Décision

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Baril c. 9206-0268 Québec inc. (PLB Construction)

2015 QCCS 2376

 

JB4255

 
COUR SUPÉRIEURE

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 DISTRICT DE TROIS-RIVIÈRES

 

N° :

400-17-003447-147

 

DATE :

  1er juin 2015

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SOUS LA PRÉSIDENCE DE L’HONORABLE ALAIN BOLDUC, J.C.S.

______________________________________________________________________

 

PIERRE BARIL           

Et

CLAIRE CLOUTIER

Demandeurs

c.

9206-0268 QUÉBEC INC. (P.L.B. Construction)

            Défenderesse

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

INTRODUCTION

[1]           Les demandeurs réclament la somme de 84 489,59 $ à la défenderesse au motif qu’elle aurait fait défaut de respecter ses obligations prévues au contrat d’entreprise intervenu entre les parties pour la construction de leur nouvelle résidence.

LES FAITS 

[2]             Le 18 juillet 2011, les parties signent un contrat d’entreprise prévoyant que la défenderesse construira une résidence aux demandeurs sur le lot 4 696 761 situé sur la rue de la Corse à Trois-Rivières. Quoique le prix indiqué soit de 203 000 $ plus taxes suivant ce contrat, le véritable prix est de 218 000 $ plus taxes. Car la défenderesse a accepté l’offre des demandeurs de lui payer une somme de 15 000 $ en argent comptant afin de réduire les taxes applicables. De plus, étant donné que les demandeurs doivent vendre leur résidence située à Repentigny avant de faire construire leur nouvelle résidence, les parties ne prévoient aucune date de livraison au contrat.

[3]           Le même jour, puisque le propriétaire du lot 4 696 761 est la société                 Le Monarque du Richelieu inc., les demandeurs signent une offre d’achat qui est aussitôt acceptée par cette dernière. Aux termes de cette offre, les demandeurs promettent de lui acheter le lot en question pour le prix de 65 000 $ plus taxes et s’engagent à faire construire leur nouvelle résidence par la défenderesse.

[4]           Le 2 mai 2012, tel que convenu entre les parties, les demandeurs achètent le lot 4 696 761 appartenant à Le Monarque du Richelieu pour le prix de 65 000 $ plus taxes même s’ils n’ont pas encore vendu leur résidence. À ce moment-là, ils versent la somme de 15 000 $ comptant à la défenderesse à titre d’acompte sur le contrat d’entreprise.

[5]           Le 18 mars 2013, les demandeurs rencontrent M. Yannick Bourque, l’un des représentants de la défenderesse[1], afin de l’informer qu’ils ont reçu une offre d’achat sérieuse pour la vente de leur résidence et qu’ils désirent faire construire leur nouvelle résidence pour le 1er juillet 2013. Toutefois, à leur grande surprise, M. Bourque leur répond que le contrat d’entreprise est échu et qu’il impossible de leur construire une résidence avant l’automne 2013 étant donné que leur carnet de commandes est déjà rempli.

[6]           Le jour même, M. Baril transmet un courriel à M. André Laroche, l’autre représentant de la défenderesse[2], afin de lui demander de leur confirmer que cette dernière ne peut honorer le contrat d’entreprise et les forcer à renoncer à l’offre d’achat qui a été déposée le 17 mars 2013.

[7]           Le 19 mars 2013, M. Bourque fait alors parvenir le courriel suivant à M. Baril[3] :

                   Bonjour, par la présente Plb construction vous informent qu’avec un délai si court, ils nous est impossible de vous construire pour le premier juillet. Nous vous libérons par la même occasion de la clause qui stipulait que vous deviez vous faire construire par Plb construction sur votre terrain. Vu notre entente verbale de juillet 2011, nous devions vous construire à l’automne 2011. N’ayant pas eu vraiment de nouvelles depuis, nous ne pouvions refuser des ventes sans connaître la date que vous seriez pret. Nous résilions le contrat de 2011. Par contre il nous ferais plaisir de vous refaire un nouveau contrat pour construction à l’automne 2013 sur votre terrain avec les nouveaux prix ajusté suite aux nouvelles normes de construction, salaires et matériaux qui ont augmenté. Merci et à bientôt j’espère.

                   Yannick Bourque

[8]           Par la suite, les parties se transmettent plusieurs courriels, mais ne réussissent pas à s’entendre.

[9]           C’est ainsi que le 28 mars 2013, par l’entremise de leur avocat, les demandeurs font signifier une mise en demeure à la défenderesse indiquant qu’ils lui demandent de construire leur nouvelle résidence au plus tard le 1 août 2013 et qu’ils consentent à majorer le prix du contrat d’entreprise de 5 000 $ afin de tenir compte de l’augmentation du coût de la main-d’œuvre et des matériaux.

[10]        Par lettre transmise le 9 avril 2013, l’avocat de la défenderesse fait parvenir une réponse à l’avocat des demandeurs. Après avoir indiqué en outre que la défenderesse est d’opinion que le contrat d’entreprise n’a plus de force entre les parties depuis la fin de l’année 2012, il l’informe qu’elle est disposée à conclure une entente en soulignant que l’augmentation de la valeur du contrat proposée par les demandeurs ne correspond pas aux coûts actuels de construction. Cela dit, puisque la défenderesse n’est pas en mesure de commencer les travaux avant le mois de septembre 2013, il ajoute qu’elle ne peut respecter le délai requis par les demandeurs et que ces derniers ne peuvent imposer une condition de façon unilatérale.

[11]        Le 20 avril 2013, puisqu’ils sont insatisfaits de cette réponse, les demandeurs retiennent les services de Constructions Houle et Boisvert inc. afin qu’elle construise leur nouvelle résidence.

[12]        Le 28 novembre 2013, après que les travaux aient été terminés au cours du mois de septembre, l’avocat des demandeurs fait parvenir une mise en demeure à la défenderesse indiquant que ces derniers lui réclament la somme de 108 604,42 $.

ANALYSE

[13]        Invoquant que la défenderesse est en défaut de respecter ses obligations aux termes du contrat d’entreprise et qu’elle a agi de mauvaise foi à leur égard, les demandeurs lui réclament la somme de 84 489,59 $ qui se détaille ainsi :

a) différence du coût de construction :                                              55 967,64 $

b) remboursement de l’acompte :                                                                      15 000 $

c) achat de plans de maison de Dessins Drummond :                                 1 540,67 $

d) achat et installation d’une balayeuse centrale et de la tuyauterie :             862,31 $

e) lumières encastrées :                                                                          689,85 $

f)  filage pour lumières :                                                                                       429,12 $

g) troubles, dommages et inconvénients divers :                                             10 000 $

Total :                                                                                                    84 489,59 $

[14]        Pour statuer sur cette réclamation, le Tribunal discutera des dommages réclamés en premier lieu et terminera par la demande de remboursement de l’acompte de 15 000 $.

[15]        Suivant l’article 12 du contrat d’entreprise, l’entrepreneur peut, en fournissant les pièces justificatives au client, réviser à la hausse le prix prévu pour l’exécution des travaux afin de tenir compte de l’augmentation imprévisible des coûts de construction :

                   Dans l’éventualité où des augmentations imprévisibles du prix des matériaux ou des modifications aux conditions de travail prévues à la convention collective ou au décret auraient pour effet d’augmenter les coûts de construction de l’entrepreneur, avant la date de livraison de l’immeuble, ce dernier aura le droit, en justifiant une telle augmentation auprès du client, de réviser à la hausse le prix du contrat.

                   À cet effet, le client s’engage à signer tout document de modification des coûts de construction, et ce, dans un délai de quinze (15) jours suivant la production, par l’entrepreneur, des pièces justificatives attestant de l’augmentation du prix du contrat. Le prix du contrat ainsi modifié liera les parties.

[16]        Si le client fait défaut de signer tout document de modification des coûts de construction dans le délai de 15 jours prévu à cette disposition,  l’entrepreneur peut, en transmettant un avis écrit de 7 jours dénonçant le défaut suivant l’article 29, résilier le contrat d’entreprise et conserver tous les déboursés qu’il a reçus si le client n’a pas remédié au défaut en question : 

              Le défaut par le client de respecter l’une ou l’autre des clauses ou obligations lui incombant en vertu du présent contrat permettra à l’entrepreneur de le résilier, après l’écoulement d’un délai de sept (7) jours pour remédier au défaut à compter de l’envoi d’un avis écrit à cet effet, auquel cas l’entrepreneur conservera tous les déboursés déjà reçus du client, le tout sans préjudice à tout autre recours.

[17]        En l’espèce, la défenderesse n’ayant fourni aucun montant ni aucune pièce justificative aux demandeurs pour justifier une augmentation du prix, elle ne pouvait résilier le contrat d’entreprise au motif que ces derniers ont refusé une telle augmentation.

[18]        Néanmoins, considérant que les demandeurs ont exigé que les travaux de construction soient exécutés pour le 1er juillet 2013 lors de la rencontre tenue le                   18 mars 2013, la défenderesse avait un motif sérieux pour résilier le contrat d’entreprise à cette dernière date en vertu de l’article 2126 C.c.Q.[4] Selon le témoignage de             M. Laroche, la défenderesse était incapable d’exécuter les travaux avant le mois de septembre 2013, car son carnet de commandes était trop rempli. Contrairement à ce que les demandeurs font valoir, le document déposé sous la cote P-12 n’établit pas, de façon prépondérante, que la défenderesse était capable d’exécuter les travaux avant le mois de septembre 2013.

[19]        Puisque le délai pour exécuter les travaux n’est pas prévu au contrat, la défenderesse n’avait pas l’obligation de transmettre un avis de 7 jours aux demandeurs suivant l’article 29 de ce contrat.

[20]        Par conséquent, la requête des demandeurs est rejetée quant aux dommages réclamés.

[21]        Reste la demande de remboursement de l’acompte de 15 000 $.

[22]        La défenderesse soutient qu’elle a le droit de conserver cette somme.

[23]        D’abord, elle fait valoir qu’en vertu de l’entente verbale intervenue entre les parties, il a été convenu qu’elle la conserverait advenant le cas où le contrat d’entreprise soit résilié. Car les parties voulaient tenir compte du fait que la défenderesse aurait réalisé un profit en achetant le terrain de Le Monarque du Richelieu et en le revendant aux demandeurs.

[24]        Subsidiairement, la défenderesse avance qu’elle a le droit de réclamer la somme de 15 000 $ suivant les articles 2129 C.c.Q. et 29 du contrat d’entreprise.

[25]        De l’avis du Tribunal, la défenderesse doit rembourser l’acompte de 15 000 $ conformément à ce qui est prévu à l’article 2129 C.c.Q.

[26]        D’une part, elle n’a pas réussi à prouver, de façon prépondérante, que les demandeurs ont consenti à ce qu’elle conserve cet acompte advenant le cas où le contrat d’entreprise soit résilié.

[27]        D’autre part, elle n’a transmis aucun avis de 7 jours aux demandeurs en vertu de l’article 29 du contrat d’entreprise.

POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

[28]        ACCUEILLE partiellement la requête introductive d’instance réamendée des demandeurs;

[29]        CONDAMNE la défenderesse à payer la somme de 15 000 $ aux demandeurs avec les intérêts au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue par la loi à compter du 28 novembre 2013;

[30]        AVEC DÉPENS.

 

 

__________________________________

ALAIN BOLDUC, J.C.S.

 

 

 

Me Gérald Tremblay

Duval Tremblay

Avocats des demandeurs

 

Me Jean-Philippe Asselin

Crochetière Pétrin

Avocats de la défenderesse

 

 

Dates d’audiences :

13 et 14 mai 2015

 



[1]    Il est l’un des actionnaires de la défenderesse.

[2]     Il est l’un des actionnaires de la défenderesse à cette époque et l’un des actionnaires de Le Monarque du Richelieu.

[3]     Il s’agit de la version intégrale du courriel.

[4]     Étant donné que le contrat ne prévoit pas de disposition permettant de le résilier si, comme ici, les parties ne s’entendent pas sur la date d’exécution des travaux, l’article 2126 C.c.Q. trouve application de façon supplétive.

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