Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Abitibi-Témiscamingue

ROUYN-NORANDA, le 3 janvier 2002

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS :

85293-08-9701

141184-08-0006

DEVANT LE COMMISSAIRE :

Me Pierre Prégent

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉ DES MEMBRES :

Normand Ouimet

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Jean-Pierre Valiquette

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS CSST :

099649436

AUDIENCE TENUE LES :

14 mars 2001 et

22 et 23 octobre 2001

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER BR :

62176187

À :

Val-d’Or

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

85293-08-9701

 

ALAIN GENEST

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE APPELANTE

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL DE L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

141184-08-0006

 

ALAIN GENEST

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

98264 CANADA LTÉE

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

Et

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL DE L’ABITIBI-TÉMISCAMINGUE

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE


 

DÉCISION

 

 

DOSSIER 85293-08-9701

[1]               Monsieur Alain Genest (le travailleur) dépose une requête à la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) le 13 janvier 1997 par laquelle il conteste une décision du Bureau de révision de l’Abitibi-Témiscamingue (le Bureau de révision) rendue le 17 décembre 1996.

[2]               Par cette décision, le Bureau de révision confirme une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) déjà rendue le 22 février 1996.  Il déclare que la CSST était justifiée de suspendre les indemnités de remplacement du revenu versées au travailleur.

[3]               Bien que l'appel de monsieur Alain Genest ait été déposé à la Commission d'appel, la présente décision est rendue par la Commission des lésions professionnelles conformément à l’article 52 de la Loi instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses dispositions législatives[1].  En vertu de l’article 52 de cette loi, les affaires pendantes devant la Commission d’appel sont continuées et décidées par la Commission des lésions professionnelles.

[4]               La présente décision est donc rendue par le soussigné en sa qualité de commissaire de la Commission des lésions professionnelles.

DOSSIER 141184-08-0006

[5]               Le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles le 20 juin 2000 par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 29 mai 2000 à la suite d’une révision administrative.

[6]               Par cette décision, la CSST confirme deux décisions rendues auparavant le 29 mai 1998 et le 20 novembre 1998.  Elle déclare que le motif ayant justifié la décision du 22 février 1996 (Bureau de révision) est toujours existant.  Elle déclare qu’il n’y a pas de détérioration de l’état de santé du travailleur le ou vers le 14 juin 1998 et qu’il n’a pas subi, à cette date, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initialement diagnostiquée.

[7]               À l’audience, le travailleur est présent et il est représenté par avocate.  La CSST est représentée par avocat.

LES OBJETS DES CONTESTATIONS

[8]               Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de lever la suspension du versement de ses indemnités de remplacement du revenu et de déclarer qu’il a subi une lésion professionnelle le 14 juin 1998.

LES FAITS

DOSSIER 85293-08-9701

[9]               De la preuve documentaire et testimoniale contradictoire, la Commission des lésions professionnelles retient les éléments essentiels suivants.

[10]           À l’automne 1995, le travailleur reçoit des indemnités de remplacement du revenu suite à une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle.

[11]           Durant cette période, le travailleur habite chez ses parents au 89, Sentier des Fougères à Sullivan.  Il partage également un appartement avec son frère Yves Genest au 803, 4e Avenue à Val-d’Or.  Il paie la moitié du coût du loyer.  Il y reçoit ses messages dont ceux de la CSST.  Aux notes évolutives de janvier 1995 du dossier CSST, le numéro de téléphone (824-6795) indiqué pour le rejoindre est celui de l’appartement partagé avec son frère.

[12]           De façon régulière, le travailleur se rend à cet appartement pour des périodes de 24 à 48 heures selon ses besoins.  Il y prend ses messages entre autres.

[13]           Cet appartement est situé à proximité du Bar Ritz, de l’autre côté de la ruelle.  Le travailleur est un habitué de ce bar.  Son frère, Claude Genest, y travaille comme préposé à l’entretien ménager.

[14]           Le travailleur a la clé de la chambre de son frère.  Il a la responsabilité de le réveiller avant le début de son quart de travail lorsque celui-ci a particulièrement consommé d’alcool dans la soirée.  Les serveuses et le gérant de l’hôtel ne vont pas le réveiller.  Il semble que le gérant ne sait même pas où se trouve la chambre de Claude Genest.

[15]           Le scénario allégué est le suivant.  Lorsque Claude Genest, qui est alcoolique, prend une cuite, il avertit le travailleur de venir le réveiller afin qu’il puisse débuter son quart de travail à 3 h 00.  Le travailleur, qui se trouve alors dans l’appartement partagé avec l’autre frère Yves, traverse la ruelle et réveille son frère Claude qui dort au 2e étage du Bar Ritz.  Il semble qu’on aurait même réveillé le travailleur à cet appartement pour qu’il se lève et vienne réveiller son frère Claude.

[16]           Le travailleur, dans une déclaration assermentée datée du 12 mai 1997, précise qu’il accompagnait son frère Claude la nuit lorsque celui-ci travaillait comme gardien de nuit.  Il pouvait ainsi se changer les idées car il avait des problèmes d’insomnie et il était suivi en santé mentale à cette époque.

[17]           Il déclare que, en attendant son frère, il jouait aux machines à poker et il prenait une bière.  Il a même effectué certaines tâches pour aider son frère.  Il a barré la porte à la fermeture du bar après la sortie des clients.  Il a monté des chaises de résine de synthèse sur les tables.  Il a vidé des cendriers et il les a placés dans le lave-vaisselle.  Il a déplacé une machine à arachides.  Il a pu ramasser des verres ou faire d’autres petites tâches.

[18]           Il déclare également qu’il n’a jamais été rémunéré pour les tâches exécutées au Bar Ritz.  Ces tâches ont été exécutées de façon sporadique et sans continuité.

[19]           Le travailleur nie avoir exécuté toutes autres tâches.  Durant l’audience, il s’en tient à sa déclaration assermentée, à peu de choses près.

[20]           Dans son témoignage, Claude Genest déclare qu’il effectuait l’entretien ménager de nuit (3 h 00 à 10 h 00) par étapes.  Il travaillait une heure ou deux, puis il prenait une période de repos avec son frère le travailleur.  Il jouait alors aux cartes, prenait un café ou une bière ou jouait aux machines à sous.

[21]           En aucun temps, le travailleur a participé activement aux activités d’entretien ménager.  Il exécutait occasionnellement de menues tâches sans plus.  Il n’a jamais reçu de son frère Claude une partie de son salaire pour l’entretien ménager.

[22]           La mère du travailleur déclare que, à cette époque, le travailleur était plutôt souffrant.  Il avait de la difficulté à se déplacer même.  Elle ajoute qu’elle avait même une procuration pour s’occuper de ses affaires.  Elle n’a jamais eu connaissance de quelques documents concernant une rémunération du Bar Ritz pour services rendus.

[23]           Au cours de l’audience, le travailleur admet qu’il avait en sa possession toutes les clés du Bar Ritz, lorsqu’il s’y trouvait à la fermeture, et qu’il avait la responsabilité, en présence de la serveuse et du gérant, de barrer et déverrouiller la porte d’entrée du bas pour faire sortir les clients.

[24]           Le 15 novembre 1995, la CSST reçoit un appel anonyme.  Le délateur indique que le travailleur effectue au noir des travaux d’entretien ménager au Bar Ritz.  Il ne peut être identifié.

[25]           Après consultation des intervenants au dossier concerné, une enquête est amorcée et un mandat de filature est confié à une agence d’investigation.  Du rapport d’enquête et des témoignages des enquêteurs, il ressort ce qui suit.

[26]           Le 7 décembre 1995 à 3 h 04, un individu dont la description physique ressemble au travailleur est croisé dans la ruelle entre le Bar Ritz et l’appartement partagé par le travailleur avec son frère Yves sur la 4e Avenue.  L’individu entre au bar.  Ses traces de pas dans la neige conduisent les enquêteurs à l’appartement en question.

[27]           Le 8 décembre 1995 à 2 h 44, le travailleur entre au Bar Ritz par la porte arrière.  Il provient de l’appartement de la 4e Avenue.

[28]           Le 13 décembre 1995, le travailleur pénètre au Bar Ritz par la porte arrière à 2 h 35.  Il ne monte pas à l’étage pour réveiller son frère.  Vers 3 h 00, il commence à monter des chaises et des tabourets sur les tables et le bar.  Il empile sur une terrasse des chaises de résine.  Les autres chaises ont une armature de métal avec un siège en cuir ou similicuir.  Il déplace la distributrice à arachides, la soulève et la pose sur la terrasse.  Il est seul à exécuter ce travail bien que la serveuse soit encore sur place.  Vers 3 h 25, il ouvre la porte aux enquêteurs avec un trousseau de clés qu’il porte sur lui.

[29]           Le 14 décembre 1995, le travailleur se présente au Bar Ritz par la porte arrière.  Vers les 3 h 00, sans être monté à l’étage où réside son frère, il monte des chaises et des tabourets sur les tables et le bar.  À 3 h 20, il déverrouille la porte avant pour laisser sortir les enquêteurs.

[30]           Le 10 janvier 1996, le travailleur est formellement identifié au bureau de la CSST par un des enquêteurs qui l’observe travailler au Bar Ritz.

[31]           Le 11 janvier 1996, vers 23 h 00, le travailleur est vu au Bar Ritz.  Il consomme de la bière.  À 23 h 26, il quitte les lieux.  Il semble en état d’ébriété.  Vers 3 h 00, la serveuse signale au gérant que le préposé à l’entretien ménager n’est pas arrivé.  Elle lui demande qui elle doit appeler pour assurer l’entretien ménager.  Il lui répond d’appeler Alain Genest, le travailleur.  Celle-ci retrouve les coordonnées du travailleur dans un document à l’arrière du bar.  Elle l’appelle.  Celui-ci pénètre dans le bar quelques minutes plus tard par la porte arrière.  Les enquêteurs sortent de l’établissement vers 3 h 25.  La filature se poursuit.  À 5 h 15, le travailleur est vu alors qu’il transporte des caisses de 24 bières empilées sur un chariot (diable).  À 8 h 00, il est vu alors qu’il passe la vadrouille dans l’entrée du portique du bar.

[32]           Le 2 février 1996, l’enquêteur de la CSST convoque le travailleur au bureau de la CSST.  Il lui indique qu’il veut vérifier avec lui la nature de la plainte reçue le 15 novembre 1995.  Le travailleur accepte de se présenter.  Puis, en fin de journée, après avoir consulté un avocat qui s’est déjà occupé de son dossier, il requiert une convocation écrite avec motif approprié.

[33]           Le 5 février 1996, l’enquêteur de la CSST achemine une citation à comparaître au travailleur.  Il le convoque le 16 février 1996 à 13 h 30.  Il requiert du travailleur qu’il apporte la confirmation des salaires reçus pour l’exécution du travail d’entretien ménager effectué depuis plusieurs mois dans certains commerces de Val-d’Or.

[34]           Avant la rencontre du 16 février 1996, le travailleur voit son avocat Me Labranche.  Il lui confirme qu’il n’a pas effectué des travaux d’entretien ménager dans des commerces de Val - d’Or contre rémunération ou avantage quelconque.  Il ne lui précise pas avoir effectué les tâches décrites dans la déclaration solennelle du 12 mai 1997.

[35]           Le 16 février 1996, le travailleur et son procureur se présentent à la CSST.  Ils sont reçus par l’enquêteur et le procureur de la CSST.  La rencontre est brève.  Il est demandé au travailleur s’il a accompli des travaux d’entretien ménager depuis septembre 1994.  La réponse est négative.  Le travailleur signe une déclaration dans laquelle il déclare ne pas avoir exécuté des travaux d’entretien ménager ou tout autre travail contre rémunération ou avantage depuis septembre 1994.  Aucune explication n’est requise du travailleur et de son procureur.  Seule la protection en vertu de l’article 13 de la Charte des droits et libertés est requise.

[36]           Le même jour, les intervenants au dossier de la CSST, dont l’enquêteur et le procureur de la CSST, décident de suspendre les indemnités de remplacement du revenu jusqu’à ce que le travailleur fournisse les informations demandées sur la citation à comparaître déjà acheminée.  Il est conclu que le travailleur fournit de fausses déclarations en déclarant ne pas travailler au Bar Ritz contrairement aux conclusions de l’enquête réalisée.

[37]           Le 22 février 1996, la CSST suspend le versement des indemnités de remplacement du revenu selon les dispositions de l’article 142, 1 (a) et 2 (b).  Elle indique au travailleur qu’elle reprendra le versement de l’indemnité lorsque le motif justifiant la suspension n’existera plus.  Les motifs de la suspension sont les suivants :

-         des renseignements inexacts ont été fournis (142 (1) (a));

-         refus ou négligence de fournir des renseignements requis par la CSST ou de donner l’autorisation nécessaire pour l’obtention de ces renseignements (142 (2) (b)).

 

 

[38]           Selon les notes évolutives de la CSST, datées du 23 mars 1998, il appert que le versement des indemnités de remplacement du revenu ainsi que le processus de réadaptation ont été suspendus depuis le mois de février 1996.

[39]           La décision du 22 février 1996 est contestée par le travailleur le 28 février 1996.

[40]           Le 19 mars 1996, la copie du dossier du travailleur et la copie du rapport sont acheminées à Me Labranche à sa demande.  Le 24 septembre 1996, Me Labranche avise la CSST qu’il ne représente plus les intérêts du travailleur.

[41]           Une audition est tenue par le Bureau de révision de l’Abitibi-Témiscamingue le 25 novembre 1996.  Le travailleur est présent et il est représenté par Me Lemoine.  La CSST est représentée par Me Cossette.  Malgré l’absence de preuve de rémunération ou davantage reçue, telle que mentionnée dans la dissidence du membre syndical, le Bureau de révision décide que le travailleur n’a pas démontré qu’il n’a pas travaillé pour le compte du Bar Ritz.  Le Bureau de révision se dit peu convaincu qu’un individu puisse avoir les clés d’une entreprise, y avoir accès, être familier dans l’établissement, faire sortir les clients à l’heure de la fermeture en présence du gérant sans qu’il le demande expressément, sans y occuper l’emploi correspondant au niveau de responsabilité confiée.  Le Bureau de révision conclut majoritairement que la suspension, telle que motivée, est justifiée.

[42]           Devant le Bureau de révision, les propriétaires du Bar Ritz ont déclaré qu’il n’y avait aucun lien d’emploi entre le travailleur et leur établissement.  Devant la Commission des lésions professionnelles, ils ont refusé de se présenter.  Il n’a pas été requis de la Commission des lésions professionnelles de forcer leur comparution.

DOSSIER 141184-08-0006

[43]           Le 12 mai 1997, le travailleur signe une déclaration assermentée dont le contenu est précisé dans les paragraphes précédents.  Le 29 mai 1998, la CSST refuse de lever la suspension du versement des indemnités de remplacement du revenu imposée le 22 février 1996.  Le travailleur, par sa procureure, demande la révision de cette décision le 16 juin 1998.

[44]           Au plan médical, le dossier du travailleur révèle ce qui suit.  Le 11 septembre 1988, le travailleur est commis d’épicerie.  Il place des produits dans les présentoirs et il fait le ménage de l’entrepôt.  Une lombalgie incapacitante s’installe.  Une entorse lombaire est également diagnostiquée.  Il est question de lombalgie chronique par la suite.  Une radiographie lombaire est complètement normale le 2 février 1989.  Un syndrome facettaire L5-S1 gauche est traité par infiltration le 1er août 1989.  La lésion professionnelle est consolidée le 13 novembre 1989 sans séquelle.  Le travail régulier est autorisé.  La lombalgie est persistante.

[45]           Il est fait état d’un dérangement intervertébral mineur (DIM) lombo-sacré le 16 février 1990 avec arrêt du travail.  Le diagnostic de lombalgie est maintenu par la suite.  La lésion professionnelle est consolidée le 3 avril 1990 avec atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et limitations fonctionnelles.

[46]           Le travailleur est examiné par le docteur S. Imbeault, physiatre, le 23 juillet 1990.  Le diagnostic préévaluation est entorse de la colonne lombaire.  À la suite de son examen objectif, le docteur Imbeault conclut que le travailleur est porteur d’un tableau douloureux lombaire inférieur gauche post-entorse.  Il montre une extension limitée à 15 degrés et une flexion latérale droite limitée à 20 degrés.

[47]           Il précise les limitations fonctionnelles suivantes : ne pas travailler en position penchée ou accroupie, ne pas effectuer de mouvements répétitifs de la colonne dorso-lombaire, changer de positions aux 30 minutes, ne pas lever des charges supérieures à 20 livres, ne pas être exposé à des vibrations de basses fréquences et ne pas travailler en terrains accidentés ou instables.  Il accorde 2 % pour des séquelles fonctionnelles objectivées d’une entorse lombaire (code 204004).

[48]           Dans son rapport, le docteur Imbeault mentionne que les radiographies lombaires réalisées le 4 avril 1988 et le 27 janvier 1989 sont complètement normales.  Une tomodensitométrie lombaire réalisée en avril 1990 est aussi complètement normale.

[49]           Le travailleur est admis en réadaptation.  Il retourne compléter son secondaire V en vue d’un diplôme d’études collégiales en technique informatique.  Le travailleur accumule de très nombreuses heures d’absences non motivées, ce qui retarde sa réadaptation professionnelle.

[50]           Il consulte pour une exacerbation de lombalgie en se levant le 2 avril 1992.

[51]           Le travailleur déménage à Hull à l’automne 1992.  L’emploi convenable devient technicien en dépannage de système micro-informatique.  La formation appropriée se termine le 7 août 1993.  La CSST confirme que le travailleur peut exercer cet emploi convenable le 2 septembre 1993.

[52]           Le 28 septembre 1993, le travailleur consulte pour une rechute d’entorse lombaire.  Il est question de lombalgie le 24 octobre 1993.  Sur sa réclamation, qu’il produit le 29 octobre 1993, il précise que la lombalgie est apparue en sortant de son automobile le 28 septembre 1993.  Cette réclamation est refusée par la CSST le 25 novembre 1993.  Cette décision est contestée par le travailleur le 5 décembre 1993.

[53]           Il est mentionné une lombalgie chronique du 19 septembre 1994 au 4 novembre 1994.  Selon la réclamation qu’il signe le 28 octobre 1994, la douleur lombaire importante est apparue lorsque le travailleur se déplace du salon à la cuisine chez lui.  Il s’écrase au sol.  Il est amené à l’urgence du centre hospitalier.

[54]           Le 11 novembre 1994, le Bureau de révision reconnaît que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 28 septembre 1993 par récidive, rechute ou aggravation de sa lombalgie.  Il motive sa décision par le suivi médical constant depuis l’événement de septembre 1988, par le même diagnostic retenu depuis, par le même siège de lésion et par les conséquences de la lésion.

[55]           Le 22 décembre 1994, la CSST accueille la réclamation du travailleur pour récidive, rechute ou aggravation (lombalgie chronique) survenue le 10 septembre 1994 de sa lésion professionnelle.

[56]           Le docteur A. Guimont, orthopédiste, examine le travailleur le 24 février 1995.  Ce dernier se plaint d’une douleur lombo-sacrée et à la partie supérieure de la fesse gauche.  L’examen objectif montre une limitation de l’extension, de la flexion latérale gauche et de la flexion antérieure.  Il est d’avis que le travailleur présente un syndrome facettaire L5-S1 qui constitue une séquelle d’entorse lombaire.  Il est d’avis que la lésion professionnelle n’est pas consolidée.

[57]           Le travailleur est examiné par le docteur Laperrière, psychiatre, le 27 mars 1995.  Il conclut que le travailleur est un manipulateur.  Il ne s’agit pas d’un cas de sinistrose.  Il est d’avis qu’il y a certainement un problème de personnalité sous-jacent.  L’aspect farfelu des plaintes et l’état de régression dans lequel il se retrouve montrent un individu qui se complaît dans sa passivité.

[58]           Le 24 avril 1995, le médecin qui a charge, mentionne un état stationnaire de la lombalgie chronique.  Il fait de même le 20 juin 1995.  Il consolide cette lésion le 10 juillet 1995 avec atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et limitations fonctionnelles.

[59]           Le 23 octobre 1995, le docteur J. A. Letendre, orthopédiste, examine le travailleur afin de produire le bilan des séquelles.  Le diagnostic préévaluation est celui de séquelles chroniques d’entorse lombaire.  Il est précisé que le travailleur n’a pas repris le travail depuis 1990.  L’examen objectif montre des mouvements limités du rachis lombaire particulièrement en flexion et en extension.  Le travailleur dit ne pouvoir marcher sur la pointe des pieds et sur les talons.  Le docteur Letendre conclut que le travailleur présente une sensibilité particulière.  Il semble même y avoir une instabilité vertébrale.  Il est sceptique sur un éventuel retour au travail.

[60]           Il retient le même déficit anatomo-physiologique que le docteur Imbeault (code 204004 - 2 % - séquelles objectivées d’entorse lombaire).  Il précise les limitations fonctionnelles suivantes :

-         éviter de soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 5 kg;

-         éviter la marche prolongée;

-         éviter de garder la même position plus de 30-45 minutes;

-         éviter de travailler dans des positions instables;

-         éviter les mouvements répétitifs;

-         éviter les vibrations.

 

 

[61]           Il indique que ses limitations fonctionnelles sont un peu plus sévères que celles du docteur Imbeault.

[62]           Dans son rapport, le docteur Letendre mentionne que l’imagerie médicale montre une lordose un peu prononcée, un pincement postérieur à L5-S1 avec léger rétrolisthésis de L5 sur S1.  Il est d’avis, contrairement au docteur Imbeault, que la tomodensitométrie de 1990 montrait un petit bombement à L5-S1 sans hernie discale.

[63]           À son tour, le docteur A. Guimont, orthopédiste, examine le travailleur le 12 décembre 1995 à la demande de la CSST pour préciser les limitations fonctionnelles.  L’examen objectif est semblable à celui du docteur Letendre.  Il montre une flexion et une extension limitées.  Il détermine les limitations fonctionnelles suivantes :

-         éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités qui impliquent de :

-         soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 20 kg;

-         travailler en position accroupie;

-         ramper et grimper;

-         effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire;

-         subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale.

 

 

[64]           Le dossier médical du travailleur est acheminé au Bureau d’évaluation médicale le 15 janvier 1996 afin de faire préciser les limitations fonctionnelles qui résultent de la lésion professionnelle.

[65]           Le docteur René Landry, orthopédiste qui agit à titre de membre du Bureau d’évaluation médicale, examine le travailleur le 26 janvier 1996.  Contrairement aux examens des docteurs Guimont et Letendre, la flexion antérieure est presque complète (85 degrés).  L’extension est limitée à 20 degrés et les rotations sont également limitées à 20 degrés.  Il n’y a pas de déficit neurologique.  Il précise donc les limitations fonctionnelles suivantes :

-         éviter de soulever, de tirer ou de pousser des charges de plus de 10 kg;

-         éviter de demeurer en position assise ou debout pour des périodes soutenues de plus de 30 à 60 minutes;

-         éviter de faire des mouvements de flexion, d’extension et de torsion du tronc de façon répétitive et éviter d’exercer des activités en position penchée, accroupie ou instable;

-         éviter également de marcher sur un terrain accidenté ou glissant, de ramper ou grimper et de subir des vibrations et des contrecoups à la colonne lombo-sacrée.

 

 

[66]           Le 8 avril 1997, le travailleur subit une exacerbation de sa lombalgie en se levant de sa chaise.  Le 9 juin 1997, c’est en débarquant d’une auto.  Il achemine des réclamations à la CSST.

[67]           Au début d’avril 1996, le médecin qui a charge du travailleur diagnostique une lombalgie chronique, puis une lombalgie aiguë qu’il traite de façon conservatrice.

[68]           Le 14 juillet 1997, la CSST refuse les réclamations du travailleur pour des récidives, rechutes ou aggravations, survenues le 4 avril 1997 et le 9 juin 1997 de sa lésion professionnelle.  Le travailleur conteste cette décision le 31 juillet 1997.  Le 5 février 1998, le Bureau de révision infirme la décision de la CSST et conclut que le travailleur a subi des lésions professionnelles le 4 avril 1997 et le 9 juin 1997.  Il motive sa décision par le fait que, à ces dates, le travailleur présente des blocages lombaires suite à des gestes anodins de la vie courante.  Or, la preuve médicale démontre que le travailleur présente une condition lombaire chronique qui constitue une séquelle douloureuse résiduelle de l’entorse lombaire subie en septembre 1988.  À plusieurs reprises par la suite, le travailleur a présenté des exacerbations temporaires de sa symptomatologie.  Suite aux traitements appropriés, sa condition se stabilise sans augmentation de son atteinte permanente à l’intégrité physique.

[69]           Le 20 janvier 1998, le médecin qui a charge du travailleur fait état d’une lombalgie chronique.  Le 14 juin 1998, le docteur Lapointe mentionne une lombalgie qui persiste depuis 10 ans avec épisodes d’exacerbation dont un le matin même.  En effet, en se levant de son lit le matin pour aller faire son déjeuner, le travailleur présente une lombalgie aiguë incapacitante.  Il consulte à l’urgence du Centre hospitalier de Val-d’Or.  Le docteur Lapointe retient comme impression diagnostique une rechute d’entorse lombaire.  Le traitement est conservateur : repos, analgésique et anti-inflammatoires non stéroïdiens.  La période d’incapacité dure une quinzaine de jours environ.

[70]           Une tomodensitométrie du rachis lombaire post-myélographie est réalisée le 9 juin 1999 de L3 à S1.  Tous les espaces sont normaux.  Les structures osseuses apparaissent normales également.  Une scintigraphie osseuse dorso-lombaire, réalisée le 30 juin 1999, s’avère sans anomalie.  Une évaluation électromyographique est faite le 17 août 1999 pour les membres inférieurs.  Aucune anomalie n’est détectée dans les muscles relevant des myotomes L3 à S1.  Il ne peut être retenu qu’il existe un processus de dénervation active ou chronique d’origine radiculaire.

[71]           Un rapport d’évaluation médicale du docteur Laberge, de l’hôpital Hôtel-Dieu de Montréal, fait état de lombalgies chroniques le 27 août 1999.  On y retient une hernie discale à L5‑S1, à la suite d’une résonance magnétique, sans aucune compression radiculaire.

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[72]           La procureure du travailleur prétend que la CSST a suspendu le versement des indemnités de remplacement du revenu, auxquelles a droit le travailleur, pour obtenir de lui des aveux.  C’est contraire aux dispositions de l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi).  Suite aux informations obtenues lors de son enquête, la CSST devait lever la suspension puisqu’elle avait en sa possession les faits recherchés.  La jurisprudence déposée, à laquelle réfère la procureure, précise que la suspension n’est pas indéfinie.  De plus, le comportement de la CSST est abusif.  Si, à son avis, elle devait suspendre le versement des indemnités de remplacement du revenu, rien ne la justifiait de suspendre simultanément le processus de réadaptation.

[73]           La procureure allègue que, si le travailleur a tardé à donner les informations requises à la CSST, c’est à la suite des conseils de son procureur de l’époque qu’il a agi ainsi par pure stratégie.  Donc, le travailleur n’a pas omis ou refusé de fournir volontairement des renseignements requis par la CSST.

[74]           Puis, elle reprend les principales circonstances mises en preuve pour conclure qu’il n’existe aucun fait de nature à justifier la suspension du versement des indemnités de remplacement du revenu ni le maintien de la suspension par le Bureau de révision.  Elle requiert de la Commission des lésions professionnelles de lever la suspension sur le versement des indemnités de remplacement du revenu et sur le processus de réadaptation.

[75]           Elle allègue également que la preuve médicale prépondérante milite en faveur de la reconnaissance d’un autre épisode d’exacerbation d’une lombalgie persistante, séquelle de la lésion professionnelle subie en 1988, survenu le 14 juin 1998.  La loi reconnaît que de telles récidives, rechutes ou aggravations constituent des lésions professionnelles.

[76]           Pour sa part, le procureur de la CSST est d’avis que la suspension des indemnités de remplacement du revenu était justifiée.  Une enquête est amorcée, suite à une délation, au moment où la CSST s’apprête à déterminer la capacité du travailleur à exercer un emploi convenable.  Or, les éléments de l’enquête portent la CSST à croire que sa décision sur la capacité peut en être influencée.

[77]           Le travailleur nie avoir exercé des travaux d’entretien ménager au Bar Ritz contre rémunération.  Il déclare avoir effectué de menues tâches dans un esprit d’entraide et de loisir.  C’est contraire aux éléments de l’enquête.  Dans un contexte de travail au noir, le procureur admet qu’il est impossible de prouver que les travaux ont été exécutés contre rémunération et avantage vu le comportement du travailleur et des propriétaires du Bar Ritz.

[78]           La suspension était donc justifiée jusqu’à ce que le travailleur fournisse les renseignements requis comme le lui oblige la loi.  Quant à l’affidavit signé par le travailleur, il est incomplet et il ne justifie pas à lui seul la levée de la suspension.  En effet, il ne décrit que des tâches peu exigeantes physiquement.  Le travailleur omet d’y décrire des tâches plus exigeantes telles que constatées par les enquêteurs.  Donc, le travailleur cache des éléments pertinents sur sa capacité à exercer un travail physique sur une base régulière.  Sa persistance à nier les faits lui vaut à ce jour la suspension du versement des indemnités de remplacement du revenu.

[79]           Quant à la récidive, rechute ou aggravation, survenue le 14 juin 1998, de la lésion professionnelle diagnostiquée en 1988, le procureur de la CSST prétend qu’il s’agit d’un tableau de douleur chronique lombaire sans pathologie sous-jacente et sans signe clinique objectif d’une quelconque détérioration.

[80]           Le procureur de la CSST requiert de la Commission des lésions professionnelles qu’elle confirme les décisions du Bureau de révision et de la CSST.

L’AVIS DES MEMBRES

[81]           Le membre issu des associations syndicales partage l’avis du représentant des travailleurs dans sa dissidence à la décision du Bureau de révision du 17 décembre 1996.  La CSST n’a pas démontré que le travailleur a effectué des travaux d’entretien ménager au Bar Ritz contre rémunération.  La suspension de février 1996 n’était pas justifiée et doit être levée avec rétablissement des indemnités de remplacement du revenu de façon rétroactive à la date de la suspension.

[82]           Quant à la récidive, rechute ou aggravation, survenue le 14 juin 1998, de la lésion professionnelle, elle s’inscrit dans la continuité des conséquences ou des séquelles de la lésion professionnelle.  Elle doit être reconnue par la Commission des lésions professionnelles.

[83]           Pour sa part, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la preuve prépondérante démontre que le travailleur exerçait des travaux d’entretien ménager au Bar Ritz.  Sa persistance à vouloir nier les faits mis en preuve lui vaut une suspension du versement de ses indemnités de remplacement du revenu.  L’absence de preuve de rémunération n’est pas un élément essentiel.  Le contexte du travail au noir, l’attitude du travailleur et le comportement des propriétaires sont des éléments qui nuancent l’absence de preuve de rémunération.

[84]           Relativement à la récidive, rechute ou aggravation, alléguée être survenue le 14 juin 1998, de la lésion professionnelle, la symptomatologie alléguée par le travailleur n’est corroborée par aucune pathologie sous-jacente ni détérioration objective.  Le travailleur n’a pas démontré par une preuve médicale prépondérante qu’il existe une relation entre sa condition au 14 juin 1998 et l’entorse lombaire subie en 1988.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[85]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la CSST est justifiée de suspendre le versement des indemnités de remplacement du revenu du travailleur le 22 février 1996 et si elle doit maintenant être levée.  La Commission des lésions professionnelles doit aussi déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 14 juin 1998.

DOSSIER 85293-08-9701

[86]           Essentiellement, la Commission des lésions professionnelles retient des propos du travailleur, de son frère et de sa mère qu’il est bien souffrant à l’automne et à l’hiver 1995-1996, qu’il est insomniaque, qu’il est sans emploi rémunérateur, qu’il réveille son frère avant le début de son travail de nuit à l’entretien ménager au Bar Ritz, qu’il l’accompagne durant son quart de travail et qu’il effectue occasionnellement quelques tâches peu exigeantes physiquement telles que décrites à son affidavit au Bar Ritz.

[87]           La version des faits présentée par le travailleur et des membres de sa famille est contredite par les éléments de preuve prépondérante qui suivent.

[88]           Le travailleur reçoit des indemnités de remplacement du revenu à l’automne 1995.  Il réside chez ses parents à Sullivan.  Il partage également un loyer avec son frère Yves sur la 4e Avenue à Val-d’Or, directement en arrière du Bar Ritz.  Il paie la moitié du coût du loyer.  C’est là qu’il reçoit différents messages, dont ceux de la CSST, sur répondeur téléphonique.

[89]           À quelques reprises, il est vu pénétrer au Bar Ritz par la porte arrière de l’établissement juste avant 3 heures du matin.  À une reprise, ses traces dans la neige montrent qu’elles proviennent de l’appartement qu’il partage avec son frère sur la 4e Avenue.

[90]           Le 13 décembre 1995, le travailleur, à peine arrivé au Bar Ritz, monte des chaises sur des tables et des tabourets sur le bar.  Il ne monte pas à l’étage pour soi-disant réveiller son frère.  Il empile des chaises de résine et déplace une distributrice à arachides.  Le travailleur donne ainsi l’impression qu’il va laver le plancher ou passer l’aspirateur sur le tapis.  Ces activités sont exécutées en présence de la serveuse.  Il ouvre les portes de l’établissement pour laisser sortir des clients (les enquêteurs) à l’aide d’un trousseau de clés en sa possession.

[91]           Il s’adonne à des activités similaires le 14 décembre 1995.  Toutefois, il ne déplace pas la distributrice ni n’empile des chaises de résine.

[92]           Le 11 janvier 1996, le gérant de l’établissement ordonne à la serveuse de contacter le travailleur afin qu’il fasse l’entretien ménager.  Elle trouve ses coordonnées dans un document derrière le bar.  Après un bref appel téléphonique, le travailleur se présente par l’arrière du Bar Ritz quelques instants plus tard.  Durant la nuit, il est vu alors qu’il transporte des caisses de 24 bières à l’aide d’un chariot (diable) et qu’il passe la vadrouille.

[93]           De ces éléments de l’enquête et de l’affidavit signé par le travailleur, la Commission des lésions professionnelles infère que le travailleur s’adonnait à des activités qui sont compatibles avec le travail de préposé à l’entretien ménager au Bar Ritz contrairement à ses prétentions.  La Commission des lésions professionnelles est d’avis que le fait de monter des chaises sur des tables et des tabourets sur le bar ainsi que le fait de passer la vadrouille constituent des activités exigeantes physiquement.  Elles n’apparaissent pas compatibles avec limitations fonctionnelles précisées au dossier médical du travailleur à l’époque des faits reprochés.

[94]           Malgré qu’il n’a pas été mis en preuve qu’une rémunération quelconque a été versée au travailleur ni la durée du versement d’une telle rémunération, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le travailleur devait informer la CSST de la nature des activités qu’il exerçait au Bar Ritz, de leurs exigences physiques et de toute autre condition associée au travail d’entretien ménager qu’il y exerçait.

[95]           Dans un contexte de travail au noir, sans la collaboration du travailleur et des propriétaires de l’établissement, il est très difficile, voire impossible, de démontrer qu’une rémunération quelconque a été versée au travailleur.

[96]           L’impossibilité de présenter une telle preuve n’a pas pour effet de faire disparaître l’obligation légale faite au travailleur de déclarer la rémunération ou les avantages reçus pour la prestation de ses services au Bar Ritz.

[97]           L’article 278 de la loi, dont le texte suit, précise cette obligation qu’avait le travailleur de déclarer la nature du travail qu’il exerçait au Bar Ritz et ce qu’il recevait en contrepartie :

278. Un bénéficiaire doit informer sans délai la Commission de tout changement dans sa situation qui peut influer sur un droit que la présente loi lui confère ou sur le montant d'une indemnité.

________

1985, c. 6, a. 278.

 

 

[98]           C’est afin d’obtenir ces renseignements que le travailleur fut convoqué par la CSST au début de l’année 1996.  Dès lors, le comportement du travailleur n’est pas celui d’une personne qui veut collaborer à la bonne administration de son dossier.

[99]           Il s’empresse de contacter un avocat.  Il lui cache certaines informations pertinentes.  Il nie toutes activités de travail et toute rémunération en sa présence devant la CSST.  Puis, un an plus tard, il affirme dans un affidavit qu’il a exercé certaines activités de nature physique peu exigeantes.  Or, la preuve prépondérante démontre que cet affidavit s’avère incomplet.

[100]       Devant l’absence de collaboration du travailleur à la saine administration de son dossier, la CSST, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, était justifiée de recourir aux dispositions de l’article 142 de la loi dont le texte suit :

142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :

 

1   si le bénéficiaire :

a)  fournit des renseignements inexacts;

b)  refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

2   si le travailleur, sans raison valable :

a)entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;

b)pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;

c)  omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;

d)omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;

e)  omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;

f)  omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274.

________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

[101]       Toutefois, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que cet article ne permettait pas à la CSST de suspendre le processus de réadaptation déjà amorcé.  Elle devait, compte tenu des éléments obtenus suite à son enquête, rendre une décision soit sur le processus de réadaptation lui-même, soit sur l’emploi occupé au Bar Ritz par le travailleur comme emploi convenable, soit sur sa capacité à occuper un tel emploi.  Insatisfait, le travailleur aurait eu alors l’opportunité de contester une telle décision.  Or, en suspendant implicitement le processus de réadaptation sans rendre une décision légale à cet effet, elle laissait le travailleur dans l’incertitude face à son avenir ce qui, au plan psychologique, n’a pas été d’un grand bienfait.  Il appartient maintenant à la CSST de corriger cette omission qui perdure depuis 1996.

[102]       La représentante du travailleur requiert la levée de la suspension au motif qu’elle ne peut durer de façon indéfinie.  La Commission des lésions professionnelles partage cette opinion.  Une suspension ne peut durer indéfiniment.  La jurisprudence sur cette question est constante.  Ce n’est pas le droit à l’indemnité de remplacement du revenu qui peut être suspendu par l’article 142 (1) (a) et (b), mais uniquement le paiement de cette indemnité[3].

[103]       Le droit continue de subsister et le paiement peut certes être repris dès que cesse le défaut reproché.  Dans Marcel Gariépy et Canadien Pacifique et CSST[4], le commissaire Archambault écrivait ce qui suit :

« [...]

 

ce n’est qu’à la suite de l’audience tenue par la Commission d’appel que le travailleur a vraiment informé la Commission « de tout changement dans sa situation qui peut influer sur un droit que la présente loi lui confère ou sur le montant d’une indemnité.

 

[...] » [sic]

 

 

[104]       Il levait par la suite la suspension et il ordonnait à la CSST de reprendre le versement des indemnités de remplacement du revenu.

[105]       Or, dans la présente affaire, le travailleur a toujours nié, même devant la Commission des lésions professionnelles, qu’il a exécuté des travaux d’entretien ménager au Bar Ritz malgré une preuve prépondérante contraire.  La Commission des lésions professionnelles conclut donc que le motif de la suspension du versement des indemnités de remplacement du revenu est encore présent.

[106]       Dans l’autre dossier, la Commission des lésions professionnelles retient que le travailleur a subi une entorse lombaire le 11 septembre 1988.  Cette lésion professionnelle est consolidée sans séquelle le 13 novembre 1989.  Le travail régulier est autorisé.  La lombalgie est persistante.  Toutefois, le 16 février 1990, il est fait état d’un dérangement mineur intervertébral mineur lombo-sacré.  Puis, il est question de lombalgie par la suite.  La consolidation de la lésion professionnelle est atteinte le 3 avril 1990.

[107]       Le travailleur conserve de sa lésion professionnelle une atteinte à son intégrité physique équivalente à 2 % (code 204004 - entorse dorsolombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées) et des limitations fonctionnelles.

[108]       Le travailleur présente à répétition par la suite des épisodes douloureux d’exacerbation de sa lombalgie persistante.  Chacun de ses épisodes est consécutif à un événement bénin tel que sortir de l’automobile ou se déplacer pour se rendre à la cuisine.  Aucune description de geste brusque, de mouvement violent ou effectué dans une position contraignante n’est présente.

[109]       Le 27 mars 1995, le travailleur est examiné par le psychiatre Laperrière.  Celui-ci conclut que le travailleur est un manipulateur.  L’aspect farfelu de ses plaintes et l’état de régression dans lequel il se trouve montrent un individu qui se complaît dans sa passivité.

[110]       Une lombalgie chronique est consolidée le 10 juillet 1995.  Lors de l’évaluation des séquelles, le 20 octobre 1995, le docteur Letendre constate que le travailleur présente une sensibilité bien particulière.  L’atteinte permanente à l’intégrité physique n’est pas augmentée.  Les limitations fonctionnelles sont un peu plus sévères que celles déterminées par le docteur Imbeault.

[111]       Le docteur Guimont détermine des limitations un peu moins sévères le 12 décembre 1995 après l’examen du travailleur.  Finalement, des limitations fonctionnelles sont déterminées suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale le 26 janvier 1996.

[112]       Le Bureau de révision reconnaît le 5 février 1998 que le travailleur a subi des récidives, rechutes ou aggravations de sa lésion professionnelle le 4 avril 1997 et le 9 juin 1997.  Le Bureau de révision motive sa décision sur le fait que le travailleur présente une lombalgie chronique depuis 1998 qui est exacerbée par le moindre événement de sa vie quotidienne.

[113]       Le 20 janvier 1998, il est diagnostiqué une lombalgie chronique.  Le 14 juin 1998, en se levant de son lit pour se rendre à la cuisine préparer son déjeuner, le travailleur exacerbe sa lombalgie.  Aucun fait particulier ne se produit.  Aucun geste brusque ou violent n’est réalisé.  Aucun faux mouvement n’est exécuté.  Le travailleur ressent une lombalgie incapacitante et il consulte à l’urgence.

[114]       La preuve médicale ne permet pas de relier cette lombalgie chronique, qui s’exacerbe lors de gestes bénins de la vie courante, à la lésion professionnelle initialement diagnostiquée.  Le travailleur ne conserve pas de sa lésion professionnelle une quelconque instabilité lombaire objectivée à l’imagerie et à la clinique.  Il ne conserve de sa lésion professionnelle que des limitations de l’extension et de la flexion latérale droite le 23 juillet 1990.  L’extension, la flexion latérale gauche et la flexion antérieure sont limitées le 24 février 1995.  La flexion et l’extension sont limitées le 23 octobre 1995.  C’est aussi le cas le 12 décembre 1995.  Puis, le 26 janvier 1996, la flexion est presque complète alors l’extension et les rotations sont limitées.

[115]       Si on interprète une tomodensitométrie de 1990 comme montrant une anomalie à L5-S1, il n’en existe plus à la tomodensitométrie réalisée le 9 juin 1999.  Une scintigraphie osseuse dorso-lombaire, réalisée le 30 juin 1999 est sans anomalie le 30 juin 1999.  De plus, l’évaluation électromyographique des membres inférieurs montre aucune anomalie pour les muscles relevant des myotomes L3 à S1.  Il n’existe aucun processus de dénervation active ou chronique d’origine radiculaire.

[116]       En somme, les épisodes de lombalgie aiguë que présente le travailleur ne sont reliés à aucune pathologie sous-jacente.  Ils ne s’expliquent pas médicalement par une séquelle musculo-squelettique ou neurologique qui pourrait découler de l’entorse lombaire subie en septembre 1988 telle une instabilité lombaire.  Ce qui est inexplicable, c’est que depuis 1988, le travailleur se plaint de lombalgie chronique qui s’exacerbe au moindre geste de la vie quotidienne.

[117]       C’est la situation du travailleur au 14 juin 1998.  Encore une fois, sa lombalgie chronique s’exacerbe de façon aiguë et inexplicable.

[118]       La Commission des lésions professionnelles ne doute pas que le travailleur ressente des douleurs importantes lors d’épisodes intermittents d’exacerbation de sa lombalgie chronique alléguée.  Toutefois, la preuve médicale prépondérante ne permet de relier l’épisode du 14 juin 1998 à l’entorse lombaire subie en septembre 1988.  La Commission des lésions professionnelles est d’avis qu’il existe davantage une composante psychique telle que précisée par le psychiatre Laperrière, et une sensibilité particulière, notée par le docteur Letendre, qui expliquent particulièrement les épisodes de lombalgie aiguë dont celle du 14 juin 1998.  D’ailleurs, la Commission des lésions professionnelles constate que, à l’audience devant elle, le travailleur se déplace en fauteuil roulant.  Pourtant, son dossier médical ne soutient aucunement une telle condition.

[119]       La Commission des lésions professionnelles conclut donc que le travailleur n’a pas démontré par une preuve médicale prépondérante que sa condition au 14 juin 1998 est reliée à l’entorse lombaire subie en septembre 1988.

[120]       Compte tenu de sa décision rendue dans le dossier 85293-08-9701, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le volet de la décision de la CSST, rendue le 29 mai 2000 à la suite d’une révision administrative, où la CSST détermine que le motif de la suspension des indemnités de remplacement du revenu est toujours existant le 29 mai 1998, est devenu caduque.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

DOSSIER 85293-08-9701

REJETTE la requête de monsieur Alain Genest (le travailleur);

CONFIRME la décision du Bureau de révision rendue le 17 décembre 1996;

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est justifiée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu le 22 février 1996;

DÉCLARE que le motif de la suspension existe encore à la date de la présente décision;

RETOURNE le dossier à la CSST pour que soit rendue une décision sur la suspension ou la poursuite du plan de réadaptation.

DOSSIER 141184-08-0006

REJETTE la requête du travailleur;

CONFIRME la décision de la CSST rendue le 29 mai 2000 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 14 juin 1998.

 

 

 

 

 

Me Pierre Prégent

 

Commissaire


DOSSIER 85293-08-9701

 

CHABOT, KIROUAC ET ASSOCIÉS

(Me Renée Lemoine)

 

Représentante de la partie appelante

 

 

PANNETON LESSARD

(Me Louis Cossette)

 

Représentant de la partie intervenante

 

 

 

DOSSIER 141184-08-0006

 

CHABOT, KIROUAC ET ASSOCIÉS

(Me Renée Lemoine)

 

Représentante de la partie requérante

 

 

PANNETON LESSARD

(Me Louis Cossette)

 

Représentant de la partie intervenante

 



[1]          L.Q., 1997, c.27, entrée en vigueur le 1er avril 1998

[2]          L.R.Q., chapitre A-3.001

[3]          Saint-Louis et Ville de Sainte-Thérèse, CALP, 07991-64-8806, 1993-11-30, M. Lamarre; Fortin et Donohue Normick inc. [1990], CALP 607; Soares et Sefina industries ltée, CALP 39523-64-9204, 1994‑12-21, M. Zigby

[4]          [1996], CALP 622

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.