Décision

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Date :

X.L. c. St-Colomban (Ville de)

2012 QCCAI 346

 

Commission d’accès à l’information du Québec

Dossier :             11 11 48

Date :                   Le 14 août 2012

Membre:             Me Lina Desbiens

 

x… L…

 

Demandeur

 

c.

 

Ville de saint-colomban

 

Organisme

DÉCISION

OBJET

DEMANDE DE RÉVISION en matière d’accès en vertu de l’article 135 de la Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels[1].

[1]          Le 10 mars 2011, M. X… L… (le demandeur) s’adresse à la Ville de Saint-Colomban (la Ville) pour obtenir des informations relatives à un sondage effectué auprès de la population et un appel d’offres concernant le contrôle biologique des insectes piqueurs.

[2]          Le 24 mars 2011, la Ville répond au demandeur qu’elle ne peut donner suite à sa demande concernant le sondage puisqu’il s’agit d’un document de travail qui n’est pas accessible en vertu de l’article 9 de la Loi sur l’accès, mais elle lui transmet l’appel d’offres demandé.

[3]          Le demandeur s’adresse à la Commission d’accès à l’information (la Commission) afin qu’elle révise la décision de la Ville.

[4]          Une audience se tient à Montréal le 18 juin 2012 en présence des parties.

AUDIENCE

[5]          M. Claude Panneton, directeur général et responsable de l’accès pour la Ville, témoigne.

[6]          Il a reçu la demande d’accès. Elle concerne un sondage, effectué auprès d’environ 100 citoyens par le Service d’urbanisme de la Ville, concernant la question du contrôle des insectes piqueurs.

[7]          Le témoin explique que ce sondage a été effectué en novembre 2010, par une employée de la Ville, dans le but de faire une recommandation au conseil municipal. La sélection des participants au sondage s’est faite au hasard, à partir des fiches d’évaluation foncière. Les réponses aux questions ont été inscrites au verso de chaque fiche. Aucune méthode particulière n’a été utilisée. Il considère que les questions et les réponses du sondage constituent un document de travail ayant servi à établir les prévisions budgétaires.

[8]          Les documents en litige sont déposés sous pli confidentiel conformément à l’article 20 des Règles de preuve et de procédure de la Commission d’accès à l’information[2].

[9]          En contre-interrogatoire, le témoin précise que le sondage n’a pas été déposé à une assemblée du conseil municipal.

[10]       Le demandeur témoigne. Il explique qu’en décembre 2010, lors d’une séance du conseil municipal, il a été question d’un programme de contrôle des insectes piqueurs et il a été mentionné que le besoin avait été exprimé par des citoyens.

[11]       Par la suite, il a appris, par le journal de la Ville, qu’un sondage avait été fait auprès de la population sur cette question et il a fait une demande d’accès à ce sondage. Il dépose l’article du journal de la Ville (D-1) ainsi que différents articles concernant les sondages tenus dans d’autres municipalités concernant les insectes piqueurs. Il a trouvé ces sondages sur les sites Internet de plusieurs municipalités et veut obtenir le même document de la Ville.

ANALYSE

[12]       Le demandeur s’adresse à la Ville pour obtenir des informations concernant un sondage téléphonique effectué auprès des citoyens :

suite à la dernière assemblée municipale et à l’information donnée dans le document suivant http://st-colomban.qc. ca/pdf/Colombanois_mars_2011 pdf, il est fait mention de l’existence d’un sondage effectué auprès de la population concernant l’application du BTi pour effectuer un contrôle biologique des moustiques par la firme GDG Environnement. Je fais une demande d’accès à l’information concernant ce sondage téléphonique. Je demande, si existant:

- tous documents ayant servi à collecter les données, données incluses, et/ou

- les méthodes d’analyse appropriées et les diverses catégorisations sociales des sujets (par exemple: âge, sexe, revenu annuel, nom, adresse, etc.), et/ou

- la firme de sondages qui a effectué le travail, et/ou

- la marge d’erreur associé à l’échantillon, et/ou

- la ou les questions demandées, et/ou

- la ou les personnes qui ont effectué ce sondage et leurs compétences attitrées, et/ou

- date des appels du sondage.

[sic]

[13]       Relativement au sondage, la Ville répond :

Concernant la demande relative au sondage effectué auprès de la population concernant l’application du BTI pour effectuer un contrôle biologique des insectes piqueurs, nous vous informons, qu’il s’agit d’un sondage qui a été effectué à l’interne. Le seul et unique but de ce sondage était de connaître de façon générale la volonté ou non des citoyens de Saint-Colomban d’avoir recours au contrôle biologique des insectes piqueurs sur leur territoire.

Par conséquent, vous comprendrez qu’il s’agit d’un document de travail qui avait pour but de faire une recommandation au Conseil municipal et que ce dernier n’est pas accessible en vertu de l’article 9 de la loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels (L.R.Q., c. A-2.1).

[14]       L’article 9 de la Loi sur l’accès prévoit :

9.         Toute personne qui en fait la demande a droit d'accès aux documents d'un organisme public.

      Ce droit ne s'étend pas aux notes personnelles inscrites sur un document, ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires ou autres documents de même nature.

[15]       La Ville allègue également que les informations ont été recueillies dans le but de faire une recommandation pouvant être refusée en vertu de l’article 37 de la Loi sur l’accès qui prévoit :

37.       Un organisme public peut refuser de communiquer un avis ou une recommandation faits depuis moins de dix ans, par un de ses membres, un membre de son personnel, un membre d'un autre organisme public ou un membre du personnel de cet autre organisme, dans l'exercice de leurs fonctions.

      Il peut également refuser de communiquer un avis ou une recommandation qui lui ont été faits, à sa demande, depuis moins de dix ans, par un consultant ou par un conseiller sur une matière de sa compétence.

[16]       De son côté, le demandeur s’appuie sur le document « Exigences minimales relatives à la protection des renseignements personnels lors de sondages réalisés par un organisme public ou son mandataire », adopté par la Commission en juin 1999, pour souligner que certaines règles doivent être respectées. Toutefois, il précise qu’il ne veut pas de renseignements personnels.

[17]       La Commission a pris connaissance des documents déposés sous pli confidentiel. Ils sont de trois types :

1)    Cent fiches d’évaluation municipale comprenant l’identification de l’immeuble et du propriétaire et les détails de l’évaluation foncière. Les réponses aux questions du sondage sont inscrites à l’endos des fiches;

2)    Le document utilisé par la personne ayant effectué le sondage et contenant la présentation et les questions du sondage;

3)   La compilation des résultats.

[18]       Les fiches d’évaluation municipale contiennent des renseignements personnels confidentiels. Les réponses au sondage inscrites au dos de celles-ci constituent également des renseignements personnels protégés par les articles 53 , 54 et 56 de la Loi sur l’accès :

53.       Les renseignements personnels sont confidentiels sauf dans les cas suivants:

 1° la personne concernée par ces renseignements consent à leur divulgation; si cette personne est mineure, le consentement peut également être donné par le titulaire de l'autorité parentale;

 2° ils portent sur un renseignement obtenu par un organisme public dans l'exercice d'une fonction juridictionnelle; ils demeurent cependant confidentiels si l'organisme les a obtenus alors qu'il siégeait à huis-clos ou s'ils sont visés par une ordonnance de non-divulgation, de non-publication ou de non-diffusion.

54.       Dans un document, sont personnels les renseignements qui concernent une personne physique et permettent de l'identifier.

55.       Un renseignement personnel qui a un caractère public en vertu de la loi n'est pas soumis aux règles de protection des renseignements personnels prévues par le présent chapitre.

      Cependant, un organisme public qui détient un fichier de tels renseignements peut en refuser l'accès, en tout ou en partie, ou n'en permettre que la consultation sur place si le responsable a des motifs raisonnables de croire que les renseignements seront utilisés à des fins illégitimes.

56.       Le nom d'une personne physique n'est pas un renseignement personnel, sauf lorsqu'il est mentionné avec un autre renseignement la concernant ou lorsque sa seule mention révélerait un renseignement personnel concernant cette personne.

[19]       Par conséquent, les fiches d’évaluation municipale ayant servi à sélectionner les participants et les réponses au sondage inscrites sur ces fiches sont confidentielles et ne peuvent être communiquées au demandeur.

[20]       Quant au document ayant servi à effectuer le sondage et à la compilation des résultats de celui-ci, la Ville invoque, d’une part, qu’il s’agit d’un document de travail au sens de l’article 9 al. 2 de la Loi sur l’accès et, d’autre part, qu’il contient des informations recueillies dans le but de faire des recommandations protégées par l’article 37 de la Loi sur l’accès.

[21]       L’article 9 al. 2 de la Loi sur l’accès prévoit que le droit d’accès aux documents administratifs ne s’étend pas aux notes personnelles ni aux esquisses, ébauches, brouillons, notes préparatoires et autres documents de même nature.

[22]       Cette disposition implique une restriction au droit d’accès qui vise la forme et le contenu du document. Le fait qu’un document soit considéré comme un document de travail par l’organisme n’en fait pas pour autant un document inachevé. En l’espèce, le sondage et ses résultats ont été utilisés par la Ville dans le cadre de l’exercice de ses fonctions.

[23]       Il ressort de la preuve que le directeur du Service de l’urbanisme a procédé à un sondage avant que la Ville adopte un programme de contrôle biologique des insectes piqueurs. C’est d’ailleurs de cette manière que la Ville présente son projet dans son journal local :

C’est donc dans ce contexte que la Ville de Saint-Colomban s’est doté d’un programme de contrôle biologique des insectes piqueurs de manière à diminuer la nuisance en toute sécurité et à un niveau suffisant de réduction qui sera apprécié par la population. En effet, la présence des insectes piqueurs au cours de l’été amène un désagrément qui diminue la qualité des activités extérieures. Dans un récent sondage auprès de la population, dont la majorité s’est prononcée en faveur du présent programme, il apparaît que le contrôle biologique des moustiques et mouches noires piqueurs avec un objectif de réduction de la nuisance d’au moins 80 %, en situation normale, amènerait le niveau de soulagement recherché.

[24]       L’argument fondé sur le second alinéa de l’article 9 de la Loi sur l’accès ne peut être retenu. Le sondage a été utilisé par les membres d’un comité de la Ville pour prendre une décision relativement à leur programme. Il s’agit donc d’un document achevé, contenant des informations complètes pouvant être utilisées dans le cadre d’un processus décisionnel.

[25]       Par ailleurs, la Ville s’appuie sur la décision Deslauriers c. Sous-ministre de la Santé et des Services sociaux[3] pour refuser l’accès au sondage au motif que le document a été créé dans le but de faire une recommandation.

[26]       Le sondage en soi ne constitue pas un avis ou une recommandation au sens de l’article 37 de la Loi sur l’accès. Les résultats d’un sondage contiennent l’opinion des personnes consultées. La recommandation peut découler d’un sondage, mais le sondage lui-même n’équivaut toutefois pas à une recommandation.

[27]       La décision Deslauriers ne trouve pas application en l’espèce.

[28]       Par conséquent, le document contenant la méthodologie du sondage utilisé par l’employée de la Ville l’ayant effectué et le document contenant les résultats du sondage sont accessibles au demandeur.

[29]       Toutefois, les fiches d’évaluation municipale ayant servi à sélectionner les participants et les réponses qui y sont inscrites sont confidentielles.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION :

[30]       ACCUEILLE en partie la demande de révision.

[31]       ORDONNE à la Ville de communiquer au demandeur, dans les 30 jours de la réception de la présente décision, le document contenant la méthodologie du sondage, utilisé par l’employée de la Ville l’ayant effectué.

[32]       ORDONNE à la Ville de communiquer au demandeur, dans les 30 jours de la réception de la présente décision, le document contenant les résultats du sondage.

[33]       REJETTE quant au reste la demande de révision.

LINA DESBIENS
Juge administratif

Dunton Rainville

(Me Andréanne Lavoie)

Avocats de l’organisme



[1]     L.R.Q., c. A-2.1, la Loi sur l’accès.

[2]     (1984) 116 G.O. II, 4648.

[3]     [1991] C.A.I. 311 (C.Q.), Deslauriers.

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