Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

RÉGION:

Laurentides

SAINT-ANTOINE, le 27 septembre 1999

 

DOSSIER:

112645-64-9903

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Martine Montplaisir

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Jean E. Boulais

 

 

Associations d'employeurs

 

 

 

Andrée Bouchard

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST:

115587370

AUDIENCE TENUE LE :

 

FIN DE L’ENQUÊTE ET

DÉLIBÉRÉ LE :

8 juin 1999

 

 

24 septembre 1999

 

DOSSIER DRA :

115587370-1

À :

Saint-Antoine

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

AGATHE RIVARD

95, route 117

Saint-Jovite (Québec)  J0T 2H0

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

ET

 

 

 

 

 

CLSC DES TROIS VALLÉES

352, rue Léonard

Saint-Jovite (Québec)  J0T 2H0

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


DÉCISION

 

 

[1.]             Le 11 mars 1999, madame Agathe Rivard (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue en révision administrative par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 11 février 1999 qui modifie la décision du 4 décembre 1998, laquelle déclare caduque le rapport d’intervention du 2 décembre 1998 relatif à l’assignation temporaire du 23 octobre 1998.

[2.]             Par sa décision en révision administrative du 11 février 1999, la CSST déclare que la travailleuse est raisonnablement en mesure d’occuper l’assignation temporaire autorisée par son médecin le 22 octobre 1998 et que celle-ci est applicable à compter du 23 octobre 1998.

[3.]             Le 8 juin 1999, la Commission des lésions professionnelles tient une audience à St-Antoine à laquelle la travailleuse est présente et est représentée par monsieur Yves Labonté.  L’employeur est également présent à l’audience et est représenté par Me Lyne Gaudreault.

[4.]             Les 17 et 21 juin 1999, la Commission des lésions professionnelles reçoit les notes et autorités des parties.

[5.]             Suite au dépôt de documents additionnels au dossier les 12 et 20 août 1999, la Commission des lésions professionnelles tient un appel conférence avec les procureurs des parties le 24 août 1999 et reçoit les notes et autorités supplémentaires de la travailleuse en date du 3 septembre 1999.

[6.]             Le 24 septembre 1999, la Commission des lésions professionnelles étudie le dossier et prend le tout en délibéré.

 

OBJET DE LA REQUÊTE

 

 

[7.]             La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles d’établir qu’elle n’est pas raisonnablement en mesure d’accomplir le travail que lui assigne son employeur le 23 octobre 1998.

[8.]             Elle demande également de reconnaître qu’elle a droit de recevoir des indemnités de remplacement du revenu pour la période qui précède la procédure dont elle se prévaut en vertu du 2e alinéa de l’article 179 de la loi, à savoir du 23 octobre au 8 novembre 1998, ainsi qu’à compter du 9 novembre 1998, pour les journées non travaillées.

LES FAITS

 

 

[9.]             La travailleuse occupe un poste d’agent de relations humaines au CLSC des Trois Vallées (l’employeur) depuis le 21 septembre 1998.

[10.]         Le 24 septembre 1998, elle consulte le docteur E. K. Boctor.  Ce dernier complète une « Attestation médicale » sur laquelle il fait référence à un événement du 23 septembre 1998, retient le diagnostic d’entorse thoracique musculo-squelettique et recommande un arrêt de travail jusqu’au 1er octobre 1998 inclusivement.

[11.]         Le 30 septembre 1998, la travailleuse consulte à nouveau le docteur Boctor.  Ce dernier prolonge l’arrêt de travail jusqu’au 22 octobre 1998 inclusivement, pose le même diagnostic et prescrit des traitements de physiothérapie.

[12.]         Le même jour, la travailleuse signe l’« Avis de l’employeur et demande de remboursement ».  On y retrouve la description suivante de l’événement :

« Lors d’une activité conjointe CLSC et polyvalente Curé Mercure à Huberdeau; Activité = mettre buches dans des sacs les attacher, les fixer et les empiler sur une plate forme.  En PM  = douleurs - arrêt pendant 1 h 30 douleur en soirée - durant la nuit m’obligeant à consulter au matin.  Diag : entorse thoracique. » (sic)

 

 

[13.]         Le 9 octobre 1998, la travailleuse consulte le docteur Boctor.  Ce dernier prolonge l’arrêt de travail jusqu’au 23 octobre 1998 inclusivement.

[14.]         Le même jour, le docteur Boctor signe la section D d’un formulaire « Assignation temporaire d’un travail » et y indique que l’assignation proposée peut être envisagée après le 22 octobre 1998.  Le travail proposé d’agent de relations humaines (travailleuse sociale) y est décrit comme suit :

« L’employée sera affectée à l’accueil psycho sociale au C.L.S.C. i.e. accueillir les clients entrevues et diriger ceux-ci vers les intervenants appropriés selon les besoins identifiés  Travail de bureau ou l’employée pourra s’asseoir et se lever à sa guise.  L’employée n’aura pas à effectuer d’efforts physiques. » (sic)

 

 

 

[15.]         Le 13 octobre 1998, la travailleuse adresse une lettre à sa supérieure, madame Isabelle Lachaîne, afin d’obtenir une autorisation pour fixer ses périodes de vacances comme suit :

-           du 26 au 30 octobre 1998;

-           les 6, 9, 13 et 16 novembre 1998;

-                      les 27 et 30 novembre 1998.

 

 

 

[16.]         Le 15 octobre 1998, la travailleuse est examinée par le docteur M. Behamdouni, médecin désigné par l’employeur.  Dans son rapport d’expertise médicale daté du 29 octobre de la même année, le docteur Behamdouni indique que son examen est « tout à fait normal, tant sur le plan musculo-squelettique que neurologique » et retient le diagnostic d’« entorse quelconque » complètement résolue.  La Commission des lésions professionnelles retient également ce qui suit de son rapport :

«[…]

Il importe de souligner ici que le lendemain de mon examen, le vendredi 16 octobre, j’ai communiqué avec le docteur Boctor qui avait revu sa patiente la veille et a accepté une « assignation temporaire ».  J’ai appris toutefois que cette assignation n’a jamais eu lieu parce que madame Rivard avait prévu des vacances qu’elle a décidé de prendre malgré le refus de l’employeur de les lui accorder. »

 

 

 

[17.]         Le même jour, la travailleuse consulte le docteur Boctor.  Ce dernier la maintient en arrêt de travail jusqu’au 23 octobre 1998 inclusivement.

[18.]         Le 22 octobre 1998, le docteur Boctor signe la section D d’un formulaire « Assignation temporaire d’un travail » et répond par l’affirmative aux trois questions qui y sont posées.  Le travail d’agent de relations humaines proposé par l’employeur le 16 octobre 1998 y est décrit ainsi :

« L’employée sera affectée à l’accueil psycho-sociale au C.L.S.C. qui consiste à accueillir les clients, faire les entrevues et diriger la clientèle vers les intervenants appropriés selon les besoins identifiés.  - Travail de bureau où l’employée pourra s’asseoir et se lever à sa guise.  Elle n’aura pas à faire d’efforts physiques ».(sic)

 

 

 

[19.]         Le 23 octobre 1998, la travailleuse consulte le docteur J. C. Bastien.  Ce dernier complète un « Rapport médical » sur lequel il indique ce qui suit :

« entorse thoracique DIM C2-C3, C3-C4 à gauche  d’accord pour une semaine de vacances hors région ».(sic)

 

 

[20.]         Le même jour, monsieur Michel Boisjoly, du CLSC des Trois Vallées, adresse une lettre à la travailleuse relativement à sa demande d’autorisation des périodes de vacances.  La Commission des lésions professionnelles retient notamment ce qui suit de cette lettre :

« […]

C’est avec étonnement que nous avons pris connaissance de votre lettre du 22 octobre au sujet de vos vacances 1997-1998.

 

Nous nous devons de vous rappeler que vous êtes actuellement en phase de période d’adaptation de votre poste de travail.  De plus, le maximum d’activités du poste d’agent de relations humaines - jeunesse se passe du 15 septembre au 15 décembre et du 15 janvier au 15 juin.

 

En conséquence, nous maintenons notre décision du 16 octobre 1998.

[…] »(sic)

 

 

 

[21.]         Le même jour, monsieur Boisjoly adresse une seconde lettre à la travailleuse.  La Commission des lésions professionnelles retient ce qui suit de celle-ci :

« Votre médecin, le Dr Boctor, a statué en date du 22 octobre 98 votre retour au travail en assignation temporaire à compter du 26 octobre 1998.

 

En conséquence, nous vous demandons de vous présenter au travail le 26 octobre 1998 dans le cadre de tâches allégées dans votre poste d’agent de relations humaines - jeunesse. »(sic)

 

 

 

[22.]         Le 6 novembre 1998, la travailleuse consulte à nouveau le docteur Bastien.  Il complète alors un « Rapport médical »d’évolution sur lequel il indique ce qui suit :

« - entorse thoracique - DIM C2-C3 et C3-C4 G - arthralgies épaule G  Travail 2 demi journées X 2 semaines ».(sic)

 

 

 

[23.]         Le 9 novembre 1998, la travailleuse adresse une lettre à l’agent de la CSST afin de contester l’assignation temporaire proposée par son employeur et autorisée par le docteur Boctor le 22 octobre 1998.

[24.]         Les 20 novembre 1998, 4 décembre 1998 et 15 janvier 1999, la travailleuse consulte le docteur Bastien.  Ce dernier retient le même diagnostic.

[25.]         Le 2 décembre 1998, l’inspecteur P.-A. Bélanger de la CSST complète un « Rapport d’intervention » relativement à la conformité de l’assignation temporaire proposée par l’employeur pour la période débutant le 23 octobre 1998.  La Commission des lésions professionnelles retient notamment ce qui suit de ce rapport :

« Rencontre avec M. Boisjoli :

Le travail décrit sur le formulaire d’assignation temporaire concerne le travail d’agent de relation humaine (ARH ) du programme jeunesse.  L’affectation se limitera aux activités à l’intérieur du CLSC.  L’ARH accueille les clients, à son bureau.  C’est clients peuvent être de tout âge.  Il y a un certain nombre de dossiers qui sont assignés à l’ARH.  D’autres cas peuvent aussi lui être transférés par le bureau d’accueil du CLSC.  En aucun cas on ne s’attend à de la violence dans ces échanges.  Le client est donc reçu au bureau et l’ARH discute avec lui, le conseille et le dirige vers d’autres intervenants le cas échéant.

J’ai visité les deux bureaux que pouvait occupés Mme Rivard pour effectuer son travail.

 

En conclusion, suite à cette première rencontre, je conclus que le poste de travail et la tâche offerte en assignation temporaire sont conformes à la description acceptée par le docteur Broctor.

 

Rencontre avec Mme Rivard :

[…]

Elle ne pouvait, d’après elle, remplir cette assignation puisqu’elle n’avait pas eu l’entraînement nécessaire pour ce poste.  C’est ce que lui aurait dit Mme Isabelle Lachaine du CLSC.  Cet entraînement est couvert par un plan d’adaptation au travail d’une durée de 180 heures.  Elle doit recevoir cette formation avant de travailler à l’accueil.

Mme Rivard me dit que c’est Mme Sylvie Tremblay secrétaire à la clinique médicale à l’Annonciation, (819 275 2118 poste 334) qui a traité son dossier pour les deux médecins qu’elle a vus.  Mme Rivard dit que Mme Tremblay ne connaissait pas le document d’assignation que le docteur Boctor avait signé.  Elle ne l’aurait trouvé que le 16 novembre.

 

 

 

Rencontre avec Mme Tremblay :

Mme Sylvie Tremblay est secrétaire médicale à la clinique de médecine familiale à l’hôpital de l’Annonciation.  Elle m’a remis le bordereau de transmission, daté du 23 octobre et adressé à Linda Landry du centre hospitalier Laurentien (elle s’occupe des dossiers pour le CLSC) concernant l’assignation temporaire signée par le docteur Boctor le 22 octobre 1998.

[…] »(sic)

 

 

 

[26.]         Le 4 décembre 1998, la CSST rend la décision par laquelle elle déclare caduque sa « première décision ».  Cette décision se lit ainsi :

« La présente fait suite à votre lettre de refus d’assignation datée du 9 novembre 1998 et reçue à nos bureaux le 19 novembre 1998.  Une vérification de l’assignation temporaire a été faite par M. Paul-André Bélanger, dont le rapport est en annexe.  De plus, M. Bélanger vous a rencontrée pour connaître vos motifs.

 

L’absence de formation que vous avez mentionnée n’est pas un motif justifiant votre refus d’assignation temporaire puisque votre médecin traitant était en accord avec cette assignation tel qu’en fait foi son rapport signé du 22 octobre 1998.

 

Cependant, depuis ce temps vous avez revu un médecin qui a modifié votre assignation temporaire et vous m’avez confirmé que vous êtes d’accord avec celle-ci.

 

La première décision est donc rendue caduque par cette nouvelle assignation faisant suite au rapport du Docteur Bastien daté du 6 novembre 1998.

[…] »(sic)

 

 

[27.]         Le 19 janvier 1999, la travailleuse est examinée par le docteur J. V. Fowles, orthopédiste et membre du bureau d’évaluation médicale.  Dans son avis écrit, le docteur Fowles pose le diagnostic de myosite du muscle trapèze et établit au jour de son examen la date de consolidation de la lésion.

[28.]         Le 4 février 1999, la CSST refuse la réclamation de la travailleuse pour l’événement du 23 septembre 1998.  La travailleuse demande la révision de cette décision en date du 17 février de la même année.  Il appert des notes évolutives de la CSST, reçues à la Commission des lésions professionnelles le 12 août 1999, que la Direction de la révision administrative ne s’est pas encore prononcée relativement à cette demande de révision.

[29.]         Le 11 février 1999, la CSST rend la décision en litige en révision administrative.  La Commission des lésions professionnelles retient ce qui suit de celle-ci :

« […]

Le 22 octobre 1998, le doctor (sic) Boctor, médecin traitant, autorise le début de l’assignation temporaire le même jour. La travailleuse revoit le 23 octobre 1998 un autre médecin traitant, le docteur Bastien qui émet un rapport médical sur un diagnostic et est d’accord pour une semaine de vacance (sic).  La travailleuse part en vacance (sic) du 24 octobre 1998 au 31 octobre 1998 et revoit son médecin le 6 novembre 1998 qui autorise un retour progressif au travail à raison de deux demies journées pendant deux semaines.

 

La révision administrative est d’avis que d’être en accord avec une semaine de vacance (sic) ne constitue pas un traitement médical et un motif médical pour modifier l’assignation temporaire du 22 octobre 1998.

 

Ainsi, la révision administrative modifie la décision de la Commission du 4 décembre 1998, et déclare que la travailleuse était raisonnablement en mesure d’occuper l’assignation temporaire autorisée par le docteur Boctor le 22 octobre 1998 et applicable le 23 octobre 1998. »

 

 

 

[30.]         À l’audience, la Commission des lésions professionnelles entend le témoignage de la travailleuse.

[31.]         Cette dernière explique qu’en date du 15 octobre 1998, le docteur Boctor lui recommande de consulter un autre médecin de la clinique pour la visite suivante puisqu’il doit s’absenter pour ses vacances.

[32.]         La travailleuse suit le conseil de son médecin et obtient un rendez - vous pour le 23 octobre suivant avec le docteur Bastien.

[33.]         Le 19 octobre 1998, elle reçoit un appel téléphonique de son employeur qui l’informe que son médecin, le docteur Boctor, accepte finalement l’assignation temporaire proposée suite à un entretient téléphonique avec le docteur Behamdouni.

[34.]         La travailleuse communique alors avec la secrétaire de la clinique afin de vérifier l’exactitude de cette information.  Cette dernière lui fait part qu’elle ne retrouve aucun formulaire d’assignation au dossier. La travailleuse décide donc de ne pas se présenter chez l’employeur pour l’assignation temporaire.

[35.]         La travailleuse explique qu’elle consulte le docteur Bastien le 23 octobre 1998, tel que prévu.  Ce dernier lui révèle alors qu’il ne retrouve aucun formulaire d’assignation au dossier.  Il lui administre une infiltration de cortisone et refuse toute assignation.  De plus, il autorise la travailleuse à quitter le pays pour une période de vacances d’une semaine.

[36.]         À son retour de vacances, la travailleuse prend connaissance d’une lettre recommandée de l’employeur qui lui signifie de se présenter au travail en date du 26 octobre 1998 pour occuper le poste proposé en assignation temporaire.  Cette lettre n’est pas accompagnée du formulaire d’assignation temporaire dûment complété par le médecin.

[37.]         La travailleuse explique qu’elle ne se présente pas au travail à l’époque puisque le docteur Bastien recommande un arrêt du travail jusqu’au 6 novembre 1998 inclusivement.

[38.]         Le 9 novembre 1998, la travailleuse accepte, suite aux recommandations du docteur Bastien, de reprendre le travail proposé par l’employeur à temps partiel.

[39.]         La travailleuse déclare qu’elle est incapable de reprendre un tel travail à temps plein à l’époque en raison de l’enflure qu’elle présente, de la position penchée qu’elle doit adopter pour occuper ce type d’emploi et des poids qu’elle doit soulever dans l’exécution de cette tâche.

[40.]         Le 12 novembre 1998, elle reçoit une copie du formulaire d’assignation temporaire par la poste.

[41.]         La travailleuse affirme qu’elle est au courant des démarches entreprises par son employeur pour la réintégrer au travail depuis le tout début.

[42.]         Elle justifie son omission de faire le travail que lui assigne son employeur dès le 23 octobre 1998 par le fait, d’une part, qu’elle n’obtient pas le formulaire d’assignation dûment rempli par son médecin en date du 22 octobre 1998 et, d’autre part, que le docteur Bastien la maintient en arrêt de travail jusqu’au 6 novembre 1998 inclusivement.

[43.]         Elle déclare, finalement, que son état s’est amélioré de façon progressive à compter de son arrêt de travail.

[44.]         La Commission des lésions professionnelles entend également le témoignage de madame Linda Landry, conseillère en santé et sécurité au travail pour le compte de l’employeur.

[45.]         Cette dernière explique que le 16 octobre 1996, le médecin désigné par l’employeur l’informe qu’il est entré en communication avec le médecin qui a charge et que ce dernier accepte l’assignation temporaire proposée.

[46.]         Le même jour, madame Landry communique avec la supérieure immédiate de la travailleuse, madame I. Lachaîne, pour l’informer de cet accord verbal et expédie une copie du formulaire d’assignation au docteur Boctor, pour signature.

[47.]         Le 22 octobre 1998, madame Landry reçoit le formulaire dûment complété et signé par le docteur Boctor.  Elle en expédie une copie par télécopieur à madame Lachaîne le 23 octobre 1998.

[48.]         Madame Isabelle Lachaîne témoigne également à l’audience.

[49.]         Elle déclare qu’elle tente à deux reprises, sans succès, de rejoindre la travailleuse par téléphone en date du 23 octobre 1998.

[50.]         Il ressort des documents déposés en preuve par les parties après l’audience, par ailleurs, qu’un travailleur qui subit une lésion professionnelle dans cet établissement est indemnisé directement par son employeur. 

[51.]         Dans le présent cas, la travailleuse a été indemnisée de la sorte pour la période du 8 au 23 octobre 1998 et à compter du 9 novembre 1998 pour les périodes non travaillées.  La travailleuse n’a donc reçu aucune indemnité pour la période du 24 octobre au 8 novembre 1998.

 

 

AVIS DES MEMBRES

 

[52.]         Le membre issu des associations de travailleurs est d’avis que la travailleuse est raisonnablement en mesure d’accomplir le travail que lui assigne son employeur le 23 octobre 1998, que cette assignation temporaire est donc conforme à la loi, qu’elle conserve son droit à l’indemnité de remplacement du revenu, le cas échéant, qu’il y a lieu de suspendre cette indemnité du 23 octobre au 8 novembre 1998 et qu’à compter du 9 novembre 1998, son indemnité de remplacement du revenu doit être réduite du revenu net tiré de l’emploi exercé à l’assignation temporaire.

[53.]         Le membre issu des associations d’employeurs est du même avis, à l’exception des conclusions qui concernent la période postérieure au 8 novembre 1998, pour laquelle il considère que la travailleuse n’a pas droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu.

MOTIFS DE LA DÉCISION

 

 

[54.]         Dans la présente instance, la Commission des lésions professionnelles doit, dans un premier temps, établir si l’assignation temporaire proposée par l’employeur respecte les dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q. c.A‑3.001)(la loi), à savoir plus particulièrement les conditions énoncées à l’article 179 de la loi.

[55.]         La Commission des lésions professionnelles doit, dans un deuxième temps, déterminer si la travailleuse a droit de recevoir des indemnités de remplacement du revenu pour la période qui précède la date où elle se prévaut de la procédure prévue par le 2e alinéa de l’article 179 de la loi, à savoir du 23 octobre au 8 novembre 1998 ainsi qu’à compter du 9 novembre 1998.

VALIDITÉ DE L’ASSIGNATION TEMPORAIRE

 

 

[56.]         L’article 145 de la loi prévoit qu’un travailleur qui subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique en raison d’une lésion professionnelle a droit à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

[57.]         La procédure d’assignation temporaire prévue par les dispositions de l’article 179 de la loi, par ailleurs, fait partie intégrante du chapitre IV qui traite de la réadaptation.  Cet article est libellé comme suit :

179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que :

1o  le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail ;

2o  ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion ; et

3o  ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S‑2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.

--------

1985, c. 6, a. 179.

 

 

 

[58.]         Dans le dossier qui nous concerne, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que l’assignation temporaire proposée par l’employeur, en date du 22 octobre 1998, respecte les conditions prévues par l’article 179 de la loi.

[59.]         Effectivement, le médecin qui a charge de la travailleuse est d’avis que ce travail répond aux trois conditions énumérées à l’article 179, tel qu’il appert de son avis écrit à cet effet en date du 22 octobre 1998.

[60.]         La Commission des lésions professionnelles ne retient pas l’argument de la travailleuse qui ne se considère pas raisonnablement en mesure d’accomplir le travail proposé en raison de l’enflure qu’elle présente puisque son médecin, qui l’examine en date du 15 octobre 1998, en arrive à la conclusion contraire.

[61.]         La travailleuse ne peut, d’ailleurs, invoquer qu’il y a eu détérioration de son état entre les 15 et 22 octobre 1998 puisqu’elle affirme elle-même, à l’audience, que son état s’est amélioré de façon progressive à compter de son arrêt de travail.

[62.]         La Commission des lésions professionnelles ne retient également pas l’argument à l’effet que le travail proposé implique de soulever des poids et d’adopter une position penchée puisque ces allégations ne sont pas corroborées par les informations qui figurent au formulaire rempli par le docteur Boctor en date du 22 octobre 1998 ainsi qu’au « Rapport d’intervention » de l’inspecteur en date du 2 décembre 1998.

[63.]         La Commission des lésions professionnelles ne retient pas, de plus, les prétentions de la travailleuse à l’effet que l’assignation temporaire n’est pas conforme pour le prétexte qu’elle n’a pas en mains le document signé par son médecin, à l’époque où son employeur lui demande de se présenter au travail.

[64.]         En effet, l’article 179 de la loi précise que l’employeur peut assigner temporairement un travail à un travailleur « si le médecin qui a charge du travailleur croit que » ce travail respecte les conditions qui y sont énumérées.

[65.]         Le 2e alinéa de cet article, qui prévoit la procédure à suivre dans le cas où un travailleur n’est pas d’accord avec son médecin, stipule que le travailleur n’est pas tenu de faire le travail proposé tant que le « rapport du médecin » n’est pas confirmé par une décision finale.

[66.]         Il ressort donc de cet article que le médecin qui a charge est tenu de faire un rapport pour confirmer son avis relativement aux trois conditions qui y sont énumérées.

[67.]         La Commission des lésions professionnelles constate, par ailleurs, que cet article ne fait pas allusion à la nécessité de remettre une copie dudit rapport au travailleur pour assurer la conformité de l’assignation temporaire.  Certes, le travailleur doit être informé de l’accord de son médecin à cet égard puisqu’il peut se prévaloir de la procédure prévue par le 2e alinéa.

[68.]         La Commission des lésions professionnelles constate, cependant, que la travailleuse est avisée verbalement dès le 19 octobre 1998 de l’accord de son médecin à cet effet.  Par la suite, son employeur tente en vain de la contacter afin de discuter des modalités de retour.  D’ailleurs, la travailleuse admet elle-même, à l’audience, que depuis le tout début, elle est au courant des démarches entreprises par son employeur pour la réintégrer au travail.

[69.]         La Commission des lésions professionnelles estime que le fait de communiquer avec la secrétaire de la clinique médicale pour vérifier l’exactitude des informations données par son employeur ou pour obtenir ledit rapport ne soustrait pas la travailleuse de son obligation de faire le travail que lui assigne son employeur puisque la seule situation où cette dernière n’est pas tenue de faire ce travail est prévue par le 2e alinéa de l’article 179 de la loi. 

[70.]         Or, en l’instance, la travailleuse se prévaut de cette procédure en date du 9 novembre 1998 seulement.  Elle est donc tenue de faire le travail que lui assigne son employeur à compter du 23 octobre 1998 et ce, jusqu’au 9 novembre 1998.

INDEMNITÉ DE REMPLACEMENT DU REVENU

 

 

[71.]         La Commission des lésions professionnelles constate, dans un premier temps, que l’assignation temporaire prévue par l’article 179 de la loi ne constitue pas un droit du travailleur.

[72.]         Effectivement, cet article ne fait pas partie de la section I du chapitre IV qui traite des droits des travailleurs en matière de réadaptation.  Il s’agit, en fait, d’une mesure qui permet à un employeur, sous certaines conditions, d’assigner temporairement un travail à un travailleur qui subit une lésion professionnelle pour le réintégrer au travail en attendant qu’il redevienne capable d’exercer son emploi. 

[73.]         Elle permet donc à un employeur de bénéficier d’un certain avantage puisque au cours de la période durant laquelle le travailleur exerce le travail qui lui est assigné temporairement, l’employeur verse à ce dernier le salaire et les avantages liés à son emploi, tel que prévu par l’article 180 de la loi.

[74.]         L’indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur a droit en vertu des dispositions de l’article 44 est alors réduite du revenu net retenu de son nouvel emploi, tel qu’édicté à l’article 52 de la loi.  Ces articles se lisent ainsi :

44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.

Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.

--------

1985, c. 6, a. 44.

 

 

 

52. Malgré les articles 46 à 48 et le deuxième alinéa de l'article 49, si un travailleur occupe un nouvel emploi, son indemnité de remplacement du revenu est réduite du revenu net retenu qu'il tire de son nouvel emploi.

--------

1985, c. 6, a. 52.

 

 

 

[75.]         Comme le salaire lié à l’emploi qu’un travailleur occupe au moment de la manifestation de sa lésion professionnelle est supérieur à l’indemnité de remplacement du revenu calculée en fonction de celui-ci, cette indemnité est ainsi réduite à zéro et l’imputation du coût des prestations dues en raison de cet accident du travail en est d’autant diminuée.

[76.]         L’assignation temporaire revêt donc un intérêt particulier pour un employeur.

[77.]         La Commission des lésions professionnelles constate, par ailleurs, que cette mesure revêt également un intérêt particulier pour les travailleurs.

[78.]         Effectivement, elle facilite leur réintégration au travail, rencontrant ainsi l’objectif même visé par la réadaptation professionnelle, tel qu’il appert des dispositions de l’article 166 de la loi qui édictent ce qui suit :

166. La réadaptation professionnelle a pour but de faciliter la réintégration du travailleur dans son emploi ou dans un emploi équivalent ou, si ce but ne peut être atteint, l'accès à un emploi convenable.

1985, c. 6, a. 166.

[79.]         D’ailleurs, la préoccupation du législateur à cet égard est clairement signifiée à l’intérieur du libellé de l’article 179.  En effet, au paragraphe 3o de cet article, le législateur prévoit que l’assignation temporaire doit être favorable à la « réadaptation du travailleur » qui, en vertu de l’article 145 de la loi, est assurée en vue de permettre la réinsertion sociale et professionnelle du travailleur.

[80.]         La Commission des lésions professionnelles constate également que cette préoccupation du législateur prend une importance de premier plan dans la mesure où la réadaptation est inscrite à l’objet même de la loi, tel qu’édicté par les dispositions de son article premier.

[81.]         La Commission des lésions professionnelles retient, de ce qui précède, que la mesure prévue par l’article 179 de la loi revêt à la fois un intérêt pour l’employeur et le travailleur et que c’est à l’intérieur de ce contexte et dans le cadre de l’objectif visé par cette loi qu’il convient d’analyser la portée de ces dispositions, eu égard au droit de la travailleuse à l’indemnité de remplacement du revenu et au versement de cette indemnité.

[82.]         En l’instance, le droit de la travailleuse à l’indemnité de remplacement du revenu reste à être déterminé puisqu’une décision finale à cet égard n’a pas encore été rendue.

[83.]         La présente décision est donc rendue sous réserve de l’acceptation de la réclamation pour lésion professionnelle du 23 septembre 1998 et du droit à l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse qui en découle.

[84.]         La Commission des lésions professionnelles doit donc établir si, dans la mesure où le droit à l’indemnité de remplacement du revenu lui est reconnu, la travailleuse conserve ce droit pour la période du 23 octobre au 8 novembre 1998, période qui précède la procédure dont cette dernière s’est prévalue pour contester son assignation temporaire.

[85.]         La Commission des lésions professionnelles doit aussi établir si la travailleuse a droit à l’indemnité de remplacement du revenu pour la période qui fait suite à ladite procédure.

[86.]         L’article 44 précité prévoit qu’un travailleur a droit à l’indemnité de remplacement du revenu dans la mesure où il devient incapable d’exercer son emploi en raison d’une lésion professionnelle.

[87.]         L’article 47, par ailleurs, prévoit que ce droit se poursuit tant qu’un travailleur a besoin de réadaptation pour redevenir capable d’exercer son emploi ou un emploi convenable.

[88.]         Le législateur confère une importance marquée à la capacité d’un travailleur à exercer l’emploi qu’il occupe lors de la manifestation de sa lésion professionnelle puisqu’il prévoit une présomption d’incapacité au bénéfice du travailleur, tant que sa lésion professionnelle n’est pas consolidée, tel qu’il appert de l’article 46 de la loi.

[89.]         L’extinction du droit à l’indemnité de remplacement du revenu, d’autre part, est prévue à l’article 57 de la loi.  Cet article énonce ce qui suit :

57. Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants :

1o  lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, sous réserve de l'article 48 ;

2 o  au décès du travailleur ; ou

3 o  au soixante‑huitième anniversaire de naissance du travailleur ou, si celui‑ci est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 64 ans, quatre ans après la date du début de son incapacité d'exercer son emploi.

1985, c. 6, a. 57.

[90.]         La Commission des lésions professionnelles constate que l’assignation temporaire prévue par les dispositions de l’article 179 de la loi est une mesure qui peut être utilisée par un employeur « en attendant qu’un travailleur redevienne capable d’exercer son emploi » ou un emploi convenable. 

[91.]         L’incapacité du travailleur à exercer son emploi n’est donc pas remise en question au moment de l’assignation temporaire. 

[92.]         La Commission des lésions professionnelles estime, en conséquence, que la travailleuse conserve donc nécessairement son droit à l’indemnité de remplacement du revenu pendant toute la durée de l’assignation temporaire.

[93.]         Mais qu’en est-il du versement de cette indemnité?

[94.]         L’article 180 de la loi prévoit un mécanisme spécifique pour la période durant laquelle le travailleur occupe effectivement le poste à l’assignation temporaire, tel que rapporté précédemment.

[95.]         La loi est cependant muette quant au versement de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période qui précède la date où un travailleur se prévaut de la procédure prévue par le 2e alinéa de l’article 179 de la loi.

[96.]         La loi est également muette en ce qui a trait au versement de l’indemnité de remplacement du revenu dans les cas où, à l’instar de la présente, une décision finale vient établir, suite au processus prévu par le 2e alinéa de l’article 179, que le travailleur était raisonnablement en mesure d’occuper le poste à l’assignation temporaire.

[97.]         L’article 142 de la loi prévoit les conditions où la CSST peut réduire ou suspendre le paiement d’une indemnité.  Cet article énonce ce qui suit :

142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :

1o  si le bénéficiaire :

a) fournit des renseignements inexacts ;

b) refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention ;

2o  si le travailleur, sans raison valable :

a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave ;

b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison ;

c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur ;

d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation ;

e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;

f) omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274.

--------

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

 

 

[98.]         Il ressort de ces dispositions que les pouvoirs conférés à la CSST par l’article 142 de la loi sont discrétionnaires.

[99.]         Le paragraphe 2o e), par ailleurs, s’adresse au cas spécifique où un travailleur omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement « et qu’il est tenu de faire conformément à l’article 179 ».  Cette situation se présente donc dans la mesure où le travailleur est « tenu » de faire le travail proposé.

[100.]     La Commission des lésions professionnelles constate qu’une certaine jurisprudence sur le sujet suit le principe en vertu duquel la suspension et la réduction du paiement d’une indemnité ne peuvent, par définition, s’appliquer de façon rétroactive[1].

[101.]     À cet effet, et avec tout le respect pour l’avis contraire, la soussignée considère qu’une application si restrictive de cet article restreint la portée de ces dispositions.

[102.]     À cet égard, il convient de rappeler que ces dispositions doivent être analysées à l’intérieur du contexte auquel il est fait référence précédemment eu égard au fait que l’assignation temporaire, d’une part, revêt un intérêt financier pour l’employeur et, d’autre part, favorise la réadaptation du travailleur.

[103.]     Or, si un travailleur, sans raison valable, omet ou refuse de faire le travail proposé par l’employeur en vertu de l’article 179, il prive ainsi ce dernier du bénéfice conféré par cet article. 

[104.]     Selon le raisonnement suivi par la jurisprudence à laquelle il est fait référence précédemment, la Commission des lésions professionnelles ne peut, le cas échéant, intervenir et rendre la décision qui aurait dû être rendue eu égard au paiement des indemnités, puisque la décision de la Commission des lésions professionnelles est nécessairement postérieure à la période où l’omission ou le refus est exercé.

[105.]     Dans le dossier qui nous concerne, la CSST, en date du 4 décembre 1998, déclare caduque sa décision initiale relative à l’assignation temporaire du 22 octobre 1998 pour le motif qu’une nouvelle assignation temporaire est autorisée par un autre médecin.

[106.]     La Commission des lésions professionnelles considère que cette décision est tout à fait contraire à l’esprit de l’article 179 de la loi.

[107.]     En effet, la procédure qui permet à un travailleur en désaccord avec son médecin de contester son assignation temporaire est clairement définie au 2e alinéa de l’article 179 de la loi et ne fait nullement allusion à l’obtention d’un rapport d’un autre médecin.

[108.]     La Commission des lésions professionnelles considère ainsi que la CSST ne peut annuler ou déclarer caduque l’assignation temporaire autorisée par le docteur Boctor à compter du 22 octobre 1998 en y substituant celle du docteur Bastien qui concerne une période différente.

[109.]     En effet, la travailleuse est tenue de faire le travail proposé à compter du 23 octobre 1998, tel qu’établi précédemment, alors que son employeur offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l’article 180 de la loi.

[110.]     En fait, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il s’agit d’un cas où il y a lieu d’appliquer le paragraphe 2o e) de l’article 142 de la loi et de réduire le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse puisque les raisons invoquées par cette dernière pour justifier ses agissements ne sont pas valables.

[111.]     En effet, la Commission des lésions professionnelles considère que la travailleuse n’a pas fait preuve de bonne foi, en l’instance, et qu’elle a délibérément omis de se présenter au travail ou d’entrer en communication avec son employeur avant son départ pour se soustraire à son obligation d’exercer le travail offert par son employeur en assignation temporaire.

[112.]     La soussignée estime qu’il s’agit, en l’espèce, du type de cas pour lequel les dispositions de l’article 142 de la loi sont expressément prévues et où la CSST aurait dû exercer sa discrétion par la suspension ou la réduction de l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse.

[113.]     La Commission des lésions professionnelles est donc d’avis qu’il y a lieu, dans le présent cas, de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse pour la période du 23 octobre au 8 novembre 1998.

[114.]     La Commission des lésions professionnelles considère, d’autre part, qu’il n’y a pas lieu, en l’instance, de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse à compter du 9 novembre 1998.

[115.]     La Commission des lésions professionnelles constate, effectivement, qu’à compter de cette date, la travailleuse se prévaut de la procédure prévue par le 2e alinéa de l’article 179 de loi.  Or, le législateur y précise spécifiquement que le travailleur « n’est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n’est pas confirmé par une décision finale ».

[116.]     Plusieurs décisions de la Commission d’appel sur le sujet adhèrent au principe en vertu duquel un travailleur doit rembourser l’indemnité de remplacement du revenu versée, pour la période durant laquelle l’assignation temporaire est proposée, dans la mesure où une décision finale confirme le rapport du médecin[2].  Le passage suivant de la décision Hydro‑Québec et R. Larocque[3] illustre bien ce courant :

« La Commission d’appel s’est déjà penchée sur le droit d’un travailleur à une indemnité de remplacement du revenu entre la date du dépôt de sa contestation visant une assignation temporaire de travail offerte par un employeur en vertu de l’article 179 de la loi et la décision finale qui confirme le caractère adéquat de cette assignation temporaire.

La jurisprudence de la Commission d’appel semble divisée sur cette question.

 

En résumé, cinq (5) décisions de la Commission d’appel sont en ce que le travailleur qui conteste l’assignation temporaire a le droit de recevoir l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’une décision finale soit rendue sur sa contestation.  Si la décision rendue lui est défavorable, il devra toutefois rembourser l’indemnité de remplacement du revenu.  Trois autres décisions de la Commission d’appel sont plutôt de l’opinion contraire.

 

Après avoir examiné les dispositions de la loi, analysé la jurisprudence et considéré l’argumentation que les parties développent au soutien de leurs prétentions respectives, la Commission des lésions professionnelles est finalement d’avis que l’indemnité de remplacement du revenu versée au présent travailleur constitue une indemnité reçue sans droit, que le travailleur ne saurait se prévaloir ou bénéficier de l’une ou l’autre des dispositions d’exception prévues par la loi et que celui-ci n’a pas été privilégié à ce jour d’une remise de dette. »

 

 

 

[117.]     La soussignée ne peut se rallier à ce courant jurisprudentiel et estime que les principes repris à l’intérieur des décisions de la Commission d’appel dans les affaires Ville de Jonquière et J. Corneau[4], W. Jaafar et Meubles D.F. Furniture ltée (Les)[5] et Provigo Distribution inc. et J. Roussel[6] reflètent davantage l’intention réelle du législateur en cette matière.

[118.]     En effet, tel que souligné précédemment, l’article 179 de la loi traduit la préoccupation du législateur à l’égard de la réadaptation des travailleurs et se doit d’être interprété sous cet angle. 

[119.]     Le 2e alinéa de cet article prévoit une règle en vertu de laquelle un travailleur ne se retrouve pas dans l’obligation d’exercer un travail s’il est en désaccord avec son médecin et qu’il croit qu’il n’est pas raisonnablement en mesure d’accomplir les tâches auxquelles il est affecté par l’employeur.

[120.]     Dans un tel contexte, il est difficile de concevoir que l’intention du législateur soit de pénaliser un travailleur qui se prévaut d’une procédure prévue spécifiquement pour le soustraire de l’obligation d’exercer un travail.

[121.]     De plus, le législateur ne prévoit aucune disposition qui permet de conclure que le droit à l’indemnité de remplacement du revenu d’un travailleur prend fin dans ces circonstances ou qu’il y a lieu de réduire ou de suspendre le paiement d’une indemnité.

[122.]     Au risque de se répéter, la Commission des lésions professionnelles considère qu’il est faux de prétendre que l’indemnité versée durant ladite période constitue une indemnité reçue sans droit.  Effectivement, ce droit découle de l’incapacité du travailleur à exercer l’emploi qu’il occupe au moment de la manifestation de sa lésion professionnelle et non de la capacité ou de l’incapacité à exercer le poste offert en assignation temporaire.

[123.]     Ainsi, une décision finale qui vient, en outre, confirmer la capacité d’un travailleur à exercer le poste offert en assignation temporaire, n’établit en rien la capacité de ce travailleur à exercer son emploi et ne peut, par conséquent, avoir la portée qu’on semble vouloir lui donner, à savoir de remettre en question le droit à l’indemnité de remplacement du revenu comme tel.

[124.]     Les dispositions de l’article 142 de la loi, par ailleurs, ne trouvent pas application, dans de telles circonstances, puisque le fait de se prévaloir de la procédure prévue par le 2e alinéa de l’article 179 constitue une raison valable qui justifie le refus.

[125.]     En l’instance, la travailleuse conserve donc son droit à l’indemnité de remplacement du revenu malgré la conformité de l’assignation temporaire proposée par l’employeur.

[126.]     La Commission des lésions professionnelles estime, par conséquent, qu’à compter du 9 novembre 1998, l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse doit être réduite seulement du revenu net tiré de l’emploi exercé à l’assignation temporaire, tel que prévu par les dispositions de l’article 52 de la loi.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête de madame Agathe Rivard en date du 11 mars 1999,

INFIRME la décision rendue en révision administrative par la CSST le 11 février 1999,

DÉCLARE que madame Agathe Rivard est raisonnablement en mesure d’accomplir le travail que lui assigne son employeur le 23 octobre 1998, que cette assignation temporaire est donc conforme à la loi, qu’elle conserve son droit à l’indemnité de remplacement du revenu, le cas échéant, qu’il y a lieu de suspendre cette indemnité du 23 octobre au 8 novembre 1998

ET

DÉCLARE qu’à compter du 9 novembre 1998, son indemnité de remplacement du revenu doit être réduite du revenu net tiré de l’emploi exercé à l’assignation temporaire.

 

 

 

Martine Montplaisir

 

Commissaire

 

 

 

 

 

 

 

 

MONSIEUR YVES LABONTÉ

7, rue Charles

Labelle (Québec)  J0T 1H0

 

 

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

 

GAUDREAULT, SAVARD, AVOCATES

Me Lyne Gaudreault

950 A, rue Labelle

Saint-Jérôme (Québec)  J7Z 5M5

 

 

Représentante de la partie intéressée

 

 



[1] Voir à cet effet : Richer et Ville de St-Hubert, (1990) C.A.L.P. 411 ; Fortin et Donohue Normick Inc., (1990) C.A.L.P. 907 ; Salvaggio et Asphalte et pavage Tony inc., (1991) C.A.L.P. 291 .

[2] Normick Perron inc. et Dupuis, 30611-08-9107, 92-06-18, L. McCutcheon, (j4-11-07); Lavigne et Hydro-Québec « Les Atriums », 53709-63-9309, 95-02-07, C. Demers; Levert et Centre hospitalier Laurentien, 71966-64-9508, 96-03-06, L. McCutcheon, révision rejetée, 97-01-20, S. Moreau, requête en évocation rejetée, C.S. Montréal, 500-05-029304-977, 97-06-11, j. Tannenbaum, en appel, C.A. Montréal 500-09-005152-970; T. Murphy et Daishowa inc.79781-03-9605, 97-10-17, G. Godin, Hydro-Québec et R. Larocque, 91302-07-9709, 98-10-21, B. Lemay.

[3]Déjà cité, note 2

[4] 02-00042-8607, 89-01-19, P. Brazeau.

[5] 78498-60-9604, 97-03-17, M. Zigby

[6] 88327-61-9705, 89905-61-9706, 98-01-30, G. Robichaud

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