COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : Schreyer c. Schreyer, 2011 CSC 35, [2011] 2 R.C.S. 605 |
Date : 20110714 Dossier : 33443 |
Entre :
Susan Wilma Schreyer
Appelante
et
Anthony Leonard Schreyer
Intimé
Traduction française officielle
Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Abella, Rothstein et Cromwell
Motifs de jugement : (par. 1 à 43) |
Le juge LeBel (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie, Deschamps, Abella, Rothstein et Cromwell) |
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Schreyer c. Schreyer, 2011 CSC 35, [2011] 2 R.C.S. 605
Susan Wilma Schreyer Appelante
c.
Anthony Leonard Schreyer Intimé
Répertorié : Schreyer c. Schreyer
2011 CSC 35
No du greffe : 33443.
2010 : 9 novembre; 2011 : 14 juillet.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Abella, Rothstein et Cromwell.
en appel de la cour d’appel du manitoba
Droit de la famille — Biens familiaux —
Faillite et insolvabilité — Consentement des conjoints lors de la séparation à
l’évaluation de l’actif en vertu de la Loi sur les biens familiaux du Manitoba —
Époux propriétaire de la ferme familiale — Cession en faillite des biens de
l’époux et libération avant l’évaluation de l’actif — Droit de l’épouse à un
paiement de compensation confirmé par l’évaluation — Effet de la faillite et de
la libération sur le paiement de compensation — La réclamation au titre de la
compensation est-elle une réclamation prouvable en matière de faillite? — La
libération de l’époux failli a-t-elle eu pour effet de le libérer de la
réclamation au titre de la compensation? — Loi sur la faillite et
l’insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-3, art. 69.4, 121(1),
121(2), 135,
Les parties se sont mariées en 1980, se sont séparées en 1999 et ont demandé le divorce en 2000. L’époux a continué de vivre sur la ferme familiale, dont il était le seul propriétaire inscrit. En décembre 2000, les parties ont consenti à une reddition de comptes et à une évaluation de leurs éléments d’actif. Avant l’évaluation par la conseillère-maître, l’époux a fait cession de ses biens en faillite. L’épouse n’a pas été inscrite sur la liste des créanciers et n’a pas été avisée de la cession en faillite. L’époux a été libéré de la faillite en novembre 2002. La conseillère-maître a procédé ultérieurement à l’évaluation et conclu que l’épouse avait droit à un paiement de compensation de 41 063,48 $. Le rapport de la conseillère-maître, confirmé par la Cour du Banc de la Reine, ne traitait pas de l’effet de la faillite et de la libération de l’époux sur la réclamation de l’épouse au titre de la compensation. La Cour d’appel a statué que la réclamation de l’épouse au titre de la compensation était une réclamation prouvable en matière de faillite et qu’elle avait été éteinte par l’ordonnance de libération de l’époux.
Arrêt : Le pourvoi est rejeté.
Le Manitoba est un ressort qui a opté pour la compensation, et non pour le partage des biens. Le régime de compensation est fondé sur le principe du partage égal de la valeur de l’actif familial à l’issue d’un processus de reddition de comptes et d’évaluation. La reddition de comptes sert à établir la valeur qui sera partagée entre les conjoints et tout montant dû doit être payé au conjoint créancier. Le conjoint débiteur conserve les biens dont il est propriétaire, mais il doit verser une somme d’argent à l’autre conjoint. L’actif lui-même n’est pas partagé et aucun des conjoints n’acquiert un intérêt propriétal ou bénéficiaire dans l’actif de l’autre. Aucune disposition de la Loi sur les biens familiaux du Manitoba (« LBF ») n’a pour effet d’investir un conjoint de quelque titre relatif aux biens de l’autre conjoint. Aucun intérêt propriétal n’est transmis avant le stade du paiement de la compensation, l’exécution pouvant alors prendre la forme de la transmission d’un tel intérêt en vertu de l’art. 17 de la LBF. Ainsi, sous le régime de la LBF, la réclamation au titre de la compensation constitue une dette d’un conjoint envers l’autre.
La réclamation au titre de la compensation de l’épouse était une
réclamation prouvable dans la faillite de l’époux. L’article
Selon la Loi sur les jugements du Manitoba, les
créanciers ne pouvaient pas saisir la ferme familiale. Le recours que devrait
exercer un créancier comme l’épouse consiste à demander au juge de faillite, en
vertu de l’art.
Le régime actuel établi par la LFI offre des recours limités aux conjoints qui se trouvent dans une situation semblable à celle de l’épouse. Le droit de la famille peut leur offrir d’autres formes de recours après la libération du failli, notamment grâce à une pension alimentaire pour conjoint.
Jurisprudence
Distinction
d’avec l’arrêt : Lacroix c. Valois,
Lois et règlements cités
Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64, art. 427.
Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-3, art. 69.3, 69.4, 121, 135, 136d.1), 178(1)b), c), d), f), 178(2), 187(5).
Loi sur les biens familiaux, C.P.L.M. ch. F25, art. 6(1), 13, 14, 15, 17.
Loi sur les biens matrimoniaux, C.P.L.M. ch. M45.
Loi sur les jugements, C.P.L.M. ch. J10, art. 13.
Doctrine citée
Bray, Michael J. « To Whom the Swords, for Whom the Shields? The Feminization of Poverty in Canadian Insolvency Practice », in Janis P. Sarra, ed., Annual Review of Insolvency Law 2008. Toronto : Thomson Carswell, 2009, 455.
Canada. Sénat. Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Les débiteurs et les créanciers doivent se partager le fardeau : Examen de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Ottawa : Sénat du Canada, 2003.
Gutkin, Terry A. « Family Law and Bankruptcy » (1999), 16 Nat’l Insolv. Rev. 26.
Houlden, L. W., G. B. Morawetz and Janis Sarra. Bankruptcy and Insolvency Law of Canada, vol. 3, 4th ed. Toronto : Carswell, 2009 (loose-leaf updated 2011, release 5).
Klotz, Robert A. Bankruptcy, Insolvency and Family Law, 2nd ed. Scarborough, Ont. : Thomson Carswell, 2001 (loose-leaf updated 2007, release 1).
Wood, Roderick J. Bankruptcy and Insolvency Law. Toronto : Irwin Law, 2009.
POURVOI
contre un arrêt de la Cour d’appel du Manitoba (les juges Hamilton, Freedman et MacInnes),
Martin W. Mason, Robert A. Klotz, Alain J. Hogue et Matthew Estabrooks, pour l’appelante.
Gerald S. Ashcroft, pour l’intimé.
Version française du jugement de la Cour rendu par
Le juge LeBel —
I. Aperçu
[1] Le pourvoi porte sur un conflit apparent entre le droit de la famille et le droit de la faillite. L’appelante conteste vivement l’issue du litige découlant de sa séparation et de son divorce d’avec l’intimé : elle s’est vue privée du paiement de compensation qui lui était dû par suite du partage de l’actif familial, alors que l’intimé est demeuré propriétaire de la ferme familiale après avoir été libéré de sa faillite, puisque la ferme est un bien insaisissable selon la législation manitobaine. Je suis d’avis de confirmer le jugement de la Cour d’appel du Manitoba, qui a rejeté la réclamation de l’appelante, car il n’est entaché selon moi d’aucune erreur de droit. Je rejetterais donc le pourvoi. Toutefois, certains commentaires s’imposent sur l’interaction entre le droit de la faillite et le droit de la famille, ainsi que sur la façon de les appliquer de concert, sans qu’ils se contredisent.
II. Les faits
[2] L’appelante, Susan Wilma Schreyer, et l’intimé, Anthony Leonard Schreyer, se sont mariés en 1980. Ils ont essayé à plusieurs reprises durant leur mariage de lancer une entreprise agricole au Manitoba. En 1997, l’intimé a finalement acquis une partie de la ferme appartenant à ses parents, y compris une résidence et des bâtiments agricoles. Seul son nom figure sur le titre de la propriété en qualité de propriétaire inscrit. L’intimé a contracté une hypothèque pour financer l’achat.
[3] Le mariage a pris fin en décembre 1999. La séparation s’est faite dans l’amertume. L’appelante a quitté la ferme, tandis que l’intimé a continué d’y vivre. En mars 2000, l’appelante a demandé le divorce et réclamé notamment le partage égal des biens familiaux, y compris la ferme.
[4] En décembre 2000, les parties ont consenti à une ordonnance confiant à la conseillère-maître la reddition de comptes et l’évaluation de leurs éléments d’actif en vertu de la Loi sur les biens matrimoniaux, C.P.L.M. ch. M45 (« LBM »), maintenant la Loi sur les biens familiaux, C.P.L.M. ch. F25 (« LBF »). Comme les dispositions pertinentes de ces deux lois sont identiques, les parties ont fondé leurs observations à la Cour sur la LBF. La date de l’évaluation a été fixée rétroactivement au jour de la séparation des parties, en l’occurrence le 4 décembre 1999.
[5] M. Schreyer a fait cession de ses biens en faillite le 20 décembre 2001, avant que la conseillère-maître ne procède à l’évaluation. Mme Schreyer n’a pas été inscrite à la liste des créanciers, n’a pas été avisée de la cession des biens et affirme qu’elle n’était pas au courant de celle-ci. L’intimé a été libéré de sa faillite le 29 novembre 2002. L’appelante a sans doute été informée de la faillite quelque temps plus tard, mais avant que la conseillère-maître ne procède à l’évaluation, comme on peut le déduire des modifications apportées dans une nouvelle ordonnance de renvoi à la conseillère-maître rendue sur consentement en date du 8 octobre 2004. La nouvelle ordonnance était identique à l’ordonnance sur consentement initiale, sauf pour l’ajout de deux paragraphes, dont l’un autorisait la conseillère-maître à trancher les questions découlant de la faillite de M. Schreyer, comme la Cour d’appel du Manitoba l’a mentionné dans son jugement (par. 14-15). La conseillère-maître a procédé à l’évaluation à l’origine du présent litige.
III. Historique judiciaire
A. Cour du Banc de la Reine du Manitoba (la conseillère-maître Sharp), 2007 MBQB 263 (CanLII)
[6] La conseillère-maître Sharp a produit un rapport détaillé à l’issue d’une longue audition. Je n’ai pas à examiner l’évaluation de l’actif et du passif des parties pour les besoins du pourvoi. Je mentionnerai simplement que la conseillère-maître a souligné que la ferme ne pouvait pas faire l’objet d’une mesure d’exécution et que le syndic de faillite, ayant vraisemblablement vérifié qu’elle était insaisissable, avait dû la laisser à l’intimé. Après avoir évalué les éléments d’actif et de passif des parties au moment de la séparation, la conseillère-maître a jugé que l’appelante avait droit à une compensation de 41 063,48 $. La conseillère-maître Sharp n’a toutefois pas traité de l’effet de la faillite et de la libération de l’intimé sur la réclamation de l’appelante qui a mené à l’établissement d’une compensation.
B. Cour du Banc de la Reine du Manitoba, Division de la famille (la juge Guertin-Riley), 23 juin 2008 (non publiée)
[7] Les deux parties se sont opposées à la confirmation du rapport de la conseillère-maître. Malgré leurs objections, la juge Guertin-Riley a confirmé le rapport dans son intégralité et a ordonné à l’intimé de verser la compensation établie par la conseillère-maître. Les deux parties ont fait appel de cette ordonnance à la Cour d’appel du Manitoba.
C. Cour
d’appel du Manitoba (les juges Hamilton, Freedman et MacInnes),
[8] S’exprimant au nom de la Cour d’appel à l’unanimité, le juge MacInnes a étudié plusieurs questions, dont la plupart ne sont plus pertinentes pour les besoins du pourvoi. La Cour d’appel a examiné principalement l’effet de la faillite et de la libération sur la réclamation de Mme Schreyer au titre de la compensation. Elle a conclu que Mme Schreyer n’avait qu’un recours personnel en compensation contre son ex-mari et qu’elle ne détenait aucun intérêt dans la ferme elle-même, le Manitoba ayant opté pour un régime de « compensation », plutôt que de « partage des biens ». Sa réclamation constituait une réclamation prouvable en matière de faillite et s’était éteinte par suite de la libération du failli. La Cour d’appel a donc jugé que la Cour du Banc de la Reine avait fait erreur en confirmant le rapport et en concluant que l’intimé demeurait tenu d’exécuter l’obligation de compensation même après avoir été libéré de sa faillite.
IV. Analyse
A. Les questions en litige
[9] Les parties ont soulevé plusieurs problèmes, mais la question fondamentale en l’espèce consiste à déterminer si l’application de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-3 (« LFI »), a libéré l’intimé de la réclamation de Mme Schreyer au titre de la compensation relative à l’actif familial sous le régime de la LBF — qui a succédé à la LBM. (Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe.) Le résultat obtenu peut certes sembler injuste, mais on ne peut faire abstraction de la faillite de l’intimé et du problème qu’elle pose. Il faut résoudre la question de l’effet juridique de la faillite et de la libération de M. Schreyer. Pour ce faire, je dois d’abord établir la nature juridique de la réclamation au titre de la compensation. Je vais ensuite déterminer s’il s’agissait d’une réclamation prouvable en matière de faillite et si l’ordonnance de libération de l’intimé l’a libéré de cette réclamation. Je traiterai en outre brièvement d’autres points, tel le recours de l’appelante pour enrichissement injustifié, qui ne jouent pas un rôle déterminant en l’espèce.
B. Les thèses des parties
[10]
L’appelante avance plusieurs
arguments pour démontrer que sa réclamation au titre de la compensation a
survécu à la faillite de son mari et qu’une mesure d’exécution peut être prise
contre le bien insaisissable, c’est-à-dire la ferme familiale.
L’appelante fait valoir en premier lieu que sa réclamation est de nature
propriétale, de sorte qu’elle n’a pas été touchée par l’application de la LFI
et qu’il ne s’agissait pas d’une réclamation prouvable en matière de
faillite. Elle affirme en outre que sa réclamation n’était pas une réclamation
prouvable parce qu’elle n’était pas liquidée. Subsidiairement, s’il s’agissait
d’une réclamation prouvable, elle plaide la préclusion, affirmant que l’intimé
ne peut opposer sa libération à la réclamation de l’appelante parce qu’il ne
l’a pas inscrite à la liste des créanciers et a participé à la procédure
d’évaluation devant la conseillère-maître. Si l’appelante avait été
informée de la faillite de l’intimé en temps opportun, elle aurait pu demander
au tribunal de faillite, en vertu de l’art.
[11] Si ces deux premiers arguments ne peuvent être retenus, l’appelante soutient à titre subsidiaire que l’intimé s’est enrichi injustement. En effet, il a gardé la ferme à l’abri de la réclamation au titre de la compensation, et ses dettes envers ses créanciers ordinaires ont été effacées. L’appelante estime que cette situation, attribuable à l’omission par M. Schreyer de l’avoir avisée de sa faillite, donne ouverture à un recours pour enrichissement injustifié et que la Cour devrait y remédier en imposant une fiducie par interprétation à l’égard de la moitié de la ferme familiale.
[12] Pour sa part, l’intimé se fonde essentiellement sur le jugement de la Cour d’appel. À son avis, la réclamation au titre de la compensation était de nature pécuniaire. Il s’agissait d’une réclamation prouvable en matière de faillite, dont il a été libéré par son ordonnance de libération. De plus, l’appelante n’a pris aucune mesure pour obtenir l’annulation ou la suspension de la libération en vertu de la LFI. Toujours selon l’intimé, la question de la fiducie par interprétation n’a jamais été évoquée devant les juridictions inférieures, aucune preuve n’a été produite à ce sujet et, par conséquent, la Cour ne devrait pas étudier cette question.
C. La nature juridique de la réclamation au titre de la compensation sous le régime de la LBM et de la LBF
[13] En l’espèce, la qualification juridique d’une réclamation au titre de la compensation après la rupture d’un mariage, selon le droit de la famille manitobain, revêt une importance capitale. Un conjoint, telle Mme Schreyer, obtient-il un intérêt propriétal dans l’actif familial ou une créance pécuniaire à l’issue du processus de compensation? Comme nous le verrons, le Manitoba, qui a opté pour la compensation, n’a pas modifié ce choix pour joindre les rangs des provinces qui ont instauré un régime de partage des biens. Par conséquent, un conjoint a droit à une ordonnance fixant le montant qui lui est payable par l’autre conjoint en application du régime de compensation et peut demander une somme d’argent en paiement de ce montant ou le transfert d’éléments d’actif à titre de paiement.
[14] Toutes les provinces canadiennes ont essayé de résoudre d’une façon ou d’une autre les injustices ou difficultés attribuables au partage de l’actif familial par suite de la rupture d’un mariage ou d’une union de fait — qui est assujettie aux mêmes règles. De façon générale, les législatures provinciales ont choisi entre deux solutions : la compensation, ou égalisation des biens, et le partage des biens (R. A. Klotz, Bankruptcy, Insolvency and Family Law (2e éd. (feuilles mobiles)), p. 4-29 à 4-30).
[15] Un régime de compensation demande l’évaluation de l’actif familial et une reddition de comptes. La valeur de l’actif est ensuite partagée entre les conjoints, habituellement à parts égales, sous réserve des pouvoirs limités des tribunaux de la famille d’ordonner un partage inégal. L’évaluation et le partage créent une relation débiteur-créancier, en ce sens que le conjoint créancier obtient une créance pécuniaire sur le conjoint débiteur, mais l’actif lui-même n’est pas partagé. Chaque conjoint demeure propriétaire de ses propres biens avant et après la rupture du mariage. Aucun des conjoints n’acquiert un intérêt propriétal ou bénéficiaire dans l’actif de l’autre. Des éléments d’actif ne sont cédés qu’au stade de la réparation, comme mode d’acquittement ou d’exécution du jugement, conformément à la convention conclue entre les parties ou à l’ordonnance rendue par le tribunal de la famille dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire (T. A. Gutkin, « Family Law and Bankruptcy » (1999), 16 Nat’l Insolv. Rev. 26, p. 31-32; Balyk c. Balyk (1994), 113 D.L.R. (4th) 719 (C. Ont. (Div. gén.)), p. 723-725; Burson c. Burson (1990), 4 C.B.R. (3d) 1 (C. Ont. (Div. gén.)), par. 24-25). Pour leur part, les régimes de partage des biens accordent un intérêt propriétal ou bénéficiaire dans les éléments d’actif eux-mêmes, et pas seulement dans leur valeur (Balyk, p. 723-724).
[16] Le Manitoba a adopté un régime de compensation. Ce régime repose sur le principe du partage égal de la valeur de l’actif familial à l’issue d’un processus d’évaluation et de reddition de comptes (art. 13 et 14 de la LBF). La reddition de comptes sert à établir la valeur qui sera partagée entre les conjoints et tout montant dû doit être payé au conjoint créancier. Le conjoint débiteur conserve les biens dont il est propriétaire, mais il doit verser une somme d’argent, la compensation, si la valeur de son actif est supérieure à celle de l’actif de l’autre conjoint (art. 15 de la LBF). Le tribunal a toujours le pouvoir discrétionnaire de modifier le partage égal de la valeur des éléments d’actif s’il « conclut qu’une compensation serait manifestement injuste ou moralement inadmissible » (par. 14(1) de la LBF). Aucune disposition de la LBF n’a pour effet d’investir un conjoint de quelque titre relatif aux biens de l’autre conjoint (par. 6(1) de la LBF) au cours du processus d’évaluation et de reddition de comptes. À la fin du processus, un conjoint a une dette pécuniaire envers l’autre.
[17] Aucun intérêt propriétal n’est transmis avant le stade du paiement de la compensation, l’exécution pouvant alors prendre la forme de la transmission d’un tel intérêt, de façon que la compensation soit effectivement payée. L’article 17 de la LBF prévoit que la dette établie au moyen de la reddition de comptes doit être réglée par le paiement d’une somme d’argent ou la cession d’éléments d’actif ou par une combinaison des deux. Le mode de paiement peut être déterminé par convention des parties ou par une ordonnance du tribunal, comme le prévoit l’art. 17 :
17 La dette due par un conjoint ou un conjoint de fait à l’autre, en vertu d’une reddition de comptes effectuée en application de l’article 15, peut être réglée d’une des manières qui suivent, selon ce que les conjoints ou les conjoints de fait conviennent ou, en l’absence de convention, selon l’ordonnance du tribunal saisi d’une demande d’un des conjoints ou d’un des conjoints de fait présentée en vertu de la présente loi et qui tient compte des effets de toute ordonnance provisoire rendue en vertu de l’article 18.1 :
a) par le paiement de la dette en un versement global ou par versements échelonnés;
b) par la cession d’un ou de plusieurs éléments d’actif au lieu du paiement de la dette;
c) par toute combinaison des modes de paiement visés aux alinéas a) et b).
[18] Selon la LBF, la réclamation au titre de la compensation constitue une dette d’un conjoint envers l’autre. La Cour d’appel n’a donc pas eu tort de considérer la réclamation de l’appelante comme une créance. La qualification de la réclamation au titre de la compensation joue un rôle particulièrement important en l’occurrence — dans le contexte de l’application de la LFI — pour ce qui est de déterminer si la créance de l’appelante a survécu à la libération de faillite de son mari.
D. L’effet de la faillite de l’intimé
[19]
L’élaboration même de la
législation sur l’insolvabilité comporte des difficultés pour le législateur
sur le plan des principes. Une mesure législative établissant une procédure de
liquidation ordonnée dans les cas où une réorganisation est impossible, évitant
les courses à l’exécution et donnant aux débiteurs la possibilité d’un nouveau
départ est habituellement considérée comme un choix de politique judicieux. Ce
type de législation fait maintenant partie du paysage juridique et économique
des sociétés modernes. Mais elle a un prix, et les personnes qui pourraient
avoir à le payer font parfois des efforts considérables pour se soustraire à
cette obligation. Malgré la sagesse éprouvée des principes de politique
générale qui sous-tendent la législation en matière d’insolvabilité, on
peut comprendre que peu de gens se réjouissent de « perdre des plumes »,
voire de tout perdre, à la suite d’une faillite. Les créanciers cherchent donc
à obtenir des sûretés ou des garanties de la part d’un tiers. Dans d’autres
cas, il se peut que des exemptions légales de l’application de la LFI
entrent en jeu. Pendant longtemps, les gouvernements ont pris soin de protéger
leurs propres intérêts, mais ils acceptent désormais généralement, quoiqu’avec
une certaine réticence, de partager le sort des créanciers ordinaires (Century
Services Inc. c. Canada (Procureur général),
[20]
Il nous faut donc accepter, dans
l’interprétation de la LFI, le principe que toutes les réclamations sont
emportées dans la faillite et que le failli est libéré de toutes les
réclamations lors de sa libération, à moins que la loi ne prévoie clairement
une exclusion ou une exemption. Comme je l’expliquerai plus en détail, la
réclamation au titre de la compensation de l’appelante était une réclamation
prouvable dans la faillite de l’intimé. Au regard des dispositions de la LFI,
on trouve donc difficilement matière à critiquer — hormis une réserve mineure quant à la terminologie utilisée — la conclusion de la Cour d’appel que la réclamation
au titre de la compensation s’est [traduction]
« éteinte » par suite de la libération de l’intimé. Cette conclusion
semble respecter à la fois le libellé de la LBF et les dispositions de
la LFI. À cet égard, comme l’Ontario a aussi opté pour un régime de
compensation, il vaut la peine de mentionner que la Cour d’appel de l’Ontario a
adopté récemment ce raisonnement dans Thibodeau c. Thibodeau,
[traduction] Les conjoints qui se
séparent n’ont pas droit au partage des biens. Ils ont plutôt droit (en règle
générale) à la moitié de la valeur des biens accumulés au cours du
mariage. Le législateur a choisi un paiement de compensation comme
solution par défaut. Sur le plan de la faillite, les créanciers non garantis
sont traités à égalité et les avoirs du failli sont répartis également entre
eux, sous réserve du régime établi par l’art.
[21]
Ma seule réserve à l’égard de la
décision de la Cour d’appel concerne le fait qu’elle a écrit à plusieurs
reprises que l’application du par.
[22] Durant sa plaidoirie, Me Klotz, l’avocat de l’appelante, a exhorté la Cour à voir la réclamation au titre de la compensation comme une « réclamation hybride ». Selon cette thèse, dans la mesure où la réclamation au titre de la compensation donne à un ex-conjoint le droit au paiement d’une somme d’argent, elle constituerait une réclamation prouvable dont le failli est libéré par l’ordonnance de libération. Toutefois, compte tenu de la réparation de nature propriétale dont elle est assortie suivant l’art. 17 de la LBF, la réclamation au titre de la compensation serait aussi une réclamation de nature propriétale qui survit au processus de faillite.
[23] On ne saurait retenir cet argument pour deux raisons. Premièrement, il modifie le rôle de l’art. 17 de la LBF. Comme je l’ai déjà mentionné, cet article prévoit un mécanisme visant à ce que la compensation soit effectivement payée. Bien que ce mécanisme permette notamment, en application des al. 17b) ou c) de la LBF, la cession d’éléments d’actif à un ex-conjoint en règlement du montant qui lui est payable par l’autre conjoint, cela ne change rien au fait qu’aucun intérêt propriétal n’est conféré avant que, le cas échéant, les parties concluent une convention en ce sens ou le tribunal de la famille, sur présentation d’une requête, rende une ordonnance à cet effet. En l’espèce, il n’est pas nécessaire que j’examine un éventuel argument selon lequel, même après que le débiteur a été libéré d’une réclamation dans une procédure de faillite, le tribunal de la famille conserverait le pouvoir discrétionnaire d’ordonner le transfert d’éléments d’actif exclus. Pareil argument pourrait soulever d’importantes questions et difficultés qui n’ont pas été étudiées ni plaidées et à l’égard desquelles je ne dirai rien de plus.
[24] Deuxièmement, s’il est retenu, l’argument relatif à la « réclamation hybride » placerait en fait les provinces qui ont adopté un régime de compensation sur le même pied que celles qui ont opté pour un régime de partage des biens et confondrait essentiellement ces deux types de régimes. En donnant une interprétation nouvelle de l’art. 17 de la LBF, la Cour s’immiscerait dans le choix politique de la législature manitobaine de ne pas accorder aux ex-conjoints un intérêt propriétal dans les biens familiaux. La Cour doit donner effet à cette intention claire du législateur, et non l’écarter en interprétant la LBF.
[25]
Je ne doute pas qu’un résultat
comme celui obtenu en l’espèce semble inéquitable, puisque la réclamation au
titre de la compensation de l’appelante était principalement fondée sur la
valeur d’un élément d’actif — la ferme — exclu de la faillite, auquel les autres créanciers
n’avaient donc pas accès. Aucun des principes qui sous-tendent la LFI
n’exige que l’appelante se retrouve, après la rupture du mariage, privée de
tout élément d’actif substantiel. Le législateur pourrait modifier la LFI en
ce qui a trait à l’effet de la libération d’un failli sur les réclamations au
titre de la compensation et sur les éléments d’actif exclus. En l’absence
d’une telle modification, l’issue de l’affaire s’avère toutefois inéluctable.
Pour y échapper, Mme Schreyer aurait dû obtenir du tribunal de
faillite une ordonnance levant la suspension des procédures survenue en
application de l’art.
E. Qu’est-ce qu’une réclamation prouvable?
[26]
L’article
[27]
La date de la faillite revêt une
importance cruciale. Il ne fait aucun doute qu’une réclamation au titre de la
compensation liquidée avant la faillite constitue une réclamation prouvable.
Si la réclamation au titre de la compensation n’était pas liquidée à la date de
la faillite, il faut se demander si elle demeure trop incertaine pour que le
syndic puisse l’évaluer en vertu de l’art.
[28]
La situation en l’espèce diffère
de celle que notre Cour a analysée dans Lacroix c. Valois,
[29]
La réclamation au titre de la
compensation de l’appelante n’est pas de nature propriétale. Il s’agissait
d’une réclamation prouvable suivant les art.
[30] Je déterminerai maintenant si l’insaisissabilité de la ferme et l’omission de l’intimé d’inscrire l’appelante à la liste des créanciers lors de la faillite ont une incidence quelconque sur le statut juridique de la réclamation au titre de la compensation.
F. L’insaisissabilité de la ferme familiale
[31]
Selon l’article
[32]
En pareilles circonstances, le
recours que devrait exercer un créancier comme l’appelante consiste à demander
au tribunal de faillite, en vertu de l’art.
[33] Une fois la suspension des procédures levée, l’appelante aurait ainsi pu demander au tribunal de la famille de lui accorder un intérêt propriétal dans la ferme familiale en règlement de sa réclamation au titre de la compensation. La faillite n’aurait pas eu d’incidence sur un tel intérêt. Le problème, toutefois, tient à ce que l’appelante affirme en l’espèce qu’elle ne pouvait pas exercer ce recours parce que M. Schreyer n’a pas déclaré sa réclamation au titre de la compensation dans le bilan qu’il a soumis au syndic lors de la cession de ses biens en faillite. En conséquence, l’appelante soutient n’avoir appris l’existence de la faillite qu’après la libération de l’intimé.
[34]
L’appelante sollicite maintenant
une réparation en raison de l’omission de l’intimé de l’inscrire à la liste des
créanciers au moment où il a fait faillite. Elle soutient essentiellement que,
en raison de cette omission qui constitue un manquement aux obligations légales
d’un débiteur failli, elle devrait pouvoir passer outre à la libération de son
mari et faire valoir sa réclamation contre la ferme familiale, qui est un bien
exclu de l’application de la LFI. Sur ce point, l’al.
[35]
Les autres recours possibles
semblent complexes et semés d’embûches. La libération du failli fait obstacle
à toute solution envisagée par un créancier se trouvant dans la même situation
que Mme Schreyer. Certes, il est possible de faire réviser,
rescinder ou modifier toute ordonnance rendue par le tribunal dans l’exercice
de sa compétence en matière de faillite, y compris une ordonnance de
libération, en vertu du par.
[36]
En l’occurrence, il serait hasardeux de
tenter de déterminer si le passage de la théorie à la pratique serait réussi.
Les faits suffiraient-ils à justifier une suspension de la libération?
Une telle réparation pourrait-elle être accordée en vertu du
par.
[37] Le régime actuel établi par la LFI offre donc des recours limités aux conjoints qui se trouvent dans une situation semblable à celle de l’appelante. Le droit de la famille leur offre peut-être une meilleure protection après la libération du failli, plus particulièrement grâce à une pension alimentaire pour conjoint. Le présent dossier ne révèle pas si une ordonnance de pension alimentaire a été rendue et la question de savoir si une telle ordonnance devrait être rendue ou modifiée n’a pas été soumise à la Cour. L’opportunité d’ordonner le paiement d’une pension alimentaire ou de la modifier et le montant d’une telle pension relèvent du pouvoir discrétionnaire du tribunal de la famille. Une ordonnance de pension alimentaire dans un cas comme celui-ci pourrait vraisemblablement servir à atténuer les effets inéquitables de la faillite, comme le fait que le conjoint débiteur soit libéré de la réclamation au titre de la compensation ou conserve un bien exclu de la faillite (voir Turgeon c. Turgeon, [1997] O.J. No. 4269 (QL) (Div. gén.); et Sim c. Sim (2009), 50 C.B.R. (5th) 295 (C.S.J. Ont.)). Pareilles décisions doivent être rendues au cas par cas.
[38]
La possibilité d’atténuer les
conséquences du présent litige au moyen d’une pension alimentaire ne doit
cependant pas occulter les problèmes dus à l’absence de distinction, dans la LFI,
entre les régimes de compensation et les régimes de partage des biens.
Modifier la LFI demeure la meilleure solution pour remédier aux
conséquences injustes que le droit de la faillite pourrait avoir sur le partage
des biens familiaux : voir, à ce sujet, Shea c. Fraser,
[39]
Avant 1997, les réclamations alimentaires ne
constituaient pas expressément des réclamations prouvables au sens de la LFI,
de sorte que l’actif du failli pouvait demeurer hors de la portée de son
conjoint. Depuis les modifications apportées en 1997 (L.C. 1997, ch. 12),
le nouveau par.
[40] Plus de sept années se sont écoulées depuis la production du rapport du Comité. Le temps est venu pour le législateur d’intervenir et de veiller à assurer l’harmonie et éviter les contradictions entre le droit de la faillite et le droit de la famille.
[41] En attendant que le législateur modifie la loi, les conjoints créanciers doivent être conscients non seulement des pièges que comporte la LFI, mais aussi de l’importance des voies de droit qu’elle offre en pareilles situations. Dans le présent dossier, toutefois, vu la nature et le stade de l’instance dont la Cour est saisie, je suis d’avis que la Cour d’appel n’a commis aucune erreur et qu’on ne peut pas accorder à l’appelante les réparations particulières qu’elle sollicite.
[42] Je suis d’accord avec l’intimé qu’il faut rejeter la réclamation fondée sur l’enrichissement injustifié et la demande d’imposition d’une fiducie par interprétation. La question n’a pas été évoquée comme il se doit en première instance, et aucune preuve n’a été produite à ce sujet.
V. Conclusion
[43] Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter le pourvoi, mais sans dépens, vu les circonstances particulières de l’espèce.
ANNEXE
Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, ch. B-3
BIENS DU FAILLI
67. (1) Les biens d’un failli, constituant le patrimoine attribué à ses créanciers, ne comprennent pas les biens suivants :
a) les biens détenus par le failli en fiducie pour toute autre personne;
b) les biens qui, selon le droit applicable dans la province dans laquelle ils sont situés et où réside le failli, ne peuvent faire l’objet d’une mesure d’exécution ou de saisie contre celui-ci;
. . .
Suspension des procédures
. . .
69.3 (1) Sous réserve des paragraphes (1.1) et (2) et des articles 69.4 et 69.5, à compter de la faillite du débiteur, ses créanciers n’ont aucun recours contre lui ou contre ses biens et ils ne peuvent intenter ou continuer aucune action, mesure d’exécution ou autre procédure en vue du recouvrement de réclamations prouvables en matière de faillite.
(1.1) Le paragraphe (1) cesse de s’appliquer à tout créancier le jour de la libération du syndic.
. . .
69.4 Tout créancier touché par l’application des articles 69 à 69.31 ou toute personne touchée par celle de l’article 69.31 peut demander au tribunal de déclarer que ces articles ne lui sont plus applicables. Le tribunal peut, avec les réserves qu’il estime indiquées, donner suite à la demande s’il est convaincu que la continuation d’application des articles en question lui causera vraisemblablement un préjudice sérieux ou encore qu’il serait, pour d’autres motifs, équitable de rendre pareille décision.
Réclamations prouvables
121. (1) Toutes créances et tous engagements, présents ou futurs, auxquels le failli est assujetti à la date à laquelle il devient failli, ou auxquels il peut devenir assujetti avant sa libération, en raison d’une obligation contractée antérieurement à cette date, sont réputés des réclamations prouvables dans des procédures entamées en vertu de la présente loi.
(2) La question de savoir si une réclamation éventuelle ou non liquidée constitue une réclamation prouvable et, le cas échéant, son évaluation sont décidées en application de l’article 135.
(3) Un créancier peut établir la preuve d’une créance qui n’est pas échue à la date de la faillite, et recevoir des dividendes tout comme les autres créanciers, en en déduisant seulement un rabais d’intérêt au taux de cinq pour cent par an calculé à compter de la déclaration d’un dividende jusqu’à la date où la créance devait échoir selon les conditions auxquelles elle a été contractée.
(4) Constitue une réclamation prouvable la réclamation pour une dette ou une obligation mentionnée aux alinéas 178(1)b) ou c) découlant d’une ordonnance judiciaire rendue ou d’une entente conclue avant l’ouverture de la faillite et à un moment où l’époux, l’ex-époux ou ancien conjoint de fait ou l’enfant ne vivait pas avec le failli, que l’ordonnance ou l’entente prévoie une somme forfaitaire ou payable périodiquement.
Admission et rejet des preuves de
réclamation et de garantie
135. (1) Le syndic examine chaque preuve de réclamation ou de garantie produite, ainsi que leurs motifs, et il peut exiger de nouveaux témoignages à l’appui.
(1.1) Le syndic décide si une réclamation éventuelle ou non liquidée est une réclamation prouvable et, le cas échéant, il l’évalue; sous réserve des autres dispositions du présent article, la réclamation est dès lors réputée prouvée pour le montant de l’évaluation.
(2) Le syndic peut rejeter, en tout ou en partie, toute réclamation, tout droit à un rang prioritaire dans l’ordre de collocation applicable prévu par la présente loi ou toute garantie.
(3) S’il décide qu’une réclamation est prouvable ou s’il rejette, en tout ou en partie, une réclamation, un droit à un rang prioritaire ou une garantie, le syndic en donne sans délai, de la manière prescrite, un avis motivé, en la forme prescrite, à l’intéressé.
(4) La décision et le rejet sont définitifs et péremptoires, à moins que, dans les trente jours suivant la signification de l’avis, ou dans tel autre délai que le tribunal peut accorder, sur demande présentée dans les mêmes trente jours, le destinataire de l’avis n’interjette appel devant le tribunal, conformément aux Règles générales, de la décision du syndic.
(5) Le tribunal peut rayer ou réduire une preuve de réclamation ou de garantie à la demande d’un créancier ou du débiteur, si le syndic refuse d’intervenir dans l’affaire.
Obligations des faillis
158. Le failli doit :
. . .
d) dans les cinq jours suivant sa faillite, à moins que le séquestre officiel ne prolonge le délai, préparer et soumettre en quatre exemplaires au syndic un bilan en la forme prescrite attesté par affidavit et indiquant les détails de ses avoirs et de ses obligations, ainsi que les noms et adresses de ses créanciers, les garanties qu’ils détiennent respectivement, les dates auxquelles les garanties ont été respectivement données, et les renseignements supplémentaires ou autres qui peuvent être exigés; si les affaires du failli sont mêlées ou compliquées au point qu’il ne peut adéquatement lui-même en préparer un relevé convenable, le séquestre officiel peut, comme dépenses d’administration de l’actif, autoriser l’emploi d’une personne compétente pour aider à la préparation du relevé;
. . .
Libération des faillis
. . .
178. (1) Une ordonnance de libération ne libère pas le failli :
. . .
b) de toute dette ou obligation pour pension alimentaire;
c) de toute dette ou obligation aux termes de la décision d’un tribunal en matière de filiation ou d’aliments ou aux termes d’une entente alimentaire au profit d’un époux, d’un ex-époux ou ancien conjoint de fait ou d’un enfant vivant séparé du failli;
d) de toute dette ou obligation résultant de la fraude, du détournement, de la concussion ou de l’abus de confiance alors qu’il agissait, dans la province de Québec, à titre de fiduciaire ou d’administrateur du bien d’autrui ou, dans les autres provinces, à titre de fiduciaire;
e) de toute dette ou obligation résultant de l’obtention de biens ou de services par des faux-semblants ou la présentation erronée et frauduleuse des faits, autre qu’une dette ou obligation qui découle d’une réclamation relative à des capitaux propres;
f) de l’obligation visant le dividende qu’un créancier aurait eu droit de recevoir sur toute réclamation prouvable non révélée au syndic, à moins que ce créancier n’ait été averti ou n’ait eu connaissance de la faillite et n’ait omis de prendre les mesures raisonnables pour prouver sa réclamation;
g) de toute dette ou obligation découlant d’un prêt consenti ou garanti au titre de la Loi fédérale sur les prêts aux étudiants, de la Loi fédérale sur l’aide financière aux étudiants ou de toute loi provinciale relative aux prêts aux étudiants lorsque la faillite est survenue avant la date à laquelle le failli a cessé d’être un étudiant, à temps plein ou à temps partiel, au regard de la loi applicable, ou dans les sept ans suivant cette date;
h) de toute dette relative aux intérêts dus à l’égard d’une somme visée à l’un des alinéas a) à g).
(1.1) Lorsque le failli qui a une dette visée à l’alinéa (1)g) n’est plus un étudiant à temps plein ou à temps partiel depuis au moins cinq ans au regard de la loi applicable, le tribunal peut, sur demande, ordonner que la dette soit soustraite à l’application du paragraphe (1) s’il est convaincu que le failli a agi de bonne foi relativement à ses obligations découlant de cette dette et qu’il a et continuera à avoir des difficultés financières telles qu’il ne pourra pas acquitter celle-ci.
(2) Une ordonnance de libération libère le failli de toutes autres réclamations prouvables en matière de faillite.
180. (1) Lorsqu’un failli, après sa libération, ne remplit pas les obligations que lui impose la présente loi, le tribunal peut, sur demande, annuler sa libération.
(2) Lorsque le tribunal juge que la libération du failli a été obtenue par fraude, il peut, sur demande, annuler sa libération.
(3) Une ordonnance révoquant ou annulant la libération d’un failli ne porte pas atteinte à la validité de toute vente, de toute disposition de biens, de tout paiement effectué ou de toute chose dûment faite avant la révocation ou l’annulation.
181. (1) Lorsque le tribunal est d’avis qu’une ordonnance de faillite n’aurait pas dû être rendue, ou une cession produite, il peut rendre une ordonnance qui annule la faillite.
(2) Lorsqu’une ordonnance est rendue en vertu du paragraphe (1), toutes les ventes et dispositions de biens, tous les paiements dûment effectués et tous les actes faits antérieurement par le syndic, par une autre personne agissant sous son autorité ou par le tribunal sont valides; mais les biens du failli sont dévolus à la personne que le tribunal peut nommer, ou, à défaut de cette nomination, retournent au failli pour tout droit, domaine ou intérêt du syndic, aux conditions, s’il en est, que le tribunal peut ordonner.
(3) Malgré l’annulation de la faillite, le syndic prépare sans délai l’état définitif des recettes et des débours visé à l’article 151.
Autorité des tribunaux
187. . . .
(5) Tout tribunal peut réviser, rescinder ou modifier toute ordonnance qu’il a rendue en vertu de sa juridiction en matière de faillite.
Loi sur les biens familiaux, C.P.L.M. ch. F25
PARTIE I
APPLICATION DE LA LOI
. . .
SECTION 2
APPLICATION À L’ACTIF
. . .
Disposition d’actif
6(1) Aucune disposition de la présente loi non plus que la reddition de comptes effectuée sous le régime de la présente loi n’ont pour effet d’investir un conjoint ou un conjoint de fait de quelque titre ou droit relatif à un élément d’actif de l’autre conjoint ou conjoint de fait. Le conjoint ou conjoint de fait qui est propriétaire de l’élément d'actif peut, sous réserve des paragraphes (7), (7.1), (8), (8.1), (9), (9.1) et (10) et de toute ordonnance rendue par le tribunal en application de la partie III ou IV, soit vendre, donner à bail, hypothéquer, donner en gage, réparer, améliorer, démolir, dépenser l’élément d’actif, soit autrement agir quant à celui-ci, soit en disposer à n’importe quelle fin, tout comme si la présente loi n’avait jamais été adoptée.
. . .
PARTIE II
PARTAGE D’ACTIF
Droit à la reddition de comptes et à la compensation des éléments d’actif
13 Les conjoints ou les conjoints de fait ont chacun droit, sur demande, à une reddition de comptes et, sous réserve de l’article 14, à une compensation des éléments d’actif en conformité avec la présente partie.
Pouvoir de modifier le partage égal de l’actif familial
14(1) Sur demande d’un des conjoints ou d’un des conjoints de fait en vertu de la partie III, le tribunal peut ordonner qu’en ce qui concerne l’actif familial des conjoints ou des conjoints de fait, le montant que doit verser un conjoint ou un conjoint de fait à l’autre, suite à une reddition de comptes effectuée en vertu de l’article 15, soit modifié si le tribunal conclut qu’une compensation serait manifestement injuste ou moralement inadmissible, eu égard soit à toute circonstance extraordinaire de nature financière ou autre des conjoints ou des conjoints de fait, soit à la valeur ou à la nature extraordinaire de l’un de leurs éléments d’actif.
. . .
Conduite d’un conjoint ou d’un conjoint de fait
14(3) En exerçant sa discrétion en vertu du présent article, nul tribunal ne tient compte de la conduite d’un conjoint ou d’un conjoint de fait, à moins que cette conduite n’équivaille à de la dilapidation.
Reddition de comptes et partage
15(1) La reddition de comptes entre conjoints ou conjoints de fait effectuée sous le régime de la présente loi doit faire ressortir les éléments suivants :
a) la valeur de l’inventaire complet de l’actif de chaque conjoint ou conjoint de fait après l’addition à l’inventaire ou la déduction de celui-ci des montants dont la présente loi exige l’addition ou la déduction;
b) la valeur de la part à laquelle chaque conjoint ou conjoint de fait a droit lors du partage; cette part est obtenue en additionnant ou en déduisant les sommes visées à l’alinéa a) et en divisant le total en deux parts égales ou, si la demande de reddition de comptes n’est pas présentée en vertu de la partie IV, en parts inégales si le tribunal l’ordonne en application de l’article 14;
c) le montant que chaque conjoint ou conjoint de fait doit à l’autre afin que chacun reçoive la part qui lui revient en vertu de l’alinéa b).
Juste valeur marchande
15(2) Pour l’application du paragraphe (1), la valeur d’un élément d’actif est le montant qu’un vendeur peut raisonnablement s’attendre à réaliser si l’élément d’actif est vendu sur le marché libre par un vendeur qui veut vendre à un acheteur qui veut acheter.
Évaluation d’éléments d’actif non vendables
15(3) Lorsqu’un élément d’actif ne peut être vendu de par sa nature, le paragraphe (2) ne s’applique pas et la valeur de l’élément d’actif, pour l’application du paragraphe (1), doit être déterminée sur toute autre base ou par tout autre moyen approprié pour des éléments d’actif de cette nature.
Dates de clôture et d'évaluation
16 Pour toute reddition de comptes effectuée en application de l’article 15, la date de clôture pour l’inclusion d’éléments d’actif et de passif dans les comptes et la date d’évaluation de chaque élément d’actif et de passif sont celles convenues entre les conjoints ou les conjoints de fait. En l’absence d'une convention, il s’agit :
a) soit de la date du dernier jour de cohabitation des conjoints ou des conjoints de fait;
b) soit, lorsque les conjoints ou les conjoints de fait continuent à cohabiter ensemble, de la date à laquelle l’un d’entre eux présente au tribunal, sous le régime de la partie III, une demande de reddition de comptes.
Modes de paiement
17 La dette due par un conjoint ou un conjoint de fait à l’autre, en vertu d’une reddition de comptes effectuée en application de l’article 15, peut être réglée d’une des manières qui suivent, selon ce que les conjoints ou les conjoints de fait conviennent ou, en l’absence de convention, selon l’ordonnance du tribunal saisi d’une demande d’un des conjoints ou d’un des conjoints de fait présentée en vertu de la présente loi et qui tient compte des effets de toute ordonnance provisoire rendue en vertu de l’article 18.1 :
a) par le paiement de la dette en un versement global ou par versements échelonnés;
b) par la cession d’un ou de plusieurs éléments d’actif au lieu du paiement de la dette;
c) par toute combinaison des modes de paiement visés aux alinéas a) et b).
Loi sur les jugements, C.P.L.M. ch. J10
Biens insaisissables
13(1) Sous réserve des paragraphes (2), (3) et (4) et sauf disposition contraire, des procédures ne peuvent être engagées en vertu d’un jugement ou d’un bref de saisie enregistré, contre les biens suivants :
a) le fonds agricole sur lequel le débiteur judiciaire ou sa famille réside réellement, qu’il cultive en totalité ou en partie ou qu’il utilise réellement pour le pâturage ou pour d’autres fins, lorsque la superficie du bien-fonds n’est pas supérieure à 160 acres;
. . .
Pourvoi rejeté sans dépens.
Procureurs de l’appelante : Gowling Lafleur Henderson, Ottawa.
Procureurs de l’intimé : Thompson Dorfman Sweatman, Winnipeg.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.