______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 24 novembre 2004, monsieur Bertrand St-Cyr (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) le 21 octobre 2004 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 13 juillet 2004 refusant au travailleur le remboursement de ses lunettes.
[3] À l’audience, tenue devant la Commission des lésions professionnelles le 10 janvier 2006, le travailleur était absent mais représenté par Me Martin Savoie. A.L.B. Industries ltée (l'employeur), bien que dûment convoqué, n’avait mandaté aucun représentant.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le représentant du travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de rembourser le montant pour le remplacement des lunettes du travailleur endommagées à son travail.
[5] La Commission des lésions professionnelles avait accordé un délai jusqu’au 31 janvier 2006 au représentant du travailleur pour la production de son argumentation écrite mais à ce jour, rien n’a encore été reçu. Le dossier a donc été mis en délibéré le 1er février 2006.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que le travailleur a droit au remboursement de l’indemnité maximale payable pour ses lunettes qui ont été endommagées au travail. L’employeur avait l’obligation de fournir des lunettes de protection au travailleur en vertu de la Loi sur la santé et la sécurité du travail[1]. Les lunettes du travailleur ont été endommagées par des étincelles de soudure au travail et après sa réclamation à la CSST, l’employeur a procuré des lunettes de protection à tous ses soudeurs.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] Tel qu’il appert au procès-verbal, le travailleur ne s’est pas présenté à l’audience puisque son employeur ne l’a pas autorisé à venir à la Commission des lésions professionnelles. Le travailleur a alors mandaté son collègue et ami, monsieur Jacques Romulus, pour venir témoigner et déposer ainsi sa déclaration écrite sous la cote T-1.
[8] Il appert de la preuve documentaire que le travailleur est soudeur chez l'employeur, de même que monsieur Romulus qui témoigne à l’audience.
[9] Il appert de la déclaration écrite du travailleur que ses lunettes ont été endommagées par des étincelles de soudure puisque l'employeur ne lui procurait pas de masque ou de lunettes de protection. Le travailleur a fait une demande à cet égard qui est restée lettre morte et il a eu comme réponse que c’est la CSST qui en était responsable. Il ajoute qu’à la suite de sa réclamation à la CSST, la compagnie a décidé de procurer à tous les travailleurs une paire de lunettes de protection.
[10] Une facture de 484.00 $ est produite au dossier pour le remplacement des lunettes du travailleur.
[11] Le représentant du travailleur plaide que de recevoir des étincelles de soudure au visage, sans protection, ne constitue pas une condition normale de travail, mais plutôt un événement imprévu et soudain. L’employeur ne protégeait pas ses travailleurs et le travailleur était livré à lui-même pour se protéger avec ses lunettes personnelles.
[12] La Commission des lésions professionnelles se réfère à l’article 113 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) qui se lit comme suit :
113. Un travailleur a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité pour la réparation ou le remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2) endommagée involontairement lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant par le fait de son travail, dans la mesure où il n'a pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime.
L'indemnité maximale payable pour une monture de lunettes est de 125 $ et elle est de 60 $ pour chaque lentille cornéenne; dans le cas d'une autre prothèse ou orthèse, elle ne peut excéder le montant déterminé en vertu de l'article 198.1. (Les soulignés sont de nous)
__________
1985, c. 6, a. 113; 1992, c. 11, a. 5; 2001, c. 60, a. 166.
[13] Il semble de la preuve au dossier que le travailleur n’a pas droit à une telle indemnité en vertu d’un autre régime. Après sa réclamation à l'employeur, celui-ci l’a référé à la CSST.
[14] L’article 113 de la loi fait état de dommages involontaires lors d’un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause survenant par le fait de son travail. La Commission des lésions professionnelles estime que les lunettes du travailleur n’ont pas été endommagées volontairement par celui-ci. Il a demandé des lunettes de protection à l’employeur qui lui a refusé, malgré son obligation de le faire en vertu de l’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Le travailleur devait donc porter ses propres lunettes pour se protéger. Quant à l’événement imprévu et soudain, il est suivi de l’expression « attribuable à toute cause ». La cause, ici, est le refus de l’employeur de procurer au travailleur des lunettes de protection. La Commission des lésions professionnelles rappelle ici que la loi est une loi à caractère social qui doit être interprétée de façon large et libérale.
[15] Ainsi, l’interprétation de l’expression événement imprévu et soudain a été élargie au cours des ans pour inclure les gestes ou postures non ergonomiques au travail, donc qui comportent un risque, lors de la détermination de l’admissibilité d’un accident de travail.
[16] La Commission des lésions professionnelles retient donc en l’espèce que le travailleur fait de la soudure; que dans ce genre de travail, il peut y avoir des étincelles à l’occasion, ce qui n’en fait pas pour autant une condition normale de travail; que le travailleur travaillait sans protection; qu’il a fait une réclamation pour des lunettes de protection et qu’elles ne lui ont pas été accordées; qu’il portait ses propres lunettes au travail; qu’il a reçu des étincelles de soudure et que ses lunettes ont été ainsi endommagées. Par ailleurs, à la suite de sa réclamation à la CSST, l’employeur a procuré des lunettes de protection à tous les soudeurs.
[17] La réclamation du travailleur rencontre donc les critères de l’article 113 de la loi et dans ces circonstances, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le travailleur a droit à l’indemnité maximale payable pour ses lunettes prévue en vertu de la loi.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Bertrand St-Cyr, le travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 21 octobre 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement de l’indemnité maximale payable pour ses lunettes en l’espèce.
|
|
|
Huguette Rivard |
|
Commissaire |
|
|
|
|
|
|
|
|
Me Martin Savoie |
|
Teamsters Québec (C.C. 91) |
|
Procureur de la partie requérante |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.