP 145267-72-0008, 21 décembre 2001, F. Juteau

 

 

 



[1]          L’auteure réfère aux ouvrages suivants : E. L. BAKER, R. F. WHITE et B. J. MURAWSKI, « Clinical Evaluation of Neurobehavioral Effects of Occupational Exposure to Organic Solvents and Lead », (1975) 4 International Journal of Mental Health 135; M. D. LEZAK, « Neuropsychological Assessment in Behavioral Toxicology - Developing Techniques and Interpretative Issues », (1984) 10 Suppl. 1 Scandinavian Journal of Work and Environment Health 25; N. CHERRY, H. VENABLES et H. A. WALDRON, « British Studies on the Neuropsychological Effects of Solvent Exposure », (1984) 10 Suppl. 1 Scandinavian Journal of Work and Environment Health 10; M. HANE et K. EKBERG, « Current Research in Behavioral Toxicology in Scandinavia », (1984) 10 Suppl. 1 Scandinavian Journal of Work and Environment Health 8

[2]          Idem

[3]          K. LINDSTROM, « Behavioral Changes After Long-Term Exposure to Organic Solvents and Their Mixtures : Determining Factors and Research Results », (1981) 7 Suppl. 4 Scandinavian Journal of Work and Environment Health 48

[4]          S-2.1, r. 15

[5]          Neil L. ROSENBERG, chap. 4 : « Neurotoxicity of Organic Solvents », dans Neil L. ROSENBERG, Occupational and Environmental Neurology, Boston, Butterworth-Heinemann, 1995, p. 71-112 (document déposé par l’employeur sous la cote I-27, dont un extrait était déjà au dossier)

[6]          G. P. PRIGATANO et J. E. REDNER, « Uses and Abuses of Neuropsychological Testing in Behavioral Neurology », (1993) 11 Neurologic Clinics 219 (document au dossier)

[7]          Neil ROSENBERG, op. cit.,note 5, p. 74

[8]          AMERICAN PSYCHIATRIC ASSOCIATION, Mini DSM-IV : critères diagnostiques, Paris, Masson,1996, 361 p. 92-93 (document déposé par le travailleur à l’audience sous la cote A-12)

[9]          P. S. SPENCER et H. H. SCHAUMBURG, « Organic Solvent Neurotoxicity : Facts and Research Needs », (1985) 11 Suppl. 1 Scandinavian Journal of Work and Environment Health 53 (document déposé par l’employeur à l’audience sous la cote I-13)

[10]         NIOSH, « Organic Solvent Neurotoxicity », Current Intelligence Bulletin no 48, 31 mars 1987 (document déposé par le travailleur à l’audience sous la cote A-2 en liasse)

[11]         P. GRASSO, « Neurotoxic and Neurobehavioral Effects of Organic Solvents on the Nervous System », (1988) 3 Occupational Medicine : State of the Art Reviews 525 (déposé par l’employeur à l’audience sous la cote I-22)

[12]         C. EDLING, K. EKBERG, G. JR AHLBORG, R. ALEXANDERSSON, L. BARREGARD, L. EKENVALL, L. NILSSON et B. G. SVENSSON, « Long-Term Follow Up of Workers Exposed to Solvents », (1990) 47 British Journal of Industrial Medicine 75 (déposé à l’audience par l’employeur sous la cote I-26)

[13]         M. R. CULLEN, M. G. CHERNIACK et L. ROSENSTOCK, « Occupational Medicine (1) », (1990) 322 The New England Journal of Medicine 594 (document déposé par l’employeur à l’audience sous la cote I-24)

[14]         J. TURCOT et S. TURMEL, Intoxication aux solvants : informations médicales, CSST (document interne), mars 1992 (document déposé à l’audience par le travailleur sous la cote A-2 en liasse)

[15]         Margit L. BLEECKER et John A. HANSEN, Occupational Neurology and Clinical Neurotoxicology, Baltimore, Williams & Wilkins, 1994, 387 (document déposé par le travailleur à l’audience sous la cote A-2 en liasse)

[16]         T. RIISE, K. R. KYVIK et B. MOEN, « A Cohort Study of Disability Pensioning among Norwegian Painters, Construction Workers, and Workers in Food Processing », (1995) 6 Epidemiology 132 (document déposé pas l’employeur à l’audience sous la cote I 28)

[17]         G. ABJORNSSON, B. PALSSON, U. BERGENDORF, B. KARLSON, K. OSTERBERG, L. SEGER et P. ORBAECK, « Long-Term Follow-Up of Psychological Distress, Social Functioning, and Coping Style in Treated and Untreated Patients with Solvent-Induced Chronic Toxic Encephalopathy », (1998) 40 Journal of Occupational and Environmental Medicine 801 (document déposé par le travailleur et l’employeur  à l’audience sous les cotes A-2 en liasse et I-29)

[18]         R. F. WHITE et S. P. PROCTOR, « Occupational Medicine - Solvents and Neurotoxicity », (1997) 349 The Lancet 1239(document déposé par le travailleur à l’audience sous la cote A-2 en liasse)

[19]         L. LONNOY et D. LISON, « Analyse des risques liés à l'exposition aux solvants organiques dans un échantillon de peintres-carossiers », (2000) XXXVII Médecine du travail & Ergonomie 179(document déposé par le travailleur à l’audience sous la cote A-2 en liasse)

[20]         J. W. ALBERS et S. BERENT, « Controversies in Neurotoxicology : Current Status », (2000) 18 Neurologic Clinics 741 (document déposé par l’employeur à l’audience sous la cote I-30)

[21]         R. CHEN, F. DICK, S. SEMPLE, A. SEATON et L. G. WALKER, « Exposure to Organic Solvents and Personality », (2001) 58 Occupational and Environmental Medicine 14 (document déposé par le travailleur à l’audience sous la cote A-2 en liasse)

[22]         Neil ROSENBERG , op. cit., note 5

[23]         Voir le résumé du témoignage du docteur Lachapelle pour la nomenclature retenue par Rosenberg

[24]         L.R.Q., ch. A-3.001

[25]         Snell c. Farrell, [1990] 2 R.C.S. 311

[26]         Société de l’assurance automobile du Québec et Viger et Tribunal administratif du Québec, Cour d’appel, 500-09-008169-997, 28 août 2000, jj. Michaud, Robert, Forget

[27]         Les Industries Mailhot Inc et Lefrançois, C.L.P. 81760-63-9608, 89244-63-9706, 89410-63-9706, 30 juillet 1999, C. Bérubé

[28]         Gagné et Miron inc., C.A.L.P.  05190-60-8711, 9 août 1991, M. Paquin

[29]         Le petit Robert 1 : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, nouv. éd. revue et corrigée, Paris, Le Robert, 1989, 2171

[30]         Stacey et Allied Signal Aérospatiale inc, [1997] C.A.L.P. 1713 .

[31]         Gagné et Miron inc, précité, note 28

[32]         Jean et Chabot Auto Inc.et CSST, C.L.P. 123440-03B-9909, 20 février 2001, M. Cusson 

[33]         Lanoix et Hydro-Québec, C.A.L.P. 51841-64-9306, 8 janvier 1998, R. Brassard

[34]         Roy et Hawker Siddeley Canada Inc., [1999] CLP 279 , 286-287

[35]         Federated Genco Ltée et Saint-Amand, C.L.P. 140301-71-0006, 29 novembre 2001, C. Racine

[36]         Jacob et Natpro Inc. et CSST, CLP no 66551-04-9502, 14 juillet 1998, M. Carignan

[37]         Laroche et Lab Société en commandite-B. C., C.L.P. 149325-03B-0010, 13 juin 2001, P. Brazeau

[38]         Jacob et Natpro Inc. et CSST, précité, note 36

[39]         Bouchard et Entreprise L. Bouchard Inc. et CSST C.L.P. 85601-03-9701, 27 octobre 1998, M. Beaudoin; Leclerc et Les produits Foamex Inc. et CSST, C.L.P. 171181-04B-9905, 21 juin 2001, F. Mercure; Morin et Carrossart et autres, C.L.P. 119718-31-9906, 120917-31-9907, 149440-31-0011, 31 août 2001, R. Ouellet

[40]         Morin et Carrossart et autres précité, note 39

[41]         Bouchard et Entreprises L. Bouchard et CSST, précité, note 39

[42]         Garage Michel Potvin et autres et Moreau, CLP no 136540-31-0004, 136542-31-0004, 136544-31-0004, 136546-31-0004, 136549-31-0004, 136553-31-0004, 136555-31-0004, 136561-31-0004, 146912-31-0009, 146929-31-0009, 146930-31-0009, 146931-31-0009, 21 décembre 2001, M.-A. Jobidon

[43]         MIL Davie et Simms, C.A.L.P. 37196-03-9203, 16 juin 1999, G. Godin ( Requête en révision rejetée)

[44]         Plante et Maranda Reliable Splendor Inc., CALP 18828-03-9005, 29939-03-9106, 12 novembre  1993, G. Godin

[45]         Lacombe et Emballages Industries Vulcan Ltée,CLP 145267-72-0008, 21 décembre 2001, F. Juteau

[46]         Cimon et Fibre de verre Moderne Inc., CALP no 41092-03-9206, 27 octobre 1995, M. Renaud; Bellemare et Fonderie Grand-Mère, CALP no 64169-04-9411, 5 septembre 1996, M. Renaud; Pineault et Céramique Moderne J.P.L Inc., CALP no 81999-03-9608, 27 août 1997, R. Chartier; Croteau et Lab Sociétié Commandite Black Lake et autre, CLP no 107752-03B-9812, 1 juin 1999, P. Brazeau; Garage Michel Potvin et autres et Moreau, précité, note 42.

[47]         Garage Michel Potvin et autres et Moreau, précité, note 42

[48]         MIL Davie et Simms, précité, note 43

[49]         Cimon et Fibre de verre Moderne Inc., précité, note 46

[50]         Jacob et Natpro Inc. et CSST, précité, note 36

[51]         G. Prigatano et J. E. Redner, loc.cit., note 6

[52]         NIOSH Bulletin, loc. cit., note 10

[53]         Neil ROSENBERG, op. cit., note 5

[54]         Voir à ce sujet les définitions de démence apparaissant au DSM IV, op. cit., note 8

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