Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
_

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

25 août 2005

 

Région :

Laval

 

Dossier :

264793-61-0506

 

Dossier CSST :

126145994

 

Commissaire :

Me Bernard Lemay

 

Membres :

Marc Caissy, associations d’employeurs

 

Jean Litalien, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Gilles Labarre

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Ventimétal ltée

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 15 juin 2005, monsieur Gilles Labarre (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 18 mai 2005 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par sa décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement prononcée le 17 mars 2005, faisant suite à un avis émis le 24 février 2005 par le comité spécial des présidents en matière de maladies professionnelles pulmonaires, et déclare qu’il n’y a pas lieu de reconnaître l’existence d’une maladie professionnelle pulmonaire chez le travailleur.

[3]                Le travailleur est présent à l’audience qui s’est tenue à Laval le 25 août 2005. L’employeur, Ventimétal ltée, n’y est pas représenté.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il est atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire, à savoir de l’asthme professionnel et de l’amiantose.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations syndicales est d’avis d’accueillir en partie la requête du travailleur. Puisque le comité spécial a conclu que le travailleur devait passer une réévaluation dans deux ans, signifiant par-là que l’investigation médicale n’est pas complète, la décision de refus de la CSST est donc prématurée.

[6]                Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis contraire. Il accueillerait en partie la requête du travailleur pour ajouter la recommandation faite par le comité spécial voulant que le travailleur doit être réévalué dans deux ans. Il n’y a pas lieu de reconnaître l’existence d’une maladie professionnelle pulmonaire, vu la preuve médicale prépondérante à cet égard.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[7]                Le 9 juin 2004, le travailleur, un ferblantier alors âgé de 57 ans, soumet une demande d’indemnisation à la CSST pour une maladie professionnelle pulmonaire, invoquant des difficultés respiratoires et des douleurs à la poitrine. Il a travaillé dans des systèmes de ventilation, chauffage et climatisation depuis l’âge de 17 ans et a été exposé à de la soudure sur acier galvanisé, à des isolants surtout à base de laine minérale ou de fibre de verre, à des colles et finalement à de la poussière. Il est toujours au service de son employeur actuel.

[8]                Le docteur Daniel Lessard pose à cette même date du 9 juin 2004 un diagnostic de «maladie respiratoire, amiantose, fibrose pulmonaire». Il réfère le travailleur à la docteure Catherine Lemière, pneumologue, qui, le 30 août 2004, estime que l’histoire clinique du travailleur «est évocatrice d’un asthme léger avec une symptomatologie certainement majorée par des signes d’hyperventilation. L’origine professionnelle ne peut être éliminée puisque monsieur Labarre soude régulièrement à l’acier galvanisé ce qui peut causer de l’asthme professionnel». Elle pose donc un diagnostic de «asthme professionnel possible + amiantose».

[9]                Conformément à l’article 226 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), la CSST réfère le travailleur à un comité des maladies professionnelles pulmonaires qui a pour mandat de déterminer si le travailleur est atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire.

[10]           Ce comité, composé des docteurs Gaston Ostiguy, Manon Labrecque et Neil Colman, pneumologues, rencontrent le travailleur le 2 décembre 2004. Après examen et revue des bilans et tests respiratoires fonctionnels, le comité rejette l’idée d’une maladie professionnelle pulmonaire chez le travailleur, s’exprimant dans les termes suivants :

«                                                         CONCLUSIONS

 

Diagnostic :

 

Les membres du Comité ont révisé la tomographie axiale thoracopulmonaire qui a été faite à la Cité de la Santé de Laval en date du 20 avril 2004. Monsieur Labarre est porteur de plaques pleurales, mais il n’y a pas d’évidence d’atteinte du parenchyme pulmonaire. Les plaques pleurales sont des stigmates de son exposition à l’amiante. Cependant, il n’y a pas d’évidence de maladie pulmonaire professionnelle ni d’amiantose.

 

Cependant, compte tenu de l’importance des plaques pleurales et des volumes pulmonaires qui se situent aux limites inférieures de la normale, les membres du Comité suggèrent fortement que monsieur Labarre soit reconvoqué dans 2 ans pour une réévaluation.

 

Entre temps, il est retourné à la Clinique d’asthme professionnel de l’Hôpital du Sacré-Coeur pour investigation de la possibilité d’un asthme professionnel.

 

Aujourd’hui, monsieur Labarre nous apporte les fiches signalétiques de la colle qui est utilisée dans son milieu de travail. Les constituants de cette colle ne semblent pas contenir d’agent sensibilisant.

 

De toute façon, suite à l’investigation par des tests de provocation bronchique spécifique en laboratoire ou en usine, les membres du Comité fourniront un avis complémentaire. »

 

 

[11]           Le travailleur est par la suite investigué les 8, 9 et 10 décembre 2004 concernant la possibilité d’un asthme professionnel. Le 17 janvier 2005, la docteure Labrecque interprète les résultats comme démontrant une hyperexcitabilité bronchique légère chez le travailleur. Elle rejette le diagnostic d’asthme professionnel.

[12]           Le comité des maladies professionnelles pulmonaires rend donc un avis complémentaire le 3 février 2005, concluant comme suit :

« Les membres du Comité n’ont pas les éléments pour retenir le diagnostic d’asthme professionnel chez ce réclamant chez qui les symptômes qui ont été reproduits sont suggestifs d’hyperventilation. Le patient est porteur d’une hyperexcitabilité bronchique légère. Dans ce contexte, aucun DAP n’est accordé. »

 

[13]           Conformément à l’article 231 de la loi, la CSST a alors soumis le dossier du travailleur à un comité spécial composé des docteurs Raymond Bégin, Marc Desmeules et André Cartier, pneumologues. Le 24 février 2005, le comité ne reconnaît pas d’amiantose chez le travailleur. «Il est porteur de plaques pleurales qui sont des stigmates de son exposition à l’amiante mais qui ne représentent pas une maladie professionnelle pulmonaire». Le comité ne reconnaît pas non plus d’asthme professionnel chez le travailleur. Le comité recommande toutefois que le travailleur soit reconvoqué dans deux ans pour une réévaluation, vu l’importance des plaques pleurales.

[14]           Le 17 mars 2005, la CSST entérine l’avis du comité spécial et refuse la demande d’indemnisation du travailleur. Elle omet toutefois de se prononcer sur la recommandation faite d’une réévaluation.

[15]           C’est essentiellement la preuve dont dispose la Commission des lésions professionnelles pour trancher le présent litige.

[16]           La Commission des lésions professionnelles constate ainsi que faisant suite aux résultats de tests et après revue de l’ensemble du dossier du travailleur, pas moins de six pneumologues sont donc unanimes à ne pas reconnaître l’existence d’une maladie professionnelle pulmonaire chez le travailleur.

[17]           Ne bénéficiant d’aucune preuve médicale contraire à l’opinion exprimée par les deux comités, la Commission des lésions professionnelles est conséquemment d’avis qu’il y a lieu de conclure à l’absence de maladie professionnelle pulmonaire chez le travailleur.

[18]           La Commission des lésions professionnelles estime toutefois qu’il y a lieu de modifier la décision rendue le 18 mai 2005 par la CSST, à la suite d’une révision administrative.

[19]           En effet, tant la décision initiale de la CSST que celle prononcée à la suite d’une révision administrative demeurent silencieuses quant à la conclusion clairement exprimée par le comité spécial des présidents en ce qu’une réévaluation de la condition pulmonaire du travailleur doit être faite dans deux ans.

[20]           À l’instar de ce qui a été décidé dans l’affaire Charbonneau et Alloytec Mécanique ltée[2], le tribunal considère que cette recommandation constitue une «autre constatation» au sens des articles 231 et 233 de la loi et que la CSST est donc liée par cette recommandation.

[21]           La décision contestée de la CSST est donc modifiée en conséquence, «de façon à réserver les droits du travailleur eu égard à une réclamation éventuelle fondée sur l’évolution possible des signes actuellement et médicalement décelés chez le travailleur», pour reprendre les propos de la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Charbonneau.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la requête du travailleur, monsieur Gilles Labarre;

MODIFIE la décision rendue le 18 mai 2005 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur Gilles Labarre n’est pas atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire;

DÉCLARE que monsieur Gilles Labarre devra être reconvoqué par la Commission de la santé et de la sécurité du travail dans deux ans, pour une réévaluation de sa condition pulmonaire.

 

 

__________________________________

 

Bernard Lemay

 

Commissaire

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001

[2]          C.L.P. 94407-63-9802, 26 avril 1999, P. Brazeau

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.