Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Acier AGF inc. et Major

2013 QCCLP 2406

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

11 avril 2013

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossier :

481007-03B-1208

 

Dossier CSST :

138312780

 

Commissaire :

Geneviève Marquis, juge administratif

 

Membres :

Gaétan Gagnon, associations d’employeurs

 

Pierre de Carufel, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Acier AGF inc.

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Alexandre Major

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 20 août 2012, Acier AGF inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal) une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative le 2 août 2012.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a rendue le 31 mai 2012 suivant laquelle il n’y a pas lieu d’appliquer les dispositions de l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) et que monsieur Alexandre Major (le travailleur) conserve son droit à l’indemnité de remplacement du revenu malgré sa démission devenue effective le 9 mai 2012.

[3]           L’employeur est présent et représenté par procureure à l’audience tenue par la Commission des lésions professionnelles à Lévis, le 14 février 2013. Le travailleur est également présent, mais non représenté.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision en litige et de déclarer que la CSST devait suspendre le droit à l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur étant donné la démission de ce dernier qui empêche son assignation temporaire actuelle et future à des travaux légers.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]           Les membres issus des associations d’employeurs ainsi que des associations syndicales considèrent que la requête de l’employeur doit être rejetée.

[6]           En vertu de l’article 142 de la loi, la CSST peut réduire ou suspendre le paiement d’une indemnité. Or, la CSST ne peut suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu, comme le demande l’employeur le 24 mai 2012, alors qu’elle en a déjà cessé le versement à la demande du travailleur le 8 mai 2012. Ce dernier demeurant alors incapable d’exercer son emploi prélésionnel en raison de sa lésion professionnelle non consolidée, il conserve le droit à l’indemnité de remplacement du revenu, comme le précise la CSST dans le cadre de la décision en litige.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]           La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur à la suite de sa démission en mai 2012 et si ce dernier conserve le droit à une telle indemnité.

[8]           La preuve révèle que le travailleur est âgé de 20 ans lorsqu’il est victime d’un accident du travail, le 5 juillet 2011, dans l’exercice de ses fonctions d’opérateur pour le compte de l’employeur au dossier.

[9]           C’est en démontant une structure d’acier que celle-ci tombe sur l’épaule gauche du travailleur, qui est gaucher. Il s’ensuit une contusion, une capsulite de même qu’une tendinite avec suspicion d’une déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche.

[10]        Le docteur Leblond prescrit au travailleur des traitements de physiothérapie, une investigation par résonance magnétique de l’épaule gauche de même qu’un arrêt de travail complet en raison de sa lésion professionnelle.

[11]        Devant la persistance de la symptomatologie au fil des mois, le travailleur est référé au docteur Garneau. Cet orthopédiste procède à deux infiltrations successives de l’épaule gauche en novembre 2011 et en janvier 2012.

[12]        Aucun travail, même léger, n’est autorisé par le docteur Leblond en février 2012.

[13]        Le 16 février 2012, le travailleur est évalué, à la demande de la CSST, par le docteur Bégin. Dans un rapport d’évaluation médicale transcrit le 21 mars 2012, ce chirurgien orthopédiste conclut à la non-consolidation de la lésion professionnelle avec nécessité de poursuivre le traitement conservateur. Il recommande un complément d’investigation au moyen d’une arthrorésonance magnétique de l’épaule gauche en vue d’éliminer une lésion labrale ou de type SLAP de l’ancrage de la longue portion du biceps. Si l’examen s’avère positif, le docteur Bégin envisage une approche chirurgicale sous forme d’une arthroscopie de l’épaule gauche, avec bursectomie et acromioplastie.

[14]        Le 10 avril 2012, le docteur Leblond autorise l’assignation temporaire du travailleur à des travaux légers suivant un horaire réduit à trois jours par semaine, et ce, jusqu’au 6 mai 2012.

[15]        Le travailleur conteste cette assignation temporaire auprès du comité de santé et de sécurité de l’établissement où il exerce habituellement ses fonctions d’opérateur.

[16]        Le 20 avril 2012, l’employeur demande à la CSST de réduire ou de suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur a droit en raison de la lésion professionnelle qu’il a subie le 5 juillet 2011.

[17]        Le 24 avril 2012, la CSST refuse la demande précitée formulée par l’employeur en vertu de l’article 142 de la loi au motif que le travailleur a contesté son assignation temporaire selon la procédure prévue à l’article 179 et qu’il n’est donc pas tenu de faire le travail que lui assigne l’employeur tant que le rapport de son médecin n’est pas confirmé par une décision finale.

[18]        Le 26 avril 2012, le comité de santé et de sécurité statue sur la contestation du travailleur de son assignation temporaire et conclut que ce dernier est raisonnablement en mesure d’accomplir le travail proposé, lequel ne comporte pas de danger pour sa santé, sa sécurité et son intégrité physique compte tenu de sa lésion professionnelle. De plus, ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

[19]        Le 7 mai 2012, le travailleur subit une arthrorésonance magnétique de l’épaule gauche qui met en évidence une déchirure du labrum.

[20]        Le 8 mai 2012, le travailleur informe la CSST qu’il démissionne de son emploi prélésionnel, qu’il exerce un nouvel emploi à temps complet dès le lendemain et qu’il demande la cessation du versement de l’indemnité de remplacement du revenu. La CSST cesse le paiement de cette indemnité le même jour.

[21]        Le 24 mai 2012, l’employeur demande à la CSST de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu en vertu de l’article 142 de la loi étant donné que le travailleur, en remettant sa démission le 9 mai 2012, empêche l’exécution de l’assignation temporaire actuelle et future.

[22]        Le 31 mai 2012, la CSST refuse la demande formulée par l’employeur en vertu de l’article 142 de la loi au motif qu’il n’y a pas matière à appliquer une telle suspension du paiement de l’indemnité de remplacement du revenu. La CSST précise, par la même occasion, que le travailleur conserve le droit à cette indemnité malgré sa démission.

[23]        L’employeur conteste cette décision que confirme la CSST à la suite d’une révision administrative, le 2 août 2012, par la décision dont le tribunal est saisi.

[24]        À l’appui de ses prétentions, l’employeur soutient qu’il y a lieu, suivant l’article 142 de la loi, de suspendre le droit à l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur qui, par sa démission volontaire, le 9 mai 2012, empêche toute assignation temporaire, ce qui correspond à un refus de faire le travail que pourrait autoriser de nouveau son médecin et qu’il est raisonnablement en mesure d’accomplir.

[25]        Comme l’a déjà précisé le tribunal à l’audience, la loi prévoit la suspension du paiement et non du droit à l’indemnité de remplacement du revenu. Ce droit n’est pas remis en cause par la suspension de l’indemnité que demande l’employeur.

[26]        Le droit à l’indemnité de remplacement du revenu est énoncé comme suit aux articles 44, 46, 47, 52 et 57 de la loi :

44.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.

 

[...]

__________

1985, c. 6, a. 44.

 

 

46.  Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.

__________

1985, c. 6, a. 46.

 

 

47.  Le travailleur dont la lésion professionnelle est consolidée a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 tant qu'il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d'exercer son emploi ou, si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d'exercer à plein temps un emploi convenable.

__________

1985, c. 6, a. 47.

 

 

52.  Malgré les articles 46 à 48 et le deuxième alinéa de l'article 49, si un travailleur occupe un nouvel emploi, son indemnité de remplacement du revenu est réduite du revenu net retenu qu'il tire de son nouvel emploi.

__________

1985, c. 6, a. 52.

 

 

57.  Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants :

 

1° lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, sous réserve de l'article 48 ;

 

2° au décès du travailleur; ou

 

3° au soixante-huitième anniversaire de naissance du travailleur ou, si celui-ci est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 64 ans, quatre ans après la date du début de son incapacité d'exercer son emploi.

__________

1985, c. 6, a. 57.

 

 

[27]        La suspension du paiement de l’indemnité de remplacement du revenu, dont l’employeur demande l’application, est énoncée en ces termes à l’article 142 de la loi :

142.  La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :

 

[...]

 

2° si le travailleur, sans raison valable :

 

[...]

 

e)     omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;

 

[...]

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

 

 

 

[28]        L’article 179 de la loi stipule, par ailleurs, ce qui suit :

179.  L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que :

 

1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;

 

2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et

 

3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

 

Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.

__________

1985, c. 6, a. 179.

 

 

[29]        À la lumière des dispositions légales précitées, il y a lieu de distinguer le droit du travailleur à l’indemnité de remplacement du revenu, en vertu des articles 44 et suivants de la loi, de la suspension ou réduction du paiement d’une telle indemnité en application des articles 52 et 142 de la loi.

[30]        Bien qu’il ait remis sa démission à l’employeur le 9 mai 2012, le travailleur conserve le droit à l’indemnité de remplacement du revenu étant donné que sa lésion professionnelle n’est pas consolidée et qu’il bénéficie de la présomption d’incapacité à exercer son emploi suivant l’article 46 de la loi.

[31]        Le renversement de la présomption d’incapacité n’est pas établi ni même allégué en l’instance. La preuve documentaire, que confirme le témoignage non contredit du travailleur, révèle que le nouvel emploi d’éducateur qu’occupe ce dernier, à compter du 9 mai 2012, est sédentaire. Il ne comporte pas d’exigences physiques, contrairement à son emploi prélésionnel.

[32]        L’employeur réitère plutôt sa demande adressée à la CSST le 24 mai 2012, en vertu de l’article 142 de la loi, qui prévoit la suspension ou réduction du paiement d’une indemnité.

[33]        Or, il appert de la preuve soumise que la CSST, à la demande du travailleur, cesse le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 9 mai 2012 alors que ce dernier exerce un nouvel emploi à temps complet.

[34]        L’article 52 de la loi prévoit, en effet, la réduction de l’indemnité de remplacement du revenu lorsque le travailleur, malgré l’incapacité à exercer son emploi prélésionnel, tire un revenu d’un nouvel emploi qu’il occupe.

[35]        En l’absence d’une indemnité de remplacement du revenu désormais versée par la CSST au travailleur après le 8 mai 2012, celle-ci ne peut suspendre le paiement de cette indemnité en vertu de l’article 142 de la loi, comme le demande l’employeur le 24 mai suivant. La CSST ne peut suspendre le paiement d’une indemnité qu’elle a cessé de verser au préalable.

[36]        Devant ce constat, l’employeur demande au tribunal de rendre une décision de principe au regard de la jurisprudence déposée[2] à l’audience qui réfère à deux courants d’interprétation au sujet de l’application de l’article 142 de la loi en cas de démission du travailleur qui l’empêche d’accomplir un travail en assignation temporaire.

[37]        Malgré l’existence d’une telle controverse, l’interprétation retenue dans l’affaire Laplante et Lauzon Planchers de bois exclusifs[3] est non seulement motivée à partir d’une analyse de la jurisprudence en la matière, mais elle est également suivie et citée dans de récentes décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles à ce sujet[4]. Il y a lieu de référer de nouveau aux motifs de cette décision :

[37]      Après avoir analysé la jurisprudence et les faits pertinents au dossier sous étude, il y a lieu de constater que la démission du travailleur en cause a mis fin au lien d’emploi avec son employeur et que l’assignation temporaire proposée par ce dernier est devenue caduque lors de ladite démission.

 

[38]      Le soussigné est d’avis que la démission du travailleur constitue une décision qui lui est personnelle et qui par ailleurs, entraîne pour lui des conséquences importantes, dont la perte des droits qui étaient rattachés à son emploi chez l’employeur. Le fait de démissionner n’est soumis à aucune condition particulière et il s’agit là d’un droit du travailleur. On ne doit pas par ailleurs rechercher l’intention ou les motifs du travailleur à la base de sa décision.

 

[39]      Il n’y a pas lieu davantage d’évaluer le caractère raisonnable de la ou des raisons ayant conduit ce dernier à démissionner en matière de versement de l’indemnité de remplacement du revenu au sens des dispositions de l’article 142 de la loi. La jurisprudence ne fait une telle démarche que lorsqu’il est question de retraite d’un travailleur et il n’y a pas lieu de faire de distinction entre la retraite et la démission en ce qui a droit au versement de l’IRR dans le processus entourant l’assignation temporaire prévue à l’article 179 de la loi.

 

[40]      En fait, autant la démission que la retraite sont des mesures extrêmes et en principe définitives que prend un travailleur. Il ne s’agit pas là de situations assimilables à celles édictées par le législateur à l’article 142 de la loi quand il est question de situations où un travailleur « omet » ou « refuse » de faire un travail assigné temporairement par un employeur. On n’a pas à se demander si, par sa démission, le travailleur omet ou refuse d’accomplir un travail chez l’employeur. La démission entraîne une fin d’entente contractuelle, la rupture d’un lien d’emploi. On ne doit  pas y voir un geste de contestation de la part du travailleur ni si ce dernier avait une raison valable de poser un tel geste.

 

[41]      Le droit à une indemnité de remplacement du revenu est relié à la survenance d’une lésion professionnelle au sens de la loi et les causes d’extinction de ce droit sont spécifiquement prévues à l’article 57 de la loi. Il ressort de la lecture de cette disposition législative que la démission d’un travailleur de son emploi chez un employeur ne constitue pas une des raisons qui y sont prévues. Quant aux dispositions de l’article 142 de la loi, on doit les interpréter restrictivement car il s’agit de mesures de nature punitive et d’exception eu égard à l’esprit général de la loi, qui a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires8 et dont l’application doit être faite de façon large et libérale.

 

[42]      Le tribunal est d’avis que l’article 142 confère à la CSST un pouvoir de contraindre un travailleur, dans certains cas précis, à respecter les obligations prévues à la loi à défaut de quoi, son indemnité pourra être réduite ou suspendue. L’utilisation des termes « réduire » ou « suspendre » revêt un caractère temporaire et ne se veut pas permanent. D’ailleurs, les dispositions de l’article 143 prévoient la possibilité pour la CSST de non seulement mettre fin à la suspension ou la réduction d’une indemnité, mais prévoient aussi le versement rétroactif des indemnités suspendues ou réduites lorsque le motif qui a justifié sa décision n’existe plus. Il serait difficile de concevoir l’application de l’article 143 au cas d’un travailleur ayant remis sa démission à un employeur, la démission étant de par sa nature, une situation permanente et non temporaire. En d’autres termes, comment un travailleur pourrait-il bénéficier des termes de l’article 143 dans le cas d’une démission? La situation ayant mené à la suspension de l’IRR étant définitive et permanente, le travailleur ne pourrait jamais faire valoir que le motif qui avait justifié la décision n’existe plus. En d’autres termes, la suspension de l’IRR en cas de démission d’un travailleur deviendrait permanente. Ce n’est certes pas là l’intention recherchée par le législateur dans la rédaction des articles 142 et 143 de la loi.

 

[43]      Dans ce contexte, la Commission des lésions professionnelles considère que le fait de démissionner pour le travailleur a mis fin au lien d’emploi avec l’employeur, mais n’avait pas d’incidence sur le droit pour le travailleur de continuer à recevoir l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle il avait droit en vertu des dispositions de l’article 57 de la loi. La CSST ne pouvait dès lors, appliquer les dispositions de l’article 142 en réponse à une situation reliée à l’assignation à un travail temporaire au sens de l’article 179 de la loi.

____________

8           Article 1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001).

 

 

[38]        Le présent tribunal souscrit à l’analyse de même qu’aux conclusions précitées.

[39]        Qui plus est, la position contraire retenue dans l’affaire Provigo Distribution inc. et Elpenord[5], selon laquelle la suspension du paiement de l’indemnité de remplacement du revenu est justifiée puisque la démission volontaire du travailleur empêche son assignation temporaire et correspond à un refus de sa part d’exercer le travail proposé par l’employeur suivant l’autorisation émise par son médecin qu’il n’a pas contestée, ne peut trouver application en l’espèce.

[40]        Dans le présent dossier, le travailleur s’est prévalu de son droit à contester l’assignation temporaire à temps partiel autorisée par son médecin. S’il démissionne au lieu de contester de nouveau la décision rendue à ce sujet par le comité de santé et de sécurité, c’est pour occuper immédiatement un nouvel emploi rémunérateur à temps complet, tout en demandant à la CSST de cesser le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à cette occasion.

[41]        Ce n’est donc pas sans raison valable et encore moins avec l’intention de bénéficier des droits et avantages que lui confère la loi, en niant à l’employeur les siens, que le travailleur met fin au lien d’emploi avec ce dernier.

[42]        Il n’y a ni motif ni même de paiement par la CSST d’une indemnité justifiant l’application de la suspension demandée par l’employeur, le 24 mai 2012, en vertu de l’article 142 de la loi.

[43]        La démission du travailleur ainsi que l’impossibilité qui en résulte pour ce dernier d’être affecté à des travaux légers dans le cadre d’une assignation temporaire offerte par l’employeur ne constituent pas non plus des motifs permettant de mettre fin au droit à l’indemnité de remplacement du revenu prévu à la loi.

[44]        En vertu de l’article 57 de la loi, le droit à l’indemnité de remplacement du revenu s’éteint lorsque le travailleur redevient capable d’exercer son emploi. Sa lésion professionnelle ayant été consolidée en date du 1er novembre 2012, avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, le travailleur conserve le droit à l’indemnité de remplacement du revenu tant qu’il a besoin de réadaptation pour redevenir capable d’exercer son emploi ou, si cet objectif ne peut être atteint, pour devenir capable d’exercer à plein temps un emploi convenable, suivant l’article 47 de la loi.

[45]        Malgré sa démission remise à l’employeur le 9 mai 2012, le travailleur conserve le droit à l’indemnité de remplacement du revenu même si le paiement de celle-ci a été réduit, voire interrompu, en raison du revenu tiré du nouvel emploi alors exercé.

[46]        La décision en litige est bien fondée et elle doit être maintenue en conséquence.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de Acier AGF inc., l’employeur;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative le 2 août 2012;

DÉCLARE qu’il n’y a pas lieu de suspendre, à compter du mois de mai 2012, le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu de monsieur Alexandre Major, le travailleur, en vertu de l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi);

DÉCLARE que le travailleur, malgré sa démission devenue effective le 9 mai 2012, conserve son droit à l’indemnité de remplacement du revenu dans le cadre de la lésion professionnelle qu’il a subie le 5 juillet 2011, sous réserve de la réduction du montant de cette indemnité applicable suivant l’article 52 de la loi.

 

 

__________________________________

 

Geneviève Marquis

 

 

 

 

Me Catherine Deslauriers

BOURQUE TÉTREAULT & ASSOCIÉS

Représentante de la partie requérante

 

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Signalisation routière Québec inc. et Poulin, 2011 QCCLP 2820 .

[3]           2009 QCCLP 1086 .

[4]           Bar Vénus et Ross, 2010 QCCLP 9244 ; Rôtisseries de Sherbrooke et Péloquin, 2011 QCCLP 4390 , requête en révision accueillie sur un autre objet en litige, 2012 QCCLP 4515 ; Chalifoux et CDCU, 2012 QCCLP 902 .

[5]           C.L.P. 289299-71-0605, 31 mai 2007, M. Zigby.

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