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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MINGAN |
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LOCALITÉ DE |
PORT-CARTIER |
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« Chambre civile » |
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N° : |
652-32-000326-026 |
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DATE : |
26 mars 2003 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
MICHEL PARENT, J.C.Q. |
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Denise Vallée |
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Partie requérante |
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c. |
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Ville de Port-Cartier |
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Partie intimée |
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JUGEMENT |
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[1] Le Tribunal est saisi d'une demande totalisant la somme de 1 307,92 $.
[2] La partie requérante allègue ce qui suit :
JP 1546
"Le ou vers le 4 mars 2002, la partie requérante a fait une chute
sur le trottoire mal entretenu à l'intersection de la rue Parent et du
boulevard des Iles à Port-Cartier. La requérante a subi des blessures
corporelles soient bursite peristante, difficulté à forcer et bras en écharpe.
La requérante a manqué du travail pendant un mois et réintégré partiellement le
travail par la suite, plus les frais de déplacement de taxis pour les visites à
l'hôpital ainsi que les médicaments, le tout formant un total de 1 307,92 $.
Bien que dûment mis en demeure, la partie intimée n'a pas donné suite.
La partie requérante
réclame la somme de 1 307,92 $ en capital avec les intérêts au taux légal ainsi
que l'indemnité additionnelle prévue à l'article
[3] La partie intimée réplique laconiquement que "la réclamation de la requérante n'est pas fondée en fait et en droit."
[4] À l'audience, Madame Denise Vallée témoigne que le 4 mars 2002, vers 15 heures, elle se rend à son travail à pied. Elle est préposée à l'entretien ménager dans une garderie à raison de trente et une (31) heures par semaine.
[5] Empruntant le chemin habituel, elle constate que les trottoirs du Boulevard des Iles sont glacés au point qu'elle doit marcher dans la neige et dans la rue afin d'éviter la glace.
[6] Arrivée à l'intersection du Boulevard des Iles et de la rue Parent, l'enneigement de la voie publique est tel qu'elle doit emprunter le trottoir. En mettant le pied sur le trottoir, elle fait une chute à cause de l'état glacé du trottoir.
[7] Le 4 mars, Madame Vallée porte des bottillons qu'elle vient de s'acheter.
[8] Madame Vallée précise qu'il y a du calcium sur les trottoirs situés sur les ponts mais pas de sel, ni sable, ni calcium sur les trottoirs glacés qu'elle a l'habitude d'emprunter.
[9] En conséquence de la chute, le coude gauche de Madame Vallée heurte le sol. L'impact est douloureux et, la journée même, elle décide de consulter un médecin qui diagnostique une bursite au coude gauche.
[10] La situation physique de Madame Vallée est telle qu'elle ne peut travailler pendant quelques semaines. Au fil des semaines, elle revient travailler mais est assignée aux travaux légers.
[11] Au soutien de sa demande, Madame Vallée produit un document qui détaille la réclamation (R-3) ainsi que des reçus pour le transport en taxi et les médicaments.
[12] En ce qui concerne son emploi, Madame Vallée réclame la somme de 1 241,98$ (371,17 $ + 870,81 $). Elle réclame le montant de 50,95 $ pour les déplacements effectués en taxi alors qu'elle se rend à l'hôpital. Ces montants ne sont pas contestés par la partie intimée.
[13] Madame Vallée réclame aussi le montant de 14,99 $ pour les médicaments. À l'audience, Madame Vallée mentionne qu'elle est remboursée par son assurance pour la valeur de 90% du montant de 14,99 $. En conséquence, le montant réclamé ne peut s'élever qu'à 1,50 $ (14,99 $ - 13,49 $).
[14] Représentant la partie intimée, Monsieur Régis Thériault dépose un rapport d'activités en temps supplémentaire du secteur travaux publics de la Ville de Port-Cartier pour le dimanche 3 mars 2002. Monsieur Thériault dépose aussi quatre documents provenant du service météorologique de Canada à propos des conditions climatiques présentes les 3 et 4 mars 2002 à Sept-Iles.
[15] Pour les fins du présent dossier, le Tribunal présume que les conditions climatiques décrites les 3 et 4 mars 2002 pour Sept-Iles étaient les mêmes à Port-Cartier.
[16] Ainsi, il appert de cette documentation que le 3 mars 2002, il tombe 4.8 mm de pluie et 10.4 cm de neige. Le 4 mars 2002, il tombe 8.6 cm de pluie.
[17] Du 3 mars (15 heures) au 4 mars (15 heures), la température fluctue de -16ºC jusqu'à -13.8ºC. Toutefois, le 4 mars, la température fluctue de +12ºC à 02h00 jusqu'à -13.8ºC à 15 heures.
[18] Monsieur Thériault indique que le 3 mars 2002, tout est mis en place pour assurer le déneigement et "maintenir le réseau routier en assez bonnes conditions."
[19] Invoquant les précipitations de pluie et le refroidissement subséquent, Monsieur Thériault émet l'opinion que l'épandage d'abrasif était inutile compte tenu des conditions météorologiques.
[20] Tout en se disant sûr que le trottoir emprunté par Madame Vallée n'était pas sablé, Monsieur Thériault explique que la partie intimée n'a certainement pas eu le temps d'y mettre du sable.
[21] Monsieur Thériault invoque deux raisons qui peuvent expliquer l'absence de sable sur le tronçon parcouru par Madame Vallée. Il mentionne la disponibilité de main-d'œuvre et les problèmes d'utilisation de l'appareil "Trackless" qui sert spécifiquement à nettoyer et à sabler les trottoirs. Le sable était en effet trop glaiseux et ne descendait pas dans l'entonnoir de l'appareil.
[22] Étant donné les conditions météorologiques qui prévalaient, Monsieur Thériault ne sait pas si le sable aurait pu avoir un effet bénéfique dans l'éventualité où on aurait eu le temps de procéder à cette opération.
[23] Selon Monsieur Thériault, le 4 mars 2002 est une journée normale, c'est-à-dire que tout le monde est à l'œuvre normalement. Cependant, la preuve ne révèle pas s'il y a eu épandage de produits abrasifs sur les trottoirs le 4 mars 2002.
[24] La seule question en litige est la suivante : la partie intimée a-t-elle manqué à son obligation d'entretenir convenablement et sécuritairement le trottoir?
[25]
L'article
"Nonobstant toute loi générale ou spéciale, aucune municipalité ne peut être tenue responsable du préjudice résultant d'un accident dont une personne est victime, sur les trottoirs, rues ou chemins, en raison de la neige ou de la glace, à moins que le réclamant n'établisse que ledit accident a été causé par négligence ou faute de ladite municipalité, le tribunal devant tenir compte des conditions climatériques."
[26] L'application de cet article a fait l'objet d'une nombreuse jurisprudence dont on peut dégager un certain nombre de principes exposés par l'Honorable Juge Jocelyn Verrier, J.C.S., dans l'affaire De Vincenzo c. Ville d'Anjou[1] :
"La ville n'est pas l'assureur de ceux qui se servent de ses trottoirs.
Il n'existe pas de présomption légale contre les municipalités.
Le réclamant a le fardeau de la preuve et doit établir la faute de la municipalité.
Il faut qu'il soit démontré qu'il y a eu négligence de la part de la Ville ou de ses employés.
La Ville n'a pas une obligation de résultat et on ne peut exiger un degré de perfection.
La Ville est tenue d'entretenir les lieux de façon sécuritaire en tenant compte des conditions climatiques. Son obligation est celle d'un bon père de famille.
Les piétons ont en hiver une plus grande obligation de prudence.
Il faut noter également qu'en vertu de la jurisprudence, les traverses situées dans le prolongement des trottoirs sont considérées au même titre que les trottoirs. Dans son traité sur la responsabilité civile délictuelle, le juge André Nadeau précise en page 92 que :
"les mesures de prudence les plus usuelles auxquelles sont sensé recourir les corporations municipales pour éviter que les trottoirs soumis à leur réglementation ne deviennent dangereux parce que trop glissants en raison de la neige ou de la glace, consistent à répandre du sable ou de la cendre ou bien à couper et cisailler la glace. La Cour retiendra leur responsabilité si le travail est fait de façon routinière, sans amélioration de l'état des trottoirs."
L'auteur poursuit :
"Une municipalité doit sabler sans retard tout trottoir présentant une surface glissante, surtout s'il se trouve dans une côte où la circulation est intense ou à une endroit où le trottoir est en pente et l'eau y balaie le sable. Elle ne saurait se disculper en prétendant qu'elle n'est pas assujettie à cette obligation lorsqu'il neige, ou encore qu'elle a rempli son devoir en répandant du sable la veille ou l'avant-veille. Mais elle ne sera pas responsable lorsque les conditions climatériques ne requièrent pas que de la cendre ou du sable soient répandus sur le trottoir, ou encore lorsqu'elles sont nettement incontrôlables et que les précautions raisonnablement exigibles prises par la corporation et ses employés n'ont pu empêcher les chutes. Mais la méthode de déblayer toutes les rues et trottoirs, à la suite d'une tempête de neige, avant de répandre du sable, a été jugée une pratique erronée."
[27] En l'occurrence, la preuve non contredite révèle que le trottoir est très glissant suite à des précipitations de pluie et de neige et à des fluctuations importantes de température.
[28] Malgré la baisse importante mais progressive de température et après que la température soit passée sous le point de congélation, la preuve prépondérante révèle que la partie intimée n'a pas répandu de sable ou autres matières antidérapantes sur le trottoir sur lequel la partie requérante est tombée.
[29] La position de la partie intimée n'est pas celle d'une municipalité qui a diligemment entrepris de corriger l'état glissant de ses trottoirs ou qui, au moment où survient un accident, n'est pas encore rendue à l'endroit donné. La partie intimée a omis d'agir alors que les circonstances particulières de la journée du 4 mars 2002 lui commandaient de le faire[2].
[30] D'ailleurs, le représentant de la partie intimée a honnêtement témoigné que l'absence de sable ou d'abrasifs sur le trottoir s'explique soit par l'absence de disponibilité de main-d'œuvre et/ou l'absence d'efficacité de l'appareil "Trackless" causée par l'utilisation de sable glaiseux.
[31] L'une et/ou l'autre des explications offertes par la partie intimée ne justifie et n'excuse pas la partie intimée d'avoir manqué à son obligation de moyen. Le délai dans l'application du sable ou d'abrasifs était beaucoup trop long.
[32] Quant à la partie requérante, le Tribunal ne voit dans la preuve aucun reproche à lui adresser. La situation et l'état enneigé des lieux tels que décrits ne laissaient aucun autre choix à Madame Vallée. Aux abords de l'intersection sécurisée par des feux de circulation, la prudence exigeait qu'elle emprunte le trottoir. Il n'y a aucune faute contributive de la part de la partie requérante.
[33] La partie requérante a démontré qu'elle a fait une chute en posant les pieds sur un trottoir très glissant sur lequel aucun abrasif n'avait été déposé.
[34] Considérant les conditions climatériques, les longs délais d'intervention et les explications insuffisantes de la partie intimée, la partie requérante a réussi à démontrer que la partie intimée a été négligente le 4 mars 2002 dans l'exercice de ses obligations vis-à-vis les utilisateurs de ses trottoirs[3].
[35] PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[36] ACCUEILLE la demande en partie;
[37]
CONDAMNE la partie intimée à payer à la partie requérante la somme de 1 294,43 $
en capital avec intérêts au taux légal plus l'indemnité additionnelle prévue à
l'article
[38] LE TOUT avec frais.
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__________________________________ Michel Parent, j.c.Q. |
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Date d’audience : |
10 mars 2003 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.