Section des affaires sociales
En matière d'indemnisation
Référence neutre : 2015 QCTAQ 05683
Dossiers : SAS-M-215252-1308 / SAS-M-217426-1310
PRESHA BOTTINO
LOUISE HAMEL
J… O…
M… OS…
c.
SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC
[1] Le Tribunal est saisi de deux recours intentés respectivement par les requérants à l'encontre de deux décisions, rendues en révision le 27 août et le 8 octobre 2013, par l’intimée, la Société de l'assurance automobile du Québec.
[2] La décision du 27 août 2013 refusait d’accorder au requérant des indemnités à la suite de l’évènement du 11 janvier 2013 ainsi que le remboursement pour certains frais de physiothérapie.
[3] La décision du 8 octobre 2013 refusait d’accorder à la requérante des indemnités à la suite de l’évènement du 11 janvier 2013.
Témoignage du requérant
[4] Le requérant témoigne et raconte qu’il a été victime d’un accident automobile le 11 janvier 2013 alors qu’il conduisait sur la rue de Bruxelles. Il roulait à 30-35 km/h.
[5]
Il déclare qu’une automobile est arrivée derrière lui en roulant
très vite, qu’elle a glissé en descendant la pente et elle a frappé avec force
sa voiture par l’arrière, brisant son pare-chocs avec fracas.
[6] Il explique que la rue de Bruxelles est en pente et que, ce soir là, la chaussée était glissante.
[7] Il précise que la rue de Bruxelles est très étroite. C’est une rue à une voie. De plus, ce soir là, il y avait des véhicules stationnés des deux côtés de la rue. Il n’y avait donc aucun espace de manœuvre pour laisser passer la voiture qui a frappé son véhicule.
[8] Il soutient qu’il a dû manœuvrer et tourner le volant à droite et à gauche, avec force, pour ne pas frapper les autres véhicules stationnés.
[9] Il affirme que son pare-chocs s’est brisé et qu’il est tombé lors de l’impact.
[10] Le requérant confirme qu’il y avait une passagère dans sa voiture. C’est elle qui a appelé les policiers.
[11] Il reconnaît qu’il a eu un autre accident automobile en date du 19 décembre 2012.
[12] Le requérant soutient qu’il ne peut retourner travailler en raison des blessures subies lors de l’accident du 11 janvier 2013. Il dit s’être blessé en tournant le volant pour ne pas frapper les voitures stationnées. Son médecin lui aurait prescrit de la physiothérapie à cet effet.
[13] Il affirme que c’est lui qui a complété et signé la demande d’indemnité au dossier.
[14] Le requérant reconnaît avoir également rempli un constat amiable avec l’autre conductrice impliquée dans l’accident.
[15] Il admet avoir coché qu’il n’y avait pas de blessé et pas de dommages matériels.
[16] Il confirme ne pas avoir consulté de médecin avant le 18 janvier 2013.
Témoignage de la requérante
[17] La requérante témoigne et confirme qu’elle était passagère dans la voiture du requérant lors de l’accident.
[18] Elle déclare que l’autre voiture est arrivée à grande vitesse et qu’elle a frappé si fort que si elle n’avait pas porté sa ceinture de sécurité, il est certain qu’elle aurait revolée dans le pare-brise.
[19] Elle affirme avoir eu peur que la voiture du requérant, à cause de l’impact, aille frapper le mur de la maison en face.
[20] Elle reconnaît que c’est elle qui a appelé le 911.
[21] Elle soutient avoir vu que le pare-chocs de la voiture du requérant s’est brisé et s’est décollé à la suite de l’impact.
[22] Elle indique être allée, ensemble avec le requérant, consulter un médecin, quelques jours après.
Témoignage de madame J.M.
[23] Madame J. M. témoigne et raconte que le soir du 11 janvier 2013, alors qu’elle roulait sur la rue Bruxelles, elle a remarqué qu’il y avait une voiture immobilisée en bas de la côte.
[24] Elle explique que la rue de Bruxelles est en pente et que ce soir-là la chaussée était glacée et très glissante. C’est une rue à sens unique et il n’y avait pas d’espace pour contourner la voiture immobilisée.
[25] Elle affirme qu’elle a alors freiné de toutes ses forces, mis son frein à main, klaxonné à plusieurs reprises, tout ça dans le but d’avertir l’autre conducteur et de ne pas frapper l’autre voiture.
[26] Elle ajoute que, malgré tous ses efforts, sa voiture ne s’est arrêtée que lorsqu’elle a frappé l’autre véhicule qui n’avait jamais bougé avant l’impact.
[27] Elle déclare que l’impact a toutefois été très mineur. Elle estime la vitesse de son véhicule, avant l’impact, à 15-20 km/h. Il n’y a eu aucun dommage à sa voiture. Elle n’a fait aucune réclamation à ses assureurs.
[28] Elle souligne qu’elle n’a subie aucune blessure, n’a ressentie aucune douleur, il y a eu simplement un petit balancement vers l’avant lors de l’impact. Elle n’a fait aucune demande d’indemnité.
[29] Elle ajoute que le requérant lui aurait également dit qu’il n’avait aucune blessure.
[30] Elle reconnaît que le pare-chocs du requérant était craqué et décroché du côté droit. Or, elle déclare que ce n’est pas elle qui a causé ces dommages. Elle soutient que les milieux seulement, des deux pare-chocs se sont tamponnés.
[31] Elle confirme que le requérant n’était pas seul et qu’il y avait une autre personne dans son véhicule, mais elle précise n’avoir jamais vu cette personne, car cette dernière n’est jamais sortie de la voiture.
[32] Elle spécifie que le constat amiable a été fourni par les policiers qui sont arrivés par la suite sur les lieux. Elle y a déclaré qu’il n’y avait pas de blessé ni de dommages matériels.
[33] Madame J.M. déclare que les lumières du véhicule du requérant n’étaient pas allumées lors de l’impact et que ce dernier lui aurait indiqué qu’« il attendait quelqu’un ».
[34] Or, elle signale qu’après avoir rempli le constat amiable, le requérant et sa passagère ont quitté les lieux de l’accident.
Témoignage de monsieur Dominic Boulanger, enquêteur en affaires frauduleuses à la Société de l'assurance automobile du Québec.
[35] Monsieur Boulanger témoigne et relate qu’il a reçu un mandat d’enquête pour vérifier le mécanisme de production des blessures du requérant, considérant qu’il s’agissait d’un impact mineur.
[36] Il explique que les blessures réclamées par le requérant n’étaient pas conformes à l’impact subi.
[37] Il indique qu’au cours de l’enquête, il a rencontré et questionné les requérants et la conductrice de l’autre véhicule impliqué dans la collision.
[38] Il souligne qu’il a noté plusieurs contradictions entre les déclarations des requérants et celle de l’autre conductrice.
[39] Il précise que l’autre conductrice aurait soutenu que la version des faits telle que rapportée par le requérant est fausse et ne reflète pas la réalité.
[40] Il indique que, selon l’autre conductrice, le requérant n’a jamais tourné le volant, car il était immobilisé. Il n’a fait aucune manœuvre, à droite ou à gauche, avec le volant.
[41] Il relate qu’il a aussi pris connaissance des photos du véhicule du requérant, prises par l’estimateur de Desjardins Assurances. Il a lui-même pris les photos de l’autre véhicule impliqué. Il a appris que le requérant a également rapporté à son assureur un accident survenu le 19 décembre 2012.
[42] L’enquêteur mentionne qu’il a également fait appel à une firme de consultant en enquête et reconstitution de collision. Il leur a demandé leur opinion quant à la force d’impact lors de la collision.
[43] L’enquêteur signale que l’expert reconstitutionniste a conclu que c’était ici un « simple accrochage » et « non un accident », car l’impact était très faible et s’est produit à très basse vitesse.
[44] Il soutient que les dommages physiques réclamés par les requérants ne trouvent pas de concordance dans le présent évènement et semblent nettement exagérés. La version du requérant est invraisemblable.
[45] L’enquêteur conclut qu’il a complété son rapport d’enquête qu’il a fait parvenir à la Société de l'assurance automobile du Québec.
Témoignage de monsieur Pierre Bellemare, reconstitutionniste en scène de collision de l’Équipe Collision Expert.
[46] Monsieur Bellemare témoigne et confirme avoir effectué, en date du 19 avril 2013, une analyse de collision relativement à un accident survenu sur la rue Bruxelles, à Montréal, le 11 janvier 2013.
[47] Il indique qu’il avait reçu un mandat de la part de l’enquêteur, monsieur Dominic Boulanger, pour émettre une opinion sur « les forces interagissant dans cet évènement ainsi que sur le mécanisme des blessures » du requérant.
[48] Il spécifie que le but de son expertise était d’émettre une opinion concernant les forces d’impact lors de cet incident et d’établir la véracité du fait accidentel ainsi que le mécanisme de production des blessures.
[49] Il précise que l’analyse des forces impliquées lors d’une collision explique les mouvements des personnes à l’intérieur des véhicules, mais ils doivent concorder avec les dommages constatés aux voitures impliquées.
[50] Il relate qu’en l’instance, il a relevé les éléments pertinents suivants; soit :
- Il y a eu une collision à très basse vitesse, mais qui serait ici plutôt une situation d’ « accrochage » à basse vitesse et « non une collision »;
- Le différentiel de vitesse entre les deux véhicules devait être de 10 km/h;
- Le véhicule du requérant a avancé de trois à quatre pieds, donc la vitesse de l’autre véhicule devait avoir été de 8 à 10 km/h;
- L’impact est survenu au centre du pare-chocs;
- Il n’y a pas eu de dommage au pare-chocs si la vitesse est moindre de 10 km/h;
- Il a pu y avoir un léger balancement pour l’autre conductrice;
- Le requérant aurait pu ressentir un certain inconfort, une certaine raideur;
- Il n’était pas logique de frapper le volant, car aucune partie de son corps n’a subi de mouvement lors de l’impact;
- La description des évènements est exagérée;
- Les manœuvres avec le volant, de droite à gauche, tel que rapportées par le requérant, ne sont également pas logiques;
- Il n’y a pas de concordance entre les blessures réclamées par le requérant et l’impact.
[51] Monsieur Bellemare réitère les conclusions de son rapport, soit :
« Il s’agit d’un évènement communément catégorisé comme étant de type “ accrochage ” dans le jargon populaire pour l’illustrer la faible intensité de la collision; […] »
[52] Il conclut que par conséquent, compte tenu des éléments précités, le requérant n’a subi aucun déplacement lors de l’événement. Les dommages physiques réclamés ne trouvent donc pas de concordance dans le présent événement et semblent nettement exagérés.
[53] Après avoir pris connaissance de la preuve documentaire, entendu les témoignages ainsi que les arguments, et sur le tout dûment délibéré, le Tribunal conclut que les recours des requérants ne peuvent être accueillis, et ce, pour les motifs suivants.
[54] En l’instance, les décisions contestées refusaient d’accorder respectivement aux requérants des indemnités à la suite de l’évènement du 11 janvier 2013.
[55] Tout en reconnaissant le fait accidentel, l’intimée refusait de reconnaître que les blessures et les préjudices réclamés par les requérants découlaient de l’évènement du 11 janvier 2013.
[56] En l’instance, le fardeau de la preuve incombait respectivement aux requérants.
[57] Or, en l’espèce, les requérants ne se sont aucunement déchargés de leur fardeau de la preuve respective.
[58] Ils n’ont aucunement démontré, par une preuve prépondérante, qu’ils ont effectivement subi les blessures réclamées et que, par conséquent, ils étaient en droit de recevoir des indemnités suite à l’accident du 11 janvier 2013.
[59] En l’instance, les déclarations et témoignages des requérants ne sont aucunement corroborés par la déclaration et le témoignage de la conductrice de l’autre véhicule impliqué dans la collision.
[60] Effectivement, de nombreuses contradictions permettent de douter de la véracité de la version des faits tels que rapportés par les requérants, soit :
- Les requérants ont affirmé que la voiture dans laquelle il prenait place, roulait sur la rue de Bruxelles; alors que l’autre conductrice a déclaré que la voiture était immobilisée, que les lumières n’étaient pas allumées et que le requérant lui aurait dit attendre quelqu’un;
- Les requérants ont affirmé que leur voiture a été frappée à l’arrière avec force et le pare-chocs a été cassé avec fracas; alors que l’autre conductrice a déclaré qu’elle n’a jamais causé ces dommages au véhicule du requérant, que l’impact a été très faible, qu’il n’y a eu aucun dommage matériel aux voitures impliquées, aucune blessure physique aux passagers, aucune réclamation n’a été faite de sa part aux assureurs ou demande d’indemnisation à la Société de l'assurance automobile du Québec;
- Le requérant a déclaré avoir tourné le volant à droite et à gauche, avec véhémence afin d’éviter de frapper les autres voitures stationnées sur les deux côtés de la rue, il se serait blessé suite à ces mouvements; alors que l’autre conductrice a affirmé que cette déclaration est fausse et que la voiture du requérant n’a jamais bougé, et ce malgré le fait qu’elle ait klaxonné à plusieurs reprises.
[61] De plus, les déclarations et témoignages des requérants sont incompatibles avec les éléments de preuve recueillis lors de l’enquête et lors de l’analyse de collision.
[62] Ainsi, signalons que le requérant a indiqué dans le constat amiable qu’il n’y avait pas de blessure, même légère, et aucun dégât matériel.
[63] Par ailleurs, il est difficile d’établir à quelle date exacte les requérants auraient consulté pour la première fois relativement aux blessures réclamées.
[64] Également, à la suite de son enquête, l’enquêteur a conclu que c’était un « simple accrochage » et « non un accident », car l’impact était très faible.
[65] Il a souligné que la version des faits du requérant était invraisemblable.
[66] Il a soutenu que les dommages physiques réclamés par les requérants n’étaient pas fondés et semblaient nettement exagérés.
[67] Au même effet, les conclusions de l’expertise en analyse de collision, effectuée par monsieur Pierre Bellemare, reconstitutionniste en scène de collision, sont venues contredire les allégations des requérants.
[68] Ainsi, l’expert a conclu qu’il s’agissait ici d’une collision à faible intensité, communément appelé « accrochage » pour illustrer la faiblesse de l’impact qui s’est produit à très basse vitesse.
[69] Il a soutenu que les dommages physiques réclamés par le requérant ne concordaient pas avec la preuve et semblaient nettement exagérés.
[70] Il a signalé que lors d’un tel évènement, les occupants ne peuvent subir un déplacement à l’intérieur du véhicule. De plus, le requérant n’aurait pu donner des coups de volant, vers la gauche ou vers la droite, car sa voiture n’a bougé que de quelques pieds.
[71] Conséquemment, le Tribunal ne peut donc retenir les témoignages des requérants comme étant crédibles et fiables.
[72] Considérant les nombreuses contradictions et incohérences relevées; considérant les conclusions de l’enquête et de l’expertise en analyse de collision; le Tribunal ne peut accorder une valeur ou force probante aux témoignages des requérants et à leur version du fait accidentel.
[73] Le Tribunal estime que les requérants n’étaient donc pas en droit de recevoir respectivement les indemnités, prévues à la Loi, à la suite de l’accident du 11 janvier 2013.
POUR CES MOTIFS, le Tribunal :
- REJETTE les recours des requérants; et,
- CONFIRME les deux décisions rendues en révision, respectivement les 27 août et 8 octobre 2013, par l’intimée, la Société de l'assurance automobile du Québec.
Raiche Pineault Touchette
Me Diane Rainville
Procureure de la partie intimée
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.