Décision

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Pigeon c. Volkswagen Groupe Canada inc.

2018 QCCQ 5464

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

QUÉBEC

LOCALITÉ DE

QUÉBEC

« Chambre civile »

N°:

200-32-700635-179

 

 

 

DATE :

23 juillet 2018

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

CHANTAL GOSSELIN, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

SYLVAIN PIGEON

[…], Québec (Québec) […]

Demandeur

c.

VOLKSWAGEN GROUPE CANADA INC.

777, Bayly Street West, Ajax (Ontario) L1S 7G7

Défenderesse

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]          Monsieur Sylvain Pigeon réclame 8 000 $ au fabricant, Volkswagen Groupe Canada inc. (Volkswagen), correspondant au coût des réparations de la corrosion dont est atteinte son automobile Volkswagen Jetta City 2007.

[2]          Volkswagen conteste la demande aux motifs que:

·           l’automobile produite le 20 février 2007 a été livrée à monsieur Pigeon le 22 août 2007 ;

·           la garantie limitée du véhicule neuf est d’une durée de 4 ans ou de 80 000 kilomètres , selon la première éventualité ;

·           la garantie limitée contre la perforation causée par la corrosion offre une protection de douze ans, sans limites de kilométrage, sur la carrosserie perforée par la corrosion, excluant la corrosion résultant du défaut de réparer promptement les dommages à la peinture, de l’endommagement de la couche de fond ou de la corrosion de surface, du manque d’entretien ou de dommages causés par l’environnement ;

·           l’automobile de monsieur Pigeon n’est pas couverte par la garantie contre la corrosion, puisque la corrosion est due à un manque général de soins et d’entretien.

LES QUESTIONS EN LITIGE

1re question:       Quelle est l’étendue de la garantie du fabricant ?

2de question:       Monsieur Pigeon doit-il être indemnisé par le fabricant en raison de la corrosion dont son automobile est atteinte?

LE CONTEXTE

[3]          Sans reprendre l’ensemble des faits mis en preuve lors de l’instruction, les plus pertinents retenus par le Tribunal sont les suivants.

[4]          Le 22 août 2007, monsieur Pigeon achète de Laval Volkswagen Ltée sa cinquième automobile de marque Volkswagen, une Jetta City neuve de l’année 2007, au prix de 20 395 $ (taxes en sus)[1].

[5]          À l’hiver 2015, monsieur Pigeon rencontre un représentant de Laval Volkswagen pour se plaindre de la corrosion dont son automobile est atteinte. Des photographies sont prises et une demande est faite auprès de Volkswagen pour vérifier si le véhicule  est admissible à la garantie contre la perforation causée par la corrosion. L’automobile a alors environ 7 ans et demi et compte 157 902 kilomètres (km) à l’odomètre. La couverture de garantie n’est acceptée que pour le capot. Monsieur Pigeon fait le choix de ne faire effectuer aucune réparation à la carrosserie de l’automobile.

[6]          Au printemps 2016, monsieur Pigeon fait évaluer par Carrosserie VTL le coût des réparations des parties de la carrosserie de son automobile. L’estimation s’élève à 8 176,04 $ (taxes incluses) pour l’ensemble des réparations[2]. Monsieur Pigeon fait le choix de ne faire effectuer aucune réparation à la carrosserie de l’automobile.

[7]          À l’été 2016, monsieur Pigeon rencontre à nouveau un représentant de Laval Volkswagen pour se plaindre de la corrosion dont son automobile est atteinte. Des photographies sont prises et une demande  est faite auprès de Volkswagen pour vérifier si le véhicule  est admissible à la garantie contre la perforation causée par la corrosion. L’automobile a alors environ 9 ans et compte 175 098 km à l’odomètre. Toute couverture de garantie lui est refusée. Monsieur Pigeon fait le choix de ne faire effectuer aucune réparation à la carrosserie de l’automobile.

[8]          Il est démontré que monsieur Pigeon fait lui-même le lavage de son automobile quatre fois par année et deux fois par année le lavage du moteur. Aucun traitement antirouille n’est appliqué sur le véhicule.

[9]          Le 24 février 2017, monsieur Pigeon transmet une mise en demeure à Volkswagen, laquelle tient le fabricant responsable des dommages de perforation sur son automobile et lui demande d’y remédier[3].

[10]       En octobre 2017, l’automobile est vendue à une tierce entreprise pour 350 $, alors qu’il comptait environ 197 000 km à l’odomètre. Monsieur Pigeon fait le choix d’acheter un autre véhicule de marque Volkswagen.

L’ANALYSE

[11]       Il appartient à la partie qui formule une demande de démontrer de façon prépondérante le bien-fondé de sa réclamation. Elle doit donc démontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable par une preuve directe, mais aussi par les circonstances et les inférences graves, précises et concordantes qu'il est raisonnablement possible d'en tirer[4].

1re question:    

[12]       Monsieur Pigeon fonde sa réclamation sur les articles suivants qui énoncent:

Code civil du Québec[5]

1726. Le vendeur est tenu de garantir à l’acheteur que le bien et ses accessoires sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à l’usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que l’acheteur ne l’aurait pas acheté, ou n’aurait pas donné si haut prix, s’il les avait connus.

Il n’est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l’acheteur ni le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

1729. En cas de vente par un vendeur professionnel, l’existence d’un vice au moment de la vente est présumée, lorsque le mauvais fonctionnement du bien ou sa détérioration survient prématurément par rapport à des biens identiques ou de même espèce; cette présomption est repoussée si le défaut est dû à une mauvaise utilisation du bien par l’acheteur.

Loi sur la protection du consommateur[6]

37. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à l’usage auquel il est normalement destiné.

38. Un bien qui fait l’objet d’un contrat doit être tel qu’il puisse servir à un usage normal pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix, aux dispositions du contrat et aux conditions d’utilisation du bien.

             53. Le consommateur qui a contracté avec un commerçant a le droit d’exercer directement contre le commerçant ou contre le fabricant un recours fondé sur un vice caché du bien qui a fait l’objet du contrat, sauf si le consommateur pouvait déceler ce vice par un examen ordinaire.

Il en est ainsi pour le défaut d’indications nécessaires à la protection de l’utilisateur contre un risque ou un danger dont il ne pouvait lui-même se rendre compte.

Ni le commerçant, ni le fabricant ne peuvent alléguer le fait qu’ils ignoraient ce vice ou ce défaut.

Le recours contre le fabricant peut être exercé par un consommateur acquéreur subséquent du bien.

[Soulignements ajoutés]

[13]       Il incombe donc à monsieur Pigeon de faire la démonstration que les problèmes de corrosion dont est atteinte son automobile sont couverts par les garanties conventionnelles ou légales.

[14]        Le Tribunal rappelle que tout bien est soumis aux effets de la dégradation en raison du passage du temps, comme l’indique l’auteur Jeffrey Edwards, maintenant juge à la Cour du Québec, dans son livre intitulé « La garantie de qualité du vendeur en droit québécois »[7]:

Le bien jouit d’une durée déterminée par la vie utile des matières qui le composent. Or, le passage du temps et la manipulation d’un bien engendrent inévitablement son usure, son vieillissement et sa vétusté. Ces phénomènes peuvent compromettre la prestation d’un bien, tout comme un vice peut le faire.

Les détériorations dues à l’usure, au vieillissement ou à la vétusté ne constituent donc pas des vices car, en raison de la révision à la baisse de l’usage attendue, elles n’occasionnent aucun déficit d’usage au sens de la garantie : l’usage protégé varie ainsi selon l’état de l’usure, du vieillissement et de la vétusté du bien au moment de la vente. 

[15]       Certes,  les problèmes de corrosion sont importants selon les photographies de 2015 et de 2016 produites au dossier de la Cour[8].

[16]        Par contre, au chapitre de la durée, le Tribunal a déjà établi qu’un véhicule âgé de neuf ou dix ans a servi à l’usage auquel il est normalement destiné[9].

[17]       Le Tribunal retient que l’automobile a été utilisée normalement pendant une durée raisonnable, eu égard à son prix. Il n’y a pas lieu de retenir la responsabilité du fabricant[10].

[18]        De plus, la loi prévoit que l’acheteur qui constate un vice doit le dénoncer par écrit dans un délai raisonnable de sa découverte[11].

[19]       Dans le présent contexte, selon la preuve présentée et en l’absence d’expertise, le Tribunal ne peut déterminer de façon prépondérante la ou les causes de cette corrosion ni en conséquence, la responsabilité du fabricant. Plusieurs situations peuvent en être la cause notamment:

·        des égratignures ;

·        le bris du pare-brise ;

·        des impacts de gravier ou autres débris routiers ;

·        un manque de soins ou d’entretien ;

·        un défaut de peinture.

[20]       Le fait pour monsieur Pigeon de ne pas avoir dénoncé les problèmes de corrosion dès leur apparition ni procédé aux réparations n’a qu’aggravé la situation. Le processus de corrosion était déjà très avancé en 2015 lors de la première dénonciation. Le fabricant ne peut en être tenu responsable[12].

[21]       Monsieur Pigeon n’a pas prouvé, par prépondérance de preuve, que Volkswagen Canada est obligée par quelque garantie à son égard.

 

2de question:   

[22]       Étant donnée la réponse à la première question, il est inutile et vain de répondre à la seconde question.

[23]       Quant aux frais de justice, étant donné les circonstances propres au présent dossier, le Tribunal utilise la discrétion judiciaire que lui octroie l’article 340 du Code de procédure civile afin de faire assumer par chaque partie ses propres frais.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:

REJETTE la demande de monsieur Sylvain Pigeon ;

LE TOUT, chaque partie payant ses propres frais de justice.

 

 

 

 

 

 

CHANTAL GOSSELIN, J.C.Q.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



[1]     Pièce P-1

[2]     Pièces P-3 et P-6

[3]     Pièce P-5

[4]     Articles 2803 et 2804 C.c.Q.

[5]     RLRQ, CCQ-1991

[6]     RLRQ, c. P-40.1

[7]     Wilson et Lafleur, Montréal 1998, p. 134.

[8]     Pièces P-4 et D-3

[9]     Lévesque c. Joliette Volkswagen inc.2016 QCCQ 7288 ; Valentine c. General Motors of Canada Company, 2017 QCCQ 15338 ; Tremblay c. Général Motors du Canada Ltée, 2016 QCCQ 8956

[10]    Lévesque c. Joliette Volkswagen inc., préc. note 9

[11]    Article 1739 C.c.Q.

[12]    Lévesque c. Joliette Volkswagen inc., préc. note 9

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