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Dossier 510222-07-1305
[1] Le 7 mai 2013, monsieur Serge Savoie (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 2 mai 2013 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 25 février 2013 et déclare que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle à titre de récidive, rechute ou aggravation le 15 novembre 2012 et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
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[3] Le 29 juillet 2013, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 22 juillet 2013 à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme deux décisions qu’elle a initialement rendues les 23 et 27 mai 2013 et déclare que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 18 février 2013 de même qu’il n’a pas droit au remboursement des frais reliés au contrat d’entretien du robot.
[5] L’audience s’est tenue le 8 octobre 2013 à Gatineau en présence du travailleur qui n’était pas représenté. Station Mont-Sainte-Anne inc. (l’employeur) n’était pas présent ni représenté. La cause a été mise en délibéré le 29 avril 2014, soit à la date où le soussigné a reçu les documents expédiés par le travailleur.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
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[6] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a subi une récidive, rechute ou aggravation le 15 novembre 2012.
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[7] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a subi une récidive, rechute ou aggravation le 18 février 2013, soit un infarctus du myocarde et qu’il a droit au remboursement des frais d’entretien de son robot.
L’AVIS DES MEMBRES
[8] Conformément à l’article 429.50 de la loi, le commissaire soussigné a obtenu l’avis des membres sur les questions faisant l’objet des contestations.
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[9] Le membre issu des associations d’employeur et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que l’infarctus subi par le travailleur est relié à sa lésion professionnelle à titre de récidive, rechute ou aggravation. Également, ils sont d’avis que sur les autres éléments sa demande doivent être rejetés.
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[10] Le membre issu des associations d’employeurs de même que le membre issu des associations syndicales sont tous deux d’avis que la récidive, rechute ou aggravation ne peut être reconnue et que le travailleur n’a pas droit au remboursement des coûts reliés à l’entretien et à la réparation de son robot.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[11] Dans sa prise de décision, la Commission des lésions professionnelles a tenu compte de l’avis des membres, de l’ensemble de la preuve documentaire au dossier, des documents déposés à l’audience, du témoignage du travailleur et de son argumentation.
[12] Au soutien de sa décision, la Commission des lésions professionnelles réfère aux éléments de preuve tant documentaire que testimoniale pertinents à la détermination des questions en litige.
[13] Le 4 mars 2004, le travailleur, opérateur de remonte-pente mécanique, subit une lésion professionnelle alors qu’il est passager sur une motoneige : il fait une chute lorsque cette dernière freine brusquement. Il tombe tête première et se blesse à l’épaule. Les premières constatations médicales rendues sont des douleurs à l’épaule droite et une cervicalgie. La lésion professionnelle est consolidée le 23 avril 2004 sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[14] Toutefois, plusieurs récidives, rechutes ou aggravations sont reconnues par la suite et la CSST verse les prestations auxquelles le travailleur a droit.
[15] Sur la question de la récidive, rechute ou aggravation, le soussigné constate que dans deux dossiers, la Commission des lésions professionnelles refuse de reconnaître que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation au niveau cervical : ainsi dans le dossier portant le numéro 351629-07-0806[2], le tribunal a rejeté une demande en raison d’un problème de douleur complexe à l’épaule droite et de la déchirure partielle de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite ainsi qu’une bursite sous - acromiale de l’épaule droite alors que dans le dossier 414500-07-1006[3], le travailleur demandait de reconnaître une récidive, rechute ou aggravation en raison de la dégénérescence arthrosique et discale accélérée au niveau de la colonne cervicale.
[16] Le tribunal, après analyse de la preuve, a rejeté les demandes du travailleur, décision confirmée lors d’une demande de révision en vertu de l’article 429.56 de la loi qui prévoit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[17] Cette décision est devenue finale et en l’absence d’éléments nouveaux sur ces questions, soit de nature factuelle ou médicale, le tribunal n’a d’autre choix que de rejeter la requête du travailleur.
[18] Concernant les frais d’entretien du robot, il appert que ce dernier sert à l’entretien du terrain du travailleur. Ce robot fait l’objet d’un contrat d’entretien qui devrait inclure la maintenance et le remplacement de cet équipement, au besoin.
[19] Il y a donc lieu, là aussi, de rejeter la requête du travailleur.
[20] Concernant la demande pour une récidive, rechute ou aggravation survenue le 18 février 2013, soit un infarctus du myocarde, que le travailleur allègue avoir subi en raison de la prise de Celebrex durant de nombreuses années : la prise de ce médicament a été reconnue comme étant responsable de la survenance de l’infarctus du myocarde.
[21] À la demande du tribunal, le travailleur a fait parvenir la liste de ses médicaments ainsi que la fréquence à laquelle il les prenait. Cette liste démontre la prise du médicament Celebrex de façon régulière sur une longue période de temps, soit de 2004 à 2012, ce qui constitue une prise importante de ce médicament.
[22] Le Celebrex peut effectivement être reconnu comme un facteur de risque selon le Compendium des produits et spécialités pharmaceutiques (CPS)[4]. On y note que les patients ayant des facteurs de risque comme dans le présent dossier, le travailleur présentant une obésité, une dyslipidémie, un syndrome d’apnée du sommeil et on le soupçonne d’une sédentarité depuis 2004, selon le CPS, il y a un risque accru de faire un infarctus qui est augmenté par la prise de doses de Celebrex égales ou supérieures à 200 milligrammes, deux fois par jour, ce qui est le cas dans le présent dossier. Sa fiche, dans le CPS, indique :
[…]
Appareil cardiovasculaire
CELEBREX est un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS). L’utilisation de certains AINS est associée à une fréquence accrue de manifestations cardiovasculaires indésirables (comme un infarctus du myocarde, un accident vasculaire cérébral ou des accidents thrombotiques) qui peuvent être mortelles (voir Effets indésirables). Le risque peut augmenter avec la dose et la durée d’utilisation. Les patients atteints de maladie cardiovasculaire ou présentant des facteurs de risque cardiovasculaire peuvent être exposés à un risque accru.
On doit faire preuve de prudence lorsqu’on prescrit CELEBREX à des patients présentant des facteurs de risque de maladie cardiovasculaire, de maladie vasculaire cérébrale ou de néphropathie, tels que ceux qui sont mentionnés ci-après (liste NON exhaustive) :
· hypertension;
· dyslipidémie/hyperlipidémie;
· diabète;
· insuffisance cardiaque (classe I de la NYHA);
· coronaropathie (athérosclérose);
· artériopathie périphérique;
· tabagisme;
· clairance de la créatinine < 60 mL/min ou 1 mL/s.
L’emploi d’un AINS tel que CELEBREX peut provoquer de l’hypertension ou aggraver une hypertension préexistante, ce qui peut, dans un cas comme dans l’autre, augmenter le risque cardiovasculaire tel qu’il est décrit ci-dessus. Par conséquent, on doit mesurer régulièrement la tension artérielle des patients. Il faut envisager de mettre fin au traitement par CELEBREX si celui-ci entraîne l’apparition ou l’aggravation d’une hypertension.
Comme les autres AINS, CELEBREX peut provoquer de la rétention hydrique et de l’œdème, et pourrait exacerber l’insuffisance cardiaque par le jeu d’un mécanisme rénal (voir Mises en garde et précautions, Fonction rénale, Équilibre hydro-électrolytique).
Chez les patients qui présentent un risque élevé de manifestation indésirable cardiovasculaire, d’autres stratégies de prise en charge qui excluent l’utilisation des AINS devraient être envisagées en première intention. Pour réduire au minimum le risque potentiel de manifestation cardiovasculaire indésirable, on recommande de prescrire la dose efficace la plus faible pour la durée de traitement la plus courte possible.
Parmi 3 essais cliniques d’une durée approximative de 3 ans menés après répartition aléatoire, un essai a révélé une augmentation des complications cardiovasculaires graves (surtout des infarctus du myocarde) par rapport au placebo; cette augmentation était liée à la dose de CELEBREX et était décelable aux doses égales ou supérieures à 200 mg, 2 f.p.j. [sic]
[23] Il n’est pas possible d’affirmer que seule la prise de Celebrex soit responsable de l’infarctus subi par le travailleur, étant donné la présence de plusieurs autres facteurs de risque. Le Celebrex a certainement joué un rôle, même si la science ne permet pas de l’évaluer. Toutefois, la période de plus de 12 ans de prise de Celebrex de 200 milligrammes deux fois par jour est importante et s’il n’est pas possible avec certitude d’attribuer l’infarctus du travailleur à la prise seule de ce médicament, cependant il est possible de déclarer qu’il a certainement été un facteur de risque supplémentaire. Comme il n’est pas possible de les départager, le tribunal est d’avis que chacun des facteurs de risque a contribué à l’infarctus qu’a subi le travailleur. Donc, la prise du médicament durant une si longue période permet d’affirmer qu’il a constitué un facteur supplémentaire permettant de reconnaître que l’infarctus du 15 novembre 2012 constitue une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle puisque la prise de ce médicament était prévue en raison de la lésion professionnelle initiale[5].
[24] Il y a lieu, sur cette question, de faire droit à la requête du travailleur.
[25] La CSST, partie intervenante au dossier, à cause d’une erreur administrative n’avait pas été convoquée à l’audience. Le tribunal a procédé à une réouverture d’enquête afin de lui permettre d’être entendue. Toutefois, le 29 avril 2014, la CSST a confirmé au tribunal qu’elle n’avait pas de représentations à faire dans le présent dossier.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 510222-07-1305
REJETTE la requête de monsieur Serge Savoie;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 2 mai 2013 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Serge Savoie n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 15 novembre 2012 et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
Dossier 518145-07-1307
ACCUEILLE en partie la requête de monsieur Serge Savoie;
INFIRME en partie la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 22 juillet 2013 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Serge Savoie a subi une récidive, rechute ou aggravation le 18 février 2013 et qu’il a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;
DÉCLARE que monsieur Serge Savoie n’a pas droit au remboursement des frais de réparation du robot pour l’entretien extérieur.
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Simon Lemire |
[1] RLRQ, c. A-3.001.
[2] Savoie et Bolduc & Bolduc enr.,
[3] Savoie et Bolduc & Bolduc enr., précitée, note 2.
[4] « Celebrex », dans ASSOCIATION DES PHARMACIENS DU CANADA, e-CPS : compendium des produits et spécialités pharmaceutiques, Ottawa, l’Association, [En ligne], <https://www.e-therapeutics.ca/wps/portal/!ut/p/.scr/Login> (Date de consultation inconnue).
[5] Voir à cet effet : Antenucci et autres c. Canada Steamship Lines inc., C. A. Montréal, 500-09-000317-867, 16 avril 1991, jj. LeBel, Chevalier, Beauregard.
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