Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Alain Brabant et Martial Transport inc.

2013 QCCLP 6835

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Longueuil

25 novembre 2013

 

Région :

Montérégie

 

Dossiers :

482228-62-1209      486523-62-1211

 

Dossier CSST :

131932543

 

Commissaire :

Lucie Couture, juge administrative

 

Membres :

Jean-Benoît Marcotte, associations d’employeurs

 

Lucy Mousseau, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Alain Brabant

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Martial Transport inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 482228-62-1209

[1]           Le 17 septembre 2012, monsieur Alain Brabant (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles contestant la décision rendue le 7 septembre 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision du 17 août 2012 faite à l’encontre de la décision du 26 juin 2012. Par cette décision, la CSST suspend les indemnités de remplacement du revenu à compter du 22 juin 2012 car le travailleur a omis de se présenter à un rendez-vous avec un enquêteur de la CSST.

[3]           Par cette décision, la CSST déclare irrecevable également la seconde demande de révision du travailleur, datée également du 17 août 2012, faite à l’encontre de la lettre du 17 juillet 2012. Dans cette lettre, la CSST accorde un délai de dix jours au travailleur pour fournir certains documents, sans quoi elle suspendra ses indemnités. La CSST détermine que cette lettre ne constitue pas une décision.

[4]           Finalement, par cette décision du 7 septembre 2012, la CSST confirme celle rendue le 19 juillet 2012 et déclare que l’emploi d’assistant-gérant de projets constitue un emploi convenable pour le travailleur et qu’il est capable de l’exercer à compter du 17 juillet 2012.

[5]           Le 27 septembre 2012, la CSST est intervenue au dossier conformément aux dispositions de la loi.

Dossier 486523-62-1211

[6]           Le 6 novembre 2012, le travailleur dépose une autre requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste la décision rendue le 22 octobre 2012, par la CSST, à la suite d’une révision administrative.

[7]           Par cette décision, la CSST confirme celle rendue initialement le 28 août 2012 et déclare que l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur est suspendue à compter du 28 juillet 2012 parce que le travailleur a refusé ou négligé de fournir les renseignements qui lui étaient demandés.

[8]           Lors de l’audience tenue à Longueuil, le 7 mai 2013, le travailleur est présent et représenté. Martial Transport inc. (l’employeur) est absente puisque l’entreprise est fermée. La CSST qui est intervenue au dossier est présente, représentée par sa procureure. L’audition des requêtes s’est poursuivie le 13 septembre 2013. À cette date, un délai a été accordé au représentant du travailleur afin qu’il produise de la jurisprudence en réponse à celle déposée par la procureure de la CSST. Le tribunal a reçu ces documents en date du 30 septembre 2013, date à laquelle les requêtes ont été mises en délibéré.


L’OBJET DES CONTESTATIONS

[9]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer, relativement à sa première requête, que l’emploi retenu par la CSST d’assistant-gérant de projets ne constitue pas un emploi convenable. De façon subsidiaire, il demande au tribunal de déclarer que cet emploi ne respecte pas ses limitations fonctionnelles et que, par conséquent, le dossier doit être retourné à la CSST afin qu’elle détermine un nouvel emploi convenable et qu’il a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[10]        En regard de la seconde requête, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’annuler la suspension du versement de ses indemnités de remplacement du revenu et de rétablir ce versement de ses indemnités de remplacement du revenu à compter du 28 septembre 2012.

L’AVIS DES MEMBRES

[11]        Le membre issu des associations d’employeurs, monsieur Jean-Benoît Marcotte, est d’avis de rejeter les requêtes du travailleur. Il estime que la controverse entourant le titre de l’emploi convenable n’entache pas le processus de réadaptation. L’évolution dans le titre d’emploi n’invalide pas le processus de détermination de cet emploi. Il est aussi d’avis que la preuve de filature et le témoignage du travailleur démontrent qu'il a la capacité d’effectuer un travail similaire à celui qui a été déterminé. De plus, le travailleur prétend ne pas avoir la capacité d’exercer cet emploi. Cependant, aucune preuve n’a été présentée voulant qu’il ne puisse exercer un travail similaire à celui déterminé par la CSST.

[12]        Quant à la suspension des indemnités, le membre issu des associations d'employeurs est d’avis que la CSST était bien fondée à maintenir la suspension. Le manque de diligence du travailleur à répondre aux demandes de la CSST de fournir des renseignements, de se présenter à des rendez-vous, de même que les découvertes faites lors de la filature sèment un doute quant à la valeur des pièces fournies par le travailleur. La CSST était donc justifiée de vouloir avoir une preuve plus convaincante quant aux renseignements demandés. La suspension était donc justifiée.

[13]        La membre issue des associations syndicales, madame Lucy Mousseau, est d’avis de faire droit aux requêtes du travailleur. Elle estime que l’emploi déterminé par la CSST n’est pas un emploi qui existe et qui est disponible. Elle est aussi d’avis qu’il n’y a pas de preuve qu’il y a eu une analyse des tâches de cet emploi et, par conséquent, qu’il respecterait les limitations fonctionnelles attribuées au travailleur.

[14]        Quant à la décision de suspension, elle est d’avis que le travailleur ayant répondu à la demande de la CSST, celle-ci aurait dû reprendre le versement des indemnités de remplacement du revenu. Elle estime que si la CSST n’était pas satisfaite des réponses fournies par le travailleur, elle devait suspendre le versement pour d’autres motifs. La suspension n’a pas été faite en raison d’une fraude. Comme le travailleur a fourni des réponses aux questions de la CSST, le versement des indemnités devait reprendre.

LES FAITS

[15]        Le tribunal retient les éléments suivants :

[16]        Le 10 août 2007, le travailleur, un menuisier, se blesse au travail, en utilisant une pompe vibrante. Il ressent une forte douleur au bras et à l’épaule gauches. Il consulte un médecin le 13 août 2007, lequel pose un diagnostic de contusion. Par la suite, les diagnostics d’entorse cervicale et d’élongation musculaire au bras gauche sont ajoutés.

[17]        Le travailleur produit une réclamation à la CSST qui la refuse. À la suite d’une requête déposée à la Commission des lésions professionnelles[2], le tribunal conclut, le 19 mai 2009, que le travailleur a subi, le 10 août 2007, une lésion professionnelle lui donnant droit aux prestations prévues par la loi.

[18]        Le 16 mars 2010, la CSST écrit au travailleur pour lui demander de contacter sans délai l’agent au dossier.

[19]        Le tribunal retient qu’après cette date, la CSST a suspendu le versement des indemnités du travailleur à quelques reprises étant donné que le travailleur ne s’est pas présenté à un examen médical dont, notamment, le 19 mai 2010 et le 1er octobre 2010.

[20]        Le 17 novembre 2010, la CSST rend une décision à la suite de l’avis du docteur Mario Corriveau, membre du Bureau d’évaluation médicale, daté du 4 novembre 2010. Elle conclut que seuls les diagnostics de hernie discale C5-C6 gauche, de brachialgie gauche et de tendinopathie de la longue portion du biceps droit sont en relation avec l’événement du 10 août 2007. Les soins sont toujours nécessaires.

[21]        Une seconde évaluation au Bureau d’évaluation médicale a lieu le 20 janvier 2012. À cette date, le docteur Pierre-Paul Hébert, chirurgien-orthopédiste, examine le travailleur. Il consolide les lésions à la date de son examen. Il accorde 2 % de déficit anatomo-physiologique pour la tendinopathie de la longue portion du biceps droit, mais aucun déficit pour la brachialgie gauche, n’ayant pu mettre en évidence des ankyloses. Il accorde 2 % pour la hernie discale cervicale ainsi que les pourcentages pour les ankyloses observées, pour un total de 19 %. Il octroie des limitations fonctionnelles de classe II pour la colonne cervicale et des limitations fonctionnelles pour l’épaule gauche. Ces limitations sont les suivantes :

Éviter les activités qui impliquent de :

-           soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant environ 15 kg;

-           effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne cervicale, même de faible amplitude.

 

Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :

-           ramper

-           subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (ex : provoquées par du matériel roulant sans suspension).

 

Le travailleur doit éviter les gestes répétés de :

 

-           Élever le bras droit plus haut que l’épaule;

-           Garder le bras droit en position statique d’élévation ou d’abduction même inférieure à 90°;

-           Effectuer des mouvements de rotation de l’épaule droite.

 

 

[22]        Le 6 février 2012, la CSST rend sa décision à la suite de l’avis du Bureau d’évaluation médicale. Elle détermine que les soins ou traitements ne sont plus justifiés depuis le 20 janvier 2012 et que la lésion a entraîné une atteinte permanente, laquelle lui donnera droit à une indemnité pour préjudice corporel et des limitations fonctionnelles. Cette décision avait été contestée par le travailleur en révision administrative, laquelle a jugé irrecevable la demande de révision du travailleur. Ce dernier avait déposé une requête à la Commission des lésions professionnelles, mais à l’audience, il s’est désisté. Le tribunal constate donc qu’il est lié par les limitations fonctionnelles énoncées par le docteur Hébert, membre du Bureau d’évaluation médicale, aux fins de déterminer la capacité ou non du travailleur d’exercer l’emploi convenable.

[23]        Le 20 février 2012, une rencontre a lieu entre la conseillère en réadaptation et le travailleur afin de discuter d’un éventuel emploi convenable que le travailleur voudrait exercer. Le tribunal retient que lors de cette rencontre, le travailleur mentionne à la conseillère en réadaptation qu’il ne se voit pas travailler de nouveau. Il lui déclare se faire aider par ses filles pour ses repas et son ménage. Il mentionne avoir des difficultés à dormir la nuit et se voit mal se lever le matin pour aller travailler. Il rapporte ne rien faire de la journée. Il se dit toutefois en accord avec une référence vers une ressource pour l’aider à explorer le marché du travail.

[24]        Le 24 février 2012, le docteur Hébert produit un avis complémentaire dans lequel il corrige les limitations fonctionnelles qu’il avait modifiées le 17 février 2012 et il réitère celles accordées dans son rapport du 31 janvier 2012 et reprises précédemment.

[25]        Le 28 février 2012, la CSST dirige le travailleur vers une conseillère en emploi.

[26]        Le 12 mars 2012, la CSST rend sa décision sur l’atteinte permanente à la suite de l’avis du docteur Hébert. Cette décision a été contestée par le travailleur mais il s’en est désisté par la suite.

[27]        Le 31 mai 2012, la conseillère en emploi produit un rapport dans lequel elle relate les diverses démarches effectuées avec le travailleur dans le but de l’orienter vers un emploi qui respecte ses limitations fonctionnelles. Dans ce rapport, la conseillère mentionne les nombreuses absences du travailleur aux rendez-vous qu’elle avait fixés pour faire cette démarche. Dans les faits, le travailleur a été présent à deux rendez-vous d’une heure et il s’est absenté d’un troisième, après seulement cinq minutes. Les trois autres rendez-vous ont été annulés (deux à la dernière minute et le dernier, à la demande du conseiller en réadaptation). Lors des deux premiers rendez-vous, la conseillère en emploi a été à même de recueillir les expériences professionnelles du travailleur et de lui faire passer des tests d’intérêts. Malgré ces absences, la conseillère en emploi a fourni une liste d’emplois potentiels qui, selon elle, respecteraient les limitations fonctionnelles du travailleur de même que ses champs d’intérêt et ses compétences professionnelles. Elle identifie, à ce chapitre, l’emploi d’assistant-gérant de projets. Elle précise que :

Ce titre d’emploi compte parmi les appellations d’emploi que l’on retrouve sous le code CNP 0711. Le rôle du gérant de chantier est moins élaboré que celui du directeur de chantier c’est pourquoi l’exigence académique sera moindre. En tant que gérant de chantier il aura à s’acquitter des tâches suivantes telles que nous le soumettent les entrepreneurs en construction dans le cadre de nos études de marché et activités de placement de main-d’œuvre.

 

Le gérant de chantier s’assure que les équipes de travail vont respecter les échéanciers. Il s’entretient des travaux avec les contremaîtres, en cours de projet il fait le suivi des besoins au niveau des matériaux et négocie avec les fournisseurs, les prix et les délais. Il s’assure que le projet respecte les plans et la réglementation en vigueur.

 

 

[28]        La conseillère en emploi évalue le salaire de départ entre 30 000 et 40 000 $. Elle situe les exigences physiques nécessaires pour faire ce travail à un niveau minimal. De plus, les perspectives d’emploi sont favorables.

[29]        Elle cible deux autres types d’emploi que pourrait faire le travailleur, soit celui de commissionnaire de chantiers et celui de conseiller de quincaillerie.

[30]        Le 20 juin 2012, un enquêteur de la CSST informe le travailleur avoir effectué une enquête sur lui et demande à le rencontrer. On le convoque par lettre pour une rencontre le 22 juin 2012 à 10 h. Puis, cette date est reportée au 10 juillet 2012.

[31]        Le 26 juin 2012, la CSST informe le travailleur que ses indemnités de remplacement du revenu sont suspendues à compter du 22 juin 2012 parce que le travailleur a omis de se présenter à une rencontre avec un enquêteur de la CSST convoquée pour recueillir des informations relatives en lien avec des revenus de travail.

[32]        Le 4 juillet 2012, le conseiller en réadaptation convoque, par écrit, le travailleur, pour une rencontre le 17 juillet 2012 à 10 h 30.

[33]        Le 13 juillet 2012, l’enquêteur, madame Julie Charron, indique dans un courriel, que le travailleur doit fournir certains documents, dont les détails des salaires versés en argent ou autres avantages reçus (tels voyages, repas, etc.), l’horaire de travail et les détails des fonctions occupées.

[34]        Le 17 juillet 2012, la CSST, lors d’une rencontre avec le conseiller en réadaptation, informe le travailleur qu’elle le croit capable d’exercer l’emploi convenable d’assistant-gérant de projets. Lors de cette rencontre avec le conseiller, le travailleur s’est vu demander certains documents afin d’établir les revenus gagnés depuis quelques mois. Une lettre est remise au travailleur à cet effet. Cette lettre lui demande de fournir :

·         Documents officiels de l’employeur, Stéphane Ranger et/ou Entreprises Conforts et/ou autres attestant pour la période de 2010 à aujourd’hui, toutes rémunérations offertes en détaillant les salaires versés en argent et/ou avantages reçus ( voyages, repas, bar,…).

 

·         Le détail de l’horaire de travail effectué (dates et heures travaillées) et des fonctions occupées (description détaillée des tâches).

 

 

[35]        Cette lettre accorde un délai de dix jours au travailleur pour fournir ces renseignements à défaut de quoi, ses indemnités de remplacement du revenu seront suspendues en vertu de l’article 142, alinéa 1 b).

[36]        Le 19 juillet 2012, la CSST détermine que le travailleur est capable d’exercer, à compter du 17 juillet 2012, l’emploi convenable d’assistant-gérant de projets et que cet emploi pourra lui procurer un revenu annuel estimé de 35 000 $. Elle informe également le travailleur qu’il continuera de recevoir des indemnités de remplacement du revenu jusqu’au plus tard le 16 juillet 2013.

[37]        Le 17 août 2012, le travailleur demande la révision de plusieurs décisions, dont la celle du 17 juillet 2012, déterminant l’emploi convenable, ainsi que la décision de suspendre ses indemnités à compter du 28 juillet 2012, lesquelles font l'objet des présentes requêtes.

[38]        Le 28 août 2012, la CSST suspend le versement des indemnités de remplacement du revenu à compter du 28 juillet 2012 au motif que le travailleur a refusé de fournir les renseignements demandés.

[39]        Le 7 septembre 2012, la CSST, à la suite d’une révision administrative, rend une autre décision par laquelle elle conclut que la demande de révision du 17 août 2012 de la décision du 26 juin 2012 a été faite en dehors du délai prévu à la loi. Elle est donc irrecevable. Elle conclut que la seconde demande de révision du 17 août 2012 est irrecevable car la lettre du 17 juillet 2012 n’est pas une décision et, finalement, elle confirme la décision du 19 juillet 2012 et déclare que l’emploi d’assistant-gérant de projets est un emploi convenable et que le travailleur est capable de l’exercer à compter du 17 juillet 2012. C’est l’objet de la première requête du travailleur.

[40]        Le 17 septembre 2012, la Commission des lésions professionnelles reçoit la requête du travailleur contestant la décision du 7 septembre 2012 (dossier 482228-62-1209).

[41]        Le 28 septembre 2012, la CSST reçoit une lettre expédiée par le travailleur dans laquelle un certain monsieur Stéphane Ranger atteste que le travailleur n’a jamais travaillé pour lui. Cette lettre n’est pas datée ni ne comporte de raison sociale ou de nom de compagnie.

[42]        Le 22 octobre 2012, la révision administrative de la CSST reçoit un rapport d’enquête daté du 7 août 2012. Les résultats de cette enquête démontrent qu’alors qu’il recevait des indemnités de remplacement du revenu, le travailleur aurait travaillé pour monsieur Stéphane Ranger et pour la compagnie Entreprise Confort.

[43]        Lors de l’audience, le travailleur a témoigné. Il explique ses qualifications et expériences professionnelles. Pour l’employeur, il agissait à titre de contremaître de chantier. Il était en charge de différents chantiers. Il avait un ouvrier qui l’aidait à apporter les matériaux. Il ne faisait aucun travail de bureau, mais il devait lire certains plans afin de savoir où installer les boîtes aux lettres, car il travaillait à l’installation de boîtes aux lettres comme sous-traitant pour Postes Canada. Il précise qu’il ne s’agissait pas de plans très détaillés.

[44]        Quant à ses connaissances en informatique, elle se résume à peu. Il peut adresser une lettre ou télécharger un film à visionner et il joue à des jeux. Il a un diplôme de secondaire III en anglais et en français et un de secondaire IV avancé en mathématiques qui équivaut à un secondaire V selon lui.

[45]        Il a terminé une formation de machiniste en 1980, mais n’a jamais travaillé dans ce domaine.

[46]        Il se dit en désaccord avec les propos rapportés par madame Cameron dans son rapport selon lesquels il serait capable de travailler avec les logiciels Word, Excel et Power Point. Il en est incapable.

[47]        Il confirme avoir rencontré l’agent de réadaptation le 17 juillet 2012. Il indique cependant que ce n’était pas pour discuter de l’emploi convenable, mais plutôt pour qu’il lui remette une lettre par laquelle il demandait qu’il fournisse des détails sur le travail qu’il aurait fait pour un certain monsieur Ranger et/ou sa compagnie. Il précise que cette rencontre d’une durée de cinq minutes ne visait que cela. Il est possible que la question de l’emploi convenable ait été abordée, mais de façon rapide. Le travailleur a indiqué à l’agent son intention de contester les limitations fonctionnelles. Il mentionne n’avoir proposé aucun emploi au conseiller. Le travailleur précise que son état physique ne lui permet pas d’offrir une prestation de travail régulière, et ce, en raison des douleurs qu’il continue d’accuser à son bras et à son cou.

[48]        Le travailleur explique avoir eu des difficultés à joindre monsieur Stéphane Ranger afin qu’il atteste du fait qu’il n’a jamais travaillé pour lui. Ce n’est que le 25 août 2012 qu’il l’a finalement joint et que ce dernier a signé la lettre qu’il a toutefois produite à la CSST que le 28 septembre 2012. Dans cette lettre, qui n’est ni datée ni écrite sur un papier à en-tête d’une raison sociale, monsieur Ranger déclare que le travailleur n’a jamais travaillé pour lui. Le travailleur explique que son voisin de chambre, qui travaillait à l’occasion pour monsieur Ranger, était présent lors de la signature de cette lettre. Le travailleur mentionne qu’il avait tenté de joindre monsieur Ranger durant tout le mois de juillet et une partie du mois d’août avant que ce dernier se présente chez lui, pour venir chercher son voisin de chambre, qui est frigoriste, pour un travail.

[49]        Le tribunal note que même si le travailleur indique que cette lettre a bel et bien été signée le 25 août 2012, lors d’une conversation avec l’agente au dossier tenue le 30 août 2012, le travailleur mentionnait avoir tenté de joindre monsieur Ranger. Il rapporte qu'il vient juste de le joindre.

[50]        À ce propos, le travailleur relate les liens qu’il a eus avec monsieur Ranger qu’il a connu par l’entremise d’une autre personne. Bien qu’il mentionne n’avoir jamais travaillé pour lui, il reconnaît, lorsque questionné par la procureure de la CSST, avoir été, à la demande de monsieur Ranger et en compagnie de ses employés, chez un client de ce dernier pour l’installation d’un système de thermopompe. Le travailleur devait aider les employés en leur donnant des indications sur les endroits appropriés pour passer les tuyaux. Il explique que ce n’était pas un long travail et qu’en aucun temps, il n’a manipulé de l’équipement. Il a peut-être aidé à déplacer des petites boîtes pesant une ou deux livres sans plus. Il indique n’avoir reçu aucune rémunération pour ce travail. Il mentionne n’avoir jamais été rétribué par monsieur Ranger. Cependant, il admet, lorsque questionné par la procureure de la CSST, qu’il a accompagné monsieur Ranger à au moins une reprise à Sherbrooke, pour faire une livraison de matériel. Il n’a cependant pas travaillé, si ce n’est pour aider, là encore, à déplacer de petites boîtes légères de matériel. Il lui arrivait, à l’occasion, d’accompagner monsieur Ranger, lors de ses livraisons, afin de se désennuyer. À ces occasions, monsieur Ranger lui payait le lunch.

[51]        Il explique également être allé en République dominicaine en janvier 2012, dans un voyage de groupe dont les frais avaient été payés par monsieur Ranger. Ce dernier lui avait offert de remplacer un de ses employés qui ne pouvait plus venir. Ce voyage était organisé par un fournisseur de monsieur Ranger et constituait une forme de boni. Le travailleur indique qu’on lui a offert ce voyage, mais uniquement parce que monsieur Ranger avait déjà payé le prix du voyage et qu’il ne pouvait se faire rembourser.

[52]        Le travailleur reconnaît qu’il a, à l’occasion, accompagné certains employés de monsieur Ranger chez certains fournisseurs afin d’aller chercher du matériel. Il reconnaît avoir, à l’occasion, payé du matériel à la place des employés de monsieur Ranger, pour les dépanner. Il se faisait rembourser par la suite les montants avancés.

[53]        Le tribunal note que ces informations ont été données par le travailleur à la suite du contre-interrogatoire mené par la procureure de la CSST. Le travailleur reconnaissait avoir reçu le rapport d’enquête avant l’audience, mais ne pas en avoir pris connaissance. Il reconnaît avoir rencontré l’enquêteur en juin 2012. Il précise qu’il n’a pas besoin de regarder le rapport d’enquête car il sait ce qu’il a fait. Il a d’ailleurs admis avoir fait des « jobines » pour monsieur Ranger. Il a peut-être aidé à couper une poutre de soutènement. Il explique que les fois que monsieur Ranger lui demandait conseil, c'était toujours en lien avec son expérience professionnelle à titre de menuisier. Il n’a jamais travaillé dans la climatisation et, par conséquent, il ne pouvait donner des conseils sur ce type de travaux. Il n’a pas informé la CSST du fait qu’il effectuait certaines activités avec monsieur Ranger parce que, dit-il, on ne lui a pas demandé. Même s’il reconnaît que monsieur Ranger lui payait certains repas à l’occasion et qu’il lui a prêté un téléphone cellulaire, parce que le sien avait été volé, il nie avoir travaillé pour lui. Il est aussi arrivé que monsieur Ranger lui paie de la bière, lors de sorties dans des bars de danseuses, mais il nie avoir reçu une rémunération.

[54]        Le travailleur n’a pu expliquer pourquoi il n’avait pas écrit à la CSST, à la suite de la lettre de juillet 2012, pour l’informer des montants d’argent et autres avantages reçus de monsieur Ranger. Il explique qu’il ne connaissait pas le prix du voyage.

[55]        Le travailleur a également confirmé avoir fait, dans la dernière année, deux petits travaux pour son voisin de chambre, monsieur Boulay. Il s’agissait encore là de travaux de menuiserie pour lesquels son avis était requis. Il explique faire ce travail pour rendre service. Il rappelle que certains jours, il ne peut se déplacer en raison de ses douleurs. Il y a des choses qu’il ne peut pas faire. Encore, présentement, son concierge lui fait son lavage et sa vaisselle. Ses filles l’aident à tour de rôle.

[56]        Le travailleur a fait entendre monsieur Boulay, son voisin de chambre. Ce dernier confirme travailler pour divers employeurs, à titre de frigoriste. Il a travaillé pour monsieur Ranger. Il était présent lorsque ce dernier a signé la lettre que le travailleur lui a présentée. Il mentionne que le travailleur venait lui emprunter souvent son téléphone pour rejoindre l’agent de la CSST. Il confirme que le travailleur a pu, à une ou deux reprises, manipuler des boîtes de matériel pour monsieur Ranger. Le travailleur venait sur le chantier en compagnie de monsieur Ranger. Il ignore si monsieur Ranger payait le travailleur. Il confirme toutefois que monsieur Ranger le payait pour les travaux qu’il faisait pour lui. Il était payé en argent comptant. Il ignore si les autres personnes qui travaillaient sur le chantier, à ces occasions, étaient des employés de monsieur Ranger ou d’une autre personne. Il mentionne n’avoir jamais demandé au travailleur de faire des travaux pour lui. Il fait des commissions pour le travailleur pour l’aider. Il n’est pas allé en voyage avec le travailleur.

[57]        La CSST a fait entendre l’enquêteur qui a fait faire une filature du travailleur et qui a fait des recherches à partir du numéro de téléphone du travailleur et de ses cartes de crédit. Elle a fait ses recherches et après, elle a rencontré le travailleur afin de lui faire confirmer les résultats de ses recherches. Elle confirme que l’enquête a été initiée après une dénonciation selon laquelle, le travailleur avait été vu dans des endroits publics avec des vêtements de travail, les mains sales. Le fait qu’il était difficile à joindre au téléphone et le fait qu’il tardait à réagir après avoir vu ses indemnités suspendues laissaient croire qu’il avait d’autres sources de revenus. C’est ce qui a motivé l’enquête effectuée dans ce dossier. On voulait savoir s’il y avait un décalage entre ce que le travailleur projetait lors des rencontres à la CSST et sa réelle capacité de travail. Le travailleur se présentait à la CSST avec une attelle et, par la suite, on pouvait le voir dans les magasins Rona ou ailleurs sans ladite attelle.

[58]        C’est en vérifiant les comptes bancaires du travailleur qu’elle a vu une transaction avec le bureau des passeports. C’est ainsi qu’elle a pu retracer, en questionnant une compagnie de réfrigération, que le travailleur était allé en République dominicaine. En questionnant le fournisseur de monsieur Ranger, elle a su que ce voyage était organisé par ce fournisseur pour remercier les meilleurs vendeurs. Ce fournisseur lui a indiqué que le travailleur était un employé de monsieur Ranger.

[59]        Le travailleur a également été observé chez des particuliers alors qu’il effectuait des activités ayant trait à l’installation d’une thermopompe. Il s’agissait, selon elle, d’activités assimilables à des activités de travail. Elle explique avoir convoqué le travailleur à une rencontre à la CSST en juin 2012, afin de le confronter avec ses découvertes. Comme l’heure de la rencontre avait été modifiée, elle s’est rendue chez le travailleur pour lui porter la nouvelle convocation. Il était alors absent. Elle lui a laissé la lettre devant la porte de sa chambre. Le travailleur ne s’est pas présenté à la première rencontre, mais il est venu par la suite, après que ses indemnités aient été suspendues. Elle a confronté le travailleur à ses découvertes, lesquelles démontraient qu'il avait fourni des renseignements inexacts en lien avec des activités de travail.

[60]        Le travailleur a confirmé le voyage et a reconnu connaître monsieur Ranger. Il a toutefois nié avoir travaillé pour lui. Elle confirme que le travailleur a fait plusieurs appels à différentes compagnies de réfrigération, dont une est une entreprise appartenant à monsieur Ranger (Entreprise Confort). Le travailleur a reconnu que monsieur Ranger faisait appel parfois à son expertise. Il se limitait à regarder l’ensemble des travaux, afin de voir s’il y avait un problème potentiel en lien avec la charpente et les travaux de menuiserie. Il s’agissait d’un travail de supervision du projet en cours. Il lui a précisé que ce n’était pas lui qui faisait le travail, mais qu’il disait comment le faire. Il a expliqué à l’enquêteur que cela lui faisait plaisir de partager son expertise. Le travailleur lui a aussi confirmé que monsieur Ranger ne travaillait pas uniquement en climatisation mais qu’il avait aussi une entreprise de menuiserie. Le travailleur lui a précisé que les nombreux appels téléphoniques faits par monsieur Ranger à son téléphone n’étaient pas pour du travail, mais pour lui confier ses problèmes amoureux.

[61]        Lorsqu’il a été confronté avec le fait qu’il avait été suivi sur un chantier, le travailleur a reconnu qu’il est possible qu’il ait aidé un peu, mais les tâches effectuées n’étaient pas lourdes. Même si le travail en question pouvait s’échelonner sur quelques jours, sa portion de conseils ne prenait que quelques minutes. Il a reconnu demeurer toutefois sur le chantier toute la journée pour pouvoir aller manger au restaurant et aller prendre une bière après la journée avec les autres travailleurs. Il a reconnu également avancer des sommes d’argent pour monsieur Ranger pour acheter des matériaux ou pour payer ses employés, mais il se faisait ensuite rembourser par monsieur Ranger. Il a précisé que monsieur Ranger lui avait offert le voyage dans le sud parce qu’il était un bon ami et qu’il prenait un « coup » avec lui.

[62]        Le travailleur lui a également dit n’attendre rien de la CSST et désirer retourner au travail. Il lui a déclaré être capable de donner des conseils sur un chantier. Il lui a précisé que son expertise dans la rénovation lui vient de son expérience de travail dans la construction. Il n’avait toutefois pas ses cartes de compétence, car il agissait alors comme gérant. Il a aussi mentionné qu’il croyait qu’il pourrait faire des soumissions. Il a reconnu avoir donné des conseils techniques à monsieur Ranger, mais n’a pas fait de soumission pour lui. Le travailleur lui a également confié ne pas avoir mentionné à la CSST qu’il se rendait sur les chantiers de monsieur Ranger parce que la question ne lui a pas été posée. Il lui a confirmé que deux ou trois fois par semaine, il pouvait aider monsieur Ranger. Elle a donc rédigé son rapport. Ses conclusions allaient dans le sens de confirmer que la capacité physique du travailleur s’était améliorée, qu’il était apte à faire des tâches dans le domaine de la construction qui respectaient ses limitations fonctionnelles. Selon elle, le fait que le travailleur ait mentionné exercer un rôle-conseil, validait l’emploi convenable déterminé par la CSST, parce que, selon elle, dans les faits, le travailleur occupait cet emploi depuis sept ou huit mois.

[63]        Elle reconnaît toutefois n’avoir pu déterminer la valeur des sommes que le travailleur a pu recevoir de monsieur Ranger.

[64]        Le conseiller en réadaptation a également témoigné. Il a repris les démarches faites par la conseillère en emploi et la précédente conseillère en réadaptation. La rencontre avec la conseillère en emploi a permis de retenir l’emploi d’assistant-gérant de projets. Il explique que même si cet emploi ne se retrouve pas directement au système Repères, c’est tout de même celui qu’il a retenu. Il a rencontré le travailleur une seule fois le 17 juillet 2012, afin de lui présenter cet emploi. La rencontre a duré entre 45 et 50 minutes. Il rapporte le peu d’enthousiasme du travailleur à participer à cette démarche. Il n’a proposé aucun emploi. Le travailleur voulait travailler dans le domaine de la construction. Lorsqu’il lui a proposé l’emploi retenu, le travailleur n’a pas répondu. Il a seulement indiqué qu’il n’était pas capable de travailler plus de deux ou trois heures. Il explique ne pas avoir cru bon prévoir une autre rencontre après celle du 17 juillet 2012 car le travailleur n’était pas intéressé à s’impliquer dans la recherche d’emploi.

[65]        Quant à l’emploi retenu, la description de ce poste est reprise dans le rapport de la conseillère en emploi. Même si elle parle à un endroit d’assistant-gérant de chantiers et ailleurs d’assistant-gérant de projets, il s’agit dans les faits du même emploi qui se retrouve sous le code 0711. Il indique au tribunal avoir déjà déterminé cet emploi d’assistant-gérant de projets pour d’autres travailleurs. Il estime qu’avec les résultats de l’enquête, les éléments factuels colligés par l’enquêteur confirment que dans les faits, le travailleur a exercé un travail similaire à celui déterminé. Il occupait réellement un tel poste dans lequel il faisait de la supervision. Il est aussi d’avis que les limitations fonctionnelles du travailleur sont respectées puisque ce travail correspond à un emploi léger sans manipulation de charges. Il a tenu compte de toutes les limitations fonctionnelles du travailleur, dont celles découlant d’une autre lésion. L’assistant-gérant de projets conseille les travailleurs en leur dictant quoi faire. L’enquête a démontré la capacité du travailleur de faire cet emploi.

[66]        Le conseiller a expliqué qu’il ne pouvait déterminer un emploi à temps partiel, car la loi ne le permet pas. De plus, rien dans le dossier ne disait que le travailleur n’avait pas la capacité d’exercer un emploi à temps plein. Il est aussi d’avis que le travailleur a les qualifications professionnelles pour occuper un tel emploi puisqu’il a travaillé 20 ans dans la supervision. Les connaissances informatiques ne sont pas nécessaires pour ce travail. Il a validé les qualifications professionnelles du travailleur en les comparant avec des offres d’emploi similaires.

[67]        Le code utilisé par la conseillère en emploi correspond à celui du grand groupe d’emplois de « Directeur de la construction ». Même si on ne retrouve pas spécifiquement le titre d’assistant-gérant de projets, cet emploi se retrouve quand même sous le code de « Directeur de la construction », soit le code 0711 à la Classification nationale des professions (CNP).

[68]        Il précise que comme le poste retenu est celui d’assistant-gérant de projets, les compétences académiques sont moindres que celles de « Directeur de la construction » et correspondent à celles du travailleur. Il explique avoir déterminé un salaire moindre que celui proposé par madame Cameron, la conseillère en emploi, de façon à donner plus de possibilités au travailleur d’intégrer le marché du travail. Il juge que le travailleur est très compétitif étant donné sa grande expérience dans le domaine de la construction. Il explique avoir offert au travailleur de l’aide pour la recherche d’emploi et qu’une subvention à l’embauche est également disponible.

[69]        Le conseiller mentionne avoir tout expliqué au travailleur et lui avoir également mentionné qu’il n’y avait aucune contestation des limitations fonctionnelles.

[70]        En réponse aux questions du représentant du travailleur qui voulait savoir si pour ce type d’emploi, le travailleur devait se rendre sur les chantiers ou si c’était un emploi dans les bureaux, il a répondu que ces personnes devaient examiner les plans et donner des instructions aux travailleurs en fonction du travail à effectuer. Les plans en question ne sont pas nécessairement très détaillés; tout dépend de l’entreprise. Certains devis peuvent être plus détaillés que d’autres, mais le travailleur avait déjà effectué des lectures de plans. Il s’est basé sur les indications du rapport de la conseillère en emploi. Même si, à ce rapport, la conseillère parle d’assistant-gérant de projets, il peut s’agir également d’un poste d’assistant-gérant de chantiers. Il explique que ces deux types d’emploi se retrouvent sous le code CNP 0711 qui correspond au titre de « Directeur de la construction ». Sous ce code, on retrouve différents titres d’emploi dont ceux de responsable de projets de construction, responsable de chantiers de construction. Même si le titre d’assistant-gérant de projets ne se retrouve pas dans cette liste, on retrouve des appellations qui s’apparentent à celle qu’il a retenue. Il assimile ce travail à celui de surintendant de travaux de construction. Cependant, comme il a retenu le poste d’assistant-gérant de projets, les qualifications professionnelles pour ce poste sont moindres que celles exigées d’un surintendant de chantiers. De plus, cela correspond au travail que faisait en réalité le travailleur.

[71]        Lorsque interrogé pour savoir s’il avait vérifié si ce type d’emploi était disponible, il explique avoir recherché, sur le site d’Emploi Québec, des emplois similaires. Il estime qu’entre autres, le poste de coordonnateur de projets de construction s’apparente au poste d’assistant-gérant de projets et que les tâches qu’on y décrit sont similaires à celles qu’effectuait le travailleur. Les qualifications professionnelles recherchées s’apparentent à celles du travailleur. Il confirme ne pas avoir demandé l’assistance d’un ergonome avant de déterminer cet emploi. Il précise toutefois avoir une certaine base de connaissances en ergonomie. De plus, il affirme avoir déjà déterminé l’emploi d’assistant-gérant de projets dans deux autres dossiers et que cet emploi était effectivement disponible. Lorsque le représentant du travailleur lui demande si la lecture de plans peut nécessiter que le travailleur se penche le cou, il répond par l’affirmative. Toutefois, il est d’avis que cela ne va pas à l’encontre des limitations fonctionnelles déterminées, dont celle d’éviter les mouvements fréquents ou répétitifs de flexion de la colonne cervicale. Il estime que cette limitation est respectée puisque le terme fréquent réfère à des gestes ou mouvements qui sont faits de 33 à 66 % du temps de travail, alors que le terme répétitif s’applique à des mouvements effectués plus de 66 % du temps de travail. La lecture de plans ne peut donc pas représenter autant de temps de travail. Il juge donc que cette limitation fonctionnelle est respectée puisque le travail d’assistant-gérant de projets ne consiste pas uniquement à faire de la lecture de plans.

[72]        Il précise ne pas avoir tenu compte de la lettre de monsieur Ranger dans la décision de maintenir la suspension des indemnités, parce que cette lettre n’a pas été produite sur du papier portant l’en-tête de la compagnie de monsieur Ranger. De plus, cette simple lettre ne répond pas à toutes les questions posées dans la lettre du 17 juillet 2012. Le travailleur ne décrit pas toutes ses activités de travail, ni ne donne les montants reçus, pas plus qu’il ne communique le prix du voyage qui lui a été offert.

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[73]        Les représentants ont soumis leurs arguments. Le représentant du travailleur soumet que l’emploi déterminé par la CSST n’est pas un emploi convenable parce qu’il ne respecte pas toutes les limitations fonctionnelles du travailleur et qu’il n’existe pas. Cet emploi ne se retrouve pas dans la Classification nationale des professions. Le titre de cet emploi n’existe pas et celui auquel on l’a associé concerne un emploi qui ne répond nullement aux qualifications professionnelles du travailleur. Il ne peut donc s’agir d’un emploi convenable. La formation exigée pour être directeur de projets ne correspond nullement à celle du travailleur. De plus, on ignore les tâches et responsabilités d’un assistant-gérant de projets et il estime que cela ne se retrouve pas non plus dans la description des tâches d’un gérant de projets. L’emploi déterminé ne peut être un emploi convenable puisqu’il n’existe pas sur le marché du travail. Il ne peut donc être disponible et, en ce sens, il ne respecte pas les caractéristiques de l’emploi convenable tel que défini à l’article 2 de la loi. L'emploi de gestionnaire de projets nécessite un baccalauréat. Il trouve particulièrement étrange que l’emploi retenu par le conseiller ne soit pas celui décrit sous le code retenu 0711.

[74]        Il est aussi d’avis que cet emploi ne respecte pas les limitations fonctionnelles. En effet, le travailleur doit éviter de faire des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion ou d’extension de la colonne cervicale. Il est d’avis qu’il n’y a pas eu d’analyse des tâches de cet emploi. Si on se fie au témoignage du conseiller, des mouvements fréquents représentent entre 33 et 66 % du temps de travail. Il est d’avis que l’emploi déterminé ne respecte pas cette limitation fonctionnelle. Il dépose une décision du tribunal qui définit ce qu’on doit comprendre de l’utilisation du vocable fréquent.

[75]        Quant à la décision de suspension des indemnités, elle doit être infirmée. Le travailleur a, le 28 septembre 2012, répondu aux interrogations de la CSST et il a fourni les renseignements demandés. Il ne peut être tenu responsable du fait que monsieur Ranger refuse de répondre aux appels téléphoniques de la CSST ni à leurs questions. L’enquêteur a tenté de joindre monsieur Ranger durant un mois, mais elle accorde seulement dix jours au travailleur pour fournir les renseignements demandés avant de suspendre l’indemnité. Il soumet que le travailleur a fourni les renseignements demandés. Il ajoute que lorsque l’enquêteur a rencontré le travailleur, ce dernier lui a confirmé avoir fait quelques travaux pour monsieur Ranger mais qu’il n’a rien reçu pour cela. La CSST avait donc l’information demandée dès le mois de juillet 2012. Elle ne pouvait donc maintenir la suspension au-delà du 28 septembre 2012, alors qu’il fournit la lettre de monsieur Ranger. Il demande donc au tribunal d’infirmer cette décision. Il dépose des décisions[3] du tribunal au soutien de ses prétentions.

[76]        La procureure de la CSST soumet que le travailleur désirait un emploi à temps partiel mais n’a aucune limitation fonctionnelle de ce type. L’absence de collaboration du travailleur remonte dans ce dossier à 2010, alors que déjà, il ne se présentait pas à des expertises. Le travailleur a toujours refusé de collaborer. Il faut tenir compte de cet élément dans l’analyse que fera le tribunal. Elle soutient, quant à elle, que l’emploi déterminé respecte les critères énoncés à la définition de l’emploi convenable. Le fait que le titre même de l’emploi convenable ne se retrouve pas à la Classification nationale des professions sous le grand groupe 0711 ne signifie pas que cet emploi n’existe pas ou qu’il ne constitue pas un emploi convenable. Il faut se fier à l’expertise de la conseillère en emploi qui retient cet emploi. Plusieurs emplois sont synonymes de celui-ci. Elle soumet qu’aucune preuve n’a été faite que cet emploi n’existait pas. Le travailleur n’a pas démontré avoir recherché cet emploi sans succès, au contraire. L’enquête a démontré que le travailleur avait exercé un travail de conseiller et qu’il avait les qualifications professionnelles pour effectuer un tel travail. Aucune preuve n’a été faite selon elle que l’emploi ne respecte pas les limitations fonctionnelles accordées. Elle rappelle le manque de collaboration du travailleur. Elle rappelle que l’emploi déterminé n’a pas nécessairement à se retrouver dans la Classification nationale des professions pour être un emploi convenable. Elle invite également le tribunal à modifier le titre de l’emploi s’il le juge approprié. Quant à la suspension des indemnités, elle mentionne que le travailleur n’a toujours pas fourni les renseignements demandés quant aux sommes qu’il a reçues de la part de monsieur Ranger ainsi que la liste des travaux effectués. Elle demande le maintien des décisions. Elle dépose des décisions[4], dont certaines après l’audience, au soutien de cette prétention.

[77]        Le représentant du travailleur a soumis sa réplique par la suite tout en soumettant des décisions à l’effet contraire.


LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[78]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si l’emploi d’assistant-gérant de projets est un emploi convenable au sens de cette définition que l’on retrouve à l’article 2 de la loi.

[79]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer également si la CSST devait, comme le prétend le travailleur, reprendre le versement des indemnités de remplacement du revenu à compter du 28 septembre 2012. La Commission des lésions professionnelles devra déterminer si la suspension des indemnités de remplacement du revenu appliquée par la CSST devait se poursuivre au-delà du 28 septembre 2012.

[80]        La loi définit ainsi l’emploi convenable :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

[…]

 

« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;

 

 

[81]        En l’espèce, le tribunal est d’avis que l’emploi déterminé par la CSST d’assistant-gérant de projets est un emploi convenable au sens de cette définition.

[82]        Le tribunal estime que le seul fait que cet emploi ne se retrouve pas de manière précise à la Classification nationale des professions ne suffit pas à faire en sorte qu’il ne soit pas un emploi convenable.

[83]        Le représentant a soumis que la conseillère en emploi parle du poste d’assistant-gérant de projets alors que le conseiller en réadaptation réfère au code de « Directeur de la construction ». Le tribunal retient les explications énoncées par le conseiller en réadaptation voulant que ce titre d’emploi se retrouve dans la grande famille de classification portant le code 0711 correspondant au titre de « Directeur de la construction ».

[84]        Sous ce titre, on peut retrouver divers emplois associés au domaine de la construction et qui s’apparentent à l’emploi d’assistant-gérant de projets retenu par la CSST.

[85]        Le représentant soumet qu’aucune analyse de la capacité du travailleur d’occuper cet emploi n’a été faite par le conseiller en réadaptation. Le tribunal n’est pas de cet avis.

[86]        Le tribunal ne peut passer sous silence le peu de collaboration offerte par le travailleur dans le processus de réadaptation. Les notes évolutives du dossier font état du fait que le travailleur n’a aucune proposition à faire en lien avec un emploi. Il réitère qu’il se voit mal travailler étant donné qu’il dort mal, qu’il désire contester ses limitations fonctionnelles. Cette affirmation est aussi reprise par la conseillère en emploi.

[87]        Or, il faut noter qu’aucune contestation de ces limitations fonctionnelles n’a été faite par le travailleur. La CSST était donc liée par les limitations fonctionnelles telles qu’énoncées par le membre du Bureau d’évaluation médicale. Le tribunal rappelle qu’aucune limitation fonctionnelle n’est en lien avec un syndrome douloureux chronique pouvant interférer sur la capacité de travail du travailleur.

[88]        Le tribunal rappelle également que le travailleur indiquait au conseiller désirer demeurer dans le domaine de la construction.

[89]        Le représentant du travailleur soumet que comme cet emploi d’assistant-gérant de projets ne se retrouve pas à la Classification nationale des professions, le conseiller en réadaptation n’a pu faire l’analyse des tâches de cet emploi en lien avec les limitations fonctionnelles accordées au travailleur. Le tribunal n’est pas de cet avis.

[90]        Il ne suffit pas d’alléguer que l’emploi ne respecte pas les limitations fonctionnelles pour établir que l’emploi déterminé n’est pas un emploi convenable. Il faut davantage.

[91]        Les limitations fonctionnelles liant la CSST sont reprises par la conseillère en emploi, à la page 4 de son rapport. Ces limitations ont trait aux deux sites lésés par les accidents du travail dont a été victime le travailleur, soit son bras droit et la région cervicale. Le tribunal note que lorsque la conseillère en emploi identifie divers emplois que le travailleur pourrait exercer, dont celui d’assistant-gérant de projets, elle fait l’analyse des tâches que doit faire le travailleur pour ce type d’emploi, en tenant compte de son expérience du marché de l’emploi et en les comparant aux limitations fonctionnelles que conserve le travailleur. Elle précise que ce type d’emploi ne nécessite pas de soulever des charges de plus de cinq kilos et qu’il s’agit essentiellement d’un travail sédentaire.

[92]        Le tribunal retient également l’opinion du conseiller en réadaptation selon laquelle ce type d’emploi peut nécessiter des mouvements de flexion et d’extension de la colonne cervicale, par exemple lors de la lecture de plans. Cependant, rien dans la preuve offerte ne convainc le tribunal que ces flexions ou extensions de la colonne cervicale seraient répétitives ou fréquentes au point de dépasser 33 à 66 % du temps de travail. Rien dans la preuve offerte ne convainc le tribunal que la limitation fonctionnelle pour la colonne cervicale ne serait pas respectée avec cet emploi.

[93]        Le code 0711 auquel la conseillère en emploi réfère se lit comme suit :

coordonnateur/coordonnatrice de projets de construction

directeur adjoint/directrice adjointe des travaux de construction

directeur/directrice de chantier de construction

directeur/directrice de la construction

directeur/directrice de la construction d'autoroutes

directeur/directrice de la construction d'immeubles commerciaux

directeur/directrice de la construction d'immeubles et de ponts

directeur/directrice de la construction d'immeubles industriels

directeur/directrice de la construction d'immeubles résidentiels

directeur/directrice de la construction d'oléoducs

directeur/directrice de la construction domiciliaire

directeur/directrice de projet spécial de construction

directeur/directrice de projets de construction

directeur/directrice de succursale de matériaux de construction

directeur/directrice des travaux de construction

entrepreneur général/entrepreneuse générale

entrepreneur général/entrepreneuse générale en construction

entrepreneur général/entrepreneuse générale en construction d'immeubles

entrepreneur général/entrepreneuse générale en construction immobilière

gestionnaire de projet - construction

gestionnaire principal/gestionnaire principale de projet de construction

ordonnancier/ordonnancière en construction

responsable de chantier de construction

responsable de la construction de ponts

responsable de la construction d'immeubles

responsable de la construction d'oléoducs

responsable de projets de construction

responsable général/responsable générale de travaux de construction

surintendant/surintendante de travaux de construction

 

 

[94]        Il est vrai que sous le code 0711 de la Classification nationale des professions, l’emploi d’assistant-gérant de projets ou de chantiers ne se retrouve pas directement. Cependant, on peut déduire, de la liste des divers emplois énoncés à ce code, qu’il y est implicitement rattaché. Ce code réfère au grand titre de « Directeur de la construction ». Sous cette appellation, la Classification nationale des professions énumère une liste d’exemples d’appellations d’emplois associées à ce titre. On retrouve notamment les appellations de :

directeur/directrice de la construction domiciliaire,

directeur/directrice de projets de construction

entrepreneur général/entrepreneuse générale;

surintendant/surintendante de la construction.

 

 

[95]        Sous cette appellation, on décrit les fonctions principales de ce grand titre ainsi que la formation requise comme suit :

Fonctions principales

 

Les directeurs de la construction exercent une partie ou l'ensemble des fonctions suivantes :

planifier, organiser, diriger, contrôler et évaluer les projets de construction du début à la fin conformément au calendrier d'exécution des travaux, au cahier des charges et au budget prévu;

préparer et soumettre les prévisions budgétaires concernant le projet de construction;

planifier et préparer les calendriers d'exécution et les étapes à suivre, et vérifier les progrès en regard de ces données;

préparer les contrats et négocier les révisions, les changements et les ajouts aux ententes contractuelles avec les architectes, les experts-conseils, les clients, les fournisseurs et les sous-traitants;

élaborer et mettre en oeuvre les programmes de contrôle de la qualité;

représenter l'entreprise sur des questions, telles que les services professionnels et la négociation des conventions collectives;

préparer des rapports sur l'avancement des travaux et fournir aux clients le programme de construction;

diriger l'achat de tous les matériaux de construction et l'acquisition des terrains;

embaucher le personnel et superviser le travail des sous-traitants et des employés subalternes.

 

Conditions d'accès à la profession

 

Un diplôme d'études universitaires en génie civil ou un diplôme d'études collégiales en technologie du génie civil est habituellement exigé.

Une maîtrise en gestion de projets peut être exigée.

Plusieurs années d'expérience dans l'industrie de la construction, y compris de l'expérience comme contremaître de construction ou surintendant de chantier, sont habituellement exigées.

Une vaste expérience dans l'industrie de la construction peut suppléer aux exigences d'études postsecondaires.

Certains employeurs peuvent exiger le statut d'ingénieur professionnel ou un certificat de qualification dans un métier de la construction.

 

[Nos soulignements]

 

 

[96]        Ce grand titre décrit des fonctions ou des tâches qui ne sont pas nécessairement toutes celles qu’aurait à exercer le travailleur à titre d’assistant-gérant de projets.

[97]        Le seul fait que le titre d’un emploi choisi par la CSST comme emploi convenable n’apparaisse pas directement dans la Classification nationale de professions ne signifie pas que cet emploi est inexistant. Le tribunal, à ce propos, retient l’opinion exprimée par la conseillère en emploi dans son rapport, selon laquelle cet emploi d’assistant-gérant de projets existe en réalité sur le marché du travail. Cette opinion est également corroborée par le témoignage du conseiller en réadaptation. Ce dernier reconnaît avoir déjà déterminé ce titre d’emploi pour d’autres travailleurs.

[98]        Le tribunal conclut donc que cet emploi d’assistant-gérant de projets, bien que ne se retrouvant pas directement dans la Classification nationale des professions, peut être inclus dans le code 0711 qui, lui, est identifié à la Classification nationale des professions. Il constitue donc un emploi qui existe. La preuve démontre également qu’il présente une possibilité raisonnable d’embauche. Aucune preuve à l’effet contraire n’a été offerte par le travailleur.

[99]        Le tribunal retient les explications fournies par le conseiller en réadaptation selon lesquelles le travail d’assistant-gérant de projets ou de chantiers comporte moins de responsabilités que celui de gérant de projets puisque l’assistant n’assure qu’un travail en support au responsable du projet. Les tâches sont moins importantes que celles énoncées précédemment.

[100]     Le tribunal retient que le travailleur a assuré un certain support pour la réalisation d’installation de systèmes de climatisation. Ce travail cadre bien, de l’avis du tribunal, avec certaines des tâches qui sont décrites dans le code 0711 de la Classification nationale des professions, dans l’optique où l’emploi choisi en est un d’assistant. Il est aisé de comprendre que la responsabilité des tâches est donc moindre et, par conséquent, selon la preuve offerte, la formation requise serait nécessairement moindre que celle requise pour un « Directeur de la construction », appellation qui correspond au grand titre du code 0711.

[101]     Il faut aussi noter que selon la description de la formation requise qu’on mentionne pour ce code, dans certains cas, l’expérience dans l’industrie de la construction peut suppléer aux exigences d’études postsecondaires. Le tribunal est d’avis que si cela s’applique au grand titre de « Directeur de la construction », cela peut être d’autant plus vrai pour le poste d’assistant-gérant de projets. L’expérience professionnelle du travailleur peut donc suppléer au fait qu’il n’ait pas de diplôme d'études postsecondaires et même au fait que le travailleur n’ait pas son diplôme d'études secondaires.

[102]     D’ailleurs, le tribunal note qu’au moins une des offres d’emploi analysées par le conseiller en réadaptation (celle de coordonnateur de projets de construction pour un centre de rénovation), n’exige pas de diplôme d’études secondaires.

[103]     Le travailleur a témoigné à l’audience qu’il avait supervisé des travaux pour monsieur Ranger, travaux qui nécessitaient son expertise à titre de menuisier-charpentier. Il a reconnu que son rôle se limitait à dire aux autres travailleurs où ils devaient passer leurs conduits pour installer les systèmes de climatisation. Il a également effectué des achats de matériaux pour le compte de monsieur Ranger. Il a aussi fait des livraisons de différents matériaux sur les chantiers de monsieur Ranger.

[104]     Le tribunal est d’avis que ces admissions du travailleur, de même que les résultats de l’enquête faite par la CSST concourent à démontrer que l’emploi déterminé par la CSST existe dans la réalité et que le travailleur a les qualifications professionnelles pour exercer un tel emploi d’assistant-gérant de projets ou de chantiers.

[105]     Le tribunal est d’avis que la conseillère en emploi a également tenu compte de l’expérience professionnelle du travailleur comme charpentier-menuisier et de la grande expertise qu’il a dans ce domaine, lors du choix de cet emploi. Le travailleur convient lui-même, dans son témoignage, qu’on faisait appel à lui, en raison de cette grande expertise dans le domaine de la charpenterie. Il s’agit donc d’un emploi approprié en ce sens qu’il tient compte des préférences du travailleur exprimées lors des rencontres de réadaptation et qu’il met à contribution l’expérience professionnelle du travailleur.

[106]     Aucune preuve n’a été faite que cet emploi comporterait des dangers pour la santé et la sécurité du travailleur.

[107]     Le tribunal est donc d’avis que l’emploi déterminé constitue un emploi convenable et que le travailleur a la capacité de l’exercer.

[108]     Il reste à déterminer si la CSST était bien fondée à maintenir la suspension des indemnités de remplacement du revenu après le 28 septembre 2012.

[109]     Le tribunal retient que le représentant du travailleur soutient que la suspension des indemnités aurait dû être levée le 28 septembre 2012, lorsque le travailleur a produit la lettre signée par monsieur Ranger. Il ne remet donc pas en question la suspension des indemnités faites par la CSST, à compter de juillet 2012.

[110]     L’article 142 de la loi prévoit ce qui suit :

142.  La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :

 

1° si le bénéficiaire :

 

a)  fournit des renseignements inexacts;

 

b)  refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

2° si le travailleur, sans raison valable :

 

a)  entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;

 

b)  pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;

 

c)  omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;

 

d)  omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;

 

e)  omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;

 

f)  omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274.

 

143.  La Commission peut verser une indemnité rétroactivement à la date où elle a réduit ou suspendu le paiement lorsque le motif qui a justifié sa décision n'existe plus.

 

 

[111]     Le 17 juillet 2012, la CSST a remis au travailleur une lettre détaillant les renseignements qu’elle désirait obtenir de sa part. Le travailleur a fourni, le 28 septembre 2012, un document signé par un certain Stéphane Ranger, dans lequel on atteste que le travailleur n’a pas travaillé pour monsieur Ranger. Le tribunal retient de la preuve entendue que cette affirmation n’est pas exacte, car le travailleur a lui-même reconnu avoir aidé monsieur Ranger à quelques reprises. Il lui a fourni son expertise en charpenterie, sur des projets d’installation de systèmes de climatisation. Le travailleur ne répond pas non plus aux autres questions posées par la CSST.

[112]     Le travailleur a mentionné dans son témoignage qu’il n’avait pas informé la CSST du fait qu’il avait conseillé les employés de monsieur Ranger parce que la CSST ne lui avait pas posé la question. Le tribunal ne peut considérer cette réponse comme une explication valable pour ne pas avoir informé la CSST de ses activités, surtout dans le contexte où le dossier du travailleur en était au stade de la détermination d’un emploi convenable. Toute information ayant trait à de potentielles activités de travail aurait dû être communiquée à la CSST par le travailleur sans que celle-ci ait à le questionner. Le travailleur est tenu, de par la loi, de communiquer toute information pouvant avoir une influence sur son droit aux indemnités de remplacement du revenu.

[113]     Mais, qui plus est, même s’il a fourni une lettre de monsieur Ranger dans laquelle ce dernier attestait que le travailleur n’avait pas travaillé pour lui, cette information est incomplète et inexacte puisque le travailleur a fourni certaines activités de travail pour monsieur Ranger et/ou ses entreprises. De plus, la CSST demandait au travailleur de décrire les avantages qu’il avait reçus de monsieur Ranger. Le travailleur nie avoir reçu de tels avantages; ce qui est inexact. Le travailleur aurait dû fournir les détails demandés, soit les repas et les consommations payées par monsieur Ranger ainsi que les autres avantages s’il en est, tel le coût du voyage effectué.

[114]     Le représentant soutenait à l’audience que la CSST détenait ces informations depuis l’enquête et que, par conséquent, elle ne pouvait maintenir cette suspension au-delà du 28 septembre 2012, lorsque le travailleur a fourni la lettre de monsieur Ranger.

[115]     Le tribunal n’est pas de cet avis. En effet, cette lettre de monsieur Ranger n’étant pas conforme à la réalité, la CSST pouvait maintenir cette suspension puisque le travailleur n’avait pas fourni le détail des avantages reçus de monsieur Ranger.

[116]      En effet, même si, lors de la rencontre avec l’enquêteur, le travailleur a reconnu avoir fait le voyage dans le sud et s’être fait payer des repas et des bières, le montant de ces avantages n’avait pas été indiqué par le travailleur. C’est précisément ce qu’on lui demandait dans la lettre du 17 juillet 2012 et il n’a pas fourni ces renseignements.

[117]     Comme c’est toujours le cas, en date de l’audition, la CSST était bien fondée à maintenir cette suspension.

[118]     Quant à savoir si la CSST pourra, en application de l’article 143 de la loi, reprendre le versement des indemnités de remplacement du revenu lorsque le travailleur fournira les renseignements demandés, le tribunal tient à rappeler le caractère discrétionnaire de cette disposition conférant à la CSST le pouvoir de rétablir ou non ce versement. La Commission des lésions professionnelles n’a donc pas à intervenir à ce stade. Dans la mesure où le travailleur fournirait à la CSST les informations demandées, il appartiendra à la CSST de déterminer s’il peut ou non avoir droit à la reprise rétroactive de ses indemnités de remplacement du revenu.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 482228-62-1209

REJETTE la requête de monsieur Alain Brabant, le travailleur;

CONFIRME la décision rendue le 7 septembre 2012, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’emploi d’assistant-gérant de projets est un emploi convenable que le travailleur est capable d’exercer à compter du 17 juillet 2012;

CONFIRME les autres conclusions de cette décision du 7 septembre 2012.

Dossier 486523-62-1211

REJETTE la requête de monsieur Alain Brabant, le travailleur;

CONFIRME la décision rendue le 22 octobre 2012, par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était bien fondée à maintenir la suspension des indemnités du remplacement du revenu au-delà du 28 septembre 2012.

 

 

__________________________________

 

Lucie Couture

 

 

 

 

Michel Julien

G.M.S. CONSULTANTS

Représentant de la partie requérante

 

 

Martin Martial

Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Rebecca Branchaud

VIGNEAULT, THIBODEAU, BERGERON

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           C.L.P. 339382-62-0802, D. Lévesque.

[3]           Blanchette et Transport TFI1 S.E.C., C.L.P. 418942-62-1009, 20 décembre 2011, C. Racine; Potvin et Transport Patrick Boudreau inc., C.L.P. 302816-07-0611, 16 août 2007, S. Séguin.

[4]           Genest et CSST, C.L.P.;85293-08-9701, 3 janvier 2002, P. Prégent; Ski Bromont et Gauthier, C.L.P. 357712-71-0809, 16 septembre 2009, Y. Lemire; Sicard et Réparation Jocelyn Marcil inc., C.L.P. 426568-62C-1012, 27 février 2012, S. Sylvestre; Gilbert et Comité de Spectacles Thetford Mines inc., C.L.P. 383938-03B-0907, 30 septembre 2010 R. Deraiche; Jean Michel et Agence Pichette, C.L.P. 381219-62-0906 27 avril 2010, L. Nadeau; Pruneau et Maurecon inc., C.L.P. 335608-04-0712, 15 janvier 2009, D. Lajoie; Girgis et Services de santé Central, C.L.P. 73953-73-9510, 25 juin 1999, L. Thibault; Delarosbil et Coffrages CCC ltée.

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