CONSEIL DE DISCIPLINE

CHAMBRE DES NOTAIRES du québec

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

 

N° :

26-16-01320

 

DATE :

Le 27 juin 2017

______________________________________________________________________

 

LE CONSEIL :

Me Caroline Champagne

Présidente

 

ME ANNIE BOLDUC

Membre

 

ME JACQUES NÉRON

Membre

 

______________________________________________________________________

 

ME DIANE GAREAU, notaire, en sa qualité de syndique de la Chambre des notaires du Québec

Plaignante

c.

M. JEAN-MANUEL ESTRELA, autrefois notaire

Intimé

______________________________________________________________________

 

DÉCISION SUR CULPABILITÉ ET SANCTION

______________________________________________________________________

Conformément à l’article 142 du Code des professions, le Conseil interdit la divulgation, LA Publication et LA diffusion de la pièce Sp-1, onglet 10, ainsi que du nom des prêteurs dont il a été mention lors du témoignage de l’intimé.


 

 I.          INTRODUCTION

[1]          Le conseil de discipline (le Conseil) déclare l’intimé, monsieur Jean-Manuel Estrela, coupable des six infractions alléguées dans la plainte, après qu’il ait enregistré un plaidoyer de culpabilité sur chacun des chefs suivants :

1.         À Laval, au cours du mois de janvier 2015, l’intimé a omis d’agir avec intégrité et/ou probité et/ou a commis ou participé à la commission d’un acte illégal ou frauduleux, en représentant faussement à V.L. que G.K. et N.H. souhaitaient obtenir un prêt de 100 000 $ et offrir leur résidence sise sur la rue Goyer, à Laval, en garantie de ce prêt.

Ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions des articles 1, 13 et 56 (9) du Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2, et à défaut d’application de ces dispositions, il a posé un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’Ordre aux termes de l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

2.         À Laval, le ou vers le 12 janvier 2015, l’intimé a commis ou participé à la commission d’un acte illégal ou frauduleux en préparant un acte de procuration nommant W.M., sa collaboratrice, procureur de G.K. et N.H., alors que ces derniers n’ont jamais donné le mandat à l’intimé de préparer un tel acte et n’y ont jamais apposé leur signature.

Ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions de l’article 56 (9) du Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2, et, à défaut d’application de ces dispositions, il a posé un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’Ordre aux termes de l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

3.         À Laval, le ou vers le 21 janvier 2015, l’intimé a commis ou participé à la commission d’un acte illégal ou frauduleux en préparant un contrat de prêt et d’hypothèque entre V.L. et G.K. et N.H., alors que ces derniers n’ont jamais donné le mandat à l’intimé de préparer un tel contrat et n’y ont jamais apposé leur signature.

Ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions de l’article 56 (9) du Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2, et, à défaut d’application de ces dispositions, il a posé un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’Ordre aux termes de l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

4.         À Laval, le ou vers le 21 janvier 2015, l’intimé s’est vu confier des fonds par le dépôt de deux chèques totalisant 100 000 $, sans que ces dépôts ne se rattachent à l’exécution d’un contrat de service ou mandat licite, clairement défini et relié à l’exercice de sa profession de notaire.


 

Ainsi, l'intimé a contrevenu aux dispositions de l'article 8 du Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 5.1, et, à défaut d’application de ces dispositions, il a posé un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’Ordre aux termes de l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

5.         À Laval, aux dates ci-après mentionnées, à même les fonds détenus dans son compte en fidéicommis, l’intimé a détourné et/ou utilisé à des fins autres que celles indiquées par les clients les sommes suivantes :

No.

Date

Destination des détournements effectués

Montant

1

22/01/2016

compte épargne avec opérations 

10 000.00 $

2

01/02/2016

carte Affaires Visa Desjardins

25 000.00 $

3

01/02/2016

compte épargne avec opérations 

25 000.00 $

4

01/02/2016

carte Affaires Visa Desjardins

50 000.00 $

5

04/02/2016

carte Affaires Visa Desjardins

50 000.00 $

6

04/02/2016

carte Affaires Visa Desjardins

50 000.00 $

7

04/02/2016

carte Affaires Visa Desjardins

50 000.00 $

8

12/02/2016

carte Affaires Visa Desjardins

50 000.00 $

9

12/02/2016

carte Affaires Visa Desjardins

50 000.00 $

10

15/02/2016

carte Affaires Visa Desjardins

49 500.00 $

11

15/02/2016

carte Affaires Visa Desjardins

50 000.00 $

12

15/02/2016

carte Affaires Visa Desjardins

45 000.00 $

13

16/02/2016

carte Affaires Visa Desjardins

55 000.00 $

14

19/02/2016

carte Affaires Visa Desjardins

52 000.00 $

15

19/02/2016

carte Affaires Visa Desjardins

45 000.00 $

16

19/02/2016

compte épargne avec opérations 

4 800.00 $

17

25/02/2016

carte Affaires Visa Desjardins

55 000.00 $

18

25/02/2016

carte Affaires Visa Desjardins

45 000.00 $

19

29/02/2016

carte Affaires Visa Desjardins

100 000.00 $

TOTAL

861 300.00 $

 

Ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions des articles 1, 13 et 56 (7) du Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r.2 et, à défaut d’application de ces dispositions, il a posé un acte dérogatoire à l’honneur ou à la dignité de sa profession ou à la discipline des membres de l’Ordre aux termes de l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ, c. C-26.

6.         À Laval, entre le ou vers le 17 février 2016 et le ou vers le 29 février 2016, l’intimé a abusé de la confiance d’un confrère, Me Julien St-Denis, et/ou a fait l’usage de procédés déloyaux à son égard, en détournant et/ou utilisant à des fins autres des sommes détenues dans le compte en fidéicommis.

Ainsi, l’intimé a contrevenu aux dispositions de l’article 61 du Code de déontologie des notaires, RLRQ c. N-3, r. 2.

[Reproduction intégrale]

[Nos soulignements]

[2]          La syndique, Me Diane Gareau (Syndique) recommande au Conseil l’imposition des sanctions suivantes :

§   Chefs 1 à 4:  Radiation temporaire de 10 ans

§   Chef 5 :          Révocation de permis

§   Chef 6 :          Radiation permanente

[3]          Monsieur Estrela déclare ne pas s’objecter aux recommandations sur sanctions de la Syndique.

II.          QUESTION EN LITIGE

[4]          Le Conseil doit déterminer quelles sont les sanctions justes et raisonnables dans les circonstances propres à cette affaire.

III.          CONTEXTE

a)     Chefs 1 à 4

[5]          Monsieur Estrela exerce principalement dans le domaine de l’immobilier à compter du début de sa pratique en mars 2013.

[6]          Dès ce moment, il offre des services à des prix inférieurs à ceux chargés sur le marché afin de se bâtir une clientèle.

[7]          Rapidement, sa pratique est particulièrement prolifique. Le cabinet de monsieur Estrela est en effet une usine de production d’actes notariés à rabais : 6 000 actes notariés en trois ans.

[8]          Pour générer un tel volume de travail, il développe une méthode. Il divise toutes les opérations du travail du notaire et délègue différents types de tâches à des employés.  Par exemple, une employée est affectée presque exclusivement à la publication des actes notariés.

[9]          Tous les 45 jours dit-il, il doit embaucher un nouvel employé pour faire face à la quantité de mandats qu’il reçoit.

[10]       Monsieur Estrela affirme que vers la fin de 2013 et le début de 2014, il n’a plus de liquidités.

[11]       En effet, il a besoin de beaucoup de ressources financières pour faire fonctionner son cabinet qui roule à pleine capacité.

[12]       De plus, il épouse sa femme lors d’un coûteux mariage. Aussi, il s’achète une maison. Il doit payer une mise de fonds de 120 000 $ et la SCHL pour un montant de 134 000 $.  À ces sommes s’ajoutent les taxes.

[13]       Dans ce contexte, monsieur Estrela cherche du financement. Toutefois, les institutions financières auxquelles il s’adresse refusent de lui prêter de l’argent.

[14]       C’est alors qu’il se tourne vers un prêteur privé.  Ce dernier lui propose de lui prêter jusqu’à environ 450 000 $ en contrepartie d’une garantie sur son cabinet.  Monsieur Estrela s’engage à lui rembourser un minimum de 3 000 $ par mois et 12% d’intérêts annuellement. Des pénalités sont prévues dans leur entente.

[15]       Sa dette auprès de ce prêteur privé monte rapidement jusqu’à ce qu’il doive lui verser de 8 000 $ à 12 000 $ par mois.

[16]       Incapable de faire face à ses obligations, monsieur Estrela dit alors avoir recours à d’autres prêteurs à qui il emprunte des montants de 20 000 $, 24 000 $, 120 000 $...

[17]       Monsieur Estrela va jusqu’à user de subterfuges pour emprunter des sommes.

[18]       En effet, monsieur Estrela approche un prêteur privé en lui représentant faussement qu’un couple souhaite obtenir un prêt de 100 000 $ en contrepartie d’une hypothèque sur leur résidence à Laval. Monsieur Estrela explique au prêteur privé que le couple est à l’extérieur du pays et qu’il a donné une procuration pour que le contrat de prêt et d’hypothèque soit signé par leur mandataire.

[19]       Aux fins de son stratagème, monsieur Estrela prépare une fausse procuration.

[20]       Monsieur Estrela prépare aussi un faux contrat de prêt et d’hypothèque. Ce contrat prévoit que le prêteur privé prête la somme de 100 000 $ au couple.

[21]       Les modalités relatives au prêt sont indiquées dans un document signé par le prêteur privé. Deux fausses signatures y apparaissent à l’endroit réservé pour celles du couple.  Le taux d’intérêt annuel pour l’emprunt de 100 000 $ est de 10% et des frais de dossier de 1 200 $ sont chargés. Le prêt est consenti pour un terme de 12 mois. Les intérêts sont remboursables sous forme de paiements mensuels égaux de 833,33 $.  Le dernier paiement dû permet de rembourser le solde restant en capital et intérêts à l’échéance du prêt.

[22]       Le prêteur privé émet alors une traite de 35 000 $ à l’ordre de « Jean-Manuel Estrela in trust » et une autre au montant de 65 000 $ à l’ordre de « Me Jean-Manuel Estrela ».

[23]       Monsieur Estrela dépose la traite de 35 000 $ dans son compte en fidéicommis et celle de 65 000 $ dans son compte personnel. Le montant de 35 000 $ est aussitôt transféré dans son compte général.

[24]       Comme le prévoit l’entente, monsieur Estrela tire de son compte personnel un chèque de 1 200 $ pour les frais d’ouverture ainsi que onze chèques de 833,33 $ payables mensuellement.

[25]       Au terme du prêt, monsieur Estrela veut le renouveler.  C’est alors que des doutes surgissent à l’esprit du prêteur privé. Ce dernier communique avec le couple qui lui indique ne pas avoir souscrit de prêt avec lui, ni n’avoir d’hypothèque avec quiconque.  Le prêteur privé vérifie le registre foncier et découvre que l’hypothèque préparée par monsieur Estrela n’est pas enregistrée. Ni la procuration du couple, ni le contrat de prêt et d’hypothèque ne sont minutés.

[26]       Il s’avère que les « emprunteurs » sont les beaux-parents de monsieur Estrela.

[27]       Or, ils ne donnent à aucun moment le mandat à monsieur Estrela de préparer la procuration et le contrat de prêt et d’hypothèque. Au surplus, jamais ils ne signent la procuration ni le document établissant les modalités du prêt.

[28]       C’est la collaboratrice de monsieur Estrela qui signe le nom du couple sur les deux documents. Les noms sont écrits en arabe. La preuve révèle que non seulement il ne s’agit pas de leur signature, mais en plus, ils ne signent jamais en arabe.

[29]       Inquiet de ne plus recouvrer le montant prêté à monsieur Estrela, lorsqu’il découvre le pot aux roses, le prêteur privé se rend aussitôt au bureau de ce dernier et le confronte. Monsieur Estrela lui rembourse immédiatement la somme de 100 000 $ au moyen de deux chèques. Il demande au prêteur privé de ne révéler à personne cette affaire et plus particulièrement à la Chambre des notaires qui enquête alors à son sujet.

b)     Chefs 5 et 6

[30]       Les nombreux autres créanciers de monsieur Estrela sont aussi impatients d’être remboursés.  Certains lui donnent de courts délais pour être payés et ils le menacent.

[31]       Pour les satisfaire, monsieur Estrela trouve des fonds où il y en a, c’est-à-dire dans son compte en fidéicommis.

[32]       Le 22 janvier 2016, monsieur Estrela effectue alors un premier virement de 10 000 $ de son compte en fidéicommis vers son compte d’épargne avec opérations personnel. Il vire aussi 25 000 $ de la même manière le 1er février 2016.

[33]       Le 1er février 2016, monsieur Estrela emploie également un deuxième moyen pour transformer en argent comptant des fonds détenus dans son compte en fidéicommis. Le procédé est pour le moins inusité.  Il explique au Conseil son stratagème.

[34]       Tout d’abord, monsieur Estrela effectue des virements de sommes de son compte en fidéicommis vers sa carte de crédit. Il vire ainsi 25 000 $, puis 50 000 $.

[35]       Il se rend ensuite le même jour au Casino de Montréal (le Casino) où il retire de sa carte de crédit un montant total de 93 730 $. Toutefois, l’objectif ultime de monsieur Estrela n’est pas simplement de jouer cet argent au Casino; il se sert de la possibilité de retirer ainsi des sommes pour obtenir de l’argent liquide servant à rembourser ses créanciers. Il affirme que lorsqu’il arrive au Casino, il joue un peu et il repart avec l’argent  comptant qu’il a pu y retirer. Il indique que c’est ainsi qu’il convertit sous forme de billets l’argent qu’il détient pour ses clients en fidéicommis.

[36]       Le 3 février 2016, Me Chantal Racine, syndique adjointe (la Syndique adjointe), ratifie une plainte disciplinaire contre monsieur Estrela et demande sa radiation provisoire dans le dossier 26-16-01308. Elle lui reproche 25 chefs d’infractions.  Pratiquement tous les aspects de la pratique notariale sont touchés par les infractions alléguées : authenticité des actes, comptabilité, utilisation de fonds à d’autres fins et collaboration avec le syndic.  L’audition est fixée au 15 février 2016.

[37]       Le lendemain, le 4 février 2016, monsieur Estrela détourne à nouveau des sommes détenues dans son compte en fidéicommis.  Il transfère trois fois 50 000 $ vers sa carte de crédit.  Il retourne au Casino où il retire 97 850 $ en employant le même stratagème.

[38]       Le 7 février 2016, il retire aussi un total de 39 140 $.

[39]       Bien que monsieur Estrela lui avait demandé de garder le silence, le prêteur privé qui lui avait prêté 100 000 $ et qu’il avait remboursé en décembre 2015, fait une demande d’enquête auprès du syndic le 10 février 2016. La Syndique amorce alors des démarches pour en savoir plus sur cette affaire.

[40]       Le 12 février 2016, monsieur Estrela demande une remise de l’audition de la requête en radiation provisoire qui est alors fixée au 18 février 2016.

[41]       Ce jour-là, monsieur Estrela accélère le processus de détournements.  En effet, il effectue six virements entre les 12 et 16 février 2016 pour un montant total de 244 500 $.  Au Casino, entre les 13 et 17 février 2016, il retire 286 340 $.

[42]       Le 16 février 2016, monsieur Estrela embauche un jeune notaire.

[43]       Le 17 février 2016, la Syndique adjointe transmet à monsieur Estrela une demande d’information relativement aux allégations contenues dans la demande d’enquête du prêteur privé du montant de 100 000 $.  Elle lui octroie un délai jusqu’au 23 février 2016 pour qu’il lui réponde.

[44]       Aussi, le 17 février 2016, monsieur Estrela ajoute son nouvel employé comme cosignataire de son compte en fidéicommis.

[45]       L’audition sur la requête en radiation provisoire débute le 18 février 2016 dans le dossier 26-16-01308.  Monsieur Estrela est présent.

[46]       Le lendemain, le 19 février 2016, monsieur Estrela détourne 101 800 $ de son compte en fidéicommis.  Le 20 février 2016, il retire 95 850,99 $ au Casino.

[47]       Le 22 février 2016, monsieur Estrela demande à la Syndique adjointe de lui accorder jusqu’au 2 mars 2016 pour qu’il réponde à ses demandes d’information du 17 février 2017 relatives à la plainte du prêteur privé. Elle ne lui accorde toutefois que jusqu’au 24 février 2016, 12h, pour qu’il lui fournisse les informations demandées.

[48]       L’audition de la requête en radiation provisoire se continue le 24 février 2016 et le conseil de discipline prend l’affaire en délibéré.

[49]       Le 25 février 2016, monsieur Estrela détourne un total de 100 000 $ et il s’en sert le 26 février 2016, pour retirer 97 850 $ au Casino.

[50]       Puis, le 29 février 2016, il détourne 100 000 $ vers sa carte de crédit.

[51]       En bref, entre les 22 janvier et 29 février 2016, monsieur Estrela transfère un total de 39 800 $ de son compte en fidéicommis dans son compte bancaire personnel. Il effectue, de plus, 16 transferts de son compte en fidéicommis vers le compte de sa carte de crédit. Le montant de ces virements totalise 821 500 $.

[52]       Il affirme qu’il se retrouve à un certain moment avec plus de 600 000 $ en argent comptant qu’il cache chez lui dans son panier à linge sale, sa balayeuse et l’entretoit de sa maison.

[53]       Finalement, le conseil de discipline ordonne la radiation provisoire de monsieur Estrela le 3 mars 2016.

IV.          ANALYSE

A.           Le droit

[54]       La seule considération essentielle en matière de détermination de la sanction est la protection du public. Toutes les mesures disciplinaires existent pour assurer ce but.  En effet, le public a droit d’avoir accès aux professionnels les plus qualifiés et les plus respectueux de leur code de déontologie[1].

[55]       Cet objectif englobe aussi celui de la perception du public. Le public doit avoir l’impression d’être bien protégé.


 

[56]       La sanction doit aussi être clairement dissuasive[2]Elle peut cibler le professionnel afin de démontrer que la récidive ne profite pas. Toutefois, jamais la sanction ne doit punir le professionnel même s'il est inévitable que ce dernier puisse vivre comme telle la sanction qui lui est imposée[3].  L’objectif est de corriger un comportement fautif[4].

[57]       La sanction peut aussi viser les membres de la profession afin de les décourager ou les empêcher de se livrer à de tels comportements fautifs[5].

[58]       Ainsi, autant la dissuasion spécifique ou individuelle que la dissuasion générale sont prospectives et visent à prévenir des comportements futurs.

[59]       À ce sujet, les pairs qui siègent sur le Conseil de discipline « sont les plus aptes à évaluer la gravité d’une infraction et les conséquences d’une sanction tant sur le membre visé par la plainte que sur les autres en général »[6].

[60]       En dernier lieu, la sanction doit permettre le droit par le professionnel visé d’exercer sa profession[7].

[61]       C'est à la lumière de cet éclairage que le Conseil doit imposer la juste et raisonnable sanction en tenant compte des différents facteurs objectifs et subjectifs de même que des circonstances aggravantes et atténuantes de l’affaire[8].

[62]       La gradation et la globalité des sanctions sont également des principes qui doivent être pris en considération.

B.           Les facteurs objectifs

[63]       Afin de déterminer la gravité des infractions, le Conseil de discipline doit voir parmi les facteurs objectifs:

§   si le public est affecté par les gestes posés par le professionnel;

§   si l’infraction retenue contre le professionnel a un lien avec l’exercice de la profession;

§   si le geste posé constitue un acte isolé ou un geste répétitif;

§   quelles sont les conséquences possibles, qu’elles se soient matérialisées ou non[9].

[64]       Quant aux infractions reprochées aux chefs 1, 2 et 3, monsieur Estrela est déclaré coupable d’avoir posé des actes frauduleux, en contravention de l’article 56(9) du Code de déontologie des notaires[10].


 

[65]       Ces chefs se résument comme suit :

Chef 1 :   Représenter faussement à une personne qu’un couple souhaite obtenir un prêt de 100 000 $ et offrir leur résidence en garantie;

Chef 2 :   Préparer un acte de procuration nommant sa collaboratrice procureure d’un couple sans que ce dernier n’ait jamais donné un tel mandat et ni apposé sa signature;

Chef 3 :   Préparer un contrat de prêt et d’hypothèque entre un prêteur et un couple emprunteur sans que ce dernier n’ait jamais donné un tel mandat et apposé sa signature;

[66]       En commettant ces infractions, monsieur Estrela tente de tirer un bénéfice personnel. Ses agissements revêtent un caractère malhonnête et indigne pour la profession notariale.

[67]       Aussi, sa conduite s’échelonne sur une période de plus d’un an.

[68]       Il en est de même quant aux faits reprochés dans le chef 4 de la plainte. Monsieur Estrela est en effet coupable de s’être vu confier des fonds sans qu’ils ne se rattachent à l’exécution d’un contrat de service ou un mandat licite, en contravention de l'article 8 du Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires[11].

[69]       Monsieur Estrela utilise son compte en fidéicommis sans justification légitime.

[70]       Tout ce stratagème mis en place par monsieur Estrela afin de contourner ses obligations déontologiques porte atteinte à l’ensemble de la profession notariale.

[71]       Les gestes reprochés à monsieur Estrela se situent au cœur même de l’exercice de la profession des notaires. Ils sont extrêmement graves.

[72]       Quant aux chefs 5 et 6, monsieur Estrela est déclaré coupable d’avoir détourné ou utilisé pour des fins autres que celles indiquées par ses clients, une somme totale de 861 300 $ que ces derniers lui ont confiée en fidéicommis, commettant ainsi une infraction à l’alinéa 7 de l’article 56 du Code de déontologie[12].

[73]       Monsieur Estrela transfère l’argent détenu dans le compte en fidéicommis sur sa carte de crédit et dans son compte d’épargne avec opérations.  Puis, il retire les sommes ainsi transférées en argent comptant au Casino, pour son bénéfice personnel. Avec cet argent, il témoigne à l’effet qu’il joue au Casino, il voyage et surtout, il rembourse ses créanciers. S’agit-il vraiment de l’utilisation qu’il fait de ces sommes? Le Conseil n’a pas d’autre preuve que celle du témoignage de monsieur Estrela à ce sujet.

[74]       De toute manière, une chose est certaine : il s’agit de détournements. Monsieur Estrela s’approprie sans droit les fonds que des clients lui ont confiés.

[75]       Le détournement de fonds est sans contredit l’une des infractions les plus graves qui puissent être reprochées à un notaire. La conduite de monsieur Estrela est malhonnête et frauduleuse.

[76]       Dans l’exercice de ses fonctions, le notaire est appelé à détenir des sommes importantes pour le compte de ses clients. Il est un professionnel à qui on confie des valeurs.

[77]       Garder et disposer des fonds d’autrui selon les instructions de ses clients constitue une tâche fondamentale de la profession notariale.

[78]       La gestion de la comptabilité fidéicommissaire se situe en effet au cœur de la profession de notaire. Agir en contravention des obligations fidéicommissaires compromet non seulement la protection du public, mais aussi, la confiance que l’on est en droit d’avoir à l’égard d’un notaire. 

[79]       Les actes posés par monsieur Estrala ne sont pas isolés, au contraire. À dix-neuf reprises, monsieur Estrela effectue des détournements.  En plus, les sommes sont considérables.

[80]       Les conséquences des infractions doivent aussi être considérées dans la détermination de la sanction et ce, qu’elles se soient matérialisées ou non.

[81]       En l’espèce, les gestes posés par monsieur Estrela ont des impacts bien réels et désastreux.

[82]       En effet, le Fonds d’indemnisation de la Chambre des notaires doit compenser les clients qui détenaient des sommes dans le compte en fidéicommis de monsieur Estrela.  Le montant total qui est détourné et qui est indemnisé est de 830 099,40 $.

[83]       C’est l’ensemble des notaires du Québec qui est ainsi grandement affecté par les gestes posés par monsieur Estrela puisque ce sont eux qui, indirectement, indemnisent les clients.

[84]       En outre, environ 55 clients sont aussi victimes des actes de monsieur Estrela puisque ce sont eux qui ont confié leur argent à ce dernier afin qu’il le dépose dans son compte en fidéicommis. La limite d’indemnisation que peut recevoir un client du Fonds d’indemnisation n’est que de 100 000 $. Par conséquent, si certains clients détiennent un montant supérieur à 100 000 $, ils peuvent avoir subi des pertes.  La Syndique ne fait toutefois pas la démonstration concrète des pertes qui ont pu effectivement être subies par les clients.

[85]       Au surplus, monsieur Estrela effectue la plupart des détournements alors qu’il sait qu’il fait l’objet d’une plainte disciplinaire et d’une requête en radiation provisoire. En effet, il effectue les premiers détournements le 22 janvier 2016 et les procédures sont datées du 3 février 2016. La requête est fixée au 18 février 2016.  Il profite de cet intervalle pour non seulement effectuer de nombreux détournements, mais en plus, il embauche un nouveau notaire le 16 février 2016 qu’il ajoute comme cosignataire à son compte en fidéicommis le 17 février 2016.  Cet enchaînement d’événements démontre le niveau de préméditation de monsieur Estrela.

[86]       Compte tenu de la gravité de l’infraction, une sanction dissuasive doit être imposée de façon à assurer la protection du public et par le fait même, le renom de la profession. 

[87]       Les sanctions doivent être un signal clair que ce genre de conduite est incompatible avec l’exercice de la profession notariale.

[88]       Cette gravité est d’ailleurs mise en lumière par le législateur qui prévoit l’imposition automatique d’une période de radiation lorsque cette infraction est commise par un professionnel[13].

C.           Les facteurs subjectifs

[89]       Les facteurs subjectifs suivants relatifs à monsieur Estrela doivent également être pris en considération[14].

[90]       Pour évaluer le risque de récidive de monsieur Estrela, la jurisprudence nous enseigne que les radiations provisoires, les avertissements et les comportements antérieurs, les précédents administratifs, les recommandations de comité d’inspection professionnelle, et même, la conduite postérieure aux infractions, sont pertinents[15].

[91]       Ainsi, peu de temps après que monsieur Estrela démarre sa pratique, autant la direction de l’inspection professionnelle que le syndic de la Chambre des notaires sont préoccupés par la manière dont il mène ses affaires.

[92]       En effet, monsieur Estrela est inscrit au Tableau de l’Ordre des notaires du Québec à compter du 12 mars 2013.

[93]       Or, dès l’inspection-accompagnement professionnelle statutaire menée par la Chambre des notaires en novembre 2013, on souhaite faire un suivi rapproché de la pratique de monsieur Estrela étant donné les lacunes constatées. Monsieur Estrela fait donc l’objet de deux inspections en février et en novembre 2014.

[94]       Les craintes concernant la manière dont monsieur Estrela exerce sa profession deviennent rapidement fondées.

[95]       En date de février 2016, monsieur Estrela est visé par 38 demandes d’enquête couvrant plusieurs aspects de sa pratique.

[96]       C’est alors qu’il fait l’objet d’une plainte disciplinaire qui lui reproche 25 chefs d’infraction portant sur de nombreux aspects de sa pratique : authenticité des actes, comptabilité, utilisation de fonds à d’autres fins et collaboration avec le syndic.

[97]       Il n’est âgé que de 30 ans au moment du dépôt de la plainte dont le conseil de discipline est saisi. Il a très peu d’expérience lorsqu’il commet les gestes qu’on lui reproche.

[98]       Aussi, à la demande de la Syndique adjointe, la formation du conseil de discipline qui entend l’affaire radie provisoirement monsieur Estrela le 3 mars 2016.

[99]       Monsieur Estrela est reconnu coupable des 25 chefs d’infractions alléguées dans la plainte. Une radiation permanente lui est imposée sur quatre chefs d’infraction pour avoir clos environ 110 actes signés hors sa présence. Des périodes de radiations temporaires de 15 jours à 18 mois sont également ordonnées pour d’autres infractions.

[100]    Au surplus, monsieur Estrela effectue la plupart des détournements qui lui sont reprochés en l’espèce au chef 5, alors qu’il sait qu’il fait l’objet d’une plainte disciplinaire et qu’une requête en radiation provisoire est déposée contre lui. En effet, il effectue les premiers détournements le 22 janvier 2016 et les procédures sont datées du 3 février 2016. La requête est fixée au 18 février 2016.  Il profite de cet intervalle pour non seulement effectuer de nombreux détournements, mais en plus, il embauche un nouveau notaire le 16 février 2016 qu’il ajoute comme cosignataire à son compte en fidéicommis le 17 février 2016.  Cet enchaînement d’événements démontre le niveau de préméditation de monsieur Estrela.

[101]    Comme en l’espèce, un des chefs pour lesquels il est reconnu coupable dans le précédent dossier disciplinaire, porte sur l’article 56(7) du Code de déontologie. Quant à ce chef, on impose à monsieur Estrela une période de radiation d’un mois pour avoir détourné ou utilisé à des fins autres la somme de 850 $ qui lui avait été confiée, en se versant des honoraires dus par un acquéreur à même l’argent revenant à un vendeur.  Cette infraction est beaucoup moins grave toutefois que les détournements reprochés dans le présent dossier.

[102]    Bien sûr, monsieur Estrela plaide coupable aux six chefs d’infraction de la présente plainte.  De plus, lors du témoignage qu’il rend à l’occasion de l’audition, il admet les faits. Il explique ses stratagèmes avec transparence.

[103]    Aussi, lors de l’enquête de la Syndique, selon le témoignage de cette dernière, monsieur Estrela collabore bien.

[104]    Toutefois, ces facteurs ne suffisent pas pour atténuer la sévérité des sanctions qui doivent lui être imposées.


 

D.           Les sanctions justes et raisonnables

[105]    En vertu du principe de l’harmonisation des sanctions, le Conseil doit considérer la fourchette des sanctions disciplinaires imposées dans des circonstances semblables[16].

[106]    Il faut toutefois relativiser l’application de ce principe en raison du fait que la sanction doit être individualisée[17]. Les précédents sont « tout au plus des lignes directrices et non des règles absolues »[18]. Des circonstances atténuantes ou aggravantes, de même que la personnalité du professionnel, peuvent favoriser un écart important dans la détermination d’une sanction[19].

[107]    Le Conseil est d’avis que les sanctions recommandées par la Syndique se situent dans la fourchette des sanctions imposées par les différentes formations du conseil de discipline de l’Ordre et d’autres ordres professionnels.

[108]    Tout d’abord, quant au chef 1, monsieur Estrela est coupable d’avoir représenté faussement au prêteur privé que ses ex-beaux-parents souhaitaient obtenir un prêt de 100 000 $ et offrir leur résidence en garantie. La Syndique recommande l’imposition d’une période de radiation temporaire de dix ans sur ce chef. 

[109]    Pour justifier sa recommandation de sanction, la Syndique s’appuie sur la décision Barreau du Québec (syndique adjointe) c. Leck[20]. Dans cette affaire, une période de radiation de dix ans est imposée à l’intimé qui est déclaré coupable des infractions résumées comme suit :

Chef 2.    avoir trompé sa cliente en lui représentant faussement avoir produit, au dossier de la cour, toute la documentation nécessaire à l'obtention d'un jugement en séparation de corps;

Chef 4.     avoir trompé sa cliente, ainsi que la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances (Gouvernement du Québec) en leur remettant un faux jugement prétendument signé par un juge de la Cour supérieure, sachant qu'il s'agissait d'un faux;

Chef 5.    avoir soumis une information fausse à la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances (Gouvernement du Québec) en déclarant qu'il y avait eu réconciliation entre D.B. et A.L., sachant ou devant savoir que cette information était fausse le tout;

[110]    La Syndique recommande également une période de radiation de dix ans pour les chefs 2 et 3.  Rappelons ces chefs:

Chef 2 :      Préparer un acte de procuration nommant sa collaboratrice procureur d’un couple sans que ce dernier n’ait jamais donné un tel mandat et apposé leur signature;

Chef 3 :      Préparer un contrat de prêt et d’hypothèque entre un prêteur et un couple emprunteur sans que ce dernier n’ait jamais donné un tel mandat et apposé leur signature;

[111]    Elle s’appuie aussi sur Leck[21] dans laquelle on reproche à l’intimé d’avoir confectionné un faux document à savoir un «judgment of separation ». Une période de radiation de dix ans lui est imposée quant à cette infraction.

[112]    La Syndique plaide aussi l’affaire Notaires (Ordre professionnel des) c. Gélinas[22].  Dans ce cas, l’intimée est déclarée coupable d’avoir apposé les initiales d’une personne sans son consentement et à son insu sur des chèques, ainsi que d’avoir apposé la signature d’une personne apparaissant à l'endos d’un chèque d’une succession.  Une radiation temporaire de cinq ans est ordonnée.

[113]    Dans Notaires (Ordre professionnel des) c. Hassan[23] que la Syndique soumet également au Conseil, une période de radiation de deux ans et demi est imposée à l’intimé pour avoir imité ou apposé 54 signatures sur différents contrats.

[114]    Le chef 4 reproche à monsieur Estrela de s’être vu confier des fonds par le dépôt de deux chèques totalisant 100 000 $, sans que ces dépôts ne se rattachent à l’exécution d’un contrat de service ou mandat licite, clairement défini et relié à l’exercice de sa profession de notaire.

[115]    La Syndique suggère aussi l’imposition d’une période de radiation de dix ans sur ce chef.

[116]    Elle réfère le Conseil à une décision dans laquelle l’infraction reprochée est plus grave encore qu’en l’espèce.  En effet, dans Notaires (Ordre professionnel des) c. St-Pierre[24], l’intimé est reconnu coupable de s’être vu confier 4200 effets de commerce totalisant une somme de plus de 23 millions de dollars sans que ces sommes se rattachent à l’exécution d’un contrat de service ou mandat licite, clairement défini et relié à l’exercice de la profession. L’intimé est sanctionné d’une radiation permanente et de la révocation de son permis.

[117]    Au chef 5, monsieur Estrela est reconnu coupable d’avoir détourné et/ou utilisé à des fins autres que celles indiquées par les clients des sommes totalisant 861 300 $, à même les fonds détenus dans son compte en fidéicommis. 

[118]    La Syndique recommande la révocation du permis pour cette infraction.  C’est ce qui est imposé à titre de sanction dans Notaires (Ordre professionnel des) c. Rivard[25] où l’intimé est coupable d’un détournement d’environ 600 000 $. 

[119]    Il en est de même dans Notaires (Ordre professionnel des) c. Trottier[26]. Dans ce cas, l’intimé est reconnu coupable d’avoir détourné ou utilisé à des fins autres que celles indiquées par ses clients, un total d’environ 40 875,32 $ qui lui avait été confié dans l'exercice de sa profession. Ce notaire a alors trois antécédents et une récidive à son dossier disciplinaire. En sus de la révocation, dans ces deux précédents, les conseils de discipline imposent une radiation permanente.

[120]    D’autres formations de conseil de discipline ordonnent également la radiation permanente des professionnels pour des infractions similaires.  Les montants en jeu varient : 70 000 $[27], 103 000 $[28], 112 000 $[29], 1 000 000 $[30]

[121]    On ordonne aussi le remboursement des montants que la Chambre des notaires doit verser pour indemniser les victimes dans Notaires (Ordre professionnel des) c. Clossey[31] et Notaires (Ordre professionnel des) c. Sauvé[32].

[122]    Enfin, au chef 6, monsieur Estrela est reconnu coupable d’avoir abusé de la confiance d’un confrère, ou d’avoir fait l’usage de procédés déloyaux à son égard, en détournant ou utilisant à des fins autres des sommes détenues dans le compte en fidéicommis.  La Syndique recommande la radiation permanente de monsieur Estrela.  Elle ne soumet toutefois pas de décision pour appuyer son point de vue.

[123]    À la lumière de la jurisprudence ainsi qu’en raison des facteurs objectifs et subjectifs, le Conseil est d’avis que les sanctions que recommande la Syndique, et que monsieur Estrela ne conteste pas par ailleurs, sont justes, raisonnables et adéquates.  Elles ne sont pas de nature à déconsidérer l’administration de la justice, au contraire. C’est pourquoi le Conseil décide d’y donner suite.

V.          DÉCISION

EN CONSÉQUENCE, LE CONSEIL, UNANIMEMENT, LE 6 AVRIL 2017:

A DÉCLARÉ l’intimé coupable quant au chef 1 en vertu de l’article 56(9) du Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2, et A PRONONCÉ la suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi dans ce chef aux articles 1 et 13 du Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2, et à l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ c. C-26;

A DÉCLARÉ l’intimé coupable quant aux chefs 2 et 3 en vertu de l’article 56(9) du Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2, et A PRONONCÉ la suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi dans ces chefs à l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ c. C-26;

A DÉCLARÉ l’intimé coupable du chef 4 en vertu de l’article 8 du Règlement sur la comptabilité en fidéicommis des notaires et A PRONONCÉ la suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi dans ce chef à l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ c. C-26;

A DÉCLARÉ l’intimé coupable quant au chef 5 en vertu de l’article 56(7) du Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2, et A PRONONCÉ la suspension conditionnelle des procédures quant au renvoi dans ce chef à l’article 59.2 du Code des professions, RLRQ c. C-26;

A DÉCLARÉ l’intimé coupable quant au chef 6 en vertu de l’article 61 du Code de déontologie des notaires, RLRQ, c. N-3, r. 2;

ET CE JOUR :

IMPOSE à l’intimé les sanctions suivantes :

§   chefs 1 à 4 :       radiation temporaire de 10 ans

§   chef 5 :                révocation du permis

§   chef 6:                 radiation permanente

ORDONNE à l’intimé de remettre au Fonds d’indemnisation de la Chambre des notaires la somme de 830 099,40 $;

ORDONNE qu’un avis de la présente décision soit publié dans un journal circulant dans le lieu où l’intimé a son domicile professionnel, conformément à l’article 156 du Code des professions, RLRQ c. C-26;


 

CONDAMNE l’intimé au paiement des débours, y incluant les coûts de la publication de l’avis de la présente décision;

 

 

____________________________________

Me Caroline Champagne
Présidente du Conseil de discipline

 

 

 

____________________________________

Me ANNIE BOLDUC
Membre du Conseil de discipline

 

 

 

____________________________________

Me JACQUES NÉRON
Membre du Conseil de discipline

 

 

Me Caroline Thibault-Gervais

Avocate de la Plaignante

 

Monsieur Jean-Manuel Estrela

Intimé

 

Date d’audience :     Le 6 avril 2017

 



[1]    Laurion c. Médecins (Ordre professionnel des), 2015 QCTP 59 (CanLII).

[2]    Pigeon c. Daigneault, 2003 CanLII, 32934 (QC CA).

[3]    BERNARD, Pierre, «La sanction en droit disciplinaire: quelques réflexions», Barreau du Québec, Développements récents en déontologie, Droit professionnel et disciplinaire, 2004, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2004; Béchard c. Roy, 1975 CA 509; Gurunlian c. Comptables agréés (Ordre professionnel des), 1998 QCTP 1621 (CanLII).

[4]    Royer c. Rioux, ès qualités de syndic, 2004 CanLII 76507 (QC CQ).

[5]    Cartaway Resources Corp. (Re), [2004] 1 R.C.S. 672, par. 52.

[6]    Comptables agréés (Ordre professionnel des) c. Carbonneau, 2011 QCTP 29 (CanLII).

[7]    Id. Voir aussi Chevalier c. Infirmières et infirmiers (Ordre professionnel des), 2005 QCTP 137 (CanLII).

[8]    Id.

[9]    Lemire c. Médecins, 2004 QCTP 59 (CanLII).

[10]   56. Outre les cas mentionnés aux articles 57, 58, 59.1 et 59.2 du Code des professions (chapitre C-26), est dérogatoire à la dignité de la profession, le fait pour le notaire: […]   de commettre, de participer ou d’accepter de prêter ses services de quelque manière que ce soit à la commission d’un acte illégal ou frauduleux; […]

[Nos soulignements]

[11]   8. Le notaire ne peut se voir confier des sommes ou des biens sans qu’ils ne soient rattachés à l’exécution d’un contrat de service licite, clairement défini et relié à l’exercice de sa profession.

[12]   56. Outre les cas mentionnés aux articles 57, 58, 59.1 et 59.2 du Code des professions (chapitre C-26), est dérogatoire à la dignité de la profession, le fait pour le notaire: […]   de détourner ou d’utiliser pour des fins autres que celles indiquées par le client les fonds, valeurs ou autres biens confiés au notaire en fidéicommis;

[13]   Article 156 du Code des professions.

[14]   Pigeon c. Daigneault, précité, note 2.

[15]   Camerlain c. Optométristes (Ordre professionnel des), 2007 QCTP 36-A par.189 à 192; Genest c. Chicoine, 2008 QCCS 4570; Ubani c. Médecins (Ordre professionnel des), 2013 QCTP 64; voir aussi Corriveau c. Avocats (Ordre professionnel des), 2007 QCTP 25.

[16]   Chan c. Médecins (Ordre professionnel des), 2014 QCTP 5 (CanLII).

[17]   Pigeon c. Daigneault, précité, note 2.

[18]   R. c. Nasogaluak, 2010 CSC 6.

[19]   Laurion c. Médecins (Ordre professionnel des), précité, note 1https://www.canlii.org/fr/qc/qctp/doc/2015/2015qctp59/2015qctp59.html.

[20]   2010 QCCDBQ 29 (CanLII).

[21]   Id.

[22]      2009 CanLII 91066 (QC CDNQ).

[23]   2015 CanLII 32321 (QC CDNQ).

[24]   2015 CanLII 21666 (QC CDNQ).

[25]   2011 CanLII 97717 (QC CDNQ).

[26]   2008 CanLII 88833 (QC CDNQ).

[27]   Notaires (Ordre professionnel des) c Clossey, 2007 CanLII 81733 (QC CDNQ).

[28]   Notaires (Ordre professionnel des) c Caron, 2007 CanLII 81722 (QC CDNQ).

[29]   Notaires (Ordre professionnel des) c Raboin, 2002 CanLII 61649 (QC CDNQ).

[30]   Comptables agréés (Ordre professionnel des) c. Drolet, 2007 CanLII 81578 (QC CPA).

[31]   Précité, note 27.

[32]   2014 CanLII 79471 (QC CDNQ).

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