Décision

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Date :

 

 

 

 

D.B. c. Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ)

 

 

 

 

 

 

2014 QCCAI 11

 

Commission d’accès à l’information du Québec

Dossier :             100 41 26

Date :                   Le 17 janvier 2014

Membre:             Me Lina Desbiens

 

D... B...

 

Demandeur

 

c.

 

ORGANISME D’AUTORÉGLEMENTATION DU COURTAGE IMMOBILIER DU QUÉBEC (OACIQ)

 

Organisme

 

et

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU QUÉBEC

 

Mis en cause

DÉCISION

OBJET

DEMANDE DE RÉVISION en matière d’accès en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels[1] et DEMANDE DE DÉCLARER INAPPLICABLE à l’organisme l’article 57 de la Loi sur l’accès.

[1]           Le 9 janvier 2012, le demandeur, journaliste au Courrier du Sud, s’adresse à l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (l’OACIQ) pour connaître le nom de son directeur général, le montant de son salaire annuel et le nombre d’employés de l’organisation (O-15).

[2]           Le 16 janvier 2012, M. Robert Nadeau répond au demandeur en lui confirmant qu’il occupe le poste de président et chef de la direction, et non celui de directeur général, et que l’organisme compte 153 employés (O-16).

[3]           Il refuse cependant de communiquer les informations concernant son salaire, invoquant l’article 30 du Règlement édictant des mesures transitoires pour l’application de la Loi sur le courtage immobilier[2] et l’article 35 du Code civil du Québec[3] relatif au droit à la vie privée.

[4]           Le demandeur s’adresse à la Commission d’accès à l’information (la Commission) pour faire réviser la décision de l’organisme.

[5]           Le 18 février 2013, l’organisme signifie au Procureur général du Québec un avis d’intention en vertu de l’article 95 du Code de procédure civile[4], l’informant qu’il entend demander à la Commission de déclarer l’inapplicabilité de l’article 57 de la Loi sur l’accès à l’organisme, et ce, notamment au motif que cet article viole le droit à la vie privée garanti par l’article 5 de la Charte des droits et libertés de la personne[5] et que cette violation ne saurait se justifier au sens de l’article 9.1 de la Charte. Il est allégué que l’OACIQ n’est pas un organisme financé à même les fonds publics, mais plutôt par les cotisations de ses membres; le principe de la transparence des organismes publics financés en tout ou en partie par des fonds publics ne devrait pas s’appliquer avec autant de rigueur à un organisme comme l’OACIQ.

[6]           Une audience se tient à Montréal le 25 octobre 2013, en présence des parties.

[7]           Seul l’accès au salaire du président et chef de la direction de l’organisme demeure en litige. À cet égard, le 31 octobre 2013, l’organisme transmet à la Commission une copie de la résolution du conseil d’administration du 18 novembre 2011 faisant état du salaire du président et chef de la direction, ainsi qu’une attestation d’emploi confirmant son salaire exact pour l’année 2012. Ces documents sont déposés sous pli confidentiel[6].

AUDIENCE

[8]           M. Robert Nadeau témoigne pour l’organisme. Il est président et chef de la direction de l’organisme. Il explique son parcours professionnel dans le secteur du courtage immobilier.

[9]           Il est entré en fonction à l’Association de l’immeuble du Québec (AIQ) à titre de syndic en 1986. À cette époque, l’AIQ était un organisme sans but lucratif regroupant les chambres immobilières du Québec. Il a été coordonnateur des affaires juridiques, puis directeur des affaires juridiques jusqu’en mai 1998. Il a par la suite occupé le poste de directeur général et est maintenant président et chef de la direction.

[10]        Il précise que la structure juridique de l’AIQ a été modifiée au cours des années. En 1991, il y a eu une première refonte de la Loi sur le courtage immobilier[7] qui est entrée en vigueur le 15 janvier 1994.

[11]        Cette loi a remplacé l’AIQ par l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec (ACAIQ). À la suite d’une seconde refonte de la Loi sur le courtage immobilier[8], l’ACAIQ a été remplacée par l’OACIQ en mai 2010 et une disposition assujettissant l’organisme à la Loi sur l’accès a été introduite dans cette loi.

[12]         À l’époque de l’AIQ et de l’ACAIQ, seules les règles du C.c.Q. étaient appliquées en matière d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels et le salaire des employés n’a jamais été dévoilé. M. Nadeau explique que, aujourd’hui, malgré l’assujettissement à la Loi sur l’accès,  l’OACIQ considère encore que le salaire des dirigeants est confidentiel en vertu des mesures transitoires prévues à l’article 30 du Règlement (O-17).

[13]        À titre de responsable de l’accès, il a traité la demande d’accès en l’espèce en fonction de cette interprétation. Le salaire du dirigeant de l’organisme est, selon lui, un renseignement personnel confidentiel.

[14]        M. Nadeau explique qu’il considère l’OACIQ comme un « quasi-ordre professionnel » et qu’il a toujours appliqué la Loi sur l’accès selon le régime d’accès particulier aux ordres professionnels qui sont assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé[9] pour les renseignements personnels qu’ils détiennent autres que ceux détenus dans le cadre du contrôle de l’exercice de la profession. L’article 57 de la Loi sur l’accès, qui confère un caractère public au traitement d’un membre du personnel de la direction, ne s’applique donc pas à un ordre professionnel.

[15]        M. Nadeau explique les différentes démarches effectuées depuis l’année 2000, d’une part pour faire reconnaître l’OACIQ comme un ordre professionnel et d’autre part pour qu’il soit assimilé à un ordre professionnel pour l’application de la Loi sur l’accès. Des représentations ont été faites en ce sens auprès du gouvernement dans le cadre de la révision de la Loi sur l’accès, modifiée en 2006, et dans le cadre de la révision de la Loi sur le courtage immobilier en 2008, entrée en vigueur en 2010. À cet égard, les documents suivants sont déposés :

O-1 : Mémoire présenté dans le cadre de l’étude du projet de loi 122 modifiant la Loi sur l’accès et d’autres dispositions législatives (août 2000);

O-2 : Mémoire présenté dans le cadre de l’étude du projet de loi 86 modifiant la Loi sur l’accès et d’autres dispositions législatives (juillet 2005);

[16]        À la suite d’une objection du procureur général, le dépôt de ces pièces est accepté uniquement pour démontrer que l’organisme veut être assujetti au régime d’accès spécifique aux ordres professionnels.

[17]        En 2006, lors de la révision de la Loi sur l’accès, un régime particulier aux ordres professionnels a été introduit dans le Code des professions[10], et malgré les revendications de l’OACIQ, il n’a pas été prévu que ce régime lui soit applicable.

[18]        C’est en 2010, lors de l’entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur le courtage immobilier, que l’OACIQ a été assujetti à la Loi sur l’accès par l’introduction de l’article 61.

[19]        L’organisme dépose le Rapport sur l’application de la Loi sur le courtage immobilier de 2004 (O-3) du ministre responsable, dans lequel on recommande de constituer un ordre professionnel. Cette recommandation n’a pas eu de suite.

[20]        Il dépose également les commentaires sur le rapport présenté par l’ACAIQ à l’époque (O-4) dans lequel elle réitère vouloir être assujettie au même régime d’accès et de protection des renseignements personnels que les ordres professionnels.

[21]        Le témoin insiste sur le fait que l’OACIQ n’a jamais laissé tomber ses prétentions et a continué à faire des représentations sur ce sujet auprès du ministère des Finances de qui il relève (O-4, O-6, O-7, O-8 et O-9), et ce, jusqu’en 2013 où il a présenté une proposition de modification au régime d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels (O-10).

[22]        Le témoin explique le fonctionnement de l’OACIQ et insiste sur son volet associatif. Son conseil d’administration est composé de 11 administrateurs, dont huit sont élus parmi les membres et trois sont nommés par le ministre. Tous les courtiers immobiliers doivent être membres de l’organisme. Ce dernier ne reçoit pas de fonds publics et se finance à même les cotisations de ses membres.

[23]        Le Règlement intérieur de l’organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (O-11) et les rapports annuels 2010 à 2012 (O-12 à O-14) sont déposés.

[24]        En contre-interrogatoire, le témoin confirme que la mission principale de l’organisme est la protection du public, mais il considère que la protection de ses membres est aussi importante.

[25]        Le témoin donne en exemple différents services offerts à ses membres, notamment l’organisation d’un congrès annuel, des formations et un site internet qui leur est dédié.

[26]        Le témoin résume sa position en expliquant qu’il connaît la Loi sur l’accès et particulièrement l’article 57 relatif aux renseignements personnels à caractère public. Toutefois, compte tenu du contexte historique de l’organisme, il considère devoir donner effet à l’article 30 du Règlement sur les mesures transitoires qu’il interprète comme limitant le droit d’accès aux seuls documents qui y sont mentionnés, soit un document concernant la formation supplémentaire, la délivrance de certificat ou de permis, l'obtention et l'utilisation d'un titre de spécialiste, la discipline, la surveillance de l'exercice des activités des courtiers et des agences, l'inspection professionnelle et l'indemnisation, en possession de l'ACAIQ le 30 avril 2010.

[27]        Le procureur général dépose un cahier de pièces, comme preuve documentaire ou preuve de fait législatif, contenant les documents suivants : le rapport Paré ayant donné lieu à l’adoption de la Loi sur l’accès, le rapport quinquennal de 2002 de la Commission et des extraits du Journal des débats :

COMMISSION D’ÉTUDE SUR L’ACCÈS DU CITOYEN À L’INFORMATION GOUVERNEMENTALE ET SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS, Information et liberté : Rapport de la Commission d’étude sur l’accès du citoyen à l’information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels, Québec, Direction générale des publications gouvernementales, ministère des Communications, 1981; (PGQ-1)

COMMISSION D’ACCÈS À L’INFORMATION, Une réforme de l’accès à l’information : Le choix de la transparence, Rapport sur la mise en œuvre de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, novembre 2002; (PGQ-2)

Des extraits de l’index du Journal des débats concernant le projet de loi sur l’accès aux documents des organismes publics et les projets de loi sur le courtage immobilier ; (PGQ-3 à PGQ-6).

ARGUMENTATION

Argumentation de l’organisme

[28]        L’OACIQ soutient principalement que l’article 57 de la Loi sur l’accès devrait être déclaré inapplicable en ce qui le concerne, au motif que son application viole le droit à la vie privée de son président garanti par l’article 5 de la Charte, l’article 35 du C.c.Q. et l’article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés[11].

[29]        S’appuyant sur la jurisprudence de la Commission, de la Cour du Québec et de la Cour Supérieure[12], le procureur de l’organisme soutient que le salaire et le traitement d’une personne sont des renseignements personnels dont la divulgation porte atteinte au droit à la vie privée et que l’application de l’article 57 de la Loi sur l’accès au cas particulier de l’OACIQ ne peut se justifier dans une société libre et démocratique, au sens de l’article 9.1 de la Charte ou de l’article 1 de la Charte canadienne.

[30]        Il rappelle que les critères permettant de justifier, dans une société libre et démocratique, une atteinte à un droit garanti ont été énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt R. c. Oakes[13] : 1) un besoin réel et urgent; 2) l’existence d’un lien rationnel avec l’objectif recherché; 3) l’atteinte minimale au droit ou à la liberté; et la proportionnalité entre les effets des mesures et l’objectif reconnu.

[31]        Il soutient que le procureur général n’a pas rempli le fardeau de preuve qui lui incombe de justifier la restriction au droit à la vie privée conformément aux critères établis depuis l’arrêt Oakes.

[32]        En l’espèce, l’objectif pertinent qui doit être analysé est celui de la mesure attentatoire, soit la divulgation du traitement des membres du personnel de direction d’un organisme comme l’OACIQ. Cet organisme ne bénéficie pas de financement public, l’ensemble de ses revenus provenant des cotisations des courtiers titulaires de permis et de quelques autres sources. Dans ces circonstances, on peut légitimement se demander en quoi il est impératif et urgent d’assurer une aussi grande transparence à un organisme comme l’OACIQ, qui n’a rien de public, sinon que d’être assujetti à la Loi sur l’accès par renvoi aux termes de l’article 61 de la Loi sur le courtage immobilier.

[33]        Il est donc soumis que si l’imputabilité et la transparence des organismes publics et de leurs membres sont justifiables lorsque ceux-ci sont financés à même les fonds publics, il en va autrement pour un organisme comme l’OACIQ qui n’est en principe imputable qu’à l’égard de ses membres, à savoir les courtiers détenteurs de permis.

[34]        Par ailleurs, il est vrai que la protection du public est un objectif important. L’OACIQ reconnaît que dans ses sphères d’activités visant le contrôle de l’exercice des activités de courtier, son assujettissement à la Loi sur l’accès permet d’accomplir cet objectif. Cependant, il soumet que l’accessibilité de certains renseignements personnels visés par l’article 57 de la Loi sur l’accès ne contribue en rien à atteindre cet objectif de protection du public.

[35]        Le second critère n’est pas non plus satisfait. Il n’existe aucun lien rationnel entre l’objectif de transparence recherché par le législateur et la nécessité de rendre public le salaire des membres du personnel de direction de l’OACIQ. Puisqu’il s’agit d’un organisme autofinancé, il n’apparaît pas rationnel et logique d’exiger de l’OACIQ une transparence impliquant une intrusion aussi importante dans la vie privée de ses membres.

[36]        De plus, selon l’organisme, il n’y a aucun lien rationnel entre la divulgation des salaires de ses membres et la protection du public qui constitue l’objectif principal de la Loi sur le courtage immobilier.

[37]        Pour que l’atteinte au droit à la vie privée soit la moins attentatoire, le législateur avait à sa disposition d’autres moyens, soit le régime d’accès mis en place au sein du Code des professions. Plus particulièrement, il met en place un régime distinct de celui de la Loi sur l’accès concernant les renseignements à caractère public, régime mieux adapté à la réalité des ordres professionnels.

[38]        L’OACIQ présentant des similitudes avec les ordres professionnels, il soutient qu’il serait logique qu’il soit soumis à un régime équivalent. L’existence même de ce régime hybride d’accès pour les ordres professionnels prouve qu’il existe des mesures moins attentatoires au droit à la vie privée qui ont été privilégiées par le législateur pour des organisations similaires.

[39]        La Commission devrait donc constater que le législateur n’a pas choisi la mesure la moins attentatoire en assujettissant l’OACIQ à l’article 57 de la Loi sur l’accès.

[40]        Finalement, dans la mesure où il est soumis par l’OACIQ que l’objectif recherché par le législateur n’est pas urgent et réel, qu’il n’existe pas de lien rationnel et que la loi porte dans tous les cas atteinte au droit à la vie privée plus qu’il n’est nécessaire, on ne peut logiquement prétendre que la violation satisfait au critère de la proportionnalité.

[41]        Le droit à la vie privée est prévu au chapitre des droits fondamentaux auxquels aucune loi ne peut déroger sans une mention expresse et le droit à l’information est prévu au chapitre des droits économiques et sociaux, lesquels ne sont pas soumis au même régime. En soupesant les deux droits qui s’opposent en l’instance, le critère de proportionnalité ne paraît pas non plus être satisfait.

[42]        L’organisme demande donc de déclarer inapplicable à son égard l’article 57 de la Loi sur l’accès et de rejeter la demande de révision.

Argumentation du procureur général

[43]        Le procureur général allègue que les articles 35 et 36 C.c.Q. ne peuvent servir de fondement à la contestation constitutionnelle de l’article 57 de la Loi sur l’accès puisqu’ils n’ont pas de statut supralégislatif et que l’article 168 de la Loi sur l’accès prévoit la prépondérance de cette loi sur toute autre[14].

[44]        Ainsi, tout le débat est de savoir si l’article 57 al.1 (1) de la Loi sur l’accès porte atteinte de façon injustifiée à la vie privée du dirigeant de l’OACIQ en contravention de l’article 5 de la Charte.

[45]        Le procureur général rappelle que la Loi sur l’accès a un objectif double, soit la transparence de l’administration publique, tout en protégeant les informations à caractère privé concernant les citoyens. La loi établit un équilibre entre des droits individuels et des droits collectifs. D'une part, la loi vise à favoriser la mise en œuvre du principe de la démocratie, d’autre part, elle établit la confidentialité de certaines informations[15].

[46]        Il allègue qu’il ressort des propos du ministre des Communications (PGQ - 3) [16] que le législateur, en adoptant la Loi sur l’accès, avait pour objectif d’assurer la transparence et l’imputabilité de l’administration publique. Le principe central de la loi est de rendre accessibles au citoyen le maximum d’informations détenues par les organismes publics dans le but de favoriser l’exercice de la démocratie.

[47]        L’article 57 de la Loi sur l’accès se retrouve donc au cœur de l’exercice de pondération des droits collectifs et individuels que devait faire le législateur.

[48]        Le procureur général soutient que le choix du législateur a été d’assujettir l’OACIQ à la Loi sur l’accès et que ce choix a été dicté par le fait qu’il est un organisme public avec un mandat unique de protection du public.

[49]        L’OACIQ est une personne morale de droit public créée par une loi et dont la fonction est de régir la pratique du courtage immobilier pour le compte de l’État, dans l’intérêt général. L’unique mission de l’organisme en vertu de sa loi constituante est la protection du public.

[50]        L’adoption de la nouvelle Loi sur le courtage immobilier visait une réforme de l’encadrement du courtage immobilier. C’est d’ailleurs ce qui ressort du discours de la ministre des Finances (PGQ-6) lors de la présentation du projet de loi à l’Assemblée nationale[17].

[51]        Le procureur général soutient qu’il ressort de diverses dispositions de cette loi que l’organisme créé et ses activités sont soumis au contrôle du gouvernement[18].

[52]        C’est en vertu des articles 81 et 82 du Règlement intérieur de l’organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec[19] que le Conseil d’administration nomme le président et chef de la direction et détermine ses tâches, sa rémunération et ses conditions d’emploi.

[53]        De plus, la loi prévoit que nul ne peut agir comme courtier immobilier ou hypothécaire s’il n’est pas titulaire d’un permis de courtage délivré par l’OACIQ. Ce dernier est habilité à percevoir un prélèvement financier auprès des entreprises ou des individus dont il surveille les activités.

[54]        Le procureur général soutient que l’organisme n’est pas financé par les cotisations de ses membres. En effet, dans la Loi sur le courtage immobilier, ce prélèvement prend la forme de droits exigibles que doivent verser les titulaires de permis de courtage s’ils veulent détenir le privilège d’exercer dans ce domaine. Les activités de l’organisme sont financées à même ces droits exigibles.

[55]        Ainsi, l’OACIQ est un organisme public qui détient de l’État une délégation de pouvoir public et son unique mandat est la protection du public. Il est donc conséquent qu’il soit assujetti à la Loi sur l’accès dont l’objet est d’assurer la transparence de l’exercice de toute fonction à caractère public, de permettre au citoyen de jeter un regard critique et d’accroître son contrôle sur les organismes publics imputables de leur gestion. De plus, l’organisme sert l’intérêt public et agit pour et à la place de l’État. Le droit du public de connaître l’utilisation que fait l’organisme des sommes qu’il doit gérer est légitime. Il ne peut prétendre qu’il administre un fonds privé.

[56]        L’OACIQ se trouve dans la même situation que d’autres organismes publics qui sont autofinancés[20].

[57]        La question qui est soulevée ici est de savoir si la disposition attaquée porte atteinte à la vie privée du dirigeant de l’organisme. Si oui, cette atteinte est-elle justifiée dans une société libre et démocratique?

[58]        D’abord, le procureur général précise que le droit à la vie privée est un droit qui doit être appliqué de façon contextuelle et que les tribunaux l’ont interprété de façon restreinte[21].

[59]        Pour qu’il existe une atteinte au droit à la vie privée protégé par la Charte, il doit être démontré que la personne a une expectative raisonnable de vie privée. L’évaluation de celle-ci doit tenir compte de l’ensemble des circonstances et doit être faite en fonction d’une série de facteurs : la nature du renseignement, la nature des relations entre les parties, les circonstances de la divulgation et le but de cette divulgation. Enfin, l’expectative de vie privée est modulée par les autres droits ou principes en cause.

[60]        En l’espèce, le procureur général soutient que l’analyse de l’ensemble des circonstances et facteurs pertinents permet de conclure que le président et directeur de l’OACIQ n’a aucune expectative raisonnable de vie privée concernant son traitement. Il ne subit donc aucune atteinte à son droit à la vie privée du fait de l’accessibilité de ce renseignement.

[61]        Si la Commission en arrivait à une autre conclusion, il ajoute que cette atteinte est justifiée en vertu de l’article 9.1 de la Charte. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle en sont venus les tribunaux dans des affaires similaires : Hydro-Québec[22] et Poisson[23].

[62]        L’examen de la validité de l’article 57 de la Loi sur l’accès, à la lumière de l’arrêt Oakes, permet de conclure que, dans la mesure où il y aurait une atteinte à l’article 5 de la Charte, celle-ci serait justifiée.

[63]        D’abord, l’objectif poursuivi est de la plus haute importance. L’objet de cette disposition est d’assurer la transparence de l’administration publique et son imputabilité afin de favoriser la démocratie.

[64]        L’objet est assez sérieux pour justifier une atteinte à un droit prévu à la Charte d’autant plus que l’article 44 de la même Charte prévoit un droit à l’information.

[65]        Le procureur général soutient de plus que le critère de proportionnalité est satisfait.

[66]        En effet, la divulgation du traitement du personnel de direction des organismes publics est une conséquence rationnelle des objectifs de transparence et d’imputabilité. Cette divulgation n’est donc pas arbitraire ni illogique.

[67]        De plus, il a été confirmé dans l’affaire Poisson que l’article 57 al.1 (1) de la Loi sur l’accès est une solution qui porte le moins atteinte possible au droit à la vie privée des cadres.

[68]        Finalement, l’objectif poursuivi est proportionné aux effets préjudiciables sur le droit des personnes concernées. En l’espèce, l’objectif du paragraphe 57 al. 1 (1) de la Loi sur l’accès est d’assurer la transparence de la gestion de l’administration publique tout en mettant en œuvre le droit du public à l’information garanti par l’article 44 de la Charte.

[69]        La Cour suprême a récemment affirmé l’importance de l’accès à l’information dans l’affaire Ontario (Sûreté et sécurité publique) c. Criminal Lawyers’ Association[24].

[70]        Le procureur général conclut que les effets négatifs des mesures contestées ne sauraient l’emporter sur les objectifs énoncés. Si atteinte il y a, elle est raisonnablement minimale.

[71]        Il conclut que le moyen de nature constitutionnelle soulevé par l’OACIQ devrait donc être rejeté.

Arguments du demandeur

[72]        Le procureur du demandeur réitère les arguments du procureur général.

[73]        Il invite la Commission à tenir compte de la nature réelle de l’organisme, de ses pouvoirs, du contrôle qu’il exerce ainsi que de la nature des fonctions du président pour conclure que l’objectif principal de l’OACIQ est la protection du public.

[74]        Les revenus de l’organisme s’apparentent à une taxe qui lui sert à financer le contrôle d’une activité de détenteurs de permis. La loi prévoit que sa mission est la protection du public et non la défense des intérêts économiques de ses membres.

[75]        Il soutient que le droit d’accès à l’information ne prime pas le droit à la vie privée, mais il est un corollaire à la liberté d’expression[25] qui comprend la liberté de presse. Il s’agit de droits qui doivent être pondérés dans chaque contexte.

[76]        La Loi sur l’accès pondère l’exercice de ces droits. L’article 57 de la loi établit les nuances qui doivent être apportées quant à l’accessibilité au salaire des employés ou d’un membre d’un organisme public, en tenant compte de la fonction occupée.

[77]        Contrairement à ce qu’allègue l’organisme, il est imputable envers le public et non pas seulement à l’égard de ses membres.

[78]        C’est le gouvernement qui autorise l’organisme à percevoir une cotisation. Il ressort de la preuve présentée par ce dernier que 23% de ses dépenses proviennent de la direction générale. Il est d’intérêt public de savoir de quelle façon ces sommes sont dépensées et le salaire du dirigeant en fait partie. C’est l’objectif de l’article 57 de la Loi sur l’accès.

[79]        Par ailleurs, le demandeur ajoute que l’organisme a démontré qu’il a tout fait pour être reconnu comme un ordre professionnel. Toutefois, le législateur lui a refusé ce statut. La Loi sur le courtage immobilier est claire et la Commission ne peut appliquer le régime d’accès hybride prévu pour les ordres professionnels.

[80]        La jurisprudence a déjà analysé la justification de l’article 57 de la Loi sur l’accès. Il s’agit d’une question de transparence, de confiance du public et des détenteurs de permis. La disposition législative est raisonnable et proportionnée. Elle respecte le choix du législateur d’assujettir l’OACIQ à la Loi sur l’accès.

ANALYSE

[81]        Le demandeur s’est adressé à l’OACIQ pour obtenir différentes informations, dont le salaire de son président et chef de la direction. Seul l’accès à ce renseignement a été refusé.

[82]        L’OACIQ est un organisme institué par la Loi sur le courtage immobilier entrée en vigueur en 2010. Il est assujetti à la Loi sur l’accès en vertu de l’article 61 de cette loi qui prévoit :

61.       L'Organisme est soumis à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1).

[83]        L’OACIQ demande à la Commission de déclarer l’inapplicabilité de l’article 57 de la Loi sur l’accès à son égard, au motif qu’il viole le droit à la vie privée de son président garanti par l’article 5 de la Charte et que cette violation ne saurait se justifier au sens de l’article 9.1 :

5. Toute personne a droit au respect de sa vie privée.

9.1. Les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.

La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l'exercice.

[84]        L’OACIQ ne conteste pas le fait que le salaire de son président et chef de la direction soit un renseignement visé par l’article 57 al.1 (1) de la Loi sur l’accès qui prévoit que :

57.        Les renseignements personnels suivants ont un caractère public:

        1° le nom, le titre, la fonction, la classification, le traitement, l'adresse et le numéro de téléphone du lieu de travail d'un membre d'un organisme public, de son conseil d'administration ou de son personnel de direction et, dans le cas d'un ministère, d'un sous-ministre, de ses adjoints et de son personnel d'encadrement;

[85]        Il soutient principalement que n’étant pas un organisme financé à même les fonds publics, mais plutôt par les cotisations de ses membres, le principe de la transparence des organismes publics financés en tout ou en partie par des fonds publics ne devrait pas s’appliquer à lui avec autant de rigueur.

1.   L’Organisme d’autorégulation du courtage immobilier du Québec (OACIQ)

[86]        L’organisme se définit comme un « quasi-ordre professionnel » ayant également un volet associatif à l’égard de ses membres. Selon la preuve présentée, l’OACIQ revendique le statut d’ordre professionnel et veut être soumis à un régime d’accès semblable à celui prévu aux articles 108.1 à 108.11 du Code des professions, plus particulièrement à l’égard des renseignements personnels. Il y est notamment prévu que l’article 57 de la Loi sur l’accès ne s’applique pas aux ordres professionnels.

108.1. Les dispositions de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (chapitre A-2.1), à l'exception des articles 8, 28, 29, 32, 37 à 39, 57, 76 et 86.1 de cette loi, s'appliquent aux documents détenus par un ordre professionnel dans le cadre du contrôle de l'exercice de la profession comme à ceux détenus par un organisme public.

[…]

[87]        Il s’agit de revendications de longue date de l’organisme qui n’ont pas été retenues par le législateur lors de ses différentes interventions législatives et réformes, tant en matière de courtage immobilier que d’accès à l’information.

[88]        L’encadrement du courtage immobilier au Québec a fait l’objet d’une réforme qui a donné lieu à l’adoption de la Loi sur le courtage immobilier entrée en vigueur en 2010.

[89]        Par cette loi, l’ACAIQ a été remplacée par un nouvel organisme d’autoréglementation, l’OACIQ, dont la mission exclusive est la protection du public[26].

[90]        Les articles 31 et 32 de cette loi prévoient que :

31.        Est institué l'Organisme d'autoréglementation du courtage immobilier du Québec.

L'Organisme est une personne morale.

32.        L'Organisme a pour mission d'assurer la protection du public dans le domaine du courtage immobilier et du courtage en prêt garanti par hypothèque immobilière, par l'application des règles de déontologie et par l'inspection des activités des courtiers et des agences. Il veille, notamment, à ce que les opérations de courtage des courtiers et des agences s'accomplissent conformément à la loi.

Il peut, en outre, dispenser des cours de formation auprès des courtiers et des dirigeants d'agences, à l'exclusion des cours de la formation de base, et décerner les titres visés à l'article 48.

[91]        Cette mission s’exerce par les activités du service d’assistance[27], du syndic[28], du Comité de discipline[29] ou du comité d’indemnisation[30]. L’organisme applique des règles de déontologie, il agit comme médiateur et délivre, refuse ou suspend des permis. La loi confie à l’OACIQ la majorité des pouvoirs règlementaires, notamment ceux relatifs à l’exercice d’activités de courtage immobilier[31], et soumet l’organisme au contrôle du gouvernement[32].

[92]        L’OACIQ est une personne morale de droit public créée par une loi dont la fonction est de régir la pratique du courtage immobilier pour le compte de l’État, c'est-à-dire la collectivité, dans l’intérêt général.[33]

[93]        La Commission constate que l’OACIQ, à titre d’organisme de contrôle du courtage immobilier au Québec, s’apparente davantage à d’autres organismes d’autoréglementation comme l’Autorité des marchés financiers pour les courtiers en valeurs mobilières et la Chambre de la sécurité financière ou la Chambre de l’assurance de dommages pour les courtiers d’assurance, qu’aux ordres professionnels assujettis au Code des professions.

[94]        N’étant pas visés par les dispositions de la Loi sur l’accès qui définissent les organismes publics[34], ces organismes y sont assujettis en vertu d’une disposition législative particulière prévue dans leur loi constituante, et ce, pour l’ensemble de leurs activités, tout comme l’OACIQ l’est en vertu de l’article 61 de la Loi sur le courtage immobilier.

[95]        L’organisme étant assujetti à la Loi sur l’accès, la Commission doit donc déterminer si l’article 57 de cette loi porte atteinte à la vie privée du dirigeant de l’OACIQ. Si la réponse est affirmative, elle doit évaluer si cette atteinte est justifiée dans le cadre d’une société libre et démocratique.

2.   Le droit au respect de la vie privée

[96]        Le droit à la vie privée est un droit fondamental dont bénéficient tous les citoyens. Il doit s’évaluer selon le contexte et les autres droits en cause.

[97]        D’abord, la Commission partage la position du procureur général voulant que les articles 35 et 36 C.c.Q. ne peuvent servir de fondement à la contestation constitutionnelle de l’article 57 de la Loi sur l’accès puisqu’ils n’ont pas un statut supralégislatif. Il s’agit d’une loi d’application générale qui ne peut être soulevée à l’encontre d’une loi quasi constitutionnelle à caractère prépondérant comme la Loi sur l’accès.

[98]        En effet, l’article 168 de la Loi sur l’accès prévoit la prépondérance de cette loi sur toute autre :

168. Les dispositions de la présente loi prévalent sur celles d'une loi générale ou spéciale postérieure qui leur seraient contraires, à moins que cette dernière loi n'énonce expressément s'appliquer malgré la présente loi.

[99]        Quant à l’atteinte au droit à la vie privée, l’OACIQ s’appuie sur les décisions rendues par la Commission, la Cour du Québec et la Cour supérieure dans les affaires Hydro-Québec et Poisson pour affirmer que la divulgation du salaire d’un cadre porte atteinte à son droit à la vie privée, contrevenant ainsi à l’article 5 de la Charte.

[100]     Pour sa part, le procureur général soutient que la preuve doit démontrer que la personne concernée a une « expectative raisonnable de vie privée » dans les circonstances. L’OACIQ étant assujetti à la Loi sur l’accès de par la Loi sur le courtage immobilier, il est assimilé à un organisme public aux fins de cette loi qui prévoit spécifiquement que le traitement d’un membre du personnel de direction est un renseignement à caractère public. Ainsi, selon le procureur général, le président et chef de la direction de l’OACIQ ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce que son traitement demeure confidentiel.

[101]     Dans les affaires Hydro-Québec et Poisson, la question en litige était similaire à celle soulevée en l’espèce. Dans les deux cas, les organismes ont refusé de communiquer les renseignements concernant le traitement et avantages pécuniaires de leurs cadres et ont soutenu que l’article 57 al.1 (1) de la Loi sur l’accès violait leur droit à la vie privée protégé par les chartes.

[102]     La Commission, la Cour du Québec et la Cour supérieure ont considéré que la divulgation du salaire sans le consentement de la personne concernée constitue une atteinte au droit à la vie privée dans le contexte de la société nord-américaine et la Commission en arrive à la même conclusion dans le présent dossier.

[103]     La Commission ne peut conclure, comme le procureur général l’invite à faire, qu’un dirigeant d’organisme, assujetti à la Loi sur l’accès, n’a pas d’expectative de vie privée dans l’exercice de ses fonctions, particulièrement à l’égard de sa rémunération. Il s’agit d’un renseignement relatif à la vie professionnelle d’une personne, mais qui relève également de sa vie privée. Dans un récent jugement, la Cour d’appel définissait le droit à la vie privée comme suit :

Le droit à la vie privée peut se définir comme le droit d’un individu de déterminer lui-même quand, comment et dans quelle mesure il diffusera des renseignements personnels le concernant. Il protège ainsi une sphère d’autonomie individuelle.[35]

[104]     Par conséquent, la Commission conclut que la divulgation du salaire du président et chef de la direction de l’OACIQ sans son consentement porte atteinte à son droit à la vie privée.

[105]     Dans la mesure où l’application de l’article 57 de la Loi sur l’accès à l’OACIQ entraîne une violation du droit à la vie privée, il faut évaluer si cette atteinte est justifiable dans une société libre et démocratique, au sens de l’article 9.1 de la Charte.

3.   La justification d’une atteinte au droit à la vie privée

[106]     Selon l’OACIQ, cette violation du droit à la vie privée ne saurait se justifier au sens de l’article 9.1 de la Charte qui prévoit :

9.1.      Les libertés et droits fondamentaux s'exercent dans le respect des valeurs démocratiques, de l'ordre public et du bien-être général des citoyens du Québec.

      La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l'exercice.

[107]     Cet article implique la démonstration qu’une atteinte à un droit fondamental puisse se justifier dans une société libre et démocratique[36], tout comme l’article 1 de la Charte canadienne qui énonce :

1.         La Charte canadienne des droits et libertés garanti les droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique.

[108]     Les modalités d’application de cette disposition ont été élaborées par la Cour suprême dans l’affaire Oakes[37] qui, bien qu’ayant fait l’objet de certains ajustements, fait toujours autorité :

En premier lieu, l'objectif que visent à servir les mesures qui apportent une restriction à un droit ou à une liberté garantis par la Charte, doit être "suffisamment important pour justifier la suppression d'un droit ou d'une liberté garantis par la Constitution": R. c. Big M Drug Mart Ltd., précité, à la p. 352. La norme doit être sévère afin que les objectifs peu importants ou contraires aux principes qui constituent l'essence même d'une société libre et démocratique ne bénéficient pas de la protection de l'article premier. Il faut à tout le moins qu'un objectif se rapporte à des préoccupations urgentes et réelles dans une société libre et démocratique, pour qu'on puisse le qualifier de suffisamment important.

En deuxième lieu, dès qu'il est reconnu qu'un objectif est suffisamment important, la partie qui invoque l'article premier doit alors démontrer que les moyens choisis sont raisonnables et que leur justification peut se démontrer. Cela nécessite l'application d'"une sorte de critère de proportionnalité": R. c. Big M Drug Mart Ltd., précité, à la p. 352. Même si la nature du critère de proportionnalité pourra varier selon les circonstances, les tribunaux devront, dans chaque cas, soupeser les intérêts de la société et ceux de particuliers et de groupes. À mon avis, un critère de proportionnalité comporte trois éléments importants. Premièrement, les mesures adoptées doivent être soigneusement conçues pour atteindre l'objectif en question. Elles ne doivent être ni arbitraires, ni inéquitables, ni fondées sur des considérations irrationnelles. Bref, elles doivent avoir un lien rationnel avec l'objectif en question. Deuxièmement, même à supposer qu'il y ait un tel lien rationnel, le moyen choisi doit être de nature à porter "le moins possible" atteinte au droit ou à la liberté en question: R. c. Big M Drug Mart Ltd., précité, à la p. 352. Troisièmement, il doit y avoir proportionnalité entre les effets des mesures restreignant un droit ou une liberté garantis par la Charte et l'objectif reconnu comme "suffisamment important".

Quant au troisième élément, il est évident que toute mesure attaquée en vertu de l'article premier aura pour effet général de porter atteinte à un droit ou à une liberté garantis par la Charte; d'où la nécessité du recours à l'article premier. L'analyse des effets ne doit toutefois pas s'arrêter là. La Charte garantit toute une gamme de droits et de libertés à l'égard desquels un nombre presque infini de situations peuvent se présenter. La gravité des restrictions apportées aux droits et libertés garantis par la Charte variera en fonction de la nature du droit ou de la liberté faisant l'objet d'une atteinte, de l'ampleur de l'atteinte et du degré d'incompatibilité des mesures restrictives avec les principes inhérents à une société libre et démocratique. Même si un objectif est suffisamment important et même si on a satisfait aux deux premiers éléments du critère de proportionnalité, il se peut encore qu'en raison de la gravité de ses effets préjudiciables sur des particuliers ou sur des groupes, la mesure ne soit pas justifiée par les objectifs qu'elle est destinée à servir. Plus les effets préjudiciables d'une mesure sont graves, plus l'objectif doit être important pour que la mesure soit raisonnable et que sa justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique. [références omises]

[109]     Lorsque le gouvernement veut démontrer qu’une atteinte à un droit fondamental est justifiable, il doit satisfaire deux critères. En premier lieu, il doit démontrer que l’objectif que visent à servir les mesures qui restreignent un droit garanti par la Charte est suffisamment important pour justifier cette atteinte. Puis, la seconde étape est l’application du critère de proportionnalité qui se décline en trois questionnements.

[110]     Tel qu’exprimé par la Cour suprême dans l’affaire RJR-Macdonald inc. c. Canada (Procureur général)[38], l’application de ce test ne doit pas être formaliste :

Il fait tout d'abord remarquer que le critère formulé dans l'arrêt Oakes doit être appliqué avec souplesse, compte tenu du contexte factuel et social de chaque cas particulier.

3.1       L’objectif de la restriction

[111]     La Loi sur l’accès a comme objectif général de « renforcer la vie démocratique en donnant aux citoyens un droit d’accès aux documents des organismes publics »[39] et d’assurer « la transparence de l’administration publique et l’imputabilité des fonds publics dépensés par cette administration »[40].

[112]     Dans l’affaire Hydro-Québec, la Commission explique l’importance de cet objectif :

[…] [L]’objectif général de la Loi sur l’accès est de renforcer la vie démocratique en donnant aux citoyens un droit d’accès aux documents des organismes publics. […] La législation québécoise s’insère donc dans un grand courant visant à mettre entre les mains des citoyens l’information requise pour leur permettre de jeter un regard critique et d’accroître leur contrôle sur les organismes publics qu’ils sont appelés à financer en tant que contribuables. Nul ne peut contester qu’il s’agit là d’une préoccupation « urgente et réelle dans une société libre et démocratique » […]

[113]     Plus particulièrement, l’article 57 de la Loi sur l’accès participe à l’objectif général de la Loi sur l’accès d’assurer la transparence et l’imputabilité des organismes publics en attribuant un caractère public au traitement des membres du personnel de direction de ces derniers.

[114]     Il s’agit d’objectifs importants dans le cadre d’une société démocratique.

[115]     Il faut donc déterminer si le moyen choisi pour atteindre l’objectif est proportionné, ce qui requiert une analyse en trois étapes : le lien rationnel entre la mesure et l’objectif poursuivi, l’atteinte au droit doit être minimale et les effets doivent être proportionnés à l’objectif poursuivi.

3.2         Le critère de proportionnalité

3.2.1   Le lien rationnel entre la mesure et l’objectif poursuivi

[116]     Le fait de permettre aux citoyens de prendre connaissance de l’utilisation discrétionnaire qui est faite des sommes d’argent, par et pour des membres de l’administration de l’État ou d’un organe de l’État, est un moyen direct d’assurer la transparence quant à l’utilisation des fonds qui doivent servir à la protection du public, ainsi qu’à l’imputabilité des personnes visées. La divulgation du traitement du personnel de direction des organismes publics est une conséquence rationnelle des objectifs de transparence et d’imputabilité poursuivis par la Loi sur l’accès. Cette divulgation n’est ni arbitraire ni illogique. C’est d’ailleurs la conclusion à laquelle en est arrivée la Commission dans Hydro-Québec à la suite d’une longue analyse :

La situation est bien différente en ce qui concerne les échelons supérieurs où les salaires de deux personnes occupant le même poste et assumant les mêmes responsabilités peuvent varier beaucoup à la discrétion de l’organisme public et dépendant de facteurs souvent flous et subjectifs.

[…]

Malheureusement, celui qui exerce une discrétion peut toujours en abuser. Il suffit de lire les journaux pendant quelques semaines pour constater que l’octroi des avantages financiers discrétionnaires par les organismes publics peut être la source de conflits d’intérêts, de corruption, de favoritisme et de discrimination. C’est au mieux pour prévenir et au pire pour exposer de tels maux que les lois sur l’accès à l’information dans les autres juridictions canadiennes accordent un caractère public à ce type d’information particulièrement névralgique.

[…]

Les salaires des cadres constituent aussi des avantages financiers accordés de manière largement discrétionnaire et ceci est vrai quel que soit leur niveau dans la hiérarchie. Il me semble donc rationnel que le législateur québécois ait décidé, en adoptant le premier paragraphe de l’article 57, d’assujettir ces bénéfices à la règle de la transparence. De plus, l’objectif visé par cette disposition ne serait atteint que si tous les salaires établis selon une large mesure de discrétion étaient divulgués.

[117]     La Commission conclut qu’il existe un lien rationnel entre la divulgation du traitement des membres du personnel de direction des organismes publics et l’objectif de transparence de l’administration publique poursuivi par la Loi sur l’accès.

[118]     Par ailleurs, l’OACIQ soutient qu’étant financé par les cotisations de ses membres, le principe de la transparence des organismes publics financés en tout ou en partie par des fonds publics ne doit pas s’appliquer avec autant de rigueur à son égard. Qu’en est-il?

[119]     L’article 62 de la Loi sur le courtage immobilier prévoit que les activités de l’organisme sont financées à même les droits exigibles que doivent lui verser les titulaires de permis et les autres montants qui lui sont payables en vertu de cette loi.

[120]     Il est reconnu qu’un organisme de régulation, tel l’OACIQ, est habilité à percevoir auprès des entreprises ou des individus dont il surveille les activités un prélèvement financier destiné à couvrir en tout ou en partie les coûts de cette surveillance[41].

[121]     L’OACIQ ne gère donc pas un fonds privé. Il est assujetti à la Loi sur l’accès comme d’autres organismes ayant un mandat de protection du public et qui assurent leur autofinancement, notamment l’Autorité des marchés financiers, la Chambre de la Sécurité financière et la Chambre de l’assurance de dommage. En raison de ce mandat confié par l’État, l’OCAIQ peut percevoir des droits auprès de certaines personnes.

[122]     L’organisme considère que la protection de ses membres est une mission accessoire et qu’il joue également un rôle associatif en offrant divers services à ses membres, notamment en organisant un congrès annuel et en leur offrant un site internet.

[123]     Néanmoins, tel qu’expliqué précédemment, la mission exclusive de l’organisme, créé en vertu de la Loi sur le courtage immobilier, est la protection du public.

[124]     Tous les courtiers doivent détenir un permis de l’OACIQ pour exercer des activités de courtage immobilier ou hypothécaire au Québec. Il s’agit d’une obligation légale.

[125]     D’ailleurs, il ressort des extraits des sites Internet déposés (PGQ-7 et PGQ-8) que la promotion des intérêts sociaux et économiques des membres relève davantage des Chambres immobilières et de la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ) dont la mission est :

La fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ) est un organisme à but non lucratif chapeautant les 12 chambres immobilières de la province. Elle fut créée en 1994 à la suite de l’adoption de la Loi sur le courtage immobilier.

Sa mission : promouvoir et protéger les intérêts de l’industrie immobilière du Québec afin que les chambres et les membres accomplissent avec succès leurs objectifs d’affaires.[42]

[126]     Ainsi, l’OACIQ n’est pas un organisme au service de ses membres. La promotion et la défense des intérêts de l’industrie immobilière ne relèvent pas de sa mission.

[127]     Il n’y a donc pas de motifs justifiant que l’OACIQ soit soumis à une exigence moindre de transparence que les organismes publics puisque sa mission exclusive est la protection du public.

[128]     Par ailleurs, l’OACIQ soutient que l’accessibilité des renseignements visés par l’article 57 de la Loi sur l’accès ne contribue en rien à l’objectif de protection du public poursuivi par la Loi sur le courtage immobilier.

[129]     Cet argument ne peut être retenu. C’est plutôt parce qu’il a un mandat de protection du public que l’organisme a été assujetti à la Loi sur l’accès dans un objectif d’assurer la transparence de l’administration des fonds qu’il gère en vertu d’obligations législatives.

[130]     En l’espèce, le traitement du président et chef de la direction de l’OACIQ est fixé par résolution du conseil d’administration de l’organisme conformément au Règlement intérieur de l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec[43] dans lequel sont également prévues ses fonctions[44]. L’organisme est imputable de sa gestion et doit être transparent à l’égard des fonds qu’il administre, notamment en fixant le salaire de son président.

[131]     Ainsi, la Loi sur l’accès permet d’assurer la transparence et l’imputabilité de l’OACIQ à l’égard des fonds qu’il administre dans le cadre de sa mission d’intérêt public. Il y a un lien rationnel entre l’effet de l’application de l’article 57 à l’OACIQ et la poursuite de cet objectif.

3.2.2    L’atteinte minimale

[132]     L’organisme soutient que le régime d’accès applicable aux ordres professionnels mis en place dans le Code des professions, plus particulièrement à l’égard des renseignements personnels, est mieux adapté et constituerait la mesure la moins attentatoire à son égard.

[133]     Il appert des éléments soumis par les parties que le législateur a fait le choix de ne pas créer un ordre professionnel soumis au Code des professions en matière de courtage immobilier. N’étant pas un ordre professionnel, l’OACIQ n’est pas soumis au régime d’accès qui y est prévu.

[134]     Tel qu’expliqué en début d’analyse, l’OACIQ est un organisme d’autoréglementation comme l’Autorité des marchés financiers pour les courtiers en valeurs mobilières, la Chambre de la sécurité financière ou la Chambre de l’assurance de dommages pour les courtiers d’assurances, tous assujettis à la Loi sur l’accès sans restriction.

[135]     La solution choisie par le législateur à l’article 57 de la Loi sur l’accès afin de minimiser l’atteinte au droit à la vie privée des employés des organismes publics est de moduler l’accès à leurs renseignements personnels en fonction du statut ou du poste occupé.

[136]     Dans l’affaire Poisson, la Commission, confirmée par la Cour du Québec et la Cour supérieure, s’exprime ainsi :

Les objectifs de la Loi sur l’accès sont plus ambitieux et plus exigeants que ceux de la Loi 95; en corollaire, la mesure de l’atteinte au droit au respect de la vie privée pourra être d’autant plus prononcée puisque ces objectifs constituent une préoccupation urgente et réelle dans notre société démocratique.

On ne peut ignorer que le législateur a modulé, dans la Loi sur l’accès, l’atteinte à la vie privée des employés (au sens large) des organismes publics, en attribuant un caractère public, au paragraphe 2° du premier alinéa de l’article 57, à la seule échelle de traitement des membres du personnel qui ne sont pas cadres. En cela, il y a lieu de distinguer la présente affaire de l’arrêt Osborne de la Cour suprême. Ici, le législateur a manifestement voulu éviter que la Loi ait une portée excessive.

La Loi sur l’accès impose des obligations et contraintes différentes en tenant compte du niveau de responsabilités exercées par les cadres au sein de l’organisme. Le sort que réserve le législateur au traitement des cadres «intermédiaires» est proportionné à leur situation dans la hiérarchie de l’organisme. Ces cadres ont des responsabilités de gestion assorties de pouvoirs réels. Aussi, doivent-ils faire l’objet de la même transparence que les cadres supérieurs. [45]

[137]     En l’espèce, la demande vise le salaire du principal dirigeant qui est fixé par le conseil d’administration. Sa situation hiérarchique dans l’organisme ainsi que l’imputabilité à l’égard des décisions prises par le conseil d’administration impliquent une plus grande transparence.

[138]     Le critère de l’atteinte minimale est donc satisfait.

3.2.3   La proportionnalité

[139]     Est-ce que l’objectif poursuivi par l’accessibilité des renseignements visés par l’article 57 de la Loi sur l’accès est proportionné aux effets préjudiciables sur le droit à la vie privée des dirigeants de l’OACIQ?

[140]     La disposition de la Loi sur l’accès qui est contestée a pour effet d’assurer la transparence de la gestion de l’administration publique. Elle met en œuvre le droit du public à l’information garanti par l’article 44 de la Charte québécoise.

[141]     La Cour suprême, dans l’affaire Ontario (Sûreté et sécurité publique) c. Criminal Lawyers Association[46] a affirmé que « pour que le gouvernement œuvre de manière transparente, il faut que l’ensemble des citoyens puisse avoir accès aux documents gouvernementaux lorsque cela est nécessaire pour la tenue d’un débat public significatif sur la conduite d’institutions gouvernementales ».

[142]     L’OACIQ est un organisme qui sert l’intérêt public et qui agit pour et à la place de l’État. Le droit du public de connaître l’utilisation que fait l’organisme des sommes qu’il doit gérer est légitime.

[143]     La Commission fait siens les propos de la commissaire Carole Wallace dans l’affaire Hydro-Québec où la même question était soulevée :

Dans certains cas, la divulgation du salaire et des bénéfices peut être fort embarrassante, comme en fait foi le témoignage de M. Gonthier. Cependant, je ne crois pas que cette atteinte soit disproportionnée par rapport à l’intérêt public qui est en jeu. Imposer la transparence permet non seulement d’identifier les abus, mais surtout de les empêcher. C’est donc la meilleure assurance d’une gestion saine et équitable.[47]

[144]     En l’espèce, c’est la confiance du public et des détenteurs de permis dans la gestion de l’organisme d’autoréglementation en matière de courtage immobilier qui est en jeu. Dans ce contexte, le moyen choisi se situe à l’intérieur de la gamme des mesures raisonnables permettant d’atteindre l’objectif. Le critère de proportionnalité est donc satisfait.

[145]     En conclusion, bien que la divulgation du traitement des membres de l’organisme puisse porter atteinte à leur droit à la vie privée, celle-ci est justifiée dans une société libre et démocratique. Le même raisonnement s’applique à l’égard de la Charte canadienne. Par conséquent, les moyens de nature constitutionnelle soulevés par l’organisme sont rejetés.

4.   Règlement édictant des mesures transitoires pour l’application de la Loi sur le courtage immobilier[48]

[146]     Dans sa réponse à la demande d’accès, l’organisme a invoqué l’article 30 du Règlement pour justifier son refus de faire droit à la demande d’accès. Cette disposition se lit comme suit :

30.  À l'exception d'un document concernant la formation supplémentaire, la délivrance de certificat ou de permis, l'obtention et l'utilisation d'un titre de spécialiste, la discipline, la surveillance de l'exercice des activités des courtiers et des agences, l'inspection professionnelle et l'indemnisation, un document en possession de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec le 30 avril 2010 est réputé ne pas être un document de l'Organisme aux fins d'application de l'article 61 de la Loi sur le courtage immobilier (chapitre C-73.2).

[147]     Dans son témoignage, M. Nadeau a expliqué qu’il interprétait cette disposition comme lui permettant de refuser l’accès à des renseignements personnels à caractère public.

[148]     La Commission ne peut conclure que cette disposition réglementaire peut faire échec à l’application de l’article 57 de la Loi sur l’accès quant au traitement de son dirigeant.

[149]     C’est en vertu de l’article 61 de la Loi sur le courtage immobilier que l’OACIQ est assujetti à la Loi sur l’accès qui est une loi prépondérante. On ne peut par une disposition réglementaire exclure l’application d’une partie de cette loi.

[150]     Au surplus, cette disposition n’a pas cette portée puisqu’elle vise seulement à rendre accessibles certains documents qui étaient détenus par l’ACAIQ avant l’entrée en vigueur de la Loi sur le courtage immobilier qui a créé l’OACIQ et dont les documents sont accessibles en vertu de la Loi sur l’accès.

[151]     L’accès aux renseignements visés par la demande ne peut être refusé en vertu de ce Règlement.

5.   Conclusion

[152]     La Commission rejette le motif d’ordre constitutionnel ainsi que le motif de refus fondé sur le règlement.

[153]     Le demandeur a donc droit d’obtenir, conformément à sa demande d’accès, le salaire du président-directeur général de l’organisme.

[154]     Tel que demandé par la Commission à l’audience, l’organisme lui a transmis, sous pli confidentiel, les documents détenus pouvant répondre à la demande d’accès, soit un document du 29 octobre 2013 attestant du salaire annuel ajusté pour l’année 2012 de M. Robert Nadeau, à titre de président et chef de la direction, et une résolution du conseil d’administration de l’organisme du 18 novembre 2011 fixant le salaire annuel de M. Nadeau pour l’année 2012.

[155]     Dans cette lettre de transmission, également communiquée aux autres procureurs au dossier, l’organisme demande de caviarder une partie de la résolution contenant une condition d’emploi de M. Nadeau pour l’année 2011, information qui ne serait pas visée par la demande d’accès. Le demandeur n’a transmis aucune observation à cet égard, bien qu’un délai pour ce faire lui ait été accordé à l’audience.

[156]     La Commission a pris connaissance de la version intégrale de la résolution déposée sous pli confidentiel. Ce document contient effectivement une condition d’emploi liée à la rémunération du président et chef de la direction pour l’année 2011 qui n’est pas visée par la demande d’accès au salaire annuel de 2012. La Commission conclut donc que cette information n’est pas en litige.

[157]     La demande de révision est donc accueillie et le demandeur a accès à l’attestation d’emploi du 29 octobre 2013 ainsi qu’à l’extrait du procès-verbal d’une assemblée du conseil d’administration de l’organisme du 18 novembre 2011 à l’exclusion de l’information relative à la rémunération de 2011. La partie de la phrase qui suit le montant du salaire pour l’année 2012 devra être masquée.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION :

[158]     REJETTE les moyens de nature constitutionnelle soulevés par l’organisme à l’égard de l’article 57 de la Loi sur l’accès.

[159]     ACCUEILLE la demande de révision.

[160]     ORDONNE à l’organisme de communiquer au demandeur, dans les 30 jours de la réception de la présente décision, le salaire du président-directeur général de l’organisme en transmettant une copie de l’attestation d’emploi du 29 octobre 2013 ainsi que de l’extrait du procès-verbal d’une assemblée du conseil d’administration de l’organisme du 18 novembre 2011 en caviardant la fin de la phrase qui suit l’indication du salaire du président et chef de la direction pour l’année 2012.

LINA DESBIENS

Juge administratif

Me Éric Meunier

Avocat du demandeur

Donati Maisonneuve

(Me Olivier Truesdell-Ménard)

Avocats de l’organisme

Bernard, Roy (Justice-Québec)

(Me Dominique Legault)

Avocats du mis en cause



[1]     L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.

[2]     R.R.Q., c. C-73.2, r.7, le Règlement.

[3]     L.Q. 1991, c. 64, le C.c.Q.

[4]     L.R.Q. c. C-25.

[5]     L.R.Q. c. C-12, la Charte.

[6]     Art. 20 des Règles de preuve et de procédures de la Commission d’accès à l’information, (1984) 116 G.O. II, 4648.

[7]     L.R.Q., c. C-73.1.

[8]     L.R.Q., c. C-73.2.

[9]     L.R.Q., c. P-39.1, la Loi sur le privé.

[10]    L.R.Q., c. C-26.

[11]    Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, [annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, c. 11 (R.-U.)], la Charte canadienne.

[12]    Syndicat des techniciennes et des techniciens d’Hydro-Québec c. Hydro-Québec, [1992] C.A.I. 212, l’affaire Hydro-Québec; Poisson c. Université du Québec à Trois-Rivières, [1997] C.A.I. 17, appel rejeté [1999] C.A.I. 459 (C.Q.), révision judiciaire rejetée dans Tellier c. De Michele, [2000] R.J.Q. 2012 (C.S.), l’affaire Poisson.

[13]    [1986] 1 R.C.S. 103.

[14]    Ordre des comptables généraux licenciés du Québec c. Québec (Procureur général), [2004] R.J.Q. 1164, par. 43.

[15]    Ontario (Sûreté et Sécurité publique) c. Criminal Lawyers’ Association, [2010] 1 R.C.S. 815, par. 1; Conseil de la magistrature du Québec c. Commission d’accès à l’information, [2000] R.J.Q. 638, par 47 et 50; Tribunal de Hemmingford c. Hemmingford (municipalité du Canton de), AZ-50320915, par. 13-14;  COMMISSION D’ÉTUDE SUR L’ACCÈS DU CITOYEN À L’INFORMATION GOUVERNEMENTALE ET SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS, Information et liberté : Rapport de la Commission d’étude sur l’accès du citoyen à l’information gouvernementale et sur la protection des renseignements personnels, Québec, Direction générale des publications gouvernementales, Ministère des communications, 1981, p. 3 et 5, le Rapport Paré; COMMISSION D’ACCÈS À L’INFORMATION, Une réforme de l’accès à l’information : Le choix de la transparence, Rapport sur la mise en œuvre de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé, novembre 2002, p. 5-6, 10-11, le Rapport quinquennal 2002.

[16]    Québec, Assemblée nationale, Journal des débats, 32e législature, 3e session, vol. 26 - no 54, 6 mai 1982, deuxième lecture, p. 3517 et 3519 (PGQ-3).

[17]    Index du Journal des débats, 38ième législature, 1ière session, Cahier no 56, 18 décembre 2008, p. 2610-2620.

[18]    Articles 33, 45, 50, 58, 68, 69, 113, 114, 116 à 118, 121 à 123, 130, 132 et 136.

[19]    R.R.R.Q. c. 73.2, a. 54 à 56 et 58.

[20]    La Commission de la santé et de la sécurité du travail, art. 137, 149 et 247 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, L.R.Q. c. S-2.1; La Commission des normes du travail, art. 21 et 39.0.2 de la Loi sur les normes du travail, L.R.Q. c. N-1.1; l’Autorité des marchés financiers, art. 36 à 38 de la Loi sur l’Autorité des marchés financiers, L.R.Q. c. A-33.2; la Chambre des marchés financiers et la Chambre de l’assurance de dommages, art. 249, 284 et 286 de la Loi sur la distribution de produits et services financiers, L.R.Q. c. D-9.2; le Bureau de la sécurité privée, art. 39, 43 et 82 de la Loi sur la sécurité privée, L.R.Q. S-3.5; la Régie du bâtiment, art. 150 et 151 Loi sur le bâtiment, L.R.Q. c. B-1.1; l’Office des professions, art. 196.2 du Code des professions.

[21]    Godbout c. Ville de Longueuil, [1997] 3 R.C.S. 844 par. 98; Aubry c. Vice-Versa inc., [1998] 1 R.C.S. 591, par. 52; Gazette (Division Southam inc.) c. Valiquette, [1997] R.J.Q. 30 (C.A.), p. 36; Plant c. R., [1993] 3 R.C.S. 281, p. 293; R. c. Mills, [1999] 3 R.C.S. 668, par. 79, 80 et 89.

[22]    Syndicat des techniciennes et des techniciens d’Hydro-Québec c. Hydro-Québec, préc., note 12.

[23]    Poisson c. Université du Québec à Trois-Rivières, préc., note 12.

[24]    Préc., note 15.

[25]    Société Radio-Canada c. Procureur général du Nouveau-Brunswick et autres, [2006] 3 R.C.S. 480.

[26]    Voir les notes explicatives du projet de loi no 73, Loi sur le courtage immobilier, (2008, chapitre 9) et l’index du Journal des débats, 38e législature, 1ère session, 14 mai 2008, 18 décembre 2007 et 30 avril 2008 (PGQ-4 à 6).

[27]    Loi sur le courtage immobilier, préc, note 2, Art. 70

[28]    Id, Art. 82

[29]    Id, Art. 93

[30]    Id, Art. 105

[31]    Id, Art. 129 et ss.

[32]    Art. 33, 45, 50, 58, 68, 69, 113 à 123, 130, 132, 136.

[33]    Patrice GARANT, P. Droit administratif, 6ième éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 88, 89 et 96.

[34]    Art. 3 à 7 de la Loi sur l’accès.

[35]    9179-3588 Québec inc. (Institut Drouin) c. Drouin, 2013 QCCAI 2146.

[36]    Ford c. Québec (P.G.), [1988] 2 R.C.S. 712.

[37]    R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103.

[38]    [1995] 3 R.C.S. 199.

[39]    L’affaire Hydro-Québec, préc., note 12, p. 40-41.

[40]    Tellier c. De Michele, préc., note 12, 2036.

[41]    Pierre ISSALYS, et Denis LEMIEUX, L’action gouvernementale, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, p . 461.

[42]    PGQ-7 : Extrait du site internet de la FCIQ.

[43]    Art. 81.

[44]    Art. 82.

[45]    L’affaire Poisson, préc., note 12, p. 42.

[46]    Préc., note 15, par. 1.

[47]    L’affaire Hydro-Québec, préc., note 12, p. 46.

[48]    Préc., note 2.

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