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Décision

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Cholette c. Proulx

2014 QCCQ 416

COUR DU QUÉBEC

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

HULL

LOCALITÉ DE

GATINEAU

« Chambre civile »

N° :

550-22-012082-101

 

 

 

DATE :

29 janvier 2014

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

RICHARD LAFLAMME, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

CHANTAL CHOLETTE

-et-

JANE MORRISON

Demanderesses

c.

MARC PROULX

-et-

CHANTAL BEAUDOIN

Défendeurs

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           Les demanderesses poursuivent les défendeurs pour une somme de 69 355,93 $. Elles prétendent que l'immeuble acheté des défendeurs est atteint de vices cachés. Le montant réclamé représente les coûts de réparation et de corrections pour les vices allégués. 

[2]           Non seulement les défendeurs prétendent-ils que les vices étaient apparents, qu'ils présentent une requête préliminaire en irrecevabilité du recours des demanderesses pour absence de fondement juridique et abus de la demande en vertu des articles 159, 165(4), 20 et 54.1 C.p.c. La norme de prudence dictée par la jurisprudence commandait que la requête soit prise sous réserve afin d'établir la trame factuelle de la vente jusqu'à la dénonciation des vices aux défendeurs. Conformément aux récents enseignements de la Cour d'appel[1], il y a d'abord lieu de statuer sur la requête en irrecevabilité.

LA REQUÊTE EN IRRECEVABILITÉ

[3]           Les défendeurs demandent le rejet de la requête introductive d'instance au motif que la dénonciation des vices par les demanderesses s'est faite tardivement, et ce, en contravention de l'article 1739 C.c.Q. Au surplus, ils plaident que le recours des demanderesses serait prescrit puisqu'il aurait été intenté plus de trois ans après la découverte du vice. Enfin, ils soutiennent que le recours est, de ce fait, abusif au sens de l'article 54.1 C.p.c.

[4]           Il est utile de rappeler la norme de prudence émise à maintes reprises par notre Cour d'appel en la matière : la requête en irrecevabilité ne doit pas servir à mettre fin prématurément à l'instance, à moins d'une situation claire et évidente[2].

[5]           Le juge saisi d'une requête en irrecevabilité n'a pas à décider du bien-fondé des faits allégués. Il doit tenir pour avérés les faits allégués à la requête introductive d'instance et non de la qualification qu'en donne le demandeur dans sa procédure[3].

[6]           L'exercice se limite à déterminer si, tels que libellés, les paragraphes de la requête introductive d'instance donnent ouverture aux conclusions recherchées[4]. Néanmoins, le juge peut tenir compte des pièces produites au soutien de la procédure[5]. Il ne peut par ailleurs référer au contenu d'un interrogatoire au préalable[6].

[7]           Le Tribunal retient de la requête introductive d'instance, les faits pertinents suivants :

1.         Le 4 mai 2001, les demanderesses acquièrent l'immeuble des défendeurs;

2.         La vente est faite avec la garantie légale;

3.         Une inspection minutieuse préachat a été effectuée par Stephen McDonald. Le rapport est déposé au soutien de la requête[7];

4.         Au printemps 2007, les demanderesses ont constaté l'apparition de fissures et l'expansion du parement de briques de la façade du garage;

5.         Les demanderesses ont alors communiqué avec leur compagnie d'assurance, qui après plusieurs mois, leur indique qu'il n'existait aucune couverture visant le mouvement noté à la façade du garage;

6.         Les demanderesses ont attribué l'apparition de ces fissures au cycle du gel et dégel;

7.         Le 24 décembre 2007, une importante inondation survient dans le sous-sol de l'immeuble;

8.         Les services d'un entrepreneur en plomberie et d'une firme spécialisée dans le déblocage des drains sont retenus;

9.         Le 7 janvier 2008, un examen des drains par caméra est effectué. La vidéo est déposée au soutien de la procédure[8];

10.       Une nouvelle infiltration d'eau survient au printemps 2008;

11.       Les demanderesses font appel à l'ingénieur André Beaulieu afin de procéder à une étude plus exhaustive des causes des infiltrations. Une nouvelle inspection des drains par caméra est effectuée le 10 septembre 2008;

12.       Suite à cet examen, l'ingénieur Beaulieu indique dans son rapport daté du 18 septembre 2008 que les infiltrations d'eau s'étaient produites le long du mur de la fondation nord contigu à celui du garage de même qu'à la base du mur de fondation est. Le rapport est déposé avec la procédure introductive d'instance[9];

13.       L'excavation du coin nord-est révèle l'absence de drain français ainsi que d'une importante quantité d'eau dans le fond de l'excavation. On découvre également une importante fissure lézardant le mur de fondation nord du garage sur toute sa hauteur;

14.       L'excavation le long du mur de fondation à la jonction entre la résidence et le garage révèle l'existence d'une autre fissure dans ce mur et que le drain français était à toute fin pratique non fonctionnel, étant obstrué par la boue;

15.       Suite au rapport de l'ingénieur, les demanderesses ont dénoncé les déficiences par voie d'une mise en demeure datée du 21 octobre 2008. Le procès-verbal de signification démontre que la mise en demeure a été remise aux défendeurs le 24 octobre 2008[10];

16.       La partie demanderesse n'a pu communiquer préalablement avec la partie défenderesse puisque cette dernière est déménagée à l'extérieur de la province de Québec;

17.       À compter de l'automne 2008, les représentants des assureurs des parties ont examiné l'immeuble, et ce, jusqu'à la fin de l'été 2009;

18.       Les travaux ne pouvaient débuter avant la fin des expertises;

19.       Le 15 septembre 2009, les demanderesses signifient une lettre aux défendeurs les informant que les travaux débuteront;

20.       Les travaux débutent à la fin septembre 2009.

[8]           Le rapport de l'inspecteur McDonald note, outre une dénivellation inadéquate autour de la maison, la présence de "[c]racks or faults in the foundation wall (above grade)". De plus, en référence à ces deux observations, il coche l'item suivant : "Probability of foundation leaks if the above noted items are addressed and kept in good state of repair at all times". Il qualifie cette probabilité de "High". Il constate également des fissures dans la maçonnerie qu'il qualifie de "non-structural cracks". De plus, il remarque que la porte droite du garage ne s'ouvre pas.

[9]           Au risque de se répéter, à ce stade, les faits ci-dessus décrits doivent être tenus pour avérés.

a) Analyse sous l'article 1739 C.c.Q.

[10]        L'article 1739 C.c.Q. prévoit ce qui suit :

« Art. 1739. L'acheteur qui constate que le bien est atteint d'un vice doit, par écrit, le dénoncer au vendeur dans un délai raisonnable depuis sa découverte. Ce délai commence à courir, lorsque le vice apparaît graduellement, du jour où l'acheteur a pu en soupçonner la gravité et l'étendue.

Le vendeur ne peut se prévaloir d'une dénonciation tardive de l'acheteur s'il connaissait ou ne pouvait ignorer le vice ».

[11]        Ainsi, la dénonciation d'un vice doit être faite dans un délai raisonnable pour éviter tout préjudice au vendeur, notamment pour qu'il puisse s'assurer que ce vice existait au moment de la vente et vérifier la nécessité des travaux à effectuer et le coût de ceux-ci. En l'espèce, la dénonciation a été faite avant le début des travaux. Mais a-t-elle été faite dans un délai raisonnable?

[12]        L'appréciation du caractère raisonnable est laissée à la discrétion du juge et s'évalue à la lumière des faits propres à chaque affaire. Dans la décision Labrèche c. Waters[11], l'analyse fouillée du juge Serge Laurin résume bien l'état de la jurisprudence à cet égard. Il rappelle qu'à l’époque du Code civil du Bas-Canada, l’article 1530 stipulait que l’acheteur devait intenter une action dans un délai raisonnable. Le Code civil du Québec exige seulement que l’avis soit envoyé dans un délai raisonnable. Malgré cette divergence, il est d'avis qu'il est encore possible d’utiliser les principes de l’époque pour déterminer le caractère raisonnable du délai stipulé à l’article 1739 C.c.Q. Parmi les facteurs à considérer, l'usage, la nature du bien, la nature du vice et toute autre circonstance peuvent être pris en compte.

[13]        Le juge Laurin a recensé de nombreuses décisions illustrant la notion de délai raisonnable :

« [23]        Il reste à déterminer si un délai deux ans et quinze ou dix-huit mois et trois jours pour l’avis de l’infiltration d’eau provenant de la fondation et de trois mois pour l’avis de l’infiltration d’eau provenant de la toiture, sont raisonnables au sens de l’article 1739 C.c.Q..

[24]        La réponse à cette question se trouve dans la jurisprudence et les auteurs qui l'ont répertoriée et qui ont décelé les tendances. En effet, dans l’ouvrage de Jacques Deslauriers[8], l'auteur se fie sur la tendance jurisprudentielle pour examiner la définition du délai raisonnable de l’article 1739 C.c.Q. Il affirme que :

« De façon générale, à moins de circonstances exceptionnelles, il est rare qu’un délai supérieur à un an soit considéré raisonnable.»

[25]        L'auteur, Jeffrey Edwards[9], opte pour un délai plus court :

« 489 - Soulignons que le délai de base de six mois pour les biens durables a été fixé par la jurisprudence en vertu de l’ancien Code. Cependant, l’article 1530 C.c.B.C. renfermait alors un délai de dénonciation dans le cadre judiciaire de la prescription; le délai de base arrêté fut donc celui qui était requis pour instituer une action. Or, le délai normal pour envoyer un avis écrit risque d’être moindre. Un auteur paraît d’ailleurs indiquer que le nouveau délai doit se situer entre deux et trois mois; un autre préfère s’en tenir à l’horizon traditionnel de six mois. La déjudiciarisation justifie probablement une réduction du délai, mais l’ampleur de celle-ci reste l’oeuvre souveraine des tribunaux. À tout événement, la déjudiciarisation de l’exigence consacre le caractère maximal d’un délai de base de six mois. »

[26]        L’affaire Poirier et Caron c. Martucelli[10] de la Cour d’Appel est fréquemment citée en matière de délai raisonnable selon l’article 1739 C.c.Q et établit qu’un délai variant entre sept à douze mois est présumé raisonnable. Ceci appuie la théorie de l’auteur Deslauriers énoncée précédemment.

[27]        Afin de démontrer l’influence que l’arrêt Poirier a sur la question, le Tribunal a examiné quelques décisions récentes sur le sujet.  L’arrêt Denoncourt c. Lafontaine[11] concerne un problème au niveau de la cheminée d’une maison qui a grandement affecté le système de chauffage durant l’hiver 2003-2004. Le délai commence à courir le 21 octobre 2003, date à laquelle l’acheteur Denoncourt a constaté le vice, lors du ramonage et l'inspection de la cheminée. Il ne fait aucune démarche envers monsieur Lafontaine. Par la suite, Monsieur Denoncourt vend la résidence sans aviser les nouveaux acheteurs du problème de la cheminée.  Les nouveaux acheteurs de la maison poursuivent monsieur Denoncourt en vices cachés et obtiennent gain de cause. Suite à cette condamnation, monsieur Denoncourt envoie une mise en demeure à monsieur Lafontaine en date du 14 octobre 2005. La question est de savoir si du 21 octobre 2003 au 14 octobre 2005, un délai raisonnable existe, afin que Monsieur Denoncourt puisse poursuivre Monsieur Lafontaine. La réponse est non puisqu'un délai de deux ans moins une semaine dépasse largement le délai raisonnable déterminé par l’arrêt Poirier et Caron c. Martucelli[12].

[28]        L’arrêt Drouin c. Rioux[13] concerne une infiltration d’eau au sous-sol d’une maison. Au printemps 2008, le demandeur a connaissance d’une infiltration d’eau au sous-sol en observant le tapis imbibé d'eau. Une deuxième infiltration se produit au printemps 2009. En septembre 2009, il constate une troisième infiltration d’eau et c'est alors qu'il dénonce verbalement le vice au défendeur. Ensuite, il décide d’envoyer une mise en demeure le 27 octobre 2009.  Le Tribunal considère que le délai a commencé à courir à partir de la première infiltration d’eau, au printemps 2008 et ce n’est qu’en septembre 2009 qu’il y a dénonciation verbale du problème. Il s’est donc écoulé un délai de 18 mois entre les deux événements, ce que le Tribunal considère déraisonnable.

[29]        L’arrêt Filiatrault c. Cloutier[14] démontre qu’un délai de deux ans à partir du moment où le demandeur a connaissance du vice jusqu’à l’envoi de la mise en demeure n’est pas un délai raisonnable en vertu de l’article 1739 C.c.Q..

[30]        Il est bien évident, selon la doctrine et la jurisprudence, qu’un délai de plus d’une année n’est pas considéré raisonnable ».

[14]        Dans l'affaire à l'étude, la requête introductive d'instance, en se référant au rapport de l'inspection préachat, établit des indices de la présence de vices dès ladite inspection. À supposer que ces indices étaient insuffisants pour alerter les demanderesses, le véritable point de départ, voire la découverte du vice, est, selon la requête introductive d'instance, l'apparition de fissures au niveau de la façade du garage au printemps 2007. Il est de connaissance judiciaire que le printemps s'étend généralement du 21 mars au 20 juin. En prenant la date la plus favorable aux demanderesses, c'est un délai de 16 mois et quatre jours avant la signification de la dénonciation des vices.  

[15]        Puis survient l'inondation du 24 décembre 2007. Les demanderesses laissent écouler 10 mois avant de dénoncer ce vice. Dans des termes fort vagues, sinon imprécis, la requête introductive d'instance indique que les demanderesses n'ont pu préalablement communiquer avec la partie défenderesse, celle-ci étant déménagée à l'extérieur de la province. Il n'y a aucune allégation à l'effet que les demanderesses ont tenté de communiquer avec les défendeurs avant la production du rapport de l'ingénieur le 18 septembre 2008. Mais il y a plus. La mise en demeure[12] évoque les constatations du printemps 2007, de l'inondation du 24 décembre 2007 et des excavations commandées par l'ingénieur Beaulieu. Ce n'est que le 10 septembre 2008 que l'expert arrive à la conclusion que les déficiences sont dues à l'absence de drain à certains endroits et, là où il y en a, à un mauvais fonctionnement. En prenant pour acquis le contenu de la mise en demeure, ce n'est qu'après les constats et conclusions de l'ingénieur que les demanderesses « estiment que les déficiences notées constituent clairement des vices cachés au sens de l'article 1726 et suivants du Code civil du Québec et en conséquence vous tiennent responsables de tous les dommages qu'elles subissent et subiront afin de corriger lesdites déficiences ».  

[16]        Avant les conclusions de l'expert, les demanderesses ne semblaient pas estimer être en présence de vices cachés.

[17]        Le Tribunal considère, à la lumière de la requête introductive d'instance et des pièces déposées à son soutien, qu'il est clair et évident que les demanderesses devaient dénoncer les vices constatés dès le printemps 2007. Le Tribunal estime qu'il s'agit là du point de départ permettant d'apprécier le caractère raisonnable du délai. Les constatations faites au parement de brique et au mouvement important du plancher de béton laissaient peu de place à l'interprétation. Il s'agissait là d'un indice sérieux, voire majeur et incontournable de la présence d'un vice caché. Un délai de plus de 14 mois s'est écoulé avant la dénonciation. Il s'agit là, à sa face même, d'un délai qui dépasse ce que la jurisprudence considère comme raisonnable. Pour ce simple motif, il y a lieu de faire droit à la requête en irrecevabilité de la partie défenderesse.

[18]        Le Tribunal tient à ajouter que s'il avait rejeté cette requête en irrecevabilité, la preuve soumise au procès est encore plus accablante sur le plan des délais et aurait commandé le rejet de la requête introductive d'instance sur la base de l'article 1739 C.c.Q. En effet, selon le témoignage de madame Cholette, c'est à la mi-mars que des indices sérieux se sont manifestés : la porte droite du garage est coincée, le plancher de béton du garage est fissuré et montre des signes de mouvements. Elle indique avoir alors cru à un mouvement dû au gel et dégel printanier. Croyant que c'était pour se replacer au dégel, aucune action n'est posée. Or, il appert que la situation ne se corrige pas d'elle-même. Devant ce fait, madame Cholette communique avec son voisin qui s'y connaît en construction. Il lui conseille de communiquer avec sa compagnie d'assurance habitation. Ce n'est que le 20 ou 21 juin 2007 que madame Cholette rencontre Patrice Blanchet de la compagnie d'assurance Missisquoi. Celui-ci consigne la réclamation. Dans sa déclaration, madame Cholette écrit ce qui suit :

« Au printemps 2007, vers le 15 mars, j'ai constaté qu'il y avait des fissures dans le mur de briques, au dessus des portes de garage. Ensuite, j'ai constaté que le plancher de béton à l'entrée des portes de garage était surélevé. […] Durant la même période, la porte de droite a figé une journée. […] On peut constater des fissures sur le plancher du garage, dont une à l'intérieur près du coin avant droit. Il semble que le coin avant droit a levé, et ça a fait travailler le plancher et le mur avant du garage, Je ne connais pas la cause. C'est la première année que nous avons des problèmes à cet endroit. En 2002, j'avais peinturé le plancher du garage et il n'y avait pas de fissures. Nous n'avons pas fait de modifications à l'aménagement extérieur du terrain autour du garage depuis que nous sommes propriétaires, sauf enlevé une boîte de bois sur le sol où se trouve un drain à la base des portes. J'ai enlevé cette boîte pour permettre à l'eau qui s'accumulait près des portes de s'évacuer par le drain. J'ai enlevé cette boîte en 2002 ».

[19]        Plusieurs personnes sont venues constater la situation. Madame Cholette communique avec monsieur Blanchet le 30 août 2007 qui l'informe qu'elle recevra sous peu une lettre confirmant la position de l'assureur. Ainsi, dans une lettre du 26 septembre 2007, l'assureur lui annonce que le sinistre n'est pas couvert par la police puisqu'il s'agit de dommages découlant de « mouvements causés par l'expansion, la dilatation, la contraction ou la compression, en conséquence notamment du gel et du dégel du sol [13] ».

[20]        Madame Cholette affirme avoir reçu cette lettre le 30 octobre 2007. Elle n'a pas demandé d'estimation à quiconque compte tenu de l'approche de la saison hivernale. Elle prévoyait faire exécuter les travaux au printemps 2008.

[21]        En décembre 2007, lors d'une journée de pluie abondante, elle se rend au sous-sol et constate la présence d'une flaque d'eau. Malgré sa tentative d'éponger le tout, l'eau ne cesse de s'accumuler. Il y a de l'eau dans la salle de lavage, le cagibi et partout où il y a de la fenestration et à proximité du balcon.  Une firme de nettoyage après sinistre est appelée afin de nettoyer le tout. Madame Cholette communique avec sa compagnie d'assurance qui considère que l'infiltration est peut-être due aux drains. On suggère de contacter un plombier afin de les faire inspecter. C'est ainsi que le 3 janvier 2008, un inspecteur spécialisé creuse le sol au coin arrière sud de la résidence. Une caméra permet de constater que des racines bloquent le drain. Selon le spécialiste, le passage d'un « rotor » permettra de rectifier la situation et par la suite, de refaire l'opération aux deux ans. Madame Cholette témoigne qu'elle croyait qu'il s'agit là d'une dépense normale liée à la vie à la campagne.

[22]        En juin 2008, madame Cholette constate une nouvelle infiltration d'eau, mineure cette fois, dans le cagibi. Cette légère accumulation d'eau est survenue suite à une pluie abondante.

[23]        Les demanderesses font appel à monsieur Betancourt afin de réparer la dalle de béton. Celui-ci leur recommande de communiquer avec l'ingénieur André Beaulieu qui se rend à la résidence des demanderesses le 3 juillet 2008. Il inspecte la résidence et suggère de procéder à l'excavation du coin nord-est du garage afin de pouvoir examiner le drain français. Le 21 juillet 2008, on constate qu'il n'y a pas de drain français à l'endroit de l'excavation, qu'il y a une forte accumulation d'eau dans le fond de l'endroit excavé et qu'une importante fissure lézardait le mur de la fondation nord du garage sur toute sa hauteur[14]. Sans entrer dans les menus détails, d'autres inspections sont faites par l'ingénieur Beaulieu afin de vérifier l'état des drains qui se révèlent en mauvais état. Il écrit :

« En conclusion, nous croyons que l'absence de drain français au pourtour du garage jumelé au mauvais fonctionnement de celui au pourtour de votre résidence, soit à l'origine des infiltrations d'eau s'étant produites dans le sous-sol de votre résidence et de la fissuration du mur de fondation et par effet d'entraînement, de la fissuration du parement de brique en façade de votre garage [15] ».

[24]        Le 24 octobre 2008, les demanderesses font signifier la mise en demeure aux défendeurs et dans laquelle leur procureur dénonce les vices dont serait affecté l'immeuble. Rien dans la preuve ni dans l'interrogatoire au préalable ne laisse croire en une quelconque tentative de communication avec les défendeurs avant cette date. La preuve prépondérante est plutôt à l'effet que des voisins, ses assureurs, des entrepreneurs et un ingénieur ont été informés des problèmes, et ce, à l'exclusion des défendeurs. C'est donc un délai de plus de 19 mois qui aurait dû être considéré. Ce délai dépasse largement la norme jurisprudentielle. Ainsi, si le Tribunal en était venu à la conclusion qu'il n'était pas possible de déterminer le délai de manière complète et finale sans qu'une preuve soit administrée en rapport avec certaines des allégations de la requête introductive d'instance, la preuve du procès l'aurait convaincu du caractère déraisonnable du délai à dénoncer les vices et aurait commandé le rejet de l'action.

b) Analyse quant à la prescription

[25]        Compte tenu de la décision du Tribunal quant au premier moyen en irrecevabilité, la question relative à la prescription devient purement théorique. Elle mérite néanmoins quelques remarques.

[26]        Outre les faits mentionnés ci-dessus, il y a lieu d'ajouter que suite à la signification de la mise en demeure, les parties ont eu plusieurs échanges par experts interposés. Le 17 novembre 2008, le défendeur Proulx se présente en compagnie de l'ingénieur Pierre Vachon afin d'examiner les lieux. Les experts des parties ne s'entendent pas sur la nature et l'étendue des travaux à exécuter pour corriger la situation. Il en découle un échange de correspondances entre les procureurs des parties. Le procureur des défendeurs suggère dans une lettre du 20 novembre 2008 que les demanderesses n'entreprennent pas de travaux avant le printemps prochain afin « de bien évaluer le problème auquel il y a lieu de s'attaquer, le cas échéant, et d'y trouver des solutions adéquates ».

[27]        À l'évidence, cette suggestion est rejetée puisque les demanderesses déposent une requête introductive d'instance le 2 février 2010, tel qu'en fait foi le timbre judiciaire.

[28]        Le Tribunal estime qu'il n'est pas clair et évident que les constatations de l'inspecteur en 2001 constituaient des indices sérieux de la présence d'un vice. C'est plutôt à compter du printemps 2007 que l'on pouvait conclure à un tel constat. Comme le recours a été intenté le 2 février 2010, les demanderesses étaient dans les délais légaux pour déposer leur recours. Ainsi, ce moyen de la partie défenderesse aurait échoué au stade de la requête en irrecevabilité.

c) Analyse sous l'article 54.1 C.p.c.

[29]        Comme le moyen précédent, la question est purement théorique. Le Tribunal tient à ajouter que ce moyen aurait par ailleurs été rejeté. Il faut se rappeler que, pour obtenir une condamnation en application des articles 54.1 et suivants, l'existence d'une conduite blâmable doit être démontrée[16].

[30]        À la lecture de la requête introductive d'instance, il n'est pas manifeste que le recours des demanderesses est une forme d’abus du droit d’ester en justice. À ce stade-ci, le Tribunal n’est pas en mesure de dire que le recours des demanderesses constitue un usage impropre du système judiciaire.


POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE la requête en irrecevabilité pour absence de fondement juridique de la partie défenderesse;

REJETTE la requête introductive d'instance amendée de la partie demanderesse;

LE TOUT AVEC DÉPENS incluant les frais d'expertise de l'inspecteur immobilier Pierre A. Vachon.

 

 

 

__________________________________

RICHARD LAFLAMME, J.C.Q.

 

Me Richard Leblanc

Leblanc, Donaldson

Procureurs des demanderesses

 

Me Daniel Beauchamp

Beauchamp et associés

Procureurs des défendeurs

 

Dates d’audiences :

10, 11, 12, 29 octobre 2012, 17 décembre 2013 et 23 mai 2013

 



[1] Lefrançois c. Charland, 2011 QCCA 1877; Acadia Subaru c. Michaud, 2011 QCCA 1037 ; Brousseau c. Axa Assurances inc., 2011 QCCA 847.

[2] Engler-Stringer c. Montréal (Ville de), 2013 QCCA 707.

[3] Brousseau c. Crevier, 2011 QCCA 2327 ; Racine c. Harvey, 2011 QCCA 879.

[4] Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec inc. c. Société d'habitation et de développement de Montréal, 2011 QCCA 1033.

[5] Rabinovich c. Chechik, 1929 R.C.S. 400; Association provinciale des constructeurs d'habitations du Québec inc. c. Société d'habitation et de développement de Montréal, 2011 QCCA 1033.

[6] Parc Safari (2002) inc. c. Saint-Louis, 2011 QCCA 2354.

[7] Pièce P-2.

[8] Pièce 3.3.

[9]  P-5.1.

[10] Pièce P-6.

[11] Labrèche c. Waters, 2012 QCCQ 4139.

[12] Pièce P-6.

[13] Pièce D-2, clause 13b.

[14] Pièces P-5.1 et P-5.2.

[15] Id. page 2.

[16] Duni c. Robinson Sheppard Shapiro, 2011 QCCA 677, permission d’appeler à la Cour suprême rejetée; Acadia Subaru c. Michaud, 2011 QCCA 1037; Lefrançois c. Charland, 2011 QCCA 1877.

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