Décision

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[Texte de la décision]

Section des affaires sociales

En matière d'indemnisation

 

 

Date : 31 mars 2015

Référence neutre : 2015 QCTAQ 03475

Dossiers : SAS-M-196548-1202 / SAS-M-196550-1202 / SAS-M-196552-1202

Devant les juges administratifs :

GILLES FONTAINE

SOLANGE TARDY

 

N… N…

Partie requérante

c.

SOCIÉTÉ DE L'ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC

Partie intimée

 


DÉCISION


[1]          Par ses recours introduits au Tribunal, le requérant conteste trois décisions en révision du 20 septembre 2011, de la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), l’intimée.

[2]          L’intimée, par ses décisions, confirme les trois décisions du 1er juin 2011, portant sur :

- Dossier SAS-M-196552-1202, N... N... pour X (fille)

·        Le refus d’indemniser vu l’absence de relation entre les blessures et le fait accidentel du 8 janvier 2011;

- Dossier SAS-M-196550-1202, N... N... pour Y (fille)

·        Le refus d’indemniser vu l’absence de relation entre les blessures et le fait accidentel du 8 janvier 2011.

- Dossier SAS-M-196548-1202, N... N... pour lui-même

·        Le refus d’indemniser vu l’absence de relation entre les blessures et le fait accidentel du 8 janvier 2011;

·        La réclamation du montant des indemnités versées et des frais remboursés versés en trop en raison de l’absence de relation entre les blessures et le fait accidentel di 8 janvier 2011, soit la somme de 11 340,69 $.

[3]          À l’audience sur cette requête tenue devant le Tribunal administratif du Québec le 8 janvier 2015, le requérant était présent et non représenté. La partie intimée était représentée par Me Jocelyn Paul.

[4]          De la preuve documentaire soumise, des témoignages d’un enquêteur, d’un expert en collision, des témoins ordinaires et du requérant ainsi que des représentations des parties, le Tribunal retient les éléments pertinents suivants :

a) Témoignage de monsieur Andréa Farella

·        Le 8 janvier 2011, il était dans le stationnement du Maxi. En voyant une place libre, il recule et frappe le véhicule du requérant;

·        En sortant de son véhicule, il ne constate aucun dommage sur son véhicule, tandis que le véhicule du requérant est endommagé;

·        Il estime sa vitesse lors de l’événement à 5 km/h;

·        Le requérant et lui-même se rendront à l’intérieur du Maxi pour remplir un constat à l’amiable[1];

·        Au moment de l’incident et lorsqu’ils remplissent le constat à l’amiable, le requérant ne s’est jamais plaint d’aucune douleur ou blessure;

·        Le témoin n’a rien constaté de particulier en rapport avec des douleurs ou blessures concernant les filles du requérant;

·        Quant à lui, il n’a subi aucune blessure ni douleur, n’ayant ressenti aucun mouvement de corps particulier lors de l’impact;

·        Il n’a pas remarqué de déchirures au manteau du requérant ni de verre fumé brisé;

·        Le requérant l’a contacté à quelques reprises afin que ce dernier appelle son assurance pour leur dire qu’il était responsable de l’accident;

·        Durant ces appels, le requérant ne fait jamais mention de blessures ni de douleurs en raison de l’accident du 8 janvier 2011.

b) Témoignage de monsieur Martin Brodeur, enquêteur

·        Il est enquêteur depuis plus de 12 ans à la SAAQ;

·        Il a reçu le mandat de faire enquête sur le requérant, afin d’analyser le fait accidentel le 16 mars 2011;

·        Une filature est effectuée pour vérifier si le requérant nécessite l’usage d’une canne pour se déplacer et s’il n’utilise pas son auto pour ses déplacements. Il constate que le requérant se déplace sans canne et avec son véhicule, notamment pour aller chercher ses filles à l’école;

·        Lors de son entrevue, le requérant explique l’accident du 8 janvier 2011 en déclarant que la voiture qui était à l’arrêt a décidé de reculer rapidement au lieu de poursuivre sa route vers l’avant et qu’il a entendu alors un gros bruit;

·        Sur le choc, il aurait perdu ses lunettes soleil qui, tombés à ses pieds, ont été brisées lorsqu’il a mis le pied dessus en sortant du véhicule et son manteau se serait déchiré en levant les bras lorsqu’il a été secoué par l’arrière par le choc;

·        Il a mentionné que ses filles, présentes au moment de l’accident, ont également été blessées sous la force de l’impact.

c) Témoignage de monsieur Pierre Bellemare, expert en collision[2]

·        Il reçoit le mandat de la SAAQ de faire une reconstitution de l’accident en analysant les forces en présence et les projections probables;

·        À partir des déclarations, des lettres, de la demande d’indemnisation, des photos des véhicules impliqués et du constat amiable, il essaie de voir quelques scénarios plus plausibles;

·        Il se fait une idée en fonction des dommages minimes au Sante Fe qui sont de nature esthétique seulement tandis que ceux du Toyota sont plus apparents et bien expliqués par le devis de réparation;

·        Vu qu’un des véhicules recule à basse vitesse et que l’autre a une vitesse non déterminée, l’impact sera relativement léger d’autant que le freinage du véhicule du requérant aurait eu comme effet d’abaisser le devant de l’auto;

·        Le mouvement des passagers ne peut être que léger vers l’avant, mais non par l’arrière, et peut alors être retenu par la ceinture;

·        Si les lunettes sont portées normalement, elles ne sortent pas de leur place. Il faut un impact latéral avec une bonne vitesse pour les perdre;

·        La déchirure du manteau aurait nécessité un impact à très haute vitesse;

·        En présence d’un impact à basse vélocité, les occupants ont une projection égale à l’impact;

·        Les dommages corporels décrits ne concordent pas avec un accident dont l’impact entre les deux véhicules survient à basse vitesse, tel que décrit par le témoin, M. Farella, soit à moins de 5 km/h.

d) Témoignage de madame Y

·        Elle a vu reculer le véhicule une première fois et le 2e impact est survenu après que le requérant ait retiré sa ceinture. Elle est certaine que le véhicule a reculé deux fois dans l’auto de son père;

·        Elle était assise sur le côté passager en avant;

·        La douleur n’est pas apparue au moment de l’accident, mais elle a eu mal un peu au cou, au dos et à une cheville;

·        Elle a constaté qu’il y avait beaucoup de dommages sur l’auto de son père et pas de dommage sur l’auto de M. Farella;

·        Elle n’a pas remarqué si son père était en douleur lorsqu’il est sorti du véhicule;

·        C’est elle qui avait le téléphone cellulaire en sortant du véhicule et qui a pris des photos;

·        Ce n’est que le 10 janvier 2011 que la famille consulte leur médecin de famille qui prescrira de la physiothérapie et un médicament, mais elle n’a pas suivi le traitement vu le refus de la SAAQ;

·        Elle a pris les médicaments, puis avec quelques exercices et avec le temps, la douleur a disparu, mais elle revient encore aujourd’hui;

·        Elle est sortie après qu’ils se soient stationnés pour remplir le constat amiable;

·        Les sacs gonflables ne se sont pas activés et les filles étaient attachées;

·        Elle a vu la déchirure au manteau, mais pas sur les lieux de l’accident, seulement en arrivant à la maison. Les déchirures étaient longues de 4 à 5 pouces environ;

·        Elle est sortie de l’auto pour prendre le numéro de téléphone de M. Farella;

·        Elle ne souvient pas si sa sœur est sortie de l’auto;

·        Leur père les a toujours reconduites en voiture durant le secondaire. Il ne m’a jamais cessé de conduire son auto;

·        Pour la canne, c’est le physio qui lui a dit de l’utiliser au besoin;

·        Elle était âgée de 16 ans au moment de l’accident.

e) Témoignage de madame X

·        Elle était assise sur le siège arrière du côté conducteur;

·        L’impact était assez fort, car elle a eu de la douleur après l’accident;

·        On lui a prescrit des médicaments et un suivi en physiothérapie, le traitement a été arrêté par le refus de la SAAQ;

·        Elle ne se souvient pas quand son père a arrêté d’utiliser la canne;

·        Elle ne se souvient pas quand il a commencé le traitement

·        Ce n’est que deux jours après l’accident que les douleurs sont apparues;

·        Elle décrit avoir subi un « whiplash » et produit un document d’information sur le « whiplash »[3].

 

f) Témoignage de monsieur N... N...

·        L’accident du 8 janvier 2011 se déroule devant Maxi en après-midi, l’autre véhi-cule recule 2 fois dans sa voiture. Il retire sa ceinture après le premier impact, car il veut aller frapper l’autre conducteur, mais il reçoit alors un deuxième coup;

·        Au premier impact, le mouvement du corps n’est pas fort et il ne bouge pas beaucoup. Mais il s’est penché pour déboucler sa ceinture et il a alors été projeté par en arrière;

·        Le second impact a été plus fort que le premier;

·        Lors de l’accident, sa vitesse est à l’arrêt. Par après, il avance de 5 à 6 pieds pour sortir du stationnement, mais il arrête en raison de l’impact;

·        Son manteau s’est déchiré en voulant réparer le phare avant brisé par l’impact et non en faisant des mouvements de bras et en klaxonnant. Il change de version avec sa déclaration antérieure en disant que les questions de l’enquêteur étaient niaiseuses. Il aurait jeté le manteau à la poubelle, car il était vieux et déchiré;

·        Il porte toujours ses lunettes de soleil quand il conduit;

·        La déchirure du manteau n’est donc pas au moment de l’impact ni le bris de lunette;

·        Il va voir son médecin de famille qui lui prescrit de la physiothérapie et des médicaments. Il aura des traitements de physiothérapie;

·        Après la rencontre avec l’enquêteur, les remboursements ont été arrêtés;

·        Depuis environ 2 ans, il n’est pas allé voir son médecin;

·        Depuis l’accident, il ne peut retourner dans son métier et il est limité à des travaux légers. Avant, il travaillait comme ébéniste et briqueteur;

·        En 2011, cela faisait 10 ans qu’il ne travaillait pas, mais il avait trouvé un emploi, c’est pourquoi il l’a mentionné à la SAAQ;

g) Témoignage de monsieur Pierre Bellemare, expert en collision, en contre-preuve

·        Le « whiplash » avec un impact avec un véhicule immobilisé en angle, le mouvement sera vers l’avant et s’est le retour qui projette par l’arrière, c’est l’impact arrière qui cause le « whiplash », mais nécessite un impact plus important pour qu’il y ait un retour vers l’arrière;

·        Même s’il y deux petits impacts, cela n’équivaut pas à un gros impact. Ici, l’impact demeure léger;

·        Sans ceinture, il pourrait y avoir un mouvement plus important vers l’avant, mais sans que le conducteur se frappe sur le volant.

Argumentation

[5]          Le procureur de la SAAQ soutient que la preuve démontre un impact à très faible vélocité qui ne peut expliquer les blessures alléguées. D’ailleurs, la preuve déposée par l’expert en collision et les rapports médicaux confirment l’invraisemblance de la description de l’impact pas le requérant. Il n’y a pas de concordance entre les dommages physiques et l’accident.

[6]          La preuve du requérant est faible, invraisemblable et peu crédible, il y a beaucoup de contradictions.

[7]          De son côté, la partie requérante déclare qu’il a dit la vérité et soutient toujours que l’accident d’automobile s’est produit comme il l’a décrit et les blessures subies sont en lien avec l’accident.

[8]          Les douleurs sont apparues peu de temps après les impacts, mais elles demeurent liées à l’accident. Bien que l’enquêteur l’ait vu marcher sans sa canne, il a toujours les conseils de son physiothérapeute.

[9]          Le Tribunal doit déterminer si la SAAQ avait raison de refuser de reconnaître une relation entre des dommages corporels et l’accident du 8 janvier 2011 et de réclamer la somme de 11 340,69 $ pour des indemnités versées en trop.

Dommages physiques

[10]       Pour solutionner le présent litige, le Tribunal doit d’abord s’en remettre aux définitions d’« accident », de « préjudice corporel » et de « victime » tel que décrit aux articles 1, 2 et 6 de la Loi sur l’assurance automobile[4] qui se lisent comme suit :

« 1. Dans la présente loi, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :

« accident » : tout événement au cours duquel un préjudice est causé par une automobile;

[…] »

« 2. Dans le présent titre, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :

[…]

« préjudice corporel » : tout préjudice corporel d’ordre physique ou psychique d’une victime y compris le décès, qui lui est causé dans un accident, ainsi que les dommages aux vêtements que porte la victime;

[…] »

« 6. Est une victime, la personne qui subit un préjudice corporel dans un accident.

À moins que le contexte n’indique un sens différent, est présumée être victime, aux fins de la présente section, la personne qui a droit à une indemnité de décès lorsque le décès de la victime résulte de l’accident. »

[11]       Il découle de cette lecture que pour être reconnue comme victime et ainsi avoir droit à l’indemnisation par la SAAQ, il est nécessaire qu’un préjudice soit causé par un accident d’automobile.

[12]       Le requérant et ses filles ont-ils subi des préjudices corporels à la suite de l’accident du 8 janvier 2011? Pour le cas dont il est ici question, il s’agit essentiellement d’une question de crédibilité.

[13]       Le Tribunal rappelle que c’est le requérant qui a le fardeau de démontrer que la décision de la SAAQ est mal fondée. Il lui appartient donc de démontrer que les dommages physiques allégués sont en relation avec le fait accidentel du 8 janvier 2011.

[14]       D’une part, la preuve de l’intimée repose sur une analyse solide en matière de collision et sur le témoignage de l’autre conducteur impliqué dans l’accident qui est un témoin totalement indépendant.

[15]       D’autre part, la preuve de la partie requérante ne peut être retenue par le Tribunal, car elle est, à maints égards, invraisemblable, confuse et contradictoire notamment quant à la nature de l’impact, de l’orientation de la projection, des dommages physiques en fonction de la vélocité de l’impact et des dommages matériels tant au manteau qu’aux lunettes de soleil.

[16]       Par ces motifs, le Tribunal estime que le requérant ne s’est pas déchargé de son fardeau qui est, en l’occurrence la prépondérance des probabilités.

 


PAR CES MOTIFS, le Tribunal :

REJETTE les recours de la partie requérante;

CONFIRME la décision rendue le 20 septembre 2011;

CONFIRME le refus d’indemniser vu l’absence de relation entre les dommages physiques et le fait accidentel du 8 janvier 2011;

CONFIRME la réclamation au montant de 11 340,69 $.

 


 

GILLES FONTAINE, j.a.t.a.q.

 

 

SOLANGE TARDY, j.a.t.a.q.


 

Me Jocelyn Paul

Procureur de la partie intimée


 



[1] P. 36 du dossier.

[2] Dossier, rapport, annexe 7, p. 159-160

[3] Pièce R-3

[4] L.R.Q., c. A-25.

AVIS :
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