Talbot c. Philogène |
2014 QCCQ 8363 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
JOLIETTE |
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LOCALITÉ DE |
JOLIETTE |
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« Chambre civile » |
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N° : |
705-32-012984-131 |
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DATE : |
29 juillet 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DU JUGE |
DENIS LE RESTE, J.C.Q. |
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JONATHAN TALBOT, |
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Partie demanderesse |
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c. |
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JUNIOR PHILOGÈNE, |
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Partie défenderesse |
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-et- |
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PIERRE-EMMANUEL GLAUDIN (CENTURY21 ÉLITE 2000 INC.), |
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Partie appelée |
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JUGEMENT |
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[1] Jonathan Talbot réclame de Junior Philogène 760,40 $ pour le remboursement des coûts et services d'un inspecteur en bâtiment.
[2] Plus particulièrement, monsieur Talbot reproche à monsieur Philogène d'avoir omis de lui remettre à temps le résultat des tests de pyrite qu'il avait pourtant en sa possession.
[3] À son tour, Junior Philogène poursuit son courtier immobilier, Pierre-Emmanuel Glaudin, lui reprochant de ne pas avoir remis à monsieur Talbot le document en litige avant l'inspection préachat.
QUESTIONS EN LITIGE:
[4] Les questions en litige sont les suivantes:
- Le défendeur a-t-il engagé sa responsabilité envers le demandeur?
- Le défendeur est-il responsable des déboursés réclamés par le demandeur?
- Le défendeur en garantie a-t-il commis une faute?
LE CONTEXTE:
[5] Voici les faits les plus pertinents retenus par le Tribunal.
[6] Le 3 février 2013, Jonathan Talbot signe en faveur de Pascal Élysée un contrat de courtage «d'acheteur».
[7] Quelques jours plus tard, monsieur Talbot est intéressé par la résidence de monsieur Philogène sise rue Louis-Riel à Repentigny.
[8] Le 12 février 2013, monsieur Talbot et son courtier, monsieur Élysée, visitent l'immeuble.
[9] Monsieur Philogène est absent, mais représenté par l'appelé en garantie, Pierre-Emmanuel Glaudin, son courtier immobilier.
[10] Une promesse d'achat est alors signée par monsieur Talbot en faveur de monsieur Philogène.
[11] Il importe de reporter certaines clauses de cette promesse d'achat offerte initialement à 208 000$. Dans la clause 8.1, nous retrouvons (pièce P-1):
«[…] Cette promesse d'achat est conditionnelle à ce que l'ACHETEUR puisse faire inspecter l'IMMEUBLE par un inspecteur en bâtiment ou un professionnel dans les 12 jours suivant l'acceptation de la présente promesse d'achat. Si cette inspection révèle l'existence d'un facteur se rapportant à l'IMMEUBLE, susceptible, de façon significative, d'en diminuer la valeur ou les revenus ou d'en augmenter les dépenses, l'ACHETEUR devra en aviser le VENDEUR, par écrit, et devra lui remettre une copie du rapport d'inspection dans les quatre (4) jours suivant l'expiration du délai mentionné ci-dessus. La présente promesse d'achat deviendra nulle et non avenue à compter du moment de la réception, par le VENDEUR, de l'avis accompagné d'une copie du rapport d'inspection. Dans le cas où l'ACHETEUR n'aviserait pas le VENDEUR dans le délai et de la façon prévus ci-dessus, il sera réputé avoir renoncé à la présente condition […].»
[12] Nous lisons à la clause 9.1 de cette offre d'achat ce qui suit:
«Cette promesse d'achat est conditionnelle à ce que l'ACHETEUR examine et vérifie les documents suivants:
- Formulaire de 'Déclaration du vendeur - DV' dûment rempli.
- Copie du certificat de localisation au dossier
- Factures des travaux importants, Garantie transférables (s'il y a lieu) et autres documents jugés pertinents par le vendeur pour la vente de sa propriété.
- Facture d'Hydro-Québec des 12 derniers mois
À cet effet, le VENDEUR devra remettre à l'ACHETEUR copie des documents mentionnés ci-dessus dans les 3 jours suivant l'acceptation de la présente promesse d'achat.
Si l'ACHETEUR n'est pas satisfait de l'examen et de la vérification de ces documents ou qu'il ne les a pas reçus dans le délai indiqué et qu'il veut rendre la présente promesse d'achat nulle et non avenue pour cette raison, il devra en aviser le VENDEUR, par écrit, dans les sept (7) jours suivant l'expiration du délai mentionné ci-dessus […].» (sic)
[13] La clause 10.5 prévoit:
«VICE OU IRRÉGULARITÉ - Advenant la dénonciation à l'ACHETEUR ou au VENDEUR, avant la signature de l'acte de vente d'un quelconque vice ou d'une quelconque irrégularité affectant les obligations du VENDEUR contenues à cette promesse d'achat, ce dernier disposera d'un délai de vingt-et-un (21) jours, à compter de la réception d'un avis écrit à cet effet, pour aviser l'ACHETEUR, par écrit, qu'il a remédié, à ses frais, au vice ou l'irrégularité soulevé ou qu'il n'y remédiera pas.
[…]
b) qu'il rend cette promesse d'achat nulle et non avenue. En conséquence, les honoraires, dépenses et frais alors raisonnablement engagés par l'ACHETEUR et le VENDEUR seront à la seule charge du VENDEUR […].»
[14] Par la suite, les parties s'échangent des offres et contre-offres visant notamment le prix de vente.
[15] Finalement, les parties s'entendent à 220 000 $, incluant le spa.
[16] C'est le 18 février 2013 que monsieur Talbot reçoit la déclaration du vendeur. Nous pouvons y lire (pièce P-5):
«[…] D13. RAPPORTS D'INSPECTION OU TOUTE AUTRE EXPERTISE EXISTANTS
À votre connaissance, y a-t-il déjà eu:
D13.1 un ou des rapports d'inspection sur l'immeuble? |
oui non |
D13.2 tout autre test ou toute autre expertise effectués sur l'immeuble (ex: pyrite, pyrotite, MIUF, amiante, qualité de l'air, qualité et débit de l'eau, drain de fondation)? |
oui non |
D13.3 Ces rapports, tests ou expertises, sont-ils disponibles? |
oui non» (sic) |
[17] Après avoir reçu cette déclaration du vendeur, monsieur Talbot reçoit le 19 février certaines copies de factures et le certificat de localisation. Jusque-là, aucun test ou information relativement à l'existence d'un test de pyrite fait antérieurement n'est divulgué à monsieur Talbot par le défendeur et/ou l'appelé.
[18] Sur la foi de ces documents, monsieur Talbot retient les services d'un inspecteur préachat.
[19] C'est le 22 février 2013 que l'inspection a lieu. L'expert retenu par monsieur Talbot, ce dernier et monsieur Élysée, son courtier immobilier, sont présents.
[20] Le défendeur, monsieur Philogène, n'y est pas, mais il est représenté par l'appelé en garantie, monsieur Glaudin.
[21] L'inspection se déroule sans trop de particularité jusqu'au moment où l'inspecteur agréé, monsieur Patrick Sauvé, remarque une particularité sur le revêtement de ciment du sous-sol. Il questionne à cet effet monsieur Glaudin.
[22] Tant messieurs Talbot que Sauvé sont alors informés de l'existence d'un document intitulé Rapport préliminaire du test de pyrite. En fait, c'est qu'un test de pyrite a été effectué le 29 avril 2008.
[23] Sur ce rapport nous pouvons lire (pièce P-2):
«[…] Conclusion du laboratoire Terratech de SNC-Lavalin: Le potentiel de gonflement est faible à moyen (IPPG de 23). Plusieurs critères seront considérés pour le rapport final (IPPG, âge, remblai, dommages, etc.)
Commentaire: Dossier non problématique étant donné l'âge de l'immeuble, l'absence de dommages significatifs et la faible épaisseur du remblai.»
[24] Monsieur Talbot et son courtier sont déçus de la situation et notamment du fait que c'est après avoir requis les services d'un inspecteur préachat qu'on les informe de l'existence d'un test antérieur relativement à la pyrite.
[25] Ces derniers effectuent des recherches pour apprendre que la pyrite peut être un élément hautement problématique pour un immeuble.
[26] Monsieur Talbot explique au Tribunal qu'il est alors devant le fait accompli, mais qu'il ne subsiste que deux hypothèses pour lui. Soit il se retire immédiatement et l'offre devient nulle et non avenue, soit il fait une contre-offre tenant compte des travaux éventuellement à faire à cause du résultat du test de pyrite.
[27] C'est cette deuxième option qu'il privilégie et fait une contre-offre d'achat à monsieur Philogène au prix de 200 000 $.
[28] Il donne jusqu'au 25 février à 20 heures à monsieur Philogène et son courtier pour répondre à cette offre. Il n'obtient aucune réponse, ni du courtier, ni du défendeur.
[29] Étant donné les délais et l'importance de ceux-ci, monsieur Talbot décide d'expédier par huissier un avis en toute urgence à monsieur Philogène faisant état du fait qu'il se retire entièrement de toute proposition d'achat de cet immeuble.
[30] Monsieur Talbot assume 142,62 $ à titre de frais d'urgence d'huissier, somme qu'il réclame d'ailleurs dans la présente réclamation, ainsi que 617,78 $, représentant les coûts d'expertise préachat.
[31] Il estime que si on l'avait dûment informé du rapport préliminaire du test de pyrite, il n'aurait pas fait d'offre d'achat et encore moins engagé des coûts pour l'inspecteur préachat et les frais d'huissiers.
[32] C'est que les documents précisent explicitement, selon lui, que le défendeur devait lui signifier pareille information dans les trois jours de l'offre, ce qu'il a omis de faire.
[33] Suivant la clause 10.5 b) de l'offre d'achat, le vendeur, monsieur Philogène, doit, parce que la promesse d'achat est nulle et non avenue, lui rembourser les honoraires, dépenses et frais raisonnablement engagés dans toute cette affaire.
[34] Pascal Élysée, qui est courtier immobilier agréé pour Proprio Direct depuis sept ans, témoigne pour le demandeur.
[35] Pour monsieur Élysée, une transaction immobilière est une relation de confiance et le défendeur et son courtier ont clairement failli à la tâche.
[36] En fait, monsieur Élysée estime qu'on aurait dû, dès le départ, leur transmettre copie du rapport de pyrite. Il était clairement entendu que son client n'aurait pas été, en pareille situation, intéressé à cet immeuble. Il n'aurait pas fait l'offre d'achat, encore moins engagé des frais d'inspection préachat et d'huissier.
[37] Il reproche à monsieur Glaudin d'avoir transmis à la toute fin de l'inspection préachat ce test de pyrite après que monsieur Sauvé ait découvert certaines anomalies.
[38] Junior Philogène, le défendeur, admet l'exactitude des informations et la chronologie des faits rapportés par monsieur Talbot.
[39] Ce n'est pas par mauvaise foi qu'il n'a pas transmis le rapport de la pyrite, puisqu'il avait oublié l'existence de ce document. En fait, on lui a remis ce document au moment où lui-même a acheté l'immeuble et qu'il se trouvait chez le notaire. Il ne sait pas ce qu'est de la pyrite et ne comprend pas, malgré les observations faites à l'audience, l'importance de ce document.
[40] Pour monsieur Philogène, il n'y a aucune problématique dans un rapport semblable, puisqu'il y est clairement indiqué que l'immeuble est «non problématique» et exempt de tout dommage. Il ne comprend pas pourquoi monsieur Talbot serait justifié de ne plus acheter.
[41] Il admet donc finalement qu'il a remis le document un peu tardivement, mais que cela est sans conséquence.
[42] Il se rappelle que c'est à 21 h 30, la veille de l'inspection préachat, qu'il a remis ce document à son courtier, monsieur Glaudin.
[43] C'est ce dernier qui devait le remettre à l'acheteur, à son courtier ou à l'inspecteur en temps et lieu.
[44] Parce qu'il s'est exécuté après l'inspection préachat, monsieur Philogène estime qu'il n'est responsable de rien.
[45] Pour sa part, l'appelé en garantie, Pierre-Emmanuel Glaudin, est courtier immobilier pour Century21 Élite 2000 depuis plus de 10 ans.
[46] Effectivement, la veille de l'inspection préachat, vers 21 h 30, monsieur Philogène lui remet copie du test de pyrite. Pour lui, cela n'a aucune incidence importante, bien au contraire, cela avantage tout acheteur placé en pareille situation.
[47] Pour monsieur Glaudin, monsieur Talbot n'aura pas à procéder à d'autre test de pyrite et ainsi, économisera 400 $ ou 500 $. C'est un élément positif au dossier et à la transaction et il ne comprend pas pourquoi l'acheteur a refusé d'acheter.
[48] La situation étant à l'avantage de monsieur Talbot, il soutient que sa réclamation n'est pas fondée.
[49] Monsieur Glaudin pense que c'est pour d'autres raisons non fondées et à cause de leur mauvaise foi que monsieur Talbot et son courtier immobilier ont fait marche arrière et refusé de procéder à la transaction.
[50] Le Tribunal doit répondre aux questions en litige.
LE DROIT APPLICABLE:
[51] Le Tribunal considère important de décrire les règles et critères applicables dans le cadre du fardeau de la preuve.
[52] Le rôle principal des parties dans la charge de la preuve est établi aux articles 2803 et 2804 du Code civil du Québec qui prévoient:
2803. Celui qui veut faire valoir un droit doit prouver les faits qui soutiennent sa prétention.
Celui qui prétend qu'un droit est nul, a été modifié ou est éteint doit prouver les faits sur lesquels sa prétention est fondée.
2804. La preuve qui rend l'existence d'un fait plus probable que son inexistence est suffisante, à moins que la loi n'exige une preuve plus convaincante.
[53] Les justiciables ont le fardeau de prouver l'existence, la modification ou l'extinction d'un droit. Les règles du fardeau de la preuve signifient l'obligation de convaincre, qui est également qualifiée de fardeau de persuasion. Il s'agit donc de l'obligation de produire dans les éléments de preuve une quantité et une qualité de preuve nécessaires à convaincre le Tribunal des allégations faites lors du procès.
[54] En matière civile, le fardeau de la preuve repose sur les épaules de la partie demanderesse suivant les principes de la simple prépondérance.
[55] La partie demanderesse doit présenter au juge une preuve qui surpasse et domine celle de la partie défenderesse.
[56] La partie qui assume le fardeau de la preuve doit démontrer que le fait litigieux est non seulement possible, mais probable.
[57] La probabilité n'est pas seulement prouvée par une preuve directe, mais aussi par les circonstances et les inférences qu'il est raisonnablement possible d'en tirer.
[58] Le niveau d'une preuve prépondérante n'équivaut donc pas à une certitude, ni à une preuve hors de tout doute.
[59] Le Tribunal souligne l'article 1458 C.c.Q.
1458. Toute personne a le devoir d'honorer les engagements qu'elle a contractés.
Elle est, lorsqu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice, corporel, moral ou matériel, qu'elle cause à son cocontractant et tenue de réparer ce préjudice; ni elle ni le cocontractant ne peuvent alors se soustraire à l'application des règles du régime contractuel de responsabilité pour opter en faveur de règles qui leur seraient plus profitables.
ANALYSE ET DISCUSSION:
[60] Le Tribunal doit appliquer prioritairement les clauses contractuelles contenues à la promesse d'achat du 13 février 2013.
[61] La clause 9.1 établit clairement que monsieur Philogène doit fournir, dans les trois jours suivant son formulaire de déclaration du vendeur, toute facture d'importance.
[62] La déclaration du vendeur telle que rédigée est de nature à induire tout acheteur en erreur.
[63] En effet, à la clause D13.2, monsieur Philogène répond par la négative à la question de l'existence d'un test de pyrite.
[64] Monsieur Talbot est alors justifié de conclure que jamais il n'y a eu de test de pyrite d'effectué pour cet immeuble auparavant.
[65] Pour cette raison, monsieur Talbot pousse un peu plus loin ses démarches dans l'acquisition de cette propriété en retenant les services de l'inspecteur préachat.
[66] Une fois l'inspection terminée, c'est là que monsieur Glaudin informe messieurs Sauvé et Talbot de l'existence de ce test de pyrite.
[67] Les transactions, négociations et inspections d'un immeuble ne sont pas une partie de cache-cache entre un acheteur et un vendeur.
[68] Le Tribunal rappelle les articles suivants du Code civil du Québec.
6. Toute personne est tenue d'exercer ses droits civils selon les exigences de la bonne foi.
7. Aucun droit ne peut être exercé en vue de nuire à autrui ou d'une manière excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre des exigences de la bonne foi.
[69] Toutes les discussions précontractuelles comportent des obligations d'information implicites pour un vendeur et son représentant placés en pareilles circonstances.
[70] Ici, monsieur Philogène et monsieur Glaudin ont l'obligation d'informer monsieur Talbot et son représentant de toute information relativement à l'immeuble.
[71] Le défaut d'informer adéquatement l'acquéreur peut vicier le consentement de ce dernier et peut constituer un dol dans certaines circonstances.
1399. Le consentement doit être libre et éclairé.
Il peut être vicié par l'erreur, la crainte ou la lésion.
1400. L'erreur vicie le consentement des parties ou de l'une d'elles lorsqu'elle porte sur la nature du contrat, sur l'objet de la prestation ou, encore, sur tout élément essentiel qui a déterminé le consentement.
L'erreur inexcusable ne constitue pas un vice de consentement.
[72] Le vendeur et son courtier ont l'obligation d'informer l'acheteur de façon complète, juste et précise de la situation d'un immeuble.
[73] Le Tribunal prête foi aux propos de messieurs Talbot et Élysée à l'effet que si ces derniers avaient obtenu l'information relativement au fait que l'immeuble avait déjà fait l'objet d'un test de pyrite et qu'un rapport existait à cet effet, ils auraient agi différemment.
[74] À tout événement, l'acheteur et son courtier auraient négocié selon d'autres critères un autre prix.
[75] Peut-être qu'à la simple vue du document, un acheteur potentiel aurait accepté les risques d'une interprétation favorable au bâtiment de pareil résultat. Dans d'autres situations, un acheteur aurait tout simplement rebroussé chemin et n'aurait effectué aucune offre d'achat.
[76] Quoi qu'il en soit, monsieur Talbot et son courtier n'ont même pas pu se poser la question puisqu'ils ont été informés tardivement de l'existence du test de pyrite.
[77] Monsieur Philogène a engagé sa responsabilité contractuelle envers monsieur Talbot en répondant à la clause D13.2 de la déclaration du vendeur qu'il n'existe aucun test de pyrite effectué auparavant sur l'immeuble.
[78] Il engage également sa responsabilité lorsqu'il remet trop tard ce rapport tant à monsieur Talbot qu'à monsieur Glaudin.
[79] Pour sa part, le courtier du vendeur, Pierre-Emmanuel Glaudin, n'a pas agi avec suffisamment de transparence lorsqu'il remet le test de pyrite à l'expert et à monsieur Talbot qu'après que cette inspection fut complétée.
[80] Le courtier vendeur n'a pas à juger de l'importance qu'accorderont à ce document l'éventuel acheteur et son courtier. Ce n'est pas au courtier vendeur de décider si ce document est, soit important, soit significatif ou sans conséquence pour un acheteur.
[81] Le courtier vendeur doit dénoncer toute situation susceptible d'influencer la transaction quelle que soit l'information.
[82] Tel que le rappelle d'ailleurs l'honorable Henri Richard, dans la troisième édition de son ouvrage intitulé Le courtage immobilier au Québec[1] écrit:
«[…] un courtier immobilier […] agit dans le cadre d'un contrat de courtage immobilier, il est soumis au régime de responsabilité civile générale envers les tiers prévu à l'article 1457 C.c.Q.»
[83] Il ajoute aux pages 277 et suiv. de son ouvrage:
«Quant à nous, l'immeuble visé par un contrat de courtage constitue un bien nécessaire à l'exécution du contrat («property necessary for the performance of the contract» - art. 2103 C.c.Q.). De plus, le législateur impose l'obligation suivante aux courtiers immobiliers :
84. Le courtier ou le dirigeant d'agence doit entreprendre les démarches pour découvrir, conformément aux usages et aux règles de l'art, les facteurs pouvant affecter défavorablement la partie qu'il, ou l'agence pour laquelle il agit, représente ou les parties à une transaction ou l'objet même de cette transaction.
Au surplus, le nouvel article 81 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité 1131, impose dorénavant au courtier immobilier l'obligation de recommander à un acheteur de faire effectuer une inspection complète de l'immeuble visé :
81. Le courtier ou le dirigeant d'agence doit recommander à la personne qui se propose d'acquérir un immeuble d'en faire effectuer une inspection complète par un professionnel ou un inspecteur en bâtiment qui :
1° détient une assurance responsabilité professionnelle contre les fautes, erreurs ou omissions
2° utilise une convention de service d'inspection reconnue ;
30 effectue ses inspections conformément à une norme de pratique de l'inspection en bâtiment reconnue
4° remet un rapport écrit à la partie qui utilise ses services.
Le courtier ou le dirigeant d'agence peut fournir une liste de professionnels ou d'inspecteurs en bâtiment qui respectent les exigences prévues au premier alinéa et qui contient plus d'un nom.
[…]
Un courtier engage sa responsabilité lorsqu'il représente faussement à la fiche descriptive que la toiture fait l'objet de rénovations, «se basant sur le fait que l'ancien propriétaire l'avait probablement refaite, sans pouvoir obtenir les informations et confirmations». Aussi, un courtier immobilier doit divulguer la présence de mousse d'urée formaldéhyde (MIUF), lorsqu'il en a connaissance, à un acheteur et son courtier, ou qu'il s'agit d'une «maison de marijuana» (présence d'une serre hydroponique). Il en est de même d'une infiltration d'eau connue, si petite soit-elle, et qui est spécifiquement dénoncée par le vendeur et le fait que les fondations d'un immeuble soient en bois. Dans Baribeau c. Grandmaître, la responsabilité du courtier est retenue in solidum puisqu'il commet une faute distincte en choisissant de ne pas dénoncer la situation d'infiltration d'eau par la non-diffusion du formulaire de divulgation du vendeur et son omission de compléter correctement le formulaire de promesse d'achat. La responsabilité in solidum des vendeurs, d'un courtier et d'un agent immobilier est aussi retenue lorsque la preuve démontre que l'agent omet d'attirer l'attention des acheteurs sur un rapport d'expert antérieur qui note des problèmes à la toiture, contrairement aux articles 26 et 28 des Règles de déontologie de l'Association des courtiers et agents immobiliers du Québec qui expriment «une norme élémentaire de diligence, compte tenu du rôle que les agents et courtiers en immeubles ont à jouer face au public». Ces articles sont repris aux articles 83 et 85 du Règlement sur les conditions d'exercice d'une opération de courtage, sur la déontologie des courtiers et sur la publicité.
Un courtier immobilier doit transmettre aux acheteurs les renseignements portés à sa connaissance par les vendeurs qui dénotent certains problèmes avec l'immeuble, notamment le formulaire de «divulgation du vendeur» faisant état d'un problème d'infiltration d'eau. La remise d'une déclaration du vendeur à l'inspecteur préachat des acheteurs, faisant état d'un incendie antérieur, empêche ces derniers de formuler quelque reproche au courtier-inscripteur à cet égard.
[…]
En résumé, l'agence et le courtier immobiliers demeurent soumis au régime général de la responsabilité civile. Une agence et un courtier doivent répondre des actes fautifs qu'ils commettent envers un tiers, que ces actes soient intentionnels ou non. Ils ne peuvent se réfugier derrière leur contrat de courtage pour échapper à leur responsabilité civile. C'est ce qui nous amène à présenter des illustrations de l'exécution fautive du contrat de courtage et de ses conséquences auprès des tiers.»
(Références omises)
[84] Ainsi, le Tribunal estime que le défendeur, Junior Philogène, a engagé sa responsabilité contractuelle envers Jonathan Talbot.
[85] À ce titre, la réclamation est totalement justifiée.
[86] Monsieur Pierre-Emmanuel Glaudin a, pour sa part, commis une faute en ne remettant pas le document suffisamment rapidement au demandeur et à ses représentants. À cet effet, monsieur Glaudin a commis une faute envers monsieur Philogène, puisque ce dernier n'aurait hypothétiquement pas été tenu de rembourser les dommages-intérêts de la présente réclamation, n'eut été du fait que monsieur Glaudin ait remis ce document sur la pyrite trop tardivement.
[87] À ce titre, monsieur Glaudin devra rembourser la demie des frais d'inspection préachat à monsieur Philogène.
[88] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL:
[89] ACCUEILLE la réclamation.
[90] CONDAMNE Junior Philogène à payer à Jonathan Talbot 760,40 $ plus les intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de l'assignation plus les frais judiciaires de 73,75 $.
[91] CONDAMNE Pierre-Emmanuel Glaudin à payer à Junior Philogène 308,89 $ plus les intérêts au taux légal majoré de l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 du Code civil du Québec à compter de l'assignation.
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__________________________________ DENIS LE RESTE, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
19 juin 2014 |
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[1] Henri RICHARD, Le courtage immobilier au Québec, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, p. 275
AVIS :
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