Marché S. Maltais inc. et Carrier |
2012 QCCLP 3053 |
|
||
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
||
|
||
|
||
Trois-Rivières |
4 mai 2012 |
|
|
||
Région : |
Mauricie-Centre-du-Québec |
|
|
||
|
||
Dossier CSST : |
137793998 |
|
|
||
Commissaire : |
Diane Lajoie, juge administratif |
|
|
||
Membres : |
Denis Gagnon, associations d’employeurs |
|
|
Robert Goulet, associations syndicales |
|
|
|
|
______________________________________________________________________ |
||
|
||
|
||
462478 |
||
|
|
|
Marché S. Maltais inc. |
Marché S. Maltais inc. |
|
Partie requérante |
Partie requérante |
|
|
|
|
et |
|
|
|
|
|
Nathalie Carrier |
|
|
Partie intéressée |
|
|
|
|
|
|
|
|
______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
Dossier 453144-04-1111
[1] Le 1er novembre 2011, Marché S. Maltais inc. (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) le 27 septembre 2011, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue initialement le 15 juin 2011 et refuse de suspendre les indemnités de remplacement du revenu de madame Nathalie Carrier (la travailleuse) à compter du 13 juin 2011, comme le lui demande l’employeur.
Dossier 462478-02-1202
[3] Le 15 février 2012, l’employeur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 6 février 2012, à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue initialement le 4 novembre 2011 et déclare que la totalité du coût des prestations dues en raison de la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 29 mars 2011 doit être imputée au dossier de l’employeur.
[5] Une audience a été convoquée devant la Commission des lésions professionnelles le 24 avril 2012. Toutefois, l’employeur a renoncé à cette audience et a fait parvenir au tribunal une argumentation écrite au soutien de ses deux requêtes.
[6] L’argumentation écrite de l’employeur a été soumise à la travailleuse. Madame Carrier a par la suite avisé le tribunal de son absence à l’audience, en demandant qu’une décision soit rendue sur dossier et en précisant qu’elle estimait n’avoir commis aucune erreur dans cette affaire.
[7] En conséquence, l’affaire est prise en délibéré le 24 avril 2012 et le tribunal rend la présente décision sur dossier.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
[8] Dans le dossier 453144, l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que les indemnités de remplacement du revenu dues à la travailleuse doivent être suspendues à compter du 13 juin 2011.
[9] De façon subsidiaire, si le tribunal en vient à la conclusion qu’il n’y a pas lieu de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu, l’employeur lui demande de transférer aux employeurs de toutes les unités le coût de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 13 juin 2011 au 5 juillet 2011, parce que l’imputation du coût de cette indemnité à son dossier a pour effet de l’obérer injustement.
LA PREUVE
[10] Du dossier constitué par la Commission des lésions professionnelles, le tribunal retient les éléments pertinents suivants.
[11] À l’époque pertinente, la travailleuse occupe le poste de gérante de la charcuterie chez l’employeur. Le 29 mars 2011, en déplaçant de la marchandise, elle se blesse au bas du dos.
[12] Le 31 mars 2011, le docteur Roy diagnostique une entorse sacro-iliaque gauche et prescrit un arrêt de travail jusqu’au 10 avril suivant.
[13] Le 10 avril 2011, la docteure Lavertu retient le diagnostic de lombalgie mécanique. Elle prolonge l’arrêt de travail jusqu’au 26 avril 2011, puis jusqu’au 10 mai et 10 juin 2011.
[14] Le 7 juin 2011, la docteure Lavertu signe un formulaire d’assignation temporaire d’un travail. Pour la période du 7 au 10 juin 2011, elle autorise un travail assis seulement et lors duquel la travailleuse peut se lever au besoin.
[15] Le 10 juin 2011, la docteure Lavertu revoit la travailleuse. Sur le rapport médical CSST, elle reprend le diagnostic de lombalgie mécanique. Elle autorise le travail assis pour un maximum de 4 heures par jour et la travailleuse doit pouvoir se lever au besoin.
[16] Ce même jour, la travailleuse s’entretient avec l’agente de la CSST. Elle mentionne que le retour au travail de façon progressive a été autorisé par son médecin. Elle recommence le 13 juin 2011, à raison de 4 heures par jour.
[17] Il appert des notes évolutives que le 13 juin 2011, la travailleuse se présente au travail et débute l’assignation temporaire. Après une heure, elle quitte les lieux du travail, sans aviser personne.
[18] Selon les notes au dossier, la travailleuse n’a pas rapporté à son employeur le formulaire d’assignation temporaire qui lui avait été remis pour la visite médicale du 10 juin 2011 parce que son médecin aurait dit que ce n’était pas nécessaire.
[19] Toujours le 13 juin, l’agente de la CSST s’entretient avec la travailleuse. Cette dernière mentionne qu’elle se sent diminuée par les tâches qui lui sont assignées. Selon le dossier, elle vend des chandails au profit de la Fondation Charles Bruneau.
[20] Le 13 juin 2011, l’employeur demande à la CSST, conformément à l’article 142 de la loi, de suspendre les indemnités de la travailleuse parce qu’elle a omis d’effectuer l’assignation temporaire proposée par l’employeur et autorisée par son médecin.
[21] Le 15 juin 2011, la CSST refuse de suspendre les indemnités. Cette décision sera confirmée le 27 septembre 2011, à la suite d’une révision administrative. La CSST retient que le médecin de la travailleuse n’a pas formellement communiqué son avis favorable concernant une assignation temporaire à partir du 11 juin 2011. L’employeur conteste maintenant cette décision devant le tribunal.
[22] Le 17 juin 2011, la travailleuse démissionne de son emploi chez l’employeur.
[23] Le 29 juin 2011, l’employeur présente une demande de transfert de coûts à la CSST, alléguant qu’il est obéré injustement à compter du 13 juin 2011.
[24] Le 12 juillet 2011, la docteure Lavertu complète un formulaire d’assignation temporaire d’un travail. Elle y indique qu’à compter du 10 juin 2011, et pour une période indéterminée, la travailleuse peut exécuter un travail assis et doit pouvoir se lever au besoin.
[25] Le 12 juillet 2011, l’employeur présente une nouvelle demande à la CSST afin qu’elle suspende les indemnités de la travailleuse qui omet d’effectuer l’assignation temporaire.
[26] Le 18 juillet 2011, la CSST rend une décision par laquelle elle suspend l’indemnité de remplacement du revenu due à la travailleuse à compter du 15 juillet 2011 parce qu’elle a omis ou refusé, sans raison valable, d’exécuter l’assignation temporaire offerte par l’employeur et autorisée par son médecin.
[27] Le 19 juillet 2011, l’employeur demande à la CSST de transférer aux employeurs de toutes les unités le coût de toutes les sommes versées à la travailleuse à compter du 13 juin 2011.
[28] Le 19 juillet 2011, la docteure Lavertu parle d’une entorse lombaire vs une sacro-iléite. Elle demande une scintigraphie. Elle autorise les travaux légers assis avec possibilité de se lever au besoin jusqu’au 29 juillet 2011.
[29] Le 26 juillet 2011, la docteure Lavertu prescrit l’arrêt de travail. Elle assure par la suite le suivi médical et maintient l’arrêt de travail.
[30] Le 6 octobre 2011, la travailleuse est examinée par le docteur Gagnon, orthopédiste et membre du Bureau d'évaluation médicale. Il conclut que la lésion est consolidée le 5 juillet 2011, sans nécessité de soin ou de traitement, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[31] Le 25 octobre 2011, la CSST rend une décision en conséquence de cet avis du Bureau d'évaluation médicale. Elle déclare de plus que la travailleuse est capable d’exercer son emploi et que le versement des indemnités de remplacement du revenu cesse le 20 octobre 2011. La CSST déclare enfin que la travailleuse n’a pas à rembourser l’indemnité de remplacement du revenu reçue entre le 5 juillet 2011 et le 20 octobre 2011. Cette décision n’a pas été contestée. Elle est donc devenue finale et elle lie le tribunal.
[32] Le 4 novembre 2011, la CSST refuse la demande de transfert de coûts de l’employeur. Cette décision est confirmée le 6 février 2012, à la suite d’une révision administrative, d’où le second litige.
L’AVIS DES MEMBRES DANS LE DOSSIER 453144-04-1111
[33] Le membre issu des associations syndicales est d’avis de rejeter la requête de l’employeur. Il estime qu’en l’absence d’un formulaire d’assignation temporaire d’un travail dûment complété par le médecin qui a charge de la travailleuse, cette dernière n’avait pas à effectuer l’assignation temporaire. En conséquence, la CSST ne pouvait pas suspendre l’indemnité de remplacement du revenu.
[34] Le membre issu des associations d’employeurs ne partage pas cet avis et estime que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu devait être suspendu à compter du 13 juin 2011. À son avis, il appert clairement du rapport médical CSST du 10 juin 2011 que le médecin qui a charge de la travailleuse a reconduit l’autorisation de l’assignation temporaire, aux mêmes conditions. D’ailleurs, la travailleuse l’a confirmé à la CSST le jour même et elle s’est présentée au travail le 13 juin 211 pour exécuter les travaux légers. Dans la mesure où les dispositions de la loi sont respectées, l’absence d’un formulaire d’assignation temporaire d’un travail ne justifie pas l’omission d’exécuter les tâches autorisées par le médecin. Enfin, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que ce n’est pas parce que l’assignation temporaire ne plaît pas à la travailleuse que cette assignation ne respecte pas l’objectif de la loi.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[35] Dans le dossier 453144, la Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST devait suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu due à la travailleuse à compter du 13 juin 2011.
[36] Dans le dossier 462478, le tribunal doit décider si l’employeur a droit à un transfert du coût de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période du 13 juin au 5 juillet 2011.
[37] La suspension de l’indemnité de remplacement du revenu est prévue à l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) :
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :
1° si le bénéficiaire :
a) fournit des renseignements inexacts;
b) refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;
2° si le travailleur, sans raison valable :
a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;
b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;
c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;
d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;
e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;
f) omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274 .
__________
1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
[38] En l’espèce, l’employeur réfère au paragraphe 2 e) de cette disposition. Il soumet que la travailleuse a omis ou refusé d’effectuer l’assignation temporaire autorisée par son médecin. La CSST a refusé de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu parce qu’aucun formulaire d’assignation temporaire n’a été signé par le médecin qui a charge de la travailleuse pour la période après le 10 juin 2011.
[39] L’assignation temporaire d’un travail est prévue à l’article 179 de la loi :
179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que :
1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;
2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et
3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.
Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.
__________
1985, c. 6, a. 179.
[40] L’article 179 de la loi ne prescrit pas de procédure particulière selon laquelle le médecin qui a charge doit émettre son avis sur le travail temporaire proposé par l’employeur. Dans ce contexte, le tribunal estime que l’omission du médecin de la travailleuse de remplir le formulaire conçu par la CSST n’a pas pour effet d’invalider l’assignation temporaire[2].
[41] En l’espèce, le tribunal retient de la preuve que sur le rapport médical du 10 juin 2011, le médecin de la travailleuse reconduit clairement l’autorisation de l’assignation temporaire déjà donnée sur le formulaire du 7 juin 2011, et ce, aux mêmes conditions. Cela équivaut à reconnaître que la travailleuse est raisonnablement en mesure d’accomplir ce travail et que ce travail ne comporte pas de danger pour la travailleuse, compte tenu de sa lésion.
[42] De plus, il appert du dossier que la travailleuse a elle-même informé la CSST que le retour au travail progressif se faisait à compter du 13 juin 2011. Elle s’est d’ailleurs présentée au travail le 13 juin 2011.
[43] La travailleuse n’a d’aucune façon manifesté de désaccord avec son médecin concernant l’assignation temporaire et elle ne s’est pas prévalue de la procédure lui permettant de contester l’assignation temporaire[3].
[44] Dans ces circonstances, les conditions de l’article 179 de la loi sont remplies et l’absence d’un formulaire ne saurait invalider l’assignation temporaire.
[45] La preuve révèle que la travailleuse a quitté le travail le 13 juin 2011 après environ une heure, sans aviser personne. Il n’est pas démontré que c’est son état de santé qui l’a obligée à quitter le travail ce jour-là. L’article 128 de la loi ne peut donc pas s’appliquer :
128. Le retour au travail d'un travailleur à la suite d'un avis médical n'interrompt pas le versement de l'indemnité de remplacement du revenu si son état de santé relatif à sa lésion l'oblige à abandonner son travail dans la journée du retour.
__________
1985, c. 6, a. 128.
[46] La travailleuse a plutôt mentionné qu’elle se sentait diminuée par les tâches qui lui étaient assignées temporairement. Compte tenu des tâches assignées à la travailleuse, le tribunal juge qu’il ne s’agit pas d’une raison valable justifiant son omission d’effectuer l’assignation temporaire, au sens de l’article 142 de la loi.
[47] En conséquence, la CSST aurait dû, conformément à l’article 142 de la loi, suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 13 juin 2011.
[48] Il appert du dossier que la travailleuse a démissionné de son emploi le 17 juin 2011. Le tribunal estime qu’à compter de cette date, la travailleuse recouvre le droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu, sa démission constituant alors une raison valable de ne pas effectuer l’assignation temporaire.
[49] La soussignée partage l’opinion exprimée par le juge administratif Tremblay dans l’affaire Bar-Salon Vénus[4] à savoir que la démission de la travailleuse n’a pas pour effet de lui faire perdre son droit à l’indemnité de remplacement du revenu, alors qu’une assignation temporaire avait été autorisée par le médecin traitant. La démission ne met fin qu’au lien d’emploi et n’a pas d’incidence sur le droit de la travailleuse de recevoir l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle elle a droit.
[50] Conclure autrement reviendrait à contraindre un travailleur à garder un emploi, peu importe les circonstances ou les raisons qui pourraient l’amener à démissionner, pour conserver son droit à l’indemnité de remplacement du revenu à la suite d’une lésion professionnelle.
[51] La démission d’un travailleur ne fait pas partie des motifs d’extinction du droit à l’indemnité de remplacement du revenu prévus à l’article 57 de la loi.
[52] En conclusion, le tribunal est d’avis que la CSST aurait dû suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu due à la travailleuse pour la période du 13 juin au 16 juin 2011 inclusivement.
[53] Le tribunal doit maintenant décider si l’employeur a droit à un transfert du coût de l’indemnité de remplacement du revenu. Dans son argumentation écrite, il demande un transfert de ce coût pour la période du 13 juin 2011 au 5 juillet 2011 alléguant que l’imputation de ce coût à son dossier a pour effet de l’obérer injustement, au sens de l’article 326 de la loi :
326. La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.
L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.
__________
1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.
[54] Étant donné que le tribunal conclut que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu doit être suspendu entre le 13 juin et le 16 juin 2011, il y a lieu de se demander si l’imputation du coût de cette indemnité pour la période comprise entre le 17 juin 2011 et le 5 juillet 2011 a pour effet d’obérer injustement l’employeur.
[55] À compter du 17 juin 2011, la seule raison qui empêche l’employeur d’assigner la travailleuse aux travaux légers est sa démission, et ce, jusqu’au moment de la consolidation de la lésion le 5 juillet 2011, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.
[56] En effet, il appert du dossier que le médecin qui a charge a autorisé l’assignation temporaire le 10 juin 2011 pour une période indéterminée et que le 19 juillet 2011, la même assignation temporaire est toujours autorisée.
[57] Le tribunal estime qu’il est injuste d’imputer à l’employeur le coût de l’indemnité de remplacement du revenu pour la période durant laquelle, n’eût été de la démission de la travailleuse, une assignation temporaire aurait été possible.
[58] Toutefois, pour faire droit au transfert de coûts demandé, encore faut-il que l’imputation injuste ait pour effet d’obérer l’employeur. Comme l’écrit le juge administratif Martel[5] :
[10] Sur le fond, avec respect pour l’opinion contraire, le soussigné est d’avis que la simple démonstration que la travailleuse n’a pu être assignée temporairement à des travaux légers ne suffit pas à conclure que son employeur a été obéré injustement. En effet, à lui seul, cet élément peut convaincre le tribunal, selon les circonstances révélées par la preuve, de l’injustice de la situation, mais, en soi, il n’établit pas que l’imputation a pour effet de l’obérer.
[11] Selon la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles, l’employeur a le fardeau de démontrer que l’imputation à son dossier du coût des prestations dont le transfert est demandé entraîne un impact financier appréciable pour lui.
[12] L’existence d’une situation injuste pour l’employeur n’entraîne pas automatiquement le transfert de l’imputation.
[13] La démonstration que l’employeur requérant doit faire implique la preuve du fardeau financier accru que l’imputation contestée fait peser sur lui. Selon l’espèce, la signification et l’étendue du concept « obérer » peut varier. Dans certains cas, on soutiendra que le requérant est obéré par le simple fait que l’imputation lui fait assumer des coûts qui auront une influence, même mineure, sur la détermination de son taux de cotisation. À l’extrême opposé, on invoquera que l’imputation faite met l’existence même de l’entreprise en péril en ce qu’elle peut provoquer sa faillite. Dans d’autres cas encore, on invoquera, par exemple, que l’imputation aura pour résultat d’imposer à l’employeur une charge financière significative ou lourde ou même excessivement onéreuse. Il appartient au tribunal de décider, dans chaque affaire, si la preuve offerte justifie l’allégation de la partie requérante voulant qu’elle soit obérée. Dans tous les cas, l’impact financier de l’imputation, quel que soit son degré d’importance, doit être établi.
[14] Parfois, dans les cas similaires à celui sous étude, à savoir que le transfert demandé ne vise qu’une partie de l’ensemble du coût des prestations versées, soit pour la période au cours de laquelle un travailleur est rendu incapable de tout travail par une maladie d’origine personnelle, l’importance de l’impact financier pourra être déterminée en fonction de la proportion que représente la portion due à la maladie personnelle sur l’ensemble des coûts résultant de la lésion professionnelle. Mais, même dans ces cas, l’employeur doit démontrer que l’imputation a pour effet de l’obérer.
(références omises)
[59] Dans la présente affaire, l’employeur n’a soumis aucune preuve ni aucun argument soutenant la prétention voulant qu’il est obéré injustement. Dans son argumentation écrite, il se contente d’affirmer qu’il ne devrait pas être imputé des coûts de l’indemnité de remplacement du revenu du 13 juin au 5 juillet 2011.
[60] Le tribunal ne dispose donc d’aucune preuve par laquelle l’employeur démontre l’impact financier de cette imputation et qu’il est obéré injustement, d’autant plus que la période pour laquelle un transfert pourrait être accordé est de 12 jours, soit du 17 juin au 4 juillet 2011. Le tribunal ne peut, sur cette seule base, conclure que l’imputation des coûts de l’indemnité de remplacement du revenu a pour effet d’obérer injustement l’employeur.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 453144-04-1111
ACCUEILLE la requête de Marché S. Maltais inc., l’employeur;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 27 septembre 2011, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu due à madame Nathalie Carrier, la travailleuse, pour la période du 13 au 16 juin 2011 inclusivement doit être suspendu.
Dossier 462478-04-1202
REJETTE la requête de Marché S. Maltais inc, l’employeur;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 6 février 2012, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la totalité du coût des prestations versées à madame Nathalie Carrier, la travailleuse, en lien avec la lésion professionnelle survenue le 29 mars 2011 doit être imputée à l’employeur.
|
|
|
Diane Lajoie |
|
|
|
|
|
|
Me Don Alberga |
|
NORTON ROSE CANADA S.E.N.C. |
|
Représentant de la partie requérante |
|
|
[1] L.R.Q., c. 3.001
[2] Transylve inc. et Lavictoire, C.L.P., 357176-04B-0808, 11 décembre 2008, A, Quigley
[3] Articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail , L.R.Q., c. S-2.1
[4] Bar-Salon Vénus et Ross C.L.P., 407674-04-1004, 22 décembre 2010, J.A. Tremblay
[5] Marchés Louise Ménard inc., 402536-71-1002, 10-08-26, J.-F. Martel.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.