Carrier c. Université de Sherbrooke |
2012 QCCS 1612 |
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JD 2364 |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
SAINT-FRANÇOIS |
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N° : |
450-17-004428-125 |
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DATE : |
19 avril 2012 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
GAÉTAN DUMAS, J.C.S. |
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AMÉLIE CARRIER et CATHERINE DIONNE et LAURENCE TÔTH et PHILIPPE BÉRARD et SIMON P. SOULIÈRES et GENEVIÈVE LAPOINTE et JULIE DORÉ-RENAUD et MARIE-CHRISTINE FERRON et MARC-OLIVIER DROUIN et CAROLYN HÉBERT et YANNICK GAULIN |
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Demandeurs |
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c. |
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UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE et ASSOCIATION GÉNÉRALE ÉTUDIANTE DE LA FACULTÉ DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES DE L'UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE |
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Défenderesses |
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MOTIFS D'UNE ORDONNANCE D'INJONCTION INTERLOCUTOIRE PROVISOIRE RENDUE SÉANCE TENANTE LE 18 AVRIL 2012 |
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[1] Le tribunal est saisi d'une requête en injonction interlocutoire provisoire greffée à une demande d'injonction permanente afin qu'il soit ordonné aux défendeurs de mettre fin aux piquets de grève qui bloquent l'accès aux salles de cours et aux pavillons de l'Université de Sherbrooke.
[2] Plusieurs déclarations assermentées sont produites au soutien de la requête. Ces déclarations sont signées par des étudiants en :
- Études de politiques appliquées;
- Communication, rédaction et multimédia;
- Communication marketing;
- Politique appliquée;
- Études littéraires et culturelles;
[3] On allègue que depuis l'annonce d'une hausse des frais de scolarité dans les universités de la province, un mouvement de mobilisation étudiante s'est mis en place à l'Université de Sherbrooke.
[4] Depuis le 2 mars 2012, une grève a été déclenchée par référendum, puis par mandat de grève quotidien adopté en assemblée générale.
[5] Le 16 avril, un mandat de grève a été voté.
[6] Depuis le 5 mars, des piquets de grève bloquent physiquement l'accès aux salles de cours selon les affidavits des requérants.
[7] L'Association intimée dépose 91 affidavits d'étudiants qui déclarent que rien ne les empêchent physiquement d'assister à leurs cours.
[8] Les requérants qui ont souscrit aux affidavits mentionnent qu'ils sont inscrits dans des cours mais qu'il leur est impossible de fréquenter ceux-ci puisque les associations étudiantes bloquent l'accès des locaux.
[9] Bien qu'il s'agisse d'une requête en injonction provisoire, le tribunal a été souple sur la procédure et a permis à l'Association de produire des affidavits et même de faire entendre un témoin.
[10] La preuve administrée par l'Association elle-même confirme que les étudiants ne peuvent assister à leurs cours. L'étudiante entendue témoigne ne jamais avoir empêché quelqu'un de franchir les piquets de grève. On tente plutôt de persuader les étudiants de ne pas le faire. Si cela ne réussit pas, on procède à une levée de cours.
[11] La levée de cours consiste à entrer en grand nombre dans un local de classe avec un mégaphone en parlant plus fort que le professeur afin de convaincre les étudiants. Si ceux-ci ne sont pas convaincus, on pourra assister à une mise en scène musicale pendant le cours.
[12] Même si les affidavits produits pouvaient laisser entendre que rien n'empêche les élèves d'assister à leurs cours, la preuve est tout autre.
[13] Tous les requérants déclarent que depuis le 5 mars, ils subissent des pertes monétaires puisqu'ils ont payé pour des frais de scolarité alors qu'ils ne reçoivent pas les cours auxquels ils ont droit. Ils témoignent qu'ils continuent à payer leur loyer et leurs frais de subsistance sans suivre les cours auxquels ils sont inscrits.
[14] Les élèves allèguent que l'Université de Sherbrooke n'a pris aucune mesure pour honorer ses engagements.
[15] Il va de soi qu'il n'appartient pas au tribunal de s'immiscer dans un débat politique lancé suite à une hausse des frais de scolarité. Le tribunal est là pour s'assurer que les droits des justiciables sont respectés. Ces droits comprennent le droit pour les étudiants de manifester de façon paisible et toujours dans le respect des droits des autres.
[16] Le tribunal rappelle l'arrêt de la Cour suprême cité par le procureur de l'Association[1]. Même si la question en litige portait principalement sur le piquetage secondaire, les passages suivants s'appliquent à tout piquetage qu'il soit fait dans le cadre d'une grève ou de tout autre moyen de pression :
« 27 En droit du travail, le piquetage s’entend généralement de l’effort concerté de gens qui portent des affiches dans un endroit public situé dans des lieux d’affaires ou près de ceux-ci. Le piquetage comporte un élément de présence physique qui, à son tour, inclut une composante expressive. Il vise généralement deux objectifs : premièrement, communiquer des renseignements au sujet d’un conflit de travail afin d’amener d’autres travailleurs, les clients de l’employeur frappé par le conflit ou le public en général à appuyer la cause des piqueteurs; deuxièmement, exercer des pressions sociales et économiques sur l’employeur et, souvent par voie de conséquence, sur ses fournisseurs et ses clients (voir, par exemple, Great Atlantic & Pacific Co. of Canada, [1994] OLRB Rep. March 303, par. 32-33, la présidente McCormack).
(…)
32 Sans égard à la définition qu’on en donne, le piquetage comporte toujours une action expressive. À ce titre, il fait intervenir l’une des plus importantes valeurs constitutionnelles, à savoir la liberté d’expression consacrée à l’al. 2b) de la Charte. D’après la jurisprudence de notre Cour, le piquetage primaire et le piquetage secondaire constituent tous deux une forme d’expression même s’ils sont assortis d’actes délictuels : Dolphin Delivery, précité. De plus, notre Cour a confirmé à maintes reprises l’importance de la liberté d’expression. Cette liberté est à la base d’une société démocratique (voir R. c. Sharpe, [2001] 1 R.C.S. 45 , 2001 CSC 2 ; R. c. Keegstra, [1990] 3 R.C.S. 697 ; R. c. Butler, [1992] 1 R.C.S. 452 ). Les valeurs fondamentales que la liberté d’expression favorise comprennent notamment l’accomplissement de soi, la participation à la prise de décisions sociales et politiques ainsi que l’échange d’idées dans la collectivité. La liberté de parole protège la dignité humaine et le droit de penser et de réfléchir librement sur sa situation. Elle permet à une personne non seulement de s’exprimer pour le plaisir de s’exprimer, mais encore de plaider en faveur d’un changement en tentant de persuader autrui dans l’espoir d’améliorer sa vie et peut-être le contexte social, politique et économique général.
(…)
77 Le piquetage qui contrevient au droit criminel ou qui constitue un délit particulier, comme l’intrusion, la nuisance, l’intimidation, la diffamation ou les déclarations inexactes, ne sera pas permis quel que soit l’endroit où il a lieu. »
(Nos soulignés)
[17] Mais puisque bien des choses ont été dites, il y a lieu de les replacer dans leur contexte.
[18] Notre collègue, Jean Lemelin, dans deux récents jugements rendus dans un contexte semblable[2], mentionnait que le mouvement de boycottage engagé par divers étudiants au Québec, ne peut être considéré comme une entrave légale du même type qu'une grève. Il mentionnait :
« En effet, il ne s'agit pas ici d'une grève légale au sens juridique du terme en droit québécois. Les lois du Québec consacrent le droit à la grève à certaines personnes et à certaines conditions très strictes. Le boycottage des étudiants ne peut pas être assimilé à une grève. Il n'a pas la légalité d'une grève et ne jouit pas de la protection que les tribunaux accordent à une grève légale. »
[19] Ainsi, comme le concluait notre collègue Gilles Blanchet, dans la décision qu'il a rendue dans Jourdain c. Université du Québec à Rimouski (UQAR)[3] :
« De fait, contrairement au domaine des relations de travail, où un vote de grève lie l'ensemble des travailleurs concernés, il n'existe dans notre droit aucun système en vertu duquel chaque membre d'une association étudiante serait lié par une décision, même majoritaire, prévoyant le boycottage des cours comme moyen de pression. »
[20] D'autre part, il ajoutait que bien qu'il ne s'agisse pas d'une grève au sens du Code du travail, il n'est tout de même pas nécessaire d'ordonner aux étudiants de cesser de manifester s'ils le désirent.
[21] Bien que les étudiants ne soient pas liés par un vote majoritaire de leur Association Étudiante prévoyant un boycottage des cours, un étudiant ne peut se plaindre du fait que d'autres étudiants boycottent les cours.
[22] De la même façon, si l'Association vote contre le boycottage des cours, un étudiant pourrait tout de même décider de rester chez lui et de boycotter ses cours en guise de protestation.
[23] Le mouvement de boycottage des cours organisé par les associations étudiantes s'apparente à tout autre boycottage qui pourrait être organisé contre un fabricant de jus de raisin ou d'un magasin à grande surface. On ne peut obliger ou empêcher une personne de faire affaire avec un fabricant de jus de raisin ou un magasin de grande surface. Il s'agit d'un choix individuel. Si un groupe décide d'organiser un boycottage de quelque entreprise que ce soit, il peut le faire. Par contre, si une personne décide de boycotter une entreprise il ne pourra pas pour autant bloquer l'accès de cette entreprise.
[24] Il en est de même dans le cas des universités.
[25] Les étudiants qui ont déjà payé pour les services qu'ils devaient recevoir n'ont aucune obligation de les recevoir. Ils peuvent donc rester à leur domicile s'ils le désirent. Ce qu'ils ne peuvent pas faire, c'est d'empêcher d'autres étudiants qui ont payé pour les services de recevoir ceux-ci.
[26] La Cour supérieure, dans le dossier Tremblay c. Université de Sherbrooke[4] mentionnait :
« Lorsqu'une université accepte des étudiants à un programme défini devant mener à un grade spécifique et que les étudiants ont commencé à suivre ces cours, il se forme entre l'université et ces étudiants un contrat innomé. En abolissant le cours unilatéralement l'université contrevient à son obligation et encourt les sanctions prévues à l'article 1065 C.C.
Les demandeurs, en observant les règlements de l'Université et de la Faculté, en suivant les cours et en se conformant à toutes les conditions, avaient indéniablement le droit de continuer le programme jusqu'à la fin et obtenir, en cas de succès, la licence en pédagogie (option supervision scolaire). Ce droit leur était acquis et la défenderesse ne pouvait unilatéralement les supprimer. »
[27] Notre collègue Claude Tellier dans Fédération des médecins résidents du Québec c. Université de Montréal[5] qualifiait le contrat entre l'université et l'étudiant de contrat sui generis, qui est spécifique aux parties et qui exprime la rencontre de leur volonté et que l'on identifiera comme le contrat universitaire.
[28] Les étudiants sont donc en droit d'exiger de l'Université qu'elle remplisse ses obligations contractées en vertu de ce contrat sui generis.
[29] Les critères pour accorder une injonction interlocutoire provisoire sont bien connus. Notre collègue, Bernard Godbout, en a fait la revue dans Proulx c. Université Laval[6]. Notre collègue, Gilles Blanchet, en fait également une étude dans Jourdain c. Université du Québec à Rimouski[7].
[30] Les articles 751 , 752 et 753 C.p.c. prévoient :
« 751. L'injonction est une ordonnance de la Cour supérieure ou de l'un de ses juges, enjoignant à une personne, à ses dirigeants, représentants ou employés, de ne pas faire ou de cesser de faire, ou, dans les cas qui le permettent, d'accomplir un acte ou une opération déterminés, sous les peines que de droit.
752. Outre l'injonction qu'elle peut demander par requête introductive d'instance, avec ou sans autres conclusions, une partie peut, au début ou au cours d'une instance, obtenir une injonction interlocutoire.
L'injonction interlocutoire peut être accordée lorsque celui qui la demande paraît y avoir droit et qu'elle est jugée nécessaire pour empêcher que ne lui soit causé un préjudice sérieux ou irréparable, ou que ne soit créé un état de fait ou de droit de nature à rendre le jugement final inefficace.
753. La demande d'injonction interlocutoire est faite au tribunal par requête écrite appuyée d'un affidavit attestant la vérité des faits allégués et signifiés à la partie adverse, avec un avis du jour où elle sera présentée. Dans les cas d'urgence, un juge peut toutefois y faire droit provisoirement, même avant qu'elle n'ait été signifiée. Toutefois, une injonction provisoire ne peut en aucun cas, sauf du consentement des parties, excéder 10 jours. »
[31] Le tribunal croit que les requérants ont droit au remède recherché. De plus, il y a urgence puisque leur session est compromise. Le juge Godbout dans Proulx c. Université Laval[8] se questionnait sur l'urgence d'accorder l'injonction même s'il y avait possibilité de prolongation de la session. Il indique :
« [42] Cela fait en sorte que M. Proulx pourra terminer ses trois cours «prérequis», mais la question demeure, comment pourra-t-il être compensé par ailleurs de sa perte financière? Que pourra-t-il réclamer? Auprès de qui pourra-t-il réclamer? La démarche risque d'être laborieuse. »
[32] S'il y a perte de la session, les dommages seront encore plus élevés. Déjà, en 1973, dans Tremblay c. Université de Sherbrooke[9], le juge mentionnait en discutant des dommages possibles :
« (…) il y a plusieurs possibilités, par exemple il se peut qu'un étudiant soit obligé de recommencer à zéro ailleurs et dans ce cas, tous les frais encourus pour ses cours à l'université de Sherbrooke deviennent inutiles et partant représentent un dommage. Il se peut également que l'étudiant puisse continuer ses études ailleurs sans perdre le bénéfice des cours suivis jusqu'alors à Sherbrooke, et dans ce cas il ne subit aucun dommage, et il y a des cas intermédiaires. »
[33] Sans être dans la même formulation, c'est un peu ce que plaident les requérants. Les dommages irréparables plaidés sont souvent hypothétiques, on ne les connaît pas encore, ils sont donc difficilement évaluables.
[34] Mais il y a plus. Comme nous l'avons déjà mentionné, il existe un contrat entre l'Université et les étudiants. Ce contrat est formé dès que l'Université accepte un étudiant dans ses programmes universitaires.
[35] Pour les étudiants qui choisissent volontairement de sacrifier leur session en se disant qu'il n'y a aucun risque, il n'y a rien à faire, c'est leur droit. Par contre, pour les autres étudiants à qui on a empêché l'accès à l'Université et qui risquent de voir leur session compromise, qu'est-ce qui leur garantit qu'ils pourront recommencer leur session l'automne prochain?
[36] Pourquoi les étudiants qui boycottent volontairement leurs cours cette session-ci auraient-ils priorité sur des étudiants qui ont été acceptés dans le programme l'an prochain? Les universités, qui ont accepté des étudiants pour la prochaine session, ont un contrat sui generis avec ceux-ci. Il nous semble que le risque pour les demandeurs de perdre leur préséance pour la prochaine session est un motif supplémentaire qui confirme l'urgence de la situation.
[37] La question se pose également au niveau collégial. Si un étudiant de première année décide de sacrifier son année scolaire, pourquoi aurait-il préséance sur les étudiants de cinquième secondaire?
[38] Une autre question se soulève. Il semble que plusieurs professeurs à titre personnel ou en association donnent leur soutien moral à la grève; 33 affidavits de membres du personnel ont été produits. Par contre, il n'y a encore aucun signe que ce soutien moral pourrait se traduire en bénévolat de leur part.
[39] Ainsi, si les sessions sont prolongées, qui paiera les professeurs ou les chargés de cours pour enseigner? Il y aura un point de non-retour où les étudiants ayant volontairement choisi le boycottage ne pourront exiger de l'université qu'elle engage des dépenses supplémentaires pour dispenser les cours. Si l'université a rempli son contrat en offrant les cours, il n'est pas certain que ceux qui ont volontairement manqué les cours pourront les reprendre sans frais.
[40] Autant de questions qui militent en faveur de l'octroi de l'ordonnance réclamée. La balance des inconvénients penche du côté des requérants et il y a urgence.
[41] Nous l'avons déjà dit, il ne s'agit pas d'une grève, mais d'un mouvement de boycottage. Les étudiants ont le droit de manifester. Par contre, ils n'ont sûrement pas plus de droits que des syndiqués qui manifestent dans le cadre d'une grève légale.
[42] Pourtant, on sait que les piquets de grève sont faits dans le but de faire connaître au public en général les revendications qu'ont les travailleurs.
[43] Le soussigné a déjà eu à se prononcer sur l'interdiction de dresser des piquets de grève sur les terrains appartenant à l'Université de Sherbrooke. Il s'agit d'un dossier qui opposait l'Université de Sherbrooke au Syndicat des employées et employés de soutien de l'Université de Sherbrooke (scfp 7498)[10]. Dans ce cas, l'Université faisait face à une grève légale, mais demandait une ordonnance pour interdire aux syndiqués de dresser leurs piquets de grève sur le terrain de l'Université.
[44] Rappelons que l'état du droit est fixé au Canada sur l'interdiction de manifester sur la propriété privée depuis l'arrêt Harrison c. Carswell[11].
[45] Bien sûr, si l'Université accepte de mettre à la disposition des étudiants une partie de son terrain pour qu'ils puissent manifester sans danger pour leur sécurité, elle pourra le faire, mais cela serait fait suite à une entente avec les étudiants. C'est d'ailleurs ce que l'université a fait dans le dossier précité.
[46] Dans le même sens, notre collègue, Suzanne Tessier, dans Ugo de Montigny & al c. Université du Québec en Outaouais (UQO)[12] a ordonné aux étudiants de tenir leurs manifestations à au moins 25 mètres des entrées des pavillons de l'université.
[47] Finalement, il a été souvent répété que nul ne peut plaider au nom d'autrui. En conséquence, certaines ordonnances ont été limitées à certains étudiants en particulier.
[48] Évidemment, lorsqu'il n'y a qu'un seul requérant, la question se pose plus que lorsqu'il y a plusieurs requérants. Le droit des étudiants ne comprend pas seulement celui de fréquenter les salles de classe où se donnent leurs cours. Ils comprennent également celui de fréquenter la bibliothèque, le centre sportif et tous les autres services auxquels ils ont droit en vertu de leur contrat avec l'université.
[49] Certains requérants n'étaient pas présents. Par contre, la requête déposée était tout de même validement déposée ainsi que leurs affidavits. Ils n'avaient pas à être physiquement présents pour que jugement soit rendu.
[50] De plus, le tribunal ne croit pas qu'il y aurait avantage à être enseveli par un nombre incalculable de requêtes en injonction pour chaque département ou pour chaque cours.
[51] On a d'ailleurs plaidé que le grand nombre d'injonctions accordées confirme que l'on n'a pas utilisé le recours à l'injonction dans un cadre exceptionnel. Exiger que les étudiants de chaque faculté déposent des demandes en injonction permettrait de plaider que le recours n'est pas exceptionnel si on suit la logique de l'Association.
[52] Il sera donc ordonné à l'Association Étudiante de laisser libre accès à l'Université. Cette ordonnance s'appliquera à tous les étudiants qui fréquentent la Faculté des lettres et sciences humaines de l'Université de Sherbrooke ou d'autres facultés. Il sera également ordonné à l'Université de Sherbrooke de dispenser les cours auxquels les étudiants ont droit.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[53] ACCUEILLE la requête;
[54] ACCORDE provisoirement, pour une période de 10 jours, soit jusqu'au 28 avril 2012 à 17 heures, une injonction interlocutoire provisoire ordonnant à l'Université de Sherbrooke de dispenser ses cours de façon normale;
[55] ORDONNE à l'Association générale des étudiants de la Faculté des lettres et sciences humaines de l'Université de Sherbrooke, à ses membres et à tout étudiant de l'Université de Sherbrooke de laisser libre accès aux établissements et pavillons où sont dispensés les cours et de cesser toute intimidation, piquetage, menaces et manifestations ayant pour effet d'empêcher l'accès aux cours et à la tenue des cours à l'Université de Sherbrooke;
[56] ORDONNE aux étudiants de l'Université de Sherbrooke et à toute autre personne, quelle qu'elle soit ayant connaissance de la présente ordonnance, de ne pas entrer dans les locaux où se donnent des cours pour en entraver la bonne marche,
[57] ORDONNE aux étudiants de l'Université de Sherbrooke et à toute autre personne, quelle qu'elle soit ayant connaissance de la présente ordonnance de tenir leurs manifestations à au moins 25 mètres des entrées de l'Université de Sherbrooke et à nul endroit sur les terrains de l'Université de Sherbrooke, à moins d'un consentement écrit de l'Université indiquant l'endroit où les manifestations peuvent avoir lieu.
[58] DISPENSE les demandeurs de fournir un cautionnement;
[59] DISPENSE la signification du présent jugement;
[60] ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement nonobstant appel;
[61] FIXE au 23 avril pro forma l'audition de la requête en injonction interlocutoire;
[62] LE TOUT frais à suivre le sort de la cause.
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__________________________________ GAÉTAN DUMAS, J.C.S. |
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Yannick Gaulin et al. |
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Personnellement |
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Me Finn Makela |
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Procureur de l'AGEFLESH |
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Me Martin Brunet Monty Coulombe Procureurs de l'Université de Sherbrooke
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Date d’audience : |
18 avril 2012 |
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[1] S.D.G.M.R., section locale 558 c. Pepsi-Cola Canada Beverages (West) Ltd., [2002] 1 R.C.S. 156 .
[2] Déry c. Duchesne et al. C.S. Alma 160-17-000015-129 (30 mars 2012); Morasse c. Université Laval, C.S. Québec 200-17-016231-128 (12 avril 2012).
[3] District de Rimouski, no 100-17-001284-126, 16 avril 2012, j. Gilles Blanchet.
[4] [1973] C.S. 999 , à la page 1001.
[5] [1994] R.J.Q. 1650 .
[6] District de Québec, no 200-17-016175-127, 3 avril 2012, j. Bernard Godbout.
[7] District de Rimouski, no 100-17-001284-126, 16 avril 2012, j. Gilles Blanchet.
[8] 2012 QCCS 1384 .
[9] [1973] C.S. 999 , page 1008.
[10] 2011 QCCS 5400 .
[11] (1976) 2 R.C.S. 200 .
[12] C.S. district de Hull, no 550-17-006496-127, 13 avril 2012, j. Tessier.
AVIS :
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