Fédération des producteurs acéricoles du Québec et Grenier |
2016 QCRMAAQ 233 |
RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC
Dossier : 141-07-11-208
Décision : 11145
Date : 13 décembre 2016
Président : Gaétan Busque
Régisseurs : Daniel Diorio
André Rivet
FÉDÉRATION DES PRODUCTEURS ACÉRICOLES DU QUÉBEC
Organisme demandeur
Et
DENIS GRENIER
Intimé
Et
PROCUREURE GÉNÉRALE DU QUÉBEC
Mis en cause
DÉCISION
[1] La Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec (la Régie) reçoit de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec (la Fédération), le 28 février 2014, une demande de faire enquête et d’émettre des ordonnances à l’endroit de Denis Grenier (Grenier) en vertu des articles 43 et 163 et suivants.
[2] Les conclusions recherchées sont les suivantes :
ACCUEILLIR la présente requête;
TENIR une enquête portant sur les produits de l’érable produits et mis en marché par l’intimé lors des années de commercialisation 2011 à 2013, dans le cadre de l’audition de la présente requête, en vertu des articles 163 et 165 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche, sauf et à distraire sur les barils de sirop d’érable transigés par l’intimé avec S.K. Export et faisant l’objet d’un sursis par les autorités policières lors de la perquisition en septembre 2012;
À CET ÉGARD, CONVOQUER Denis Grenier […]
CONSTATER le défaut de l’intimé de respecter toutes et chacune des obligations qui lui incombent en vertu de toute la règlementation visant la production et la mise en marché de sirop d’érable au Québec lors des années de commercialisation 2011 à 2013, en l’occurrence le défaut de payer à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec toutes les contributions exigibles sur le sirop d’érable mis en marché par l’intimé, le défaut de faire classer et inspecter tout le sirop d’érable mis en marché en grands contenants, le défaut de mettre en marché le sirop d’érable en grands contenants par le biais de l’agence de vente des producteurs acéricoles du Québec, ainsi que la mise en marché de sirop d’érable sans contingent à cet effet;
ORDONNER à l’intimé de ne pas à l’avenir produire et mettre en marché du produit visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec, R.R.Q., c. M-35.1, r. 19 :
- sans avoir de contingent valide à cet effet conformément au Règlement sur le contingentement de la production et la mise en marché du produit visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec, R.R.Q., c. M-35.1, r. 9;
- sans le faire dûment classer et inspecter conformément au Règlement des producteurs acéricoles sur les normes de qualité et de classement, R.R.Q., c. M-35.1, r. 18;
- autrement que par le biais de l’agence de vente des producteurs acéricoles du Québec, conformément au Règlement sur l’agence de vente des producteurs acéricoles du Québec, R.R.Q., c. M-35.1, r. 7;
ORDONNER à l’intimé de payer à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec la somme de 2 375,52 $, à parfaire, représentant les contributions impayées pour les récoltes 2011 à 2013 plus les taxes applicables et plus les intérêts au taux légal, majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de l’exigibilité des sommes précitées;
RÉSERVER à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec le droit de réclamer de l’intimé les contributions à payer eu égard à tout défaut de payer les contributions exigibles en vertu des règlements sur les contributions pour les récoltes 2011 à 2013, plus les taxes applicables et plus les intérêts au taux légal, majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de l’exigibilité des contributions;
ORDONNER à l’intimé de payer à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec les dommages-intérêts liquidés applicables considérant son défaut de faire classer et inspecter et de livrer à l’agence de vente des producteurs acéricoles le sirop d’érable produit lors des récoltes 2011 à 2013, que la Fédération estime, sauf et à parfaire, à la somme de 15 836,80 $, plus les intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de l’assignation;
RÉSERVER à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec le droit de réclamer de l’intimé les dommages-intérêts applicables eu égard à tout défaut de faire classer et inspecter et de livrer à l’agence de vente des producteurs acéricoles le sirop d’érable produit lors des années de récolte 2011 à 2013, plus les intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de l’assignation;
ORDONNER à l’intimé de payer à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec la pénalité applicable en vertu de l’article 22 du Règlement sur le contingentement de la production et de la mise en marché du produit visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec, R.R.Q., c. M-35.1, r. 9, pour le sirop d’érable mis en marché sans détenir de contingent lors des récoltes 2011 à 2013 que la Fédération estime, sauf à parfaire, à la somme de 23 755,20 $ plus les intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de l’assignation;
RÉSERVER à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec le droit de réclamer de l’intimé la pénalité applicable en vertu de l’article 22 du Règlement sur le contingentement de la production et de la mise en marché du produit visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec, R.R.Q., c. M-35.1, r. 9, eu égard à tout sirop d’érable mis en marché sans détenir de contingent lors des récoltes 2011 à 2013 plus les intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter de l’assignation;
RÉSERVER à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec tous ses autres droits et recours, y compris celui d’amender les présentes procédures, le cas échéant.
[3] La Fédération amende sa demande le 4 juillet 2014 afin que celle-ci vise également l’année de commercialisation 2014.
[4] Cette demande est à nouveau amendée, lors de la séance publique du 5 novembre 2014, pour retirer, des paragraphes 37, 39 et 40, la mention « sauf à distraire les barils de sirop d’érable transigés par l’intimé avec S.K. Export et faisant l’objet d’une saisie par les autorités policières lors de la perquisition en septembre 2012 ».
[5] Le 30 juillet 2014, Me Hans Mercier, procureur de Grenier, présente un avis d’intention selon l’article 95 du Code de procédure civile[1] (C.p.c.). Dans cet avis, Grenier plaide que la Régie ne dispose pas de l’indépendance et de l’impartialité institutionnelle suffisante pour offrir les garanties requises par la Charte des droits et libertés de la personne[2] (Charte québécoise). D’une part, l’article 20 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche[3] (la Loi), qui accorde au gouvernement un pouvoir de réviser les décisions de la Régie, est incompatible avec les articles 23 et 52 de la Charte québécoise et, d’autre part, la Régie est partie non seulement de la sphère exécutive et judiciaire, mais également de la sphère législative, puisqu’elle adopte de la réglementation, homologue des conventions ou les décrète par sentences arbitrales et approuve la réglementation proposée par les offices de producteurs, et de ce fait, elle n’offre pas les garanties requises par l’article 23 de la Charte québécoise. Il plaide enfin qu’il est producteur-exportateur dont l’entièreté de sa production a été commercialisée sur le marché interprovincial et que ni la Fédération ni la Régie n’a juridiction sur ce marché.
[6] Le 8 juin 2015, Me Hans Mercier informe la Régie qu’il cesse d’occuper dans le présent dossier.
[7] Le 9 juillet 2015, Me Paule Lafontaine comparaît pour Grenier et dépose, le 21 septembre, un nouvel avis d’intention selon l’article 95 du C.p.c. remplaçant le précédent avis d’intention dans ce dossier. Ce nouvel avis d’intention reprend les éléments plaidés dans l’avis d’intention du 30 juillet 2014 auxquels s’ajoute l’intention de Grenier de faire déclarer incompatible l’article 22 du Règlement sur le contingentement de la production et de la mise en marché du produit visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec[4] (Règlement sur le contingentement), avec les articles 7, 11 d), 11 i) et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés[5] (Charte canadienne) et avec les articles 1, 6 et 8 de la Charte québécoise. Il invoque aussi que le syndicalisme agricole unique contrevient à sa liberté d’association, droit protégé par l’article 3 de la Charte québécoise et est, par conséquent, invalide constitutionnellement.
[8] Lors de la conférence de gestion, tenue le 27 janvier 2016, Me Lafontaine indique que la question de l’indépendance et de l’impartialité institutionnelle de la Régie soulevée dans les avis d’intentions du 30 juillet 2014 et dans l’avis d’intention amendé du 18 septembre 2015 ne sera pas plaidée. Conformément à son engagement, elle transmet à la Régie, le 12 février 2016, un nouvel Avis d’intention selon l’article 95 du C.p.c. réamendé (l’Avis d’intention) qui remplace les avis précédents. La question relative au syndicalisme agricole est aussi retirée de sorte que les seules questions retenues dans l’Avis d’intention sont celles de la compétence de la Fédération et de la Régie sur la production de sirop d’érable commercialisée sur le marché interprovincial et l’incompatibilité de l’article 22 du Règlement sur le contingentement avec les articles 7, 11 d), 11 i) et 12 de la Charte canadienne et avec les articles 1, 6 et 8 de la Charte québécoise.
[9] Le 24 février 2016, lors de la séance publique, Grenier indique que la question de l’incompatibilité de l’article 22 du Règlement sur le contingentement avec l’article 8 de la Charte québécoise n’est plus pertinente.
[10] La Régie tient des séances publiques le 5 novembre 2014, le 17 mars 2015 et le 24 février 2016 pour entendre les personnes intéressées.
[11] La Fédération est représentée par Me Mathieu Turcotte. M. Mathieu Audy, agent de mise en marché à la Fédération, est présent.
[12] Grenier est représenté par Me Hans Mercier lors des séances des 5 novembre 2014 et 17 mars 2015. Me Paule Lafontaine le représente à la séance du 24 février 2016. M. Denis Grenier est présent à toutes les séances.
[13] Me Annie Dumont représente la Procureure générale du Québec (la Procureure).
[14] Les articles 5, 26, 43 et 163 de la Loi s’appliquent dans le présent dossier :
5. La Régie a pour fonctions de favoriser une mise en marché efficace et ordonnée des produits agricoles et alimentaires, le développement de relations harmonieuses entre les différents intervenants, la résolution des difficultés qui surviennent dans le cadre de la production et la mise en marché de ces produits en tenant compte des intérêts des consommateurs et de la protection de l'intérêt public.
La Régie exerce les mêmes fonctions dans le cadre de la mise en marché des produits de la pêche.
26. La Régie peut résoudre les différends qui surviennent dans le cadre de l'application d'un plan conjoint ou du fonctionnement d'une chambre de coordination et de développement.
43. La Régie peut, de son propre chef ou à la demande d'une personne intéressée, ordonner à un office ou à une personne engagée dans la production ou la mise en marché d'un produit visé par un plan, d'accomplir ou de ne pas accomplir un acte déterminé si elle constate que l'omission ou l'action risque d'entraver l'application de ce plan, d'un règlement, d'une convention homologuée ou d'une sentence arbitrale.
La Régie peut aussi décider de l'exigibilité d'une somme d'argent en application d'un plan, d'un règlement, d'une convention homologuée, d'une sentence arbitrale qui en tient lieu ou d'une décision qui tient lieu de sentence arbitrale et en ordonner le paiement.
Toute décision prise par la Régie en application des premier et deuxième alinéas peut être homologuée par la Cour supérieure sur requête de la Régie ou d'une personne intéressée et devient, après homologation, exécutoire comme un jugement de cette cour.
163. La Régie peut, elle-même ou par l'intermédiaire de toute personne qu'elle autorise, faire des enquêtes sur toute matière relative à la production et à la mise en marché d'un produit agricole et requérir d'un office ou de toute personne ou société des renseignements sur une matière faisant l'objet de la présente loi.
[15] L’intimé invoque également les articles 193, 199 et 201 de la Loi :
193. Quiconque contrevient à l’un des articles 67, 147, 150, 170, 189, 191.0.6 ou enfreint une disposition d’un plan, d’un règlement pris en application des articles 92, 97, 98, 123, 124, 133, 154, 155 et 164, d’une disposition d’un règlement de la Régie dont la violation constitue une infraction, d’une convention homologuée ou d’une sentence arbitrale commet une infraction et est passible:
1° pour une première infraction, d’une amende d’au moins 350 $ et d’au plus 2 000 $ dans le cas d’une personne physique ou d’au moins 800 $ et d’au plus 4 000 $ dans le cas d’une personne morale;
2° pour toute récidive, d’une amende d’au moins 650 $ et d’au plus 6 000 $ dans le cas d’une personne physique ou d’au moins 1 400 $ et d’au plus 13 000 $ dans le cas d’une personne morale.
199. Lorsqu’une personne morale commet une infraction punissable de la peine prévue aux articles 193, 194, 195 et 201, tout administrateur ou dirigeant de cette personne morale qui a prescrit ou autorisé l’accomplissement de l’infraction ou qui y a consenti, est réputé avoir participé à l’infraction et est passible de la même peine que celle prévue pour une personne morale, que la personne morale ait ou non été poursuivie ou déclarée coupable.
201. Pour toute infraction à l’article 94, le tribunal peut imposer une amende établie en tenant compte du préjudice économique causé par l’infraction à l’ensemble ou à une catégorie de producteurs et des avantages et revenus tirés par la personne déclarée coupable de l’infraction.
[16] L’article 95 du C.p.c. prévoit ce qui suit :
95. Sauf si le procureur général a reçu préalablement un avis conformément au présent article, une disposition d'une loi du Québec ou du Canada, d'un règlement adopté en vertu d'une telle loi, d'un décret, arrêté en conseil ou proclamation du lieutenant-gouverneur, du gouverneur général, du gouvernement du Québec ou du gouverneur général en conseil ne peut être déclarée inapplicable constitutionnellement, invalide ou inopérante, y compris en regard de la Charte canadienne des droits et libertés (Partie I de l'annexe B de la Loi sur le Canada, chapitre 11 du recueil des lois du Parlement du Royaume-Uni pour l'année 1982) ou de la Charte des droits et libertés de la personne (chapitre C-12), par un tribunal du Québec.
Un tel avis est également exigé lorsqu'une personne demande, à l'encontre de l'État ou de l'Administration publique, une réparation fondée sur la violation ou la négation de ses droits et libertés fondamentaux prévus par la Charte des droits et libertés de la personne ou par la Charte canadienne des droits et libertés.
L'avis doit, de façon précise, énoncer la prétention et exposer les moyens sur lesquels elle est basée. Il est accompagné d'une copie des actes de procédure et est signifié par celui qui entend soulever la question au moins 30 jours avant la date de l'audition. Seul le procureur général peut renoncer à ce délai.
Le tribunal ne peut statuer sur aucune demande sans que l'avis ait été valablement donné, et il ne peut se prononcer que sur les moyens qui y sont exposés.
Les avis prévus au présent article sont également signifiés au procureur général du Canada lorsque la disposition concernée ressortit à la compétence fédérale; de même, ils sont signifiés au directeur des poursuites criminelles et pénales si la disposition concerne une matière criminelle ou pénale.
[17] Depuis la signification de l’Avis d’intention, l’article 95 du C.p.c. a été modifié et correspond désormais aux articles 76 et 77 du nouveau Code de procédure civile[6] :
76. Dans une affaire civile, administrative, pénale ou criminelle, la personne qui entend mettre en question le caractère opérant, l’applicabilité constitutionnelle ou la validité d’une disposition d’une loi du Québec ou du Canada, de tout règlement pris sous leur autorité, d’un décret gouvernemental ou d’un arrêté ministériel ou de toute autre règle de droit doit en aviser le procureur général du Québec.
Elle est aussi tenue de le faire lorsqu’elle demande, à l’encontre de l’État, de l’un de ses organismes ou d’une personne morale de droit public, une réparation fondée sur la violation ou la négation de ses droits et libertés fondamentaux prévus par la Charte des droits et libertés de la personne (chapitre C-12) ou la Charte canadienne des droits et libertés (Partie I de l’annexe B de la Loi sur le Canada, chapitre 11 du recueil des lois du Parlement du Royaume-Uni pour l’année 1982).
Elle est enfin tenue de le faire lorsque, dans une instance, elle met en question la navigabilité ou la flottabilité d’un lac ou d’un cours d’eau ou le droit de propriété du lit ou des rives.
Il ne peut être statué sur aucune de ces demandes sans que cet avis ait été valablement donné et le tribunal ne peut se prononcer que sur les moyens qui y sont exposés.
77. L’avis au procureur général doit, pour être valablement donné, exposer de manière précise les prétentions que la personne entend faire valoir et les moyens qui les justifient et être signifié au procureur général par huissier aussitôt que possible dans l’instance, mais au plus tard 30 jours avant la mise en état de l’affaire en matière civile ou, dans les autres matières, 30 jours avant l’instruction; il doit également être accompagné de tous les actes de procédure déjà versés au dossier. Le procureur général devient alors, sans formalités, partie à l’instance et, s’il y a lieu, il peut soumettre ses conclusions sur lesquelles le tribunal doit se prononcer.
Le procureur général peut seul renoncer au délai prévu.
L’avis au procureur général doit également être signifié au procureur général du Canada lorsque la règle de droit ou la disposition concernée ressortit à la compétence fédérale; de même, il est notifié au directeur des poursuites criminelles et pénales si la règle ou la disposition concerne une matière criminelle ou pénale. Sauf si le procureur général a reçu préalablement un avis conformément au présent article, une disposition d'une loi du Québec ou du Canada, d'un règlement adopté en vertu d'une telle loi, d'un décret, arrêté en conseil ou proclamation du lieutenant-gouverneur, du gouverneur général, du gouvernement du Québec ou du gouverneur général en conseil ne peut être déclarée inapplicable constitutionnellement, invalide ou inopérante, y compris en regard de la Charte canadienne des droits et libertés (Partie I de l'annexe B de la Loi sur le Canada, chapitre 11 du recueil des lois du Parlement du Royaume-Uni pour l'année 1982) ou de la Charte des droits et libertés de la personne (chapitre C-12), par un tribunal du Québec.
Un tel avis est également exigé lorsqu'une personne demande, à l'encontre de l'État ou de l'Administration publique, une réparation fondée sur la violation ou la négation de ses droits et libertés fondamentaux prévus par la Charte des droits et libertés de la personne ou par la Charte canadienne des droits et libertés.
L'avis doit, de façon précise, énoncer la prétention et exposer les moyens sur lesquels elle est basée. Il est accompagné d'une copie des actes de procédure et est signifié par celui qui entend soulever la question au moins 30 jours avant la date de l'audition. Seul le procureur général peut renoncer à ce délai.
Le tribunal ne peut statuer sur aucune demande sans que l'avis ait été valablement donné, et il ne peut se prononcer que sur les moyens qui y sont exposés.
Les avis prévus au présent article sont également signifiés au procureur général du Canada lorsque la disposition concernée ressortit à la compétence fédérale; de même, ils sont signifiés au directeur des poursuites criminelles et pénales si la disposition concerne une matière criminelle ou pénale.
[18] Les articles 7, 11 d), 11 i) et 12 de la Charte canadienne sont invoqués dans la présente demande :
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.
11. Tout inculpé a le droit :
d) d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable;
i) de bénéficier de la peine la moins sévère, lorsque la peine qui sanctionne l’infraction dont il est déclaré coupable est modifiée entre le moment de la perpétration de l’infraction et celui de la sentence.
12. Chacun a droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités.
[19] Également, les articles 1 et 6 de la Charte québécoise sont soulignés :
1. Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu’à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté de sa personne.
Il possède également la personnalité juridique.
6. Toute personne a droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, sauf dans la mesure prévue par la loi.
[20] Les articles 3 et 4 du Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec[7] (le Plan conjoint) trouvent application :
3. Le Plan conjoint vise l'eau d'érable, le concentré d'eau d'érable et le sirop d'érable produits au Québec; il ne s'applique cependant pas au sirop d'érable produit dans l'érablière d'un producteur et vendu par ce producteur directement au consommateur.
4. Le Plan conjoint vise toute personne :
1° propriétaire, locataire ou possesseur d'une érablière qui produit ou fait produire le produit visé;
2° qui transforme l'eau d'érable ou le concentré d'eau d'érable en sirop ou en sucre;
pour son compte ou celui d'autrui et qui le vend, l'offre en vente ou le livre à un transformateur, à un grossiste, à un commerçant ou à tout autre intermédiaire.
[21] Les articles 1 à 4 du Règlement sur l’agence de vente des producteurs acéricoles[8] trouvent application :
1. Le présent règlement s’applique au produit visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec (chapitre M-35.1, r. 19) et mis en marché en contenants de plus de 5 litres ou de plus de 5 kg.
2. Le produit visé doit être mis en marché par la Fédération des producteurs acéricoles du Québec, qui est l’agent de vente exclusif des producteurs, conformément aux dispositions du présent règlement et d’une convention homologuée ou d’une sentence arbitrale en tenant lieu.
3. Le producteur visé par le plan ne peut mettre le produit visé en marché autrement que par l’entremise de la Fédération.
4. Le producteur doit mettre à la disposition de la Fédération tout le produit visé qu’il produit et destine à la vente.
[22] Les articles 2 et 3 du Règlement des producteurs acéricoles sur les normes de qualité et de classement[9] trouvent application :
2. Le présent règlement s’applique au sirop d’érable visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec (chapitre M-35.1, r. 19) et mis en marché en contenant de plus de 5 litres ou de plus de 5 kg.
3. Avant de mettre en marché le produit visé par le présent règlement, un producteur doit en faire vérifier la qualité et le faire classer conformément aux dispositions du présent règlement.
On entend par «producteur», une personne visée par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec (chapitre M-35.1, r. 19).
[23] Les articles 1, 2, 3 et 22 du Règlement sur le contingentement trouvent application :
1. Le présent règlement détermine les modalités du contingentement de la production et de la mise en marché du produit visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec (chapitre M-35.1, r. 19).
2. Toute personne qui produit et met en marché le produit visé par le Plan doit être titulaire d'un contingent délivré par la Fédération des producteurs acéricoles du Québec conformément aux dispositions du présent règlement.
3. Le présent règlement ne s'applique pas aux ventes de contenants de moins de 5 litres ou de moins de 5 kg faites directement à un consommateur par un producteur, de produits de l'érablière qu'il exploite et qu'il a lui-même mis en contenants.
On entend par « érablière », le fond de terre supportant les érables et les biens servant à l'exploitation de ces érables et à la production du produit visé.
22. Le producteur doit payer à la Fédération une pénalité de 2,65 $ le kg du produit visé qu'il met en marché en contravention des dispositions du présent règlement. Cette pénalité est utilisée pour financer des programmes de développement des marchés.
[24] Les règlements pris par la Fédération et imposant des contributions aux producteurs visés par le Plan conjoint s’appliquent à la présente demande :
- le Règlement des producteurs acéricoles sur la contribution pour l’application du Plan conjoint[10];
- le Règlement imposant aux producteurs acéricoles une contribution spéciale pour fin de contrôle de la qualité[11];
- le Règlement imposant aux producteurs acéricoles une contribution spéciale pour fin de développement des marchés[12];
- le Règlement des producteurs acéricoles sur la contribution spéciale pour l’établissement d’un fonds pour la gestion des surplus de production[13].
[25] Les contributions exigibles et payables à la Fédération en vertu de ces règlements totalisent 0,12 $ la livre de sirop d’érable livré ou vendu de 2011 à 2014.
[26] Les lois fédérales sur lesquelles Grenier base son argumentation sont :
- Loi sur la commercialisation des produits agricoles[14];
- Loi sur les produits agricoles au Canada[15].
[27] Les règlements pris sous l’autorité de la Loi sur la commercialisation des produits agricoles sont :
- Décret sur l’eau d’érable et le sirop d’érable du Québec[16], et
- Ordonnance sur les taxes à payer par les producteurs de sirop d’érable du Québec[17] (commerce interprovincial et international).
[28] Le règlement pris sous l’autorité de la Loi sur les produits agricoles au Canada est :
- Règlement sur les produits de l’érable[18].
[29] L’article 11.02 de la Convention de mise en marché du sirop d’érable pour les années 2011 et 2012, homologuée par la Régie, et repris sans modification dans la Convention de mise en marché du sirop d’érable pour les années 2013-2014, décrétée partiellement par décision arbitrale, est visé par la présente demande :
11.02 Tout Producteur qui livre ou qui vend le Produit en Baril sans s’assurer qu’il soit classé et la qualité vérifiée par l’Agent exclusif ou qui livre ou qui vend le Produit en Baril à un Acheteur, en contravention des dispositions du Règlement ou de la Convention, reconnaît expressément que son action ou omission cause des dommages à l’ensemble de l’industrie et reconnaît de plus expressément que ces dommages sont liquidés en vertu de la présente Convention aux sommes suivantes : 0,80$ sur chaque livre de Produit en Baril livré ou vendu s’il s’agit de sa première infraction et 0,90$ sur chaque livre de Produit en Baril en cas de récidive.
[30] Grenier, dans son témoignage, reconnaît produire du sirop d’érable. Il admet qu’il a vendu son sirop d’érable en barils de 32 gallons, qu’il n’a pas mis en marché de sirop en petits contenants directement aux consommateurs, à des détaillants ou autres intermédiaires, et qu’il ne détenait pas de contingent émis par la Fédération lors des années 2011 à 2014.
[31] Il est également admis par Grenier que, pour chacune des années 2011 à 2014, toute sa production a été vendue à un acheteur situé à l’extérieur du Québec, soit à S.K. Export inc. du Nouveau-Brunswick. Les négociations du prix du sirop sont intervenues lors de conversations téléphoniques alors que Grenier était à son domicile. S.K. Export inc. s’est chargée de venir ramasser les barils de sirop d’érable de Grenier. Celui-ci a payé des frais de transport de 0,05 $ la livre de sirop d’érable ainsi vendu.
[32] Par son témoignage, Angèle Grenier confirme que le sirop d’érable vendu par Denis Grenier, son frère, a été ramassé par un transporteur pour être livré au Nouveau-Brunswick lors de chacune des années 2011 à 2014.
[33] Grenier témoigne des quantités de sirop d’érable produites et mises en marché au cours des années de commercialisation visées par la demande et dépose des preuves documentaires à cette fin. La Fédération accepte ce témoignage et établit, sur ces quantités, la réclamation comme suit :
ANNÉE |
NOMBRE DE LIVRES VENDUES |
CONTRIBUTIONS (0,12 $/lb) |
TAXES SUR CONTRIBUTIONS ($) |
DOMMAGES LIQUIDÉS (0,88 $/lb) |
PÉNALITÉS CONTINGENTEMENT (2,55 $/kg) |
TOTAL ($) |
2011 |
4 338 |
520,56 |
77,95 |
3 470,40 |
5 205,60 |
9 274,51 |
2012 |
4 133 |
495,96 |
74,27 |
3 306,40 |
4 959,60 |
8 836,23 |
2013 |
11 043 |
1325,16 |
198,44 |
8 834,40 |
13 251,60 |
23 609,60 |
2014 |
8 274 |
992,88 |
148,68 |
6 619,20 |
9 928,80 |
17 689,56 |
TOTAL |
27 788 |
3334,56 |
499,35 |
22 230,40 |
33 345,60 |
59 409,91 |
[34] Grenier prétend que la réclamation de la Fédération relative au sirop d’érable qu’il a mis en marché en 2011 est prescrite.
[35] Il souligne aussi que ce sirop a été produit et mis en marché alors que la Régie n’avait pas compétence pour ordonner le paiement d’une somme d’argent, la Loi modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche[19] (Loi 28), qui lui a accordé ce pouvoir, n’étant entrée en vigueur que le 30 novembre 2011.
[36] Le procureur de Grenier a versé au présent dossier le contexte factuel, l’argumentaire et l’argumentation en droit qui ont été logés dans le dossier d’Angèle Grenier[20] relativement à la compétence de la Fédération et de la Régie sur le commerce hors Québec. Ces éléments se retrouvent aux paragraphes 87 à 124 de la Décision 10001 du 12 mars 2013 de la Régie qui sont repris ci-dessous :
[87] Essentiellement, Angèle Grenier fait valoir que la Fédération a le fardeau de la preuve, que le Fédéral n’a pas délégué de pouvoir à la Fédération et à la Régie pour réglementer le commerce interprovincial et international, que le Fédéral occupe son champ de juridiction sur ce commerce et que la réglementation québécoise est en contradiction avec celle du Fédéral.
[88] Quant à la notion d’empiètement accessoire, elle doit être écartée du fait que 85 % du sirop d’érable produit au Québec est commercialisé, sous une forme ou une autre, sur les marchés d’exportation.
Fardeau de preuve
[89] Angèle Grenier soutient avoir fait la preuve que son érablière est un établissement fédéral. Elle a déposé des «Certificats d’agrément» émis à son nom par l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) pour les années 2004 à 2011. Celui de 2004 fait notamment état que l’établissement d’Angèle Grenier est agréé auprès du gouvernement fédéral en vue d’une exploitation conforme au Règlement sur les produits de l’érable.
[90] Cette preuve opère renversement du fardeau de preuve. Les autorités provinciales, ici la Régie et la Fédération, doivent justifier leur intervention sur un établissement fédéral et démontrer l’application de la théorie du double aspect.
[91] Le fait que l’acheteur assume le transport ou qu’il prenne possession du produit sur les lieux de production au Québec n’enlève pas le caractère interprovincial. Du moment que le produit traverse la frontière, sans être transformé et que l’acheteur est situé hors Québec, il s’agit de commerce interprovincial.
Questions posées
[92] Angèle Grenier pose les questions suivantes:
1. Est-ce que la Régie et la Fédération ont une juridiction sur ces transactions et sur les individus qui les ont effectuées?
2. Est-ce que la Loi ou la réglementation applicable au Québec en matière acéricole peut prétendre à une portée extra-territoriale que ce soit par l’effet du décret fédéral, du principe de pouvoir ancillaire par un effet accessoire ou autrement?
3. Si cette réglementation s’applique, dans quelle mesure s’applique-t-elle compte tenu des contradictions avec la législation fédérale en place ou l’absence de celle-ci?
Test du caractère véritable de la réglementation provinciale et mode d’analyse
[93] Angèle Grenier reconnaît que le test du caractère véritable de la Loi et de la réglementation provinciale trouve application. Par ailleurs, elle estime que ce n’est pas parce que la Loi a déjà passé ce test que toute réglementation qui en découle est automatiquement valide. Le test doit s’appliquer à chaque élément de la réglementation.
[94] Angèle Grenier suggère à la Régie le mode d’analyse qui suit:
Donc, pour chaque règlement et point par point, la Régie devrait d’abord se demander si cette partie de la délégation est incluse dans l’interprétation qu’on fait du décret et, si tel est le cas, à savoir si celle-ci est constitutionnelle. Dans le cas contraire, la Régie doit alors se demander si le règlement en tant que tel est constitutionnel et, si tel est le cas, s’il peut prévoir un quelconque pouvoir ancillaire en l’absence du décret. Finalement, si tel est le cas, la Régie doit alors passer à l’analyse des doctrines d’immunité interjuridictionnelle ou de prépondérance fédérale pour savoir si de tels pouvoirs de la Fédération sont constitutionnellement inapplicables et doivent céder le pas aux dispositions fédérales ou à l’absence de dispositions fédérales au cœur de la compétence exclusive sur le commerce interprovincial.
Absence de délégation fédérale
[95] En vertu de l’article 3 du Décret sur l’eau d’érable et le sirop d’érable du Québec, les pouvoirs de la Fédération en vertu de la Loi sont étendus aux marchés interprovincial et international. Cette délégation se limite à l’intérieur de la province, aux biens et personnes qui s’y trouvent. L’article ainsi libellé :
3. Les pouvoirs conférés à la Fédération par la Loi relativement à la commercialisation en vrac de l’eau d’érable et du sirop d’érable dans cette province, à l’égard des biens et des personnes qui s’y trouvent, sont étendus aux marchés interprovincial et d’exportation.
[96] L’article 4 de ce décret, relativement à ces pouvoirs, prévoit:
TAXES ET PRÉLÈVEMENTS
4. En ce qui concerne les pouvoirs qui lui sont attribués aux termes de l’article 3, la Fédération est habilitée :
a) à instituer par ordonnance et à percevoir les taxes ou prélèvements payables par les personnes visées à cet article qui se livrent à la production ou à la commercialisation en vrac de l’eau d’érable et du sirop d’érable et, à cette fin, à classer ces personnes en groupes et à fixer par ordonnance les divers montants des taxes et prélèvements payables par les membres des différents groupes;
b) à employer à son profit ces taxes ou prélèvements, notamment pour la création de réserves et le paiement des frais et pertes résultant de la vente ou de l’aliénation de l’eau d’érable et du sirop d’érable, et pour une meilleure répartition ou la péréquation, entre les producteurs d’eau d’érable et de sirop d’érable, des sommes rapportées par la vente de ceux-ci durant la ou les périodes que la Fédération peut déterminer.
[97] La délégation de pouvoir ne vise que des pouvoirs de perception de taxes et de péréquation aux fins d’équité entre les producteurs et non la réglementation du commerce.
[98] À la lecture du décret, il ressort que les pouvoirs délégués à la Fédération sont manifestement d’application uniquement intraprovinciale, aux biens et aux personnes du Québec.
[99] De plus, la Fédération n’est pas autorisée par les autorités provinciales, tel que le prévoit l’article 121 de la Loi, à assumer une délégation fédérale. Conséquemment, la Fédération n’est pas autorisée à assumer la responsabilité prévue au décret fédéral.
[100] Si ce décret est nécessaire afin de déléguer un pouvoir sur une compétence exclusive, c’est qu’elle est bien exclusive et que la Fédération n’a aucune juridiction sur le commerce interprovincial des produits de l’érable.
[101] Pour conclure autrement, la Régie doit examiner la portée du décret.
[102] La loi habilitante, Loi sur la commercialisation des produits agricoles, fait mention dans son préambule «Que les législatures de plusieurs provinces ont adopté des fois régissant la commercialisation locale des produits agricoles sur leur territoire respectif». Angèle Grenier en conclut que, aux yeux du parlement central, la juridiction du législateur provincial est strictement limitée à la commercialisation locale sur son territoire. En l’absence de décret, la Fédération et la Régie n’ont aucune juridiction sur un établissement fédéral comme l’érablière d’Angèle Grenier.
[103] La Régie et la Fédération ne peuvent avoir de juridiction sur les producteurs exportateurs, même localement, sans un tel décret. La réglementation provinciale n’a pas de portée extraterritoriale et ne peut viser les biens situés hors Québec, même s’ils y originent.
[104] De plus, le décret vise la Fédération de façon très spécifique et non la Régie. Cette dernière ne peut se saisir des litiges en découlant, elle doit décliner compétence.
Jurisprudence - Arrêt Pelland et fédéralisme coopératif imbriqué
[105] Angèle Grenier fait également valoir que, dans l’affaire Fédération des producteurs de volailles du Québec c. Pelland (arrêt Pelland), la décision de la Cour suprême du Canada démontre que tant la délégation fédérale que la réglementation provinciale dans la volaille sont valides parce qu’elles sont des parties intégrantes d’un système de fédéralisme coopératif imbriqué. Il ressort également clairement de cet arrêt que la réglementation provinciale ne doit pas avoir pour effet de limiter le commerce interprovincial ou de le contrôler.
[106] La réglementation provinciale dans le secteur acéricole doit être analysée sur celle base.
Règlement sur l’agence de vente
[107] L’article 3 du Règlement sur l’agence de vente, incluant les dispositions accessoires des conventions de mise en marché, est clair en ce qu’il interdit toute vente de sirop d’érable en vrac autrement que par l’entremise de la Fédération. Même les acheteurs autorisés par la Fédération reçoivent le produit pour et en son nom, Il est détenu en consignation pour la Fédération qui en est propriétaire, un droit reconnu par les tribunaux.
[108] Si la Fédération est propriétaire du sirop qu’elle reçoit de ses membres et que c’est elle qui paie le prix de vente du produit, il est manifeste qu’elle force une transaction intraprovinciale alors que cette production est par la suite exportée à plus de 85 %.
[109] Cette situation crée, à toutes fins pratiques, un monopole mondial de mise en marché, ce qui est clairement un empiètement et non un effet accessoire sur la compétence fédérale.
[110] Ce règlement a été pris en vertu de l’article 98 de la Loi et approuvé par la Régie. Le décret de délégation fédéral n’incorpore pas un tel règlement et, si ce devait être le cas, ce serait une délégation d’un pouvoir législatif, strictement interdit en droit constitutionnel.
[111] Même si la Régie en venait à une conclusion contraire, il serait inapplicable en vertu de la doctrine de la prépondérance fédérale puisque contradictoire avec les normes fédérales établies et incompatible avec ces dernières. Il en va de même des clauses des conventions de mise en marché accessoires à ce règlement.
Règlement sur le contingentement
[112] Pour ce qui est du Règlement sur le contingentement, le raisonnement est plus complexe.
[113] L’agence de vente ne vise que la vente du produit et n’a absolument aucun lien avec la production qui, elle, est de nature purement locale et privée.
[114] En référence à l’arrêt Pelland, Angèle Grenier souligne qu’il n’y a pas de contingent fédéral en acériculture.
[115] La mise en marché s’apparente davantage à la commercialisation qu’à la production. Ce règlement vise d’ailleurs toute personne qui «produit et met en marché», Il en résulte qu’une personne qui ne ferait que produire ne serait pas visée par ce règlement. Loin de rester dans la production de compétence provinciale, ce règlement est au cœur de la compétence fédérale.
[116] Comme pour le Règlement sur l’agence de vente, ce règlement est adopté en vertu de la Loi et approuvé par la Régie. Si le décret de délégation fédérale incluait un tel pouvoir, il serait inconstitutionnel.
[117] L’émission de permis par l’ACIA, l’existence de la Loi sur les produits agricoles du Canada et du Règlement sur les produits de l’érable viennent renforcer ce raisonnement.
[118] Enfin, du fait que ce produit est exporté en quasi-totalité, ce règlement se retrouve au cœur de la compétence fédérale. Il ne vise pas à limiter la production, mais la commercialisation.
Règlement sur les normes de qualité et de classement
[119] Le même raisonnement s’applique au Règlement des producteurs acéricoles sur les normes de qualité et de classement et aux dispositions accessoires des conventions de mise en marché visant l’inspection et la qualité du produit. Le décret de délégation fédérale ne prévoit pas de tels pouvoirs, délégation qui serait encore ici interdite constitutionnellement.
Règlements sur les contributions
[120] Quant aux règlements imposant des contributions, Angèle Grenier analyse chacun de ceux-ci quant à leur caractère accessoire à un règlement dont l’objet principal tombe sous l’un de ses arguments d’inconstitutionnalité.
[121] Le Règlement pour la contribution spéciale pour l’établissement d’un fonds pour la gestion des surplus de production est manifestement accessoire à l’agence de vente. Le Règlement imposant aux producteurs acéricoles une contribution spéciale aux fins de contrôle de la qualité est accessoire aux modalités de classement. Et le Règlement imposant aux producteurs acéricoles une contribution spéciale pour les fins de développement des marchés est également inapplicable car les producteurs exportateurs sont libres de mettre en marché leur production.
[122] Quant au Règlement sur les contributions pour l’application du Plan conjoint il ne peut viser un producteur exportateur qui n’est pas visé par le Plan conjoint, tel que démontré ci-après. Ce règlement constitue le véritable équivalent de l’ordonnance fédérale de 0,03 $/livre.
Plan conjoint et pouvoir d’inspection
[123] Enfin, même le Plan conjoint en acériculture ne peut survivre à une lecture a contrario des principes établis dans l’arrêt Pelland parce qu’il vise à limiter et contrôler le commerce interprovincial et international, Il ne peut viser ce commerce et ne s’y applique pas.
[124] De plus, même les pouvoirs administratifs d’inspection des lieux de production accordés par la Loi à la Fédération sont excessifs dans les circonstances. Ce sont les pouvoirs d’inspection de I’ACIA qui l’emportent.
(références omises)
[37] Grenier est d’avis que le jugement de l’honorable Clément Samson, j.c.s., dans Grenier c. Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec[21] (Jugement Samson) n’avalise pas la Décision 10001 de la Régie, et n’intervient pas parce qu’il estime que cette décision de la Régie est raisonnable. Toutefois, plusieurs des éléments et motifs de décision que contient le Jugement Samson expliquent que ce jugement soit porté en appel[22].
[38] Grenier prétend que les pénalités sous forme de dommages liquidés sont invalides, faisant valoir que les seules pénalités pouvant être imposées au cas de contravention à un plan conjoint, un règlement ou une convention homologuée sont celles prévues aux articles 199 et 201 de la Loi.
[39] Il considère également que les clauses relatives aux dommages liquidés contre les producteurs, prévues aux conventions, sont des clauses pénales invalides considérant l’absence de liberté contractuelle. À cet effet, il souligne que :
i) Le producteur n’est pas une partie aux conventions qui sont négociées entre la Fédération et les acheteurs;
ii) Les producteurs qui ne sont pas parties à la Convention de mise en marché n’ont pu consentir à une telle clause de dommages;
iii) La Fédération se négocie à elle-même une pénalité qui devra être versée par les producteurs qu’elle est supposée représenter lors des négociations.
[40] En outre, Grenier prétend que ces clauses de dommages liquidés constituent des clauses pénales abusives en vertu de l’article 1623 du Code civil du Québec[23] (C.c.Q.), et que la pénalité recherchée contre le producteur dans les conventions de mise en marché est exorbitante et hors de proportion avec le préjudice subi :
1623. Le créancier qui se prévaut de la clause pénale a droit au montant de la peine stipulée sans avoir à prouver le préjudice qu’il a subi.
Cependant, le montant de la peine stipulée peut être réduit si l’exécution partielle de l’obligation a profité au créancier ou si la clause est abusive.
[41] Grenier fait appel aux critères cités dans la doctrine pour déterminer si une clause pénale est abusive, tels qu’ils sont repris dans la décision LSCI inc. c. Hureca inc.[24].
[58] L’auteur Vincent Karim résume ainsi les indices établis par les tribunaux qui permettent d’identifier des clauses pénales abusives :
Ainsi, est abusive la clause pénale qui, au moment de l’inexécution de l’obligation par le débiteur, apparaît déraisonnable et son application va à l’encontre des exigences de la bonne foi. Quelques indices établis par les tribunaux nous permettent d’identifier ces clauses pénales déraisonnables. En effet, plusieurs critères ont été développés par la jurisprudence pour évaluer la notion d’abus dans le contexte de la clause pénale. Il s’agit notamment de la disproportion importante ente les dommages réels et les dommages liquidés, le caractère déraisonnable de la clause, la comparaison défavorable entre la clause et la valeur du contrat, l’expérience des personnes impliquées, l’existence de négociations et les répercussions concrètes qu’aurait la pénalité sur le débiteur, l’étendue et la durée de la clause pénale, ainsi que l’analyse de l’attitude des parties. Tous ces éléments permettent de déterminer si la clause pénale est abusive ou non.
[42] Il souligne également les critères d’appréciation retrouvés à la doctrine pour déterminer si une clause pénale est abusive[25] :
[57] Les auteurs Baudouin et Jobin énumèrent les critères d’appréciation suivants pour déterminer si une clause pénale est abusive :
Avant d’appliquer l’article 1623, le tribunal doit constater qu’il est en présence, non d’une pénalité équivalant approximativement au préjudice, mais d’une pénalité qui l’excède largement, pour laquelle seule il devrait intervenir, Il dispose d’un pouvoir d’appréciation très étendu en ce qui concerne son niveau d’acceptabilité. Pour emprunter aux termes de l’article 1437, le juge peut se demander si la pénalité sous examen « désavantage de manière excessive et déraisonnable » le débiteur, « allant ainsi à l’encontre de la bonne foi ». Spécialement en matière de clause comminatoire, il apparaît utile, pour assurer une certaine cohérence dans la jurisprudence, qu’il indique dans son jugement l’écart approximatif entre la pénalité et la valeur réelle du préjudice subi. Bien qu’on ne puisse pas parler de méthode de calcul, trois points de repère peuvent être signalés. Premièrement, afin de préserver le caractère comminatoire de la clause, la pénalité, une fois réduite, doit demeurer substantiellement supérieure aux dommages-intérêts qu’aurait obtenus le créancier si aucune clause pénale n’avait existé. Deuxièmement, certaines circonstances, y compris d’après nous celles prévalant au moment de la faute, doivent être prises en compte pour apprécier le caractère abusif (tels la gravité ou le caractère délibéré de la faute, les répercussions financières de la pénalité sur le débiteur); il en est ainsi notamment, dans un contrat de durée successive (par exemple un crédit-bail), pour une pénalité égale à tous les versements qu’il reste à faire en cas de défaut de paiement plus le défaut survient en début de la période des versements, plus la clause pénale a des chances d’être abusive, mais plus il survient à la fin de la période, moins il est probable qu’elle soit abusive. Enfin, on dit parfois que la mise en œuvre de la clause pénale ne doit pas procurer au créancier un bénéfice supérieur à celui qu’il retirerait s’il «y avait eu aucune faute et que le contrat avait été exécuté comme prévu, au motif que cela violerait le principe de l’enrichissement injustifié. On remarquera d’abord que l’affirmation n’est exacte que pour une pénalité largement supérieure au bénéfice que retirerait le créancier de l’exécution du contrat. A notre avis, une réduction de la pénalité selon cette approche ne doit pas faire disparaître le caractère comminatoire de la clause, moyen de pression sur le débiteur; II paraît acceptable que parfois le créancier, grâce à la clause, reçoive un peu plus que ce que lui aurait apporté le contrat dûment exécuté.
[43] Grenier fait aussi remarquer que dans Fédération des producteurs acéricoles du Québec c. Érablière de l’Amitié[26], un montant réclamé en vertu d’une clause abusive peut être réduit en vertu de l’article 1623 du C.c.Q., d’autant plus s’il y a cumul de pénalités :
[55] Le juge Michel Caron mentionne dans la cause Henri Bourgoin c. La Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec:
«Après analyse des diverses autorités citées par les parties, le Tribunal est d’opinion que les clauses de dommages liquidés contenues dans les Conventions de mise en marché doivent être considérées comme des sanctions civiles et que ces clauses de dommages à titre d’accessoires de sanction et condition de mise en marché établis à ces conventions sont valides et légales».
[56] Ce type de clause de dommages ou clause pénale, est d’ailleurs prévu à l’article 1622 du Code civil du Québec.
[57] L’article 1623 du C.c.Q. prévoit cependant ce qui suit:
1623. Le créancier qui se prévaut de la clause pénale a droit au montant de la peine stipulée sans avoir à prouver le préjudice qu’il a subi.
Cependant, le montant de la peine stipulée peut être réduit si l’exécution partielle de l’obligation a profité au créancier ou si la clause est abusive.
[58] En l’espèce, le Tribunal est d’avis que chacune des pénalités prévues aux conventions de mise en marché est valide et légale comme le reconnaît d’ailleurs la jurisprudence mentionnée précédemment. Cependant, il est aussi d’opinion que le cumul de ces pénalités appliqué aux mêmes circonstances rend le résultat abusif faisant en sorte que le montant de cette peine doit être réduit.
[44] Il indique que la Fédération n’a pas fait la preuve qu’elle subissait un préjudice économique, mis à part les contributions totalisant 0,12 $ la livre de sirop. Cette affirmation est basée sur un jugement dans Fédération des producteurs acéricoles du Québec c. Côté[27], par laquelle la Fédération est autorisée par le juge de percevoir un tel montant pour du sirop saisi.
[45] Il rappelle les critères des auteurs Baudoin et Jobin pour fixer une pénalité acceptable dans Robitaille c. Gestion L. Jalbert inc.[28], au paragraphe 55 :
[55] Selon les auteurs Baudouin et Jobin, trois repères sont retenus par la jurisprudence pour fixer une pénalité acceptable, soit le dommage causé, le caractère comminatoire de la peine et les circonstances particulières :
Les tribunaux disposent d’un très large pouvoir d’appréciation en ce qui concerne le niveau d’acceptabilité de la pénalité. Ceci dit, il apparaît utile, pour assurer une certaine cohérence dans la jurisprudence, que le juge indique l’écart, même approximatif, entre la pénalité et la valeur réelle du préjudice subi. Bien qu’on ne puisse pas parler de méthode de calcul, trois points de repère peuvent être signalés. Premièrement, le débiteur ne devrait pas être forcé de payer au créancier une somme très supérieure à celle qui lui serait attribuée si aucune faute n’avait été commise et si le contrat avait été exécuté comme prévu, autrement la clause violerait le principe de l’enrichissement injustifié. Deuxièmement. afin de préserver le caractère comminatoire de la clause, la pénalité, une fois réduite, doit demeurer substantiellement supérieure aux dommages intérêts qu’aurait obtenus le créancier si aucune clause pénale n’avait existé. Troisièmement, des circonstances doivent être prises en compte pour apprécier le caractère abusif (tels la gravité ou le caractère délibéré de la faute, les répercussions financières de la pénalité sur le débiteur).
[46] Grenier demande de déclarer l’article 22 du Règlement sur le contingentement incompatible avec les articles 7, 11 d), 11 i) et 12 de la Charte canadienne et avec les articles 1 et 6 de la Charte québécoise.
[47] Il considère que le Règlement sur le contingentement est inconstitutionnel parce qu’il viole notamment les droits suivants :
i) Contrevient à l’article 7 de la Charte canadienne, parce qu’il porte atteinte à la sécurité des producteurs et est disproportionné par rapport à l’objectif de la Loi;
ii) Contrevient aux articles 11 d) et 11 i) de la Charte canadienne qui prévoit, d’être présumé innocent, d’être jugé par un tribunal indépendant et impartial, et d’être condamné à la peine la moins sévère;
iii) Contrevient à l’article 12 de la Charte canadienne et constitue un traitement ou une peine cruelle et inusitée, encore plus, avec l’addition de toutes les pénalités, dommages liquidés, intérêts et contributions;
iv) Contrevient aux articles 1 et 6 de la Charte des droits et libertés de la personne, soit au droit à la vie, ainsi qu’à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté de sa personne, et au droit à la jouissance paisible de ses biens et à la libre disposition de ceux-ci.
[48] Grenier considère également que la pénalité au Règlement sur le contingentement constitue une sentence ou peine irraisonnable et disproportionnée. Le montant de cette pénalité est disproportionné par rapport à l’objectif de la Loi, et davantage, lorsque combiné avec les dommages liquidés prévus aux conventions de mise en marché 2011 à 2014.
[49] Il soumet que cette pénalité, lorsque combinée avec les dommages liquidés, a un aspect pénal, notamment à cause des montants en cause, ce qui permet d’invoquer les chartes. Il appuie sa prétention sur Guindon c. Canada[29] :
[75] Les sanctions pécuniaires administratives sont des sanctions conçues pour être infligées à l’issue d’un processus administratif. Elles ne font pas suite à une procédure criminelle. Ainsi pour savoir si la personne qui fait officiellement l’objet d’une mesure administrative est en réalité «inculpé[e]», le critère à utiliser est le second dégagé dans les arrêts Wigglesworth et Martineau: la sanction impose-t-elle une véritable conséquence pénale? Selon l’arrêt Wigglesworth, la véritable conséquence pénale s’entend de la peine d’emprisonnement ou de l’amende qui, compte tenu de son importance et d’autres considérations pertinentes, est infligée dans le but de réparer le tort causé à la société en général plutôt que d’assurer l’observation de la loi (voir p. 561).
[76] L‘emprisonnement constitue toujours une véritable conséquence pénale. La disposition qui prévoit la possibilité d’un emprisonnement est de nature criminelle, peu importe la sanction réellement imposée (voir Wigglesworth, p. 562). Une sanction pécuniaire peut ou non constituer une véritable conséquence pénale. C’est le cas lorsque, par son objet ou son effet, elle est punitive. Pour le savoir, II faut tenir compte de choses comme le montant de l’amende, son destinataire, le fait que son importance tient à des considérations réglementaires plutôt qu’à des principes de détermination de la peine en matière criminelle, et le fait que la sanction stigmatise ou non (voir p. ex. Canada (Procureur général) c. United States Steel Corp., 2011 CAF 176(CanLll), 333 D.L.R. (4th) 1, par. 76 et 77).
[77] L’importance de la sanction n’est pas déterminante en soi. Toutefois, lorsque le montant en cause est disproportionné à celui qui permet d’atteindre les objectifs de la réglementation, il y a lieu de penser qu’il s’agit d’une véritable conséquence pénale, de sorte que la disposition emporte l’application de l’art. 11 de la Charte. Cela ne veut pas dire qu’une pénalité d’un montant très élevé ne puisse être infligée à titre de sanction pécuniaire administrative, Il arrive en effet parfois qu’une pénalité d’un montant substantiel soit nécessaire pour décourager l’inobservation d’un régime administratif (voir Rowan c. Ontario Securities Commission, 2012 ONCA 208 (CanLlI), 110 OR. (3d) 492, par. 49). Le montant de la pénalité doit refléter l’objectif de décourager l’inobservation du régime administratif ou de réglementation.
[50] Grenier prétend, après avoir présenté différentes pièces et relevés relatifs à sa situation financière, qu’il a des moyens financiers limités et que la pénalité et les dommages liquidés réclamés par la Fédération en font une conséquence pénale.
[51] Selon lui, la Fédération ne subit aucun préjudice; le seul qui pourrait exister serait causé par le non-paiement des contributions de 0,12 $ la livre de sirop d’érable mis en marché.
[52] Il indique que l’effet combiné de cette pénalité et des clauses de dommages liquidés devient complètement déraisonnable, exorbitant et abusif, puisqu’il s’agit alors d’une double pénalité. La Fédération cherche ainsi à punir deux fois le même geste. Il souligne également qu’il ne pourra obtenir un contingent.
[53] Sur cette base, il demande à la Régie de ne pas accueillir la demande de la Fédération, et d’utiliser l’article 36 de la Loi pour l’exempter de l’application du Règlement sur le contingentement. Il soumet que la Régie n’a pas à le condamner en vertu de ce règlement pour chacune des livres réclamées par la Fédération dans les circonstances du dossier ou aucun vrac n’est produit et il n’y a aucune contravention aux conventions de mise en marché. Il note d’ailleurs qu’il n’a pas négocié ces conventions.
[54] Grenier souligne aussi que les dommages liquidés et l’application de l’article 22 constituent des pénalités et que, même si leur caractère était déterminé comme étant civil, l’intérêt sur ces montants ne peut courir qu’à compter du jugement.
[55] Finalement, il conteste que la Fédération demande les pénalités et dommages liquidés, en plus d’exiger la somme due à titre de contribution, l’exécution de l’obligation, ce qui est, selon lui, illégal.
[56] La Fédération indique que la Loi 28 a donné compétence à la Régie de se prononcer sur des clauses monétaires et a validé rétroactivement les clauses de dommages liquidés des conventions de mise en marché du sirop d’érable décrétées par la Régie. Cette dernière n’a toutefois pas compétence sur les recours intentés avant la mise en vigueur de cette loi. Elle réfère au paragraphe 24 du jugement de la Cour d’appel dans Turgeon c. Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec[30] :
[24] Depuis la date d'entrée en vigueur de la Loi modificative, le 30 novembre 2011, la Régie peut ordonner à un producteur acéricole de payer à la Fédération une somme d'argent dont la source serait une clause de dommages-intérêts liquidés décrétée par la Régie dans une convention de mise en marché. Ceci ressort clairement du libellé des articles 2 et 3 de la Loi modificative cités précédemment qui habilitent la Régie à agir en ce sens dans l'avenir. Les articles 5 et 6 ont toutefois une portée rétroactive. Le langage utilisé par le législateur ne laisse planer aucun doute à ce sujet : « Sont validées les clauses prévoyant le paiement de dommages liquidés […] », « Sont validées les ordonnances de la Régie […] », ces dispositions ayant pour effet de purger lesdites clauses et ordonnances de tout vice d'absence d'habilitation législative.
[57] La Fédération ajoute que l’argument selon lequel la mise en marché du sirop d’érable de l’année 2011 faite par Grenier serait prescrite, ne peut être retenu considérant que sa procédure a été déposée le 28 février 2014, qu’elle a été signifiée à Grenier le 7 mars 2014 et que la preuve démontre que Grenier a transigé son sirop d’érable de l’année 2011 postérieurement au mois de février 2011, soit moins de trois ans avant le dépôt de la procédure.
[58] La Fédération plaide que le Jugement Samson[31], porté en appel, constitue l’état du droit actuel et s’applique dans le présent dossier compte tenu des faits qui sont les mêmes.
[59] La Fédération souligne que la Cour d’appel a décidé, dans Roch Bombardier et Ferme Rodier-Bombardier inc. c. Fédération des producteurs de volailles du Québec[32], de la question relative à la nature d’une pénalité prévue à un règlement pris en vertu de l’article 93 de la Loi; il s’agit d’une pénalité civile :
[36] La sanction que prévoit le règlement est-elle de nature pénale ou civile, au sens large du terme? L'intervenante, la Fédération des producteurs acéricoles du Québec [F.P.A.Q.], plaide que les critères de base permettant de répondre à cette question se retrouvent dans l'arrêt R. c. Wigglesworth. Je partage cet avis.
[37] Au nom de la majorité de la Cour suprême, madame la juge Wilson écrit :
23 À mon avis, si une affaire en particulier est de nature publique et vise à promouvoir l'ordre et le bien-être publics dans une sphère d'activité publique, alors cette affaire est du genre de celles qui relèvent de l'art. 11. Elle relève de cet article de par sa nature même. Il faut distinguer cela d'avec les affaires privées, internes ou disciplinaires qui sont de nature réglementaire, protectrice ou corrective et qui sont principalement destinées à maintenir la discipline, l'intégrité professionnelle ainsi que certaines normes professionnelles, ou à réglementer la conduite dans une sphère d'activité privée et limitée: voir, par exemple, Re Law Society of Manitoba and Savino, précité, à la p. 292, Re Malartic Hygrade Gold Mines (Canada) Ltd. and Ontario Securities Commission (1986), 54 O.R. (2d) 544 (H.C.), à la p. 549, et Re Barry and Alberta Securities Commission, précité, à la p. 736, le juge Stevenson. […]
24 […] À mon avis, une véritable conséquence pénale qui entraînerait l'application de l'art. 11 est l'emprisonnement ou une amende qui par son importance semblerait imposée dans le but de réparer le tort causé à la société en général plutôt que pour maintenir la discipline à l'intérieur d'une sphère d'activité limitée. […]
[43] De façon générale, on peut donc affirmer que le législateur a voulu que les producteurs, sous l'autorité de la Régie et, le cas échéant sous sa direction, gèrent par l'entremise de leurs fondés de pouvoirs, office, syndicat professionnel, agent de vente ou autres, la production et la mise en marché de leurs produits. Conscient qu'une mise en marché ordonnée et efficace doit prendre en compte des éléments contextuels parfois complexes qui requièrent de la rigueur dans la façon de faire, le législateur a prévu la mise en place de mesures d'autodiscipline des producteurs, d'où le pouvoir des offices de producteurs de contingenter la production.
[45] Dans cette perspective, la pénalité, comme le plaide l'intervenante F.P.A.Q., poursuit l'objectif d'autodiscipline des producteurs de poulets dans leur sphère d'activité. Celle-ci est limitée au sens de l'arrêt Wigglesworth.
[46] Cette pénalité ne poursuit aucun but de stigmatisation du contrevenant ni ne cherche à réparer un tort causé à la société. Bref, elle ne revêt pas les caractéristiques habituelles des sanctions à saveur pénale.
[60] La Fédération réfère à différents jugements[33] pour plaider que l’article 11 de la Charte canadienne ne s’applique pas dans le présent dossier, que l’article 7 de cette charte ne s’applique pas en matière de sanctions économiques et que la pénalité prévue au Règlement sur le contingentement ne constitue pas « une peine cruelle et inusitée ».
[61] Selon elle, la Régie ne peut réduire une pénalité réglementaire, son caractère approprié ne pouvant être décidé qu’au moment de son approbation. Elle souligne que la pénalité prévue au Règlement sur le contingentement représente environ 80 % du prix obtenu pour le sirop d’érable et que les pénalités prévues pour faire respecter les exigences dans un secteur d’activités économiques sont généralement très sévères. Dans l’acériculture, le respect de l’exigence de l’innocuité du produit est un objectif important et c’est pourquoi les producteurs ont requis que la pénalité ait un effet dissuasif.
[62] La Fédération ajoute que cette pénalité poursuit une fin distincte des dispositions de l’article 11.02 des conventions de mise en marché qui prévoient des dommages liquidés. Il ne s’agit donc pas d’une double pénalité pour une même faute. Elle donne l’exemple[34] d’un cas de mise en marché de sirop d’érable hors du système de mise en marché prévu par la réglementation où la Fédération n’a réclamé la pénalité prévue à l’article 22 du Règlement sur le contingentement que sur la quantité de sirop excédant le contingent du producteur.
[63] La Fédération rappelle que c’est après avoir obtenu les observations des personnes intéressées relativement à la Convention de mise en marché du sirop d’érable de 2002 que la Régie a fixé les dommages à 1,20 $ la livre. L’objectif poursuivi visait à convaincre les personnes visées de respecter la convention alors arbitrée. De plus, elle souligne la décision de la Cour supérieure dans Entrepreneur Forestier JRD inc. c. Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec[35] qui s’est prononcée sur une sanction prévue au Règlement sur les contingents des producteurs de bois de la Beauce[36] et le pouvoir réglementaire d’un office d’imposer des sanctions pécuniaires lorsqu’il y a contravention :
[35] Les demandeurs soutiennent que la sanction qui y est prévue de 30 $ le mètre cube apparent pour le bois mis en marché, est excessive et disproportionnée.
[36] Aucune preuve n'a été offerte sur la question. Les avocats des parties ont indiqué au Tribunal que cette sanction est à peu de chose près l'équivalent du prix obtenu par les producteurs qui vendent leur bois irrégulièrement.
[37] La finalité du Règlement est de dissuader certains producteurs de bois d'agir en contravention au Plan conjoint pour éviter de compromettre ses objectifs.
[38] Il n'a pas été démontré que la sanction pécuniaire est disproportionnée, choquante ou excessivement lourde en regard d’infractions comparables. Il faut cependant reconnaître qu’elle est sévère. Il n'y a pas lieu pour la Cour supérieure d'intervenir sur cette question. L'existence d'un titre à la Loi (titre V) prévoyant des dispositions pénales n'est par ailleurs pas incompatible avec le pouvoir réglementaire confié aux offices d'imposer des sanctions pécuniaires lorsqu'il y a contravention à des dispositions du Plan conjoint, surtout que dans le présent cas, aucune infraction statutaire n’a été imposée aux demandeurs.
[64] Elle soumet que dans le présent dossier, il faut tenir compte du comportement de Grenier qui, sous le prétexte d’exercer sa liberté, n’a pas tenté de réduire ou limiter les dommages prévus aux conventions de mise en marché. La Fédération a effectué plusieurs démarches auprès de ce producteur, à compter de 2013, pour lui offrir la possibilité de faire classer son sirop même s’il n’avait pas le droit de produire, tout en recherchant des solutions pour lui permettre d’intégrer le système de mise en marché. Grenier a refusé, faisant le choix de vendre sa production « au noir ». Elle lui a même offert, sans succès, de régler le litige en réduisant des deux tiers les dommages liquidés réclamés.
[65]
Répliquant à l’argument de Grenier que le montant de 0,12 $ la
livre de sirop d’érable de la contribution constitue le seul préjudice que la
Fédération subit, elle rappelle qu’elle n’a pas à présenter une preuve de
dommages, l’existence d’une clause de dommages liquidés aux conventions de mise
en marché étant justement de ne pas avoir à le faire. Toutefois, dans les cas
visés par ces clauses, elle indique que les dommages sont causés à l’ensemble
de l’industrie qui bénéficie des avantages des interventions de la Fédération
dans la gestion des inventaires, la promotion générique, le classement et
l’inspection, et l’application du Plan conjoint.
[66] La Procureure indique que la question du commerce interprovincial a déjà été plaidée, lors de la séance du 17 mars 2015 et que, depuis, le Jugement Samson[37] représente l’état du droit et que la Régie est liée par ce jugement.
[67] Elle rappelle qu’en vertu de l’article 77 du C.p.c., qui a remplacé l’article 95, la Régie ne peut se prononcer que sur les questions énoncées dans l’Avis d’intention. À ce titre, elle souligne que Grenier, relativement à l’article 7 de la Charte canadienne, ne soulève que le droit à la sécurité. La Régie ne peut donc se prononcer sur les aspects de droit à la vie ou de droit à la liberté qui n’ont pas été soulevés dans l’Avis d’intention.
[68] La Procureure indique que pour faire la preuve d’une violation au droit à la sécurité en vertu de la Charte canadienne, Grenier devait démontrer que l’article 22 du Règlement sur le contingentement porte atteinte à la sécurité de sa personne. L’atteinte à la sécurité d’une personne étant mise en jeu par une atteinte à son intégrité physique ou psychologique. Or, dans son Avis d’intention, Grenier n’allègue aucun fait démontrant en quoi l’article 22 du Règlement sur le contingentement porte atteinte à sa sécurité physique ou psychologique, il n’invoque que des considérations de nature financière au soutien de son argument quant au droit à la sécurité.
[69] La Procureure souligne que la jurisprudence établit clairement que l’article 7 de la Charte canadienne ne protège pas des intérêts purement économiques. Elle présente notamment une décision de la Commission de révision agricole du Canada dans Mario Côté inc. c. Agence canadienne d’inspection des aliments[38] :
3.3.2 Quels types d’atteintes liées à la sécurité de la personne l’article 7 protège-t-il?
[46] Les droits que protège l’article 7 de la Charte englobent des sujets qui sont fondamentalement ou essentiellement personnels et qui impliquent, par leur nature même, des choix personnels participant de l’essence même de ce que signifie la jouissance de la dignité et de l’indépendance individuelles (voir Godbout c. Longueuil (Ville), [1997] 3 R.C.S. 844, au paragraphe 66).
[47] Par ailleurs, le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne englobe les choix fondamentaux qu’une personne peut faire dans sa vie et non des intérêts purement économiques. C’est donc dire que la capacité de générer un revenu d’entreprise par le moyen de son choix n’est pas un droit que garantit l’article 7 de la Charte (voir Siemens c. Manitoba (Procureur général), 2003 CSC 3, aux paragraphes 45 et 46).
[48] Seule la tension psychologique grave causée par l’État fait entrer en jeu l’article 7. Il est rare qu’une instance administrative ou civile atteigne ce niveau (voir Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44, aux paragraphes 57 et 83; United Taxi Drivers’ Fellowship of Southern Alberta c. Calgary (City of), 2002 ABCA 131, au paragraphe 157).
[70] Elle ajoute que même lorsqu’il est question d’une sanction pénale comme une amende, ce qu’elle nie être le cas dans le présent dossier, la jurisprudence[39] [40] établit clairement que l’article 7 de la Charte canadienne ne protège pas les intérêts purement économiques. Cet article ne protège pas les individus qui opèrent dans un domaine commercial contre les conséquences normales de la réglementation de ce secteur par l’État, fussent-elles l’imposition d’une amende, ce qu’elle nie être le cas ici. De plus, Grenier n’établit aucunement qu’un principe de justice fondamentale serait, par ailleurs, en cause comme l’exige cet article 7 :
[27] As the chambers judge noted, s. 7 provides procedural protections, but only if the appellants can prove there has been a deprivation of a protected right, namely the right to life, liberty or security of the person: Blencoe v. British Columbia (Human Rights Commission), 2000 SCC 44 (CanLII),[2000] 2 S.C.R. 307 at para. 47 (“Blencoe”). The chambers judge recognized that a Commission panel has the power to severely impact the appellants’ choices regarding their economic lives. However, it is well established that s. 7 does not protect purely economic rights: see, for example, Yin v. Lewin, 2006 ABQB 402 (CanLII), 403 A.R. 79, aff’d 2007 ABCA 406 (CanLII), 422 A.R. 263. As the chambers judge noted, the Commission cannot preclude the appellants from obtaining employment or meeting their essential needs.
[…]
[27] However, we are not convinced that a prosecution for the s. 84.1 offence engages the kind of exceptional state-induced psychological stress, even for an individual, that would trigger the security of the person guarantee in s. 7. The offence does not create a true crime, and like most regulatory offences, it focuses on the harmful consequences of otherwise lawful conduct rather than any moral turpitude. Thus, in Wholesale Travel, supra, at p. 224 S.C.R., Cory J. rejected the accused's claim that conviction for false advertising carried the stigma of dishonesty. In that case, where due diligence was available, the court characterized the fault element as one of "negligence rather than one involving moral turpitude" and thus, "any stigma that might flow from a conviction is very considerably diminished." The same can be said in this case. The s. 84.1 offence focuses on the unintended but harmful consequences of the commercial trucking industry. We reject the proposition that a defendant charged with this offence is stigmatized as a person operating in a wanton manner, heedless of the extreme dangers to life and limb posed by his or her operation. Conviction for the offence at most implies negligence and, like the misleading advertising offence considered in Wholesale Travel, any stigma is very considerably diminished.
[28] The diminished stigma attached to the s. 84.1 offence is not sufficient to trigger the security interest in s. 7, even when coupled with the possibility of a significant fine. This is simply not the kind of serious state-imposed psychological stress that is intended to be covered by security of the person. It is qualitatively different than the kinds of stresses that have been recognized in the cases. A review of those cases demonstrates a [page60] concern with state action that intrudes in an intimate and profound way as in New Brunswick (Minister of Health and Community Services) v. G. (J.), 1999 CanLII 653 (SCC), [1999] 3 S.C.R. 46, 177 D.L.R. (4th) 124 (attempt to take a child away from its parents); Rodriguez v. British Columbia (Attorney General), 1993 CanLII 75 (SCC), [1993] 3 S.C.R. 519, 107 D.L.R. (4th) 342 (criminal prohibition on assisting suicide for a desperately ill patient) and R. v. Morgentaler, 1988 CanLII 90 (SCC), [1988] 1 S.C.R. 30, 44 D.L.R. (4th) 385 (regulating abortion).
[29] The right to security of the person does not protect the individual operating in the highly regulated context of commercial trucking for profit from the ordinary stress and anxieties that a reasonable person would suffer as a result of government regulation of that industry. As Lamer C.J.C. said in G. (J.), at para. 59, "[I]f the right were interpreted with such broad sweep, countless government initiatives could be challenged on the ground that they infringe the right to security of the person, massively expanding the scope of judicial review, and, in the process, trivializing what it means for a right to be constitutionally protected."
[71] Quant à l’incompatibilité de l’article 22 du Règlement sur le contingentement avec l’article 1 de la Charte québécoise, Grenier n’a pas indiqué dans son Avis d’intention en quoi il le serait ni énoncé de moyens justifiant cette prétention. En conséquence, la Régie ne peut se prononcer sur cette question.
[72] Subsidiairement, les seuls éléments dans cet avis pouvant être liés à l’argument fondé sur l’article 1 de la Charte québécoise sont ceux soulevés en lien avec l’article 7 de la Charte canadienne sont de nature financière, ce que ne protège pas non plus l’article 1 de la Charte québécoise.
[73] La Procureure fait observer que Grenier n’a pas indiqué dans son Avis d’intention en quoi l’article 22 du Règlement sur le contingentement contreviendrait à l’article 11 de la Charte canadienne. Vu l’absence de fondement factuel, la Régie devrait rejeter cet argument.
[74] Subsidiairement, elle soumet que la Régie devrait rejeter cet argument au motif que les protections prévues à cet article de la Charte canadienne ne s’appliquent pas à Grenier qui, pour bénéficier des protections prévues à cet article, doit être un inculpé au sens de cette disposition. Ainsi, il faudrait que la procédure en cause soit, de par sa nature même, criminelle, ou encore que l’intimé s’expose, en cas de contravention, à une véritable conséquence pénale. À ce titre, elle cite notamment Guindon c. Canada[41], portant sur la procédure et la conséquence pénale :
[44] Notre Cour a délibérément retenu une « définition quelque peu restreinte de la disposition liminaire de l’art. 11 » afin de ne pas devoir établir au titre de cette disposition différents degrés de protection pour différents types de procédure (R. c. Wigglesworth, 1987 CanLII 41 (CSC), [1987] 2 R.C.S. 541, p. 558). La Cour a aussi reconnu la difficulté de formuler un critère précis pour déterminer si une procédure en particulier donne lieu ou non à l’application des protections de l’art. 11 (voir p. 559). Ces protections peuvent bénéficier à celui qui est accusé d’une infraction criminelle, mais pas à celui qui fait l’objet d’une sanction administrative (voir Wigglesworth, p. 554; Martineau c. M.R.N., 2004 CSC 81 (CanLII), [2004] 3 R.C.S. 737, par. 19). Le critère à deux volets qui permet de discerner parmi les contraventions à une loi celles qui sont de nature criminelle et celles qui sont de nature administrative a été énoncé dans l’arrêt Wigglesworth, p. 559-562. D’autres critères analytiques se sont ajoutés dans l’arrêt Martineau, par. 19-24 et 57. Comme nous l’expliquons plus loin, une personne a droit aux protections procédurales de l’art. 11 de la Charte lorsque, de par sa nature même, la procédure est criminelle, ou lorsqu’une « véritable conséquence pénale » découle de la sanction.
[45] Une procédure est criminelle de par sa nature même lorsqu’elle vise à promouvoir l’ordre et le bien-être publics dans une sphère d’activité publique. Par contre, une procédure est de nature administrative lorsqu’elle vise principalement l’observation de règles ou la réglementation de la conduite dans une sphère d’activité limitée (voir Martineau, par. 21-22; Wigglesworth, p. 560). Il ne faut pas s’attacher à la nature de l’acte qui est à l’origine de la procédure, mais bien à la nature de la procédure comme telle, compte tenu de son objectif et de ses modalités (Martineau, par. 24 et 28-32; R. c. Shubley, 1990 CanLII 149 (CSC), [1990] 1 R.C.S. 3, p. 18-19). Une procédure a un objectif criminel lorsqu’elle vise à amener la personne en cause « à rendre compte à la société » d’une conduite « contraire à l’intérêt public » (Shubley, p. 20).
[46] Une « véritable conséquence pénale » s’entend de « l’emprisonnement ou [de l’]amende qui par son importance semblerait imposée dans le but de réparer le tort causé à la société en général plutôt que pour maintenir la discipline à l’intérieur d’une sphère d’activité limitée » (Wigglesworth, p. 561; voir aussi Martineau, par. 57). Il existe inévitablement un certain chevauchement entre le régime et la sanction lorsqu’il s’agit d’analyser leur objet respectif, mais les tribunaux ont examiné les deux séparément dans la mesure du possible et reconnu que la procédure est pénale pour l’application de l’art. 11 lorsqu’elle satisfait à l’un ou l’autre des volets du critère, et que rares sont les situations dans lesquelles il est satisfait à l’un mais non aux deux volets (ibid.).
[75] Concernant ces éléments, la Procureure précise qu’il importe de distinguer les procédures criminelles ou pénales des procédures de nature privée, disciplinaire ou encore administrative. Elle cite, à cet effet, R. c. Wiggleworth[42] :
23. À mon avis, si une affaire en particulier est de nature publique et vise à promouvoir l'ordre et le bien-être publics dans une sphère d'activité publique, alors cette affaire est du genre de celles qui relèvent de l'art. 11. Elle relève de cet article de par sa nature même. Il faut distinguer cela d'avec les affaires privées, internes ou disciplinaires qui sont de nature réglementaire, protectrice ou corrective et qui sont principalement destinées à maintenir la discipline, l'intégrité professionnelle ainsi que certaines normes professionnelles, ou à réglementer la conduite dans une sphère d'activité privée et limitée: voir, par exemple, Re Law Society of Manitoba and Savino, précité, à la p. 292, Re Malartic Hygrade Gold Mines (Canada) Ltd. and Ontario Securities Commission (1986), 1986 CanLII 2653 (ON SC), 54 O.R. (2d) 544 (H.C.), à la p. 549, et Re Barry and Alberta Securities Commission, précité, à la p. 736, le juge Stevenson. Il existe également une distinction fondamentale entre les procédures engagées pour promouvoir l'ordre et le bien-être public dans une sphère d'activité publique et les procédures engagées pour déterminer l'aptitude à obtenir ou à conserver un permis. Lorsque les disqualifications sont imposées dans le cadre d'un régime de réglementation d'une activité visant à protéger le public, les procédures de disqualification ne sont pas le genre de procédures relative à une "infraction" auxquelles s'applique l'art. 11. Les procédures de nature administrative engagées pour protéger le public conformément à la politique générale d'une loi ne sont pas non plus le genre de procédures relatives à une "infraction", auxquelles s'applique l'art. 11. Toutefois, toutes les poursuites relatives à des infractions criminelles aux termes du Code criminel et à des infractions quasi criminelles que prévoient les lois provinciales sont automatiquement assujetties à l'art. 11. C'est le genre même d'infractions auxquelles l'art. 11 était destiné à s'appliquer.
[76] Elle ajoute que la procédure qui vise Grenier en est une privée, entre ce dernier et la Fédération. Il s’agit également d’une affaire interne et disciplinaire visant à assurer le respect de la réglementation dans un secteur d’activité limité.
[77] De plus, elle indique que l’article 22 du Règlement sur le contingentement ne constitue pas une véritable conséquence pénale emportant l’application de l’article 11 de la Charte canadienne, celle-ci étant « l’emprisonnement ou une amende qui par son importance semblerait imposée dans le but de réparer un tort causé à la société en général plutôt que pour maintenir la discipline à l’intérieur d’une sphère d’activité limitée ».
[78] Dans la présente affaire, cet article vise à maintenir le respect de la réglementation dans le domaine acéricole et donc la discipline à l’intérieur d’une sphère d’activité limitée.
[79] Quant à l’importance du montant correspondant à la sanction, cet argument vaut encore moins lorsqu‘il s’agit d’un simple calcul mathématique lié à l’acte reproché, ce qui est le cas en l’espèce, le Règlement sur le contingentement prévoyant une pénalité déterminée objectivement pour le producteur qui ne respecte pas les règles de contingentement.
[80] La Procureure demande à la Régie de rejeter la prétention de Grenier selon laquelle la pénalité prévue au Règlement sur le contingentement constitue un traitement ou une peine cruelle et inusitée. Pour conclure à une pénalité de telle nature, le seuil est très élevé et que ce n’est qu’en de rares occasions que les tribunaux estimeront qu’une sanction est cruelle et inusitée; il faut qu’elle porte atteinte à la dignité humaine, qu’elle soit totalement disproportionnée et qu’elle soit appliquée arbitrairement. Elle cite R. c. Smith[43] :
94. Une peine est cruelle et inusitée et porte atteinte à l'art. 12 de la Charte si elle présente une ou plusieurs des caractéristiques suivantes:
(1) La peine, de par sa nature ou sa durée, choque la conscience collective ou porte atteinte à la dignité humaine;
(2) La peine va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre un objectif social régulier, compte tenu des objectifs pénaux légitimes et du caractère adéquat des solutions de rechange possibles; ou
(3) La peine est infligée arbitrairement en ce sens qu'elle n'est pas infligée sur une base rationnelle conformément à des normes vérifiées ou vérifiables.
[81] Dans le cas de Grenier, la sanction est déterminée de manière rationnelle et proportionnelle à l’infraction. Le montant résulte du caractère répétitif des manquements de Grenier qui a sciemment choisi d’ignorer la réglementation applicable à ce secteur d’activité.
[82] La Procureure est aussi d’avis que l’article 22 du Règlement sur le contingentement ne contrevient pas à l’article 6 de la Charte québécoise auquel Grenier réfère, ici encore, sans indiquer dans son Avis d’intention en quoi il y contreviendrait. Elle demande de rejeter cette prétention.
[83] Subsidiairement, elle soumet qu’il n’y a pas atteinte au droit de Grenier à la jouissance paisible de ses biens et à la libre disposition de ceux-ci, puisque l’article 22 du Règlement sur le contingentement ne fait que prévoir une pénalité dans le cas de certains manquements à la réglementation applicable. Par ailleurs, même si cet article constituait une limite à la jouissance paisible des biens de Grenier et à la libre disposition de ceux-ci, il s’agirait d’une limite prévue à la loi[44] et ne saurait constituer une atteinte aux droits protégés par l’article 6 de la Charte québécoise.
[84] Pour l’ensemble des motifs exprimés, la Procureure demande à la Régie de rejeter l’Avis d’intention présenté par Grenier.
[85] Il n’est pas contesté que la Fédération dispose d’un délai de trois ans pour faire valoir sa réclamation, et ce, en vertu des dispositions de l’article 2925 du C.c.Q. qui se lit comme suit :
L'action qui tend à faire valoir un droit personnel ou un droit réel mobilier et dont le délai de prescription n'est pas autrement fixé se prescrit par trois ans.
[86] La Régie retient que c’est le dépôt d’une demande en justice qui forme une interruption civile comme le prévoit l’article 2982 du C.c.Q. :
Le dépôt d'une demande en justice, avant l'expiration du délai de prescription, forme une interruption civile, pourvu que cette demande soit signifiée à celui qu'on veut empêcher de prescrire, au plus tard dans les 60 jours qui suivent l'expiration du délai de prescription.
[87] La Régie constate que la demande de la Fédération a été reçue par elle le 28 février 2014 et signifiée à Grenier le 7 mars 2014, soit moins de trois ans après la mise en marché du sirop d’érable de l’année de récolte 2011. Elle conclut que la demande de la Fédération pour le sirop produit en 2011 et mis en marché par Grenier n’est pas prescrite.
[88] L’article 5 de la Loi 28, entrée en vigueur le 30 novembre 2011, a validé les clauses prévoyant le paiement de dommages liquidés ou d’autres pénalités contenues aux sentences arbitrales qui tiennent lieu de conventions homologuées :
5. Sont validées les clauses prévoyant le paiement de dommages liquidés ou d’autres pénalités contenues aux sentences arbitrales qui tiennent lieu de conventions homologuées ou aux décisions qui tiennent lieu de sentences arbitrales en tant qu’elles avaient été décrétées par la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec en l’absence d’une habilitation législative.
[89] En outre, cette même loi a accordé à la Régie, à compter de son entrée en vigueur, le pouvoir de décider de l’exigibilité d’une somme d’argent et d’en ordonner le paiement de montant d’argent :
La Régie peut aussi décider de l’exigibilité d’une somme d’argent en application d’un plan, d’un règlement, d’une convention homologuée, d’une sentence arbitrale qui en tient lieu ou d’une décision qui tient lieu de sentence arbitrale et en ordonner le paiement.
[90] La Régie a donc la compétence pour se prononcer sur les conclusions, à caractère pécuniaire, énoncées dans la demande de la Fédération.
[91] Il a été admis par Grenier qu’au cours des années de commercialisation 2011 à 2014, il a mis en marché auprès de S.K. Export, un acheteur du Nouveau-Brunswick, toute sa production de sirop d’érable dans des barils de 32 gallons.
[92] L’honorable Clément Samson, j.c.s.[45], rendant jugement, le 15 septembre 2014, devant des faits et une argumentation similaires, conclut qu’un producteur ne peut échapper au régime québécois de réglementation de la production et de la mise en marché du sirop d’érable en destinant sa production à l’extérieur du Québec :
[211] Bien que la Régie n’ait pas de pouvoirs délégués expressément par le Parlement fédéral, sa loi constitutive lui permet de statuer à l’égard de l’érablière de Madame Grenier, celle-ci étant assujettie aux lois de la législature québécoise.
[212] Les arguments constitutionnels présentés par Madame Grenier sont écartés. Le caractère véritable de la loi et de ses règlements démontre que la Loi et les règlements ont été adoptés par la législature québécoise à l’intérieur de sa juridiction constitutionnelle.
[93] La Cour d’appel du Québec, dans Grenier c. Fédération des producteurs acéricoles du Québec[46] a rejeté l’appel concernant ce jugement de l’honorable Samson le 21 juillet 2016. Elle présente une analyse exhaustive du Décret sur l’eau d’érable et le sirop d’érable du Québec et en tire la conclusion qui apparaît aux paragraphes 83 à 85 :
[83] Au final, je suis d’avis que le Décret de 1993, qui met en œuvre la délégation administrative, révèle une volonté précise de collaboration entre les deux ordres de gouvernement dans le but de prévenir tout conflit d’application et tout conflit d’intention dans le domaine de la gestion de l’offre en matière de produits de l’érable.
[84] Cette volonté de collaboration et le mécanisme utilisé pour la réaliser assurent la validité constitutionnelle des régimes mis en place par la Loi sur la mise en marché et les règlements adoptés par la Fédération même lorsque, comme en l’espèce, ce régime est appliqué à un producteur qui destine son produit au marché interprovincial ou international.
[85] En conséquence, ce motif est suffisant pour rejeter le recours de l’appelante sans qu’il soit nécessaire de procéder à l’analyse du caractère véritable de la Loi sur la mise en marché pour en vérifier la validité.
[94] Compte tenu que le jugement de l’honorable juge Samson dont l’appel fut rejeté par la Cour d’appel établit l’état du droit, la Régie rejette les arguments de Grenier sur la question du commerce hors Québec.
[95] Grenier soutient que la Loi contient des dispositions pénales, notamment à l’article 193, qui devraient être utilisées à la place de celles contenues dans les règlements ou les conventions de mise en marché.
[96] Ces dispositions rendraient le présumé contrevenant, M. Grenier, passible d’une amende variant entre 350 $ et 2 000 $, pour une première infraction et entre 650 $ et 6 000 $ en cas de récidive.
[97] Cette amende est applicable dans le cas d’une contravention à une convention homologuée. Toutefois, l’article 193 ne couvre pas les contraventions aux règlements pris en application de l’article 93 de la Loi, soit le Règlement sur le contingentement dans le présent dossier.
[98] L’argument de Grenier selon lequel la Loi prévoit déjà des pénalités en vertu des dispositions pénales qui rendent l’utilisation des autres pénalités superflues, ne peut être retenu par la Régie. Les dispositions pénales statutaires libellées à la Loi sont des recours autonomes, non exclusifs et de droit public qu’il n’y a pas lieu de confondre avec les autres pénalités prévues par règlement ou par convention.
[99] Il y a lieu de distinguer les pénalités de nature pénale statutaire de celles de nature civile. Ainsi, l’existence d’une infraction pénale donnant ouverture à un recours public prévu à la Loi, n’exclut pas la possibilité pour la Fédération d’entreprendre un recours de droit commun. La Cour d’appel, dans l’affaire Maurice[47], abonde en ce sens :
L'existence d'une infraction statutaire donnant ouverture à un recours public n'exclut pas nécessairement la possibilité pour un justiciable d'intenter un recours de droit commun. Dans la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, il n'existe pas de dispositions prévoyant le caractère exclusif des sanctions prévues par la loi qui limiteraient la possibilité d'intenter un recours de droit commun. Les recours et peines qui y sont prévus ne pourraient permettre à l'appelante de recouvrer le montant des dommages subis. Le recours en dommages-intérêts de l'appelante repose sur la violation des dispositions de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles à la suite des agissements dolosifs de plusieurs personnes. Cette action que la loi n'exclut pas, constitue un moyen efficace pour rendre l'intimé solidairement responsable des coûts résultant de la mise en marché hors quota.
[100] Dans cette même affaire, la Cour d’appel souligne le caractère tantôt inefficace, tantôt inapplicable des dispositions pénales statutaires donnant ouverture aux recours publics[48].
[20] En l'espèce, il s'agit de déterminer s'il existe, dans la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, des dispositions qui limiteraient la possibilité d'intenter tout recours de droit commun envers quiconque aurait enfreint la loi, conférant ainsi une exclusivité au recours public. En regard de la situation juridique de l'intimé, un examen détaillé de la loi nous révèle que les recours et peines qui y sont prévus (section XVII de la loi) ou qui en émanent ne pourraient permettre à l'appelante de recouvrer le montant des dommages qu'elle prétend avoir subis. Généralement, ces recours publics ne visent pas l'intimé et le seul qui pourrait le concerner se révèle totalement inefficace en regard de l'objet de la demande.
[101] Par conséquent, la Fédération pouvait utiliser les autres voies procédurales.
[102] Grenier considère que les clauses relatives aux dommages liquidés contre les producteurs, prévues aux conventions, sont des clauses pénales invalides considérant l’absence de liberté contractuelle, argument que la Régie rejette. La Cour d’appel s’est d’ailleurs prononcée sur cette question dans l’arrêt Érablière de l’Amitié[49] :
[8] Relativement au pouvoir de la Régie de condamner une personne ou entité engagée dans la mise en marché d'un produit à payer à la Fédération des dommages-intérêts liquidés, cette dernière soutient que l'arrêt Bourgoin peut être distingué car celui-ci mettait en cause un acheteur alors qu'en l'espèce, l'Érablière est un producteur de sirop d'érable. La Fédération attire l'attention de la Cour sur l'article 65 de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles (…) qui énonce qu'un « office est l'agent de négociation des producteurs ». La Fédération étant habilitée par la loi à négocier et conclure une convention de mise en marché au nom des producteurs qu'elle représente, il faudrait donc présumer que ceux-ci ont consenti aux clauses de dommages-intérêts liquidés et sont liés par celles-ci.
[9] De l'avis de la Cour, la question à trancher n'est pas de déterminer si la Fédération peut négocier ce type de clause au nom des producteurs qu'elle représente ― ce qui est clairement le cas — mais de décider si la Régie a le pouvoir ou non de condamner un producteur à payer à la Fédération des dommages-intérêts. Or, sauf les articles 26 et 43 cités précédemment qui ne sont d'aucun secours à la Fédération, le législateur n'a pas accordé ce pouvoir à la Régie nulle part ailleurs dans la loi.
[10] La même remarque vaut à l'égard de la réclamation de la Fédération pour les contributions impayées par l'Érablière encore que sur cette question, la Régie, en raison de l'arrêt rendu par notre cour dans Fédération des producteurs acéricoles du Québec c. Doyon, a eu tort de libérer l'Érablière du paiement de ces sommes. Voici ce qu'écrit la Cour :
[3] Avec égards pour l'opinion du premier juge, nous sommes d'avis que l'obligation secondaire des acheteurs n'a pas pour effet d'éliminer l'obligation primaire des producteurs de payer les contributions à l'appelante. La rédaction défectueuse des textes applicables ne permet pas de déterminer d'emblée qu'il s'agit bien d'obligations alternatives.
(nos soulignements)
[103] Dans les faits, la Fédération, à titre d'agent de négociation de l'ensemble des producteurs acéricoles, a négocié avec le Conseil de l’industrie de l’érable, organisme accrédité par la Régie pour représenter tous les acheteurs, la Convention de mise en marché du sirop d’érable pour les années 2011-2012. Cette convention prévoit une clause de dommages liquidés à l’article 11.02 faisant l’accord des parties. Cette clause est reprise intégralement à la Convention de mise en marché du sirop d’érable pour les années 2013-2014.
[104] L’article 112 de la Loi donne à la Fédération le pouvoir de négocier, au nom de tous les producteurs, les conditions et modalités de production et de mise en marché du sirop d’érable. Des clauses de dommages-intérêts, telle que celle de l’article 11.02 des conventions de mise en marché qui s’appliquent au présent dossier, font partie de ces conditions et modalités.
[105] Quant aux contributions, elles sont établies par règlements adoptés par les producteurs en assemblée générale conformément à l’article 123 de la Loi et approuvées par la Régie. Elles sont en conséquence exigibles et payables à la Fédération. Elles totalisent 0,12 $livre de sirop d’érable livré ou vendu de 2011 à 2014 et ont des fins distinctes des clauses relatives aux dommages liquidés prévues aux conventions de mise en marché du sirop d’érable.
[106] Grenier soumet que l’article 22 du Règlement sur le contingentement est inconstitutionnel puisqu’il contreviendrait aux articles 7, 11 d), 11 i) et 12 de la Charte canadienne et avec les articles 1 et 6 de la Charte québécoise.
[107] Il invoque également le caractère abusif des pénalités, vu l’addition à celles-ci des dommages liquidés, des intérêts et des contributions prévus aux conventions de mise en marché et aux règlements relatifs à l’acériculture réclamées par la Fédération.
[108] Relativement aux dispositions des articles des chartes, Grenier n’a pas été en mesure de démontrer à la Régie que l’article 22 du Règlement sur le contingentement portait atteinte à son droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne (Charte canadienne), ainsi qu’à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté de sa personne (Charte québécoise), pas plus qu’il était un « inculpé » et qu’il était privé de son droit à la jouissance paisible et à la libre disposition de ses biens, garanti par ces chartes.
[109] Grenier devait démontrer que l’article 22 du Règlement sur le contingentement porte atteinte à la sécurité de sa personne, donc à son intégrité physique ou psychologique, et que cette atteinte n’est pas conforme aux principes de justice fondamentale. Or, il ne soulève que des arguments de nature économique. À cet égard, la jurisprudence est claire : la Charte canadienne ne protège pas les intérêts purement économiques d’une personne.
[110] Grenier n’est pas un « inculpé » au sens de l’article 11 de la Charte canadienne qui protège celui qui est accusé d’une infraction criminelle puisque la procédure découlant de l’application de l’article 22 du Règlement sur le contingentement n’est qu’administrative. La Cour suprême dans Guindon c. Canada[50] s’exprime ainsi :
[45] Une procédure est criminelle de par sa nature même lorsqu’elle vise à promouvoir l’ordre et le bien-être publics dans une sphère d’activité publique. Par contre, une procédure est de nature administrative lorsqu’elle vise principalement l’observation de règles ou la réglementation de la conduite dans une sphère d’activité limitée (voir Martineau, par. 21-22; Wigglesworth, p. 560). Il ne faut pas s’attacher à la nature de l’acte qui est à l’origine de la procédure, mais bien à la nature de la procédure comme telle, compte tenu de son objectif et de ses modalités (Martineau, par. 24 et 28-32; R. c. Shubley, [1990] 1 R.C.S. 3, p. 18-19). Une procédure a un objectif criminel lorsqu’elle vise à amener la personne en cause « à rendre compte à la société » d’une conduite « contraire à l’intérêt public » (Shubley, p. 20).
[111] Dans Martineau c. M.R.N.[51], la Cour réfère aux critères utilisés dans R. c. Wigglesworth :
19. Dans l’arrêt Wigglesworth, précité, p. 554, la juge Wilson, écrivant au nom des juges majoritaires, a interprété la notion d’« inculpé » de façon à en limiter l’application aux « infractions publiques comportant des sanctions punitives, c.-à-d. des infractions criminelles, quasi criminelles et de nature réglementaire ». Elle a précisé qu’une affaire relève de l’art. 11 de la Charte lorsque, premièrement, de par sa nature même, il s’agit d’une procédure criminelle ou, deuxièmement, une déclaration de culpabilité relativement à l’infraction est susceptible d’entraîner une véritable conséquence pénale (Wigglesworth, p. 559).
[112] Or, dans Guindon c. Canada[52], il est précisé ce qu’est une véritable conséquence pénale :
[46] Une « véritable conséquence pénale » s’entend de « l’emprisonnement ou [de l’]amende qui par son importance semblerait imposée dans le but de réparer le tort causé à la société en général plutôt que pour maintenir la discipline à l’intérieur d’une sphère d’activité limitée » (Wigglesworth, p. 561; voir aussi Martineau, par. 57). Il existe inévitablement un certain chevauchement entre le régime et la sanction lorsqu’il s’agit d’analyser leur objet respectif, mais les tribunaux ont examiné les deux séparément dans la mesure du possible et reconnu que la procédure est pénale pour l’application de l’art. 11 lorsqu’elle satisfait à l’un ou l’autre des volets du critère, et que rares sont les situations dans lesquelles il est satisfait à l’un mais non aux deux volets (ibid.).
(nos soulignements)
[113] Si la possibilité d’emprisonnement constitue toujours une véritable conséquence pénale, la situation des sanctions pécuniaires n’est pas aussi manifeste. En effet, l’importance du montant de la sanction n’est pas déterminante en soi. C’est ce qu’expose la cour dans Guindon c. Canada[53] citée précédemment :
[77] L’importance de la sanction n’est pas déterminante en soi. Toutefois, lorsque le montant en cause est disproportionné à celui qui permet d’atteindre les objectifs de la réglementation, il y a lieu de penser qu’il s’agit d’une véritable conséquence pénale, de sorte que la disposition emporte l’application de l’art. 11 de la Charte. Cela ne veut pas dire qu’une pénalité d’un montant très élevé ne puisse être infligée à titre de sanction pécuniaire administrative. Il arrive en effet parfois qu’une pénalité d’un montant substantiel soit nécessaire pour décourager l’inobservation d’un régime administratif (voir Rowan c. Ontario Securities Commission, 2012 ONCA 208, 110 O.R. (3d) 492, par. 49). Le montant de la pénalité doit refléter l’objectif de décourager l’inobservation du régime administratif ou de réglementation.
(nos soulignements)
[114] La Fédération a déterminé que la pénalité prévue à l’article 22 du Règlement sur le contingentement est nécessaire pour soutenir l’observation du régime administratif. Elle est établie par simple équation mathématique. Elle est proportionnelle à la quantité de sirop d’érable produite et mise en marché en contravention avec ce règlement. La Régie constate que, malgré sa connaissance du Règlement sur le contingentement et de la pénalité prévue à son article 22, Grenier a continué à produire et mettre en marché du sirop d’érable de 2011 à 2014. La pénalité prévue à l’article 22 n’a pas été suffisante pour décourager ce producteur de l’inobservation du Règlement sur le contingentement.
[115] Quant à l’article 12 de la Charte canadienne, Grenier n’a pas démontré qu’il y avait atteinte à son droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités par l’imposition de sommes exagérées par rapport à la contravention, à la valeur du sirop d’érable et disproportionnées par rapport à l’objectif de la Loi.
[116] La Régie constate que Grenier est impliqué dans un secteur d’activités commerciales réglementé. Le système de réglementation mis en place sous l’autorité de la Loi pour encadrer la production et la mise en marché du sirop d’érable établit des règles applicables à tous ceux qui interviennent dans ce secteur d’activité, y compris des pénalités en cas de non-respect de ces règles. Celle de l’article 22 du Règlement sur le contingentement est autorisée par l’article 93 de la Loi.
[117] La Régie constate enfin que Grenier a choisi délibérément de produire et mettre en marché du sirop d’érable sans tenir compte des règlements et conventions valides en place, et que, dûment informé par la Fédération des écarts qui lui étaient reprochés et des solutions pour mettre fin au différend, il a volontairement décidé de ne pas en tenir compte.
[118] Enfin, à la suite de l’adoption de la Loi 28, la Régie s’est prononcée dans ses décisions 10146 et 10156 sur la portée des nouveaux pouvoirs que cette loi lui accordait. De façon plus précise sur la possibilité d’imposer le paiement d’intérêts sur des sommes réclamées, la Régie indiquait dans sa Décision 10665[54]:
[77] La Régie rejette cependant la demande de la Fédération d’inclure des intérêts au taux légal à compter de l’assignation pour les contributions dues en vertu des règlements sur les contributions parce que rien n’est prévu à cet effet à ce règlement.
[78] En effet, l’article 126 de la Loi prévoit :
126. Tout producteur en retard dans le paiement de la contribution prévue au plan ou à un règlement pris conformément aux articles 123 et 124, peut être tenu de payer un intérêt fixé par règlement de l'assemblée générale des producteurs.
[79] La Régie ne retient pas non plus la demande de condamnation à des intérêts pour les pénalités dues en vertu du Règlement des producteurs acéricoles sur les normes de qualité et le classement, de même que du Règlement sur l'agence de vente parce que ces règlements sont muets à cet égard et que la Loi prévoit que la Régie a le pouvoir de décider de l’exigibilité d’une somme d’argent seulement lorsque c’est en application d’un plan, d’un règlement ou d’une convention de mise en marché[55].
[119] La Régie constate que le Règlement imposant aux producteurs acéricoles une contribution spéciale pour fin de contrôle de la qualité, le Règlement des producteurs acéricoles sur la contribution spéciale pour l’établissement d’un fonds pour la gestion des surplus de production et le Règlement sur le contingentement sur lesquels s’appuie la Fédération pour réclamer des montants d’argent à Grenier ne comportaient pas, au cours de la période visée, de dispositions prévoyant le versement d’intérêts sur les sommes dues. Il en était de même pour les dommages liquidés prévus aux conventions de mise en marché du sirop d’érable applicables.
[120] En conséquence, la Régie rejette la demande de la Fédération d’inclure des intérêts au taux légal majorés de l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du C.c.Q. à compter de l’assignation sur les sommes réclamées à Grenier quant à ces règlements et conventions.
POUR CES MOTIFS, LA RÉGIE DES MARCHÉS AGRICOLES ET ALIMENTAIRES DU QUÉBEC :
ACCUEILLE la demande de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec;
REJETTE l’Avis d’intention selon l’article 95 du Code de procédure civile du Québec présenté par Denis Grenier portant sur la juridiction de la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec et de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec en matière de commerce interprovincial et international et sur l’incompatibilité de l’article 22 du Règlement sur le contingentement de la production et de la mise en marché du produit visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec avec les articles 7, 11 d), 11 i) et 12 de la Charte canadienne des droits et libertés et avec les articles 1 et 6 de la Charte des droits et libertés de la personne;
CONSTATE le défaut de l’intimé de respecter toutes et chacune des obligations qui lui incombent en vertu de toute la réglementation visant la production et la mise en marché de sirop d’érable au Québec lors des années de commercialisation 2011 à 2014, en l’occurrence le défaut de payer à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec toutes les contributions exigibles sur le sirop d’érable mis en marché par l’intimé, le défaut de faire classer et inspecter tout le sirop d’érable mis en marché en grands contenants, le défaut de mettre en marché le sirop d’érable en grands contenants par le biais de l’Agence de vente des producteurs acéricoles du Québec, ainsi que la mise en marché de sirop d’érable sans contingent à cet effet;
CONSTATE que Denis Grenier a produit et mis en marché en contenants de plus de 5 litres ou de plus de 5 kilogrammes les quantités suivantes de sirop d’érable, produit visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec :
Année |
Nombre de livres de sirop d’érable mises en marché |
2011 |
4 338 |
2012 |
4 133 |
2013 |
11 043 |
2014 |
8 274 |
Total |
27 788 |
CONSTATE que 27 788 livres de sirop d’érable visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec et produit par Denis Grenier n’ont fait l’objet d’aucun paiement ni de retenues de contributions payables à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec en vertu de la réglementation applicable;
CONSTATE que 27 788 livres de sirop d’érable visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec et produit par Denis Grenier sans qu’il ne détienne un contingent conformément au Règlement sur le contingentement de la production et de la mise en marché du produit visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec, ont été mises en marché en contravention avec le Règlement sur l’agence de vente des producteurs acéricoles et sans s’assurer que ce sirop d’érable soit classé et la qualité vérifiée par l’Agent exclusif conformément au Règlement des producteurs acéricoles sur les normes de qualité et de classement et aux conventions de mise en marché applicables pour les années 2011 à 2014;
ORDONNE à l’intimé de payer à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec la somme de 2 014,63 $, représentant les contributions dues en vertu du Règlement des producteurs acéricoles sur la contribution pour l’application du Plan conjoint et du Règlement imposant aux producteurs acéricoles une contribution spéciale pour fin de développement des marchés et impayées pour le sirop d’érable produit et mis en marché lors des récoltes 2011 à 2014, plus les taxes applicables et plus les intérêts quant aux contributions à payer, à compter de l’exigibilité de la somme précitée;
ORDONNE à l’intimé de payer à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec la somme de 1 319,93 $, représentant les contributions dues en vertu du Règlement imposant aux producteurs acéricoles une contribution spéciale pour fin de contrôle de la qualité et du Règlement des producteurs acéricoles sur la contribution spéciale pour l’établissement d’un fonds pour la gestion des surplus de production et impayées pour le sirop d’érable produit et mis en marché lors des années 2011 à 2014, plus les taxes applicables;
ORDONNE à l’intimé de payer à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec la somme de 22 230,40 $, représentant les dommages liquidés applicables considérant son défaut de faire classer et inspecter, et de livrer à l’agence de vente des producteurs acéricoles, le sirop d’érable produit lors des récoltes 2011 à 2014;
ORDONNE à l’intimé de payer à la Fédération des producteurs acéricoles du Québec la somme de 33 345,60 $, représentant la pénalité applicable en vertu de l’article 22 du Règlement sur le contingentement de la production et de la mise en marché du produit visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec, pour le sirop d’érable mis en marché sans détenir de contingent lors des récoltes 2011 à 2014;
ORDONNE à l’intimé de ne pas, à l’avenir, produire et mettre en marché du produit visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec :
- sans détenir un contingent valide à cet effet conformément au Règlement sur le contingentement de la production et la mise en marché du produit visé par le Plan conjoint des producteurs acéricoles du Québec;
- sans le faire dûment classer et inspecter conformément au Règlement des producteurs acéricoles sur les normes de qualité et de classement;
- autrement que par le biais de l’Agence de vente des producteurs acéricoles du Québec, conformément au Règlement sur l’agence de vente des producteurs acéricoles du Québec.
(s) Gaétan Busque (s) Daniel Diorio
(s) André Rivet
[1] RLRQ, chapitre C-25.01.
[2] RLRQ, chapitre C-12.
[3] RLRQ, chapitre M-35.1.
[4] RLRQ, chapitre M-35.1, r. 9.
[5] Partie I de l'annexe B de la Loi sur le Canada, chapitre 11 du recueil des lois du Parlement du Royaume-Uni pour l'année 1982.
[6] Ibid. note 1.
[7] RLRQ, chapitre M-35.1, r. 19.
[8] RLRQ, chapitre M-35.1, r. 7.
[9] RLRQ, chapitre M-35.1, r. 18.
[10] RLRQ, chapitre M-35.1, r. 10.
[11] RLRQ, chapitre M-35.1, r. 11.
[12] RLRQ, chapitre M-35.1, r. 12.
[13] RLRQ, chapitre M-35.1, r. 13.
[14] L.R.C., 1985, ch. 20 (4e suppl.).
[15] L.R.C., 1983, ch. A-6.
[16] DORS/93-154.
[17] DORS/93-195.
[18] C.R.C., chapitre. 289.
[19] RLRQ, 2011, chapitre 28.
[20] Dossier 141-09-04-101 de la Régie.
[21] 2014 QCCS 4311.
[22] 2014 QCCA 1862.
[23] Chapitre CCQ-1991.
[24] 2013 QCCQ 8349, par. 58.
[25] Ibid. par. 57.
[26] 2011 QCCS 3977.
[27] 2014 QCCS 5139.
[28] 2007 QCCA 1052, par. 55.
[29] 2015 CSC 41, par. 75 à 77.
[30] 2013 ACCA 1565.
[31] Ibid. note 21.
[32] 2011 QCCA 1058, par. 36, 37, 43, 45 et 46.
[33] Humby c. Canada, 2013 CF 1136, par.125, 126 et 134, Perusco v. The Queen, 2011 CCI 409, par. 22 et 23.
[34] Décision 10665 du 27 avril 2015.
[35] 2008 QCCS 3814, par. 35 à 38.
[36] RLRQ, chapitre M-35.1, r. 51.
[37] Ibid. Note 21.
[38] 2015 CRAC 25, par. 46 à 48.
[39] Lavallée c. Alberta (Securities Commission) 2010 ABCA 48, par. 27.
[40] R.v. Transport Robert (1973) Ltée, [2003] O.J. No. 4306, par. 27 à 29.
[41] 2015 CSC 41.
[42] R.C. Wiggleworth, 2 R.C.S., 541, 560.
[43] R. c. Smith, [1987] 1 R.C.S. 1045, par. 94.
[44] Note : Un règlement doit être considéré comme la « loi » au sens de l’article 6 de la Charte québécoise. Voir l’article 56(3) de cette charte.
[45] Ibid. Note 21, par. 211 et 212.
[46] 2016 QCCA 1203.
[47] Fédération des producteurs de lait du Québec c. Maurice, 1994 CanLII 5902 (QC CA).
[48] Ibid. par. 20.
[49] Ibid. par. 26.
[50] Guindon c. Canada, [2015] CSC 41, par. 45.
[51] Martineau c. M.R.N., [2004] 3 R.C.S. 737, par. 745.
[52] Ibid, note 40, par. 46.
[53] Guindon c. Canada, [2015] CSC 41, par. 77.
[54] Décision 10665 du 27 avril 2015.
[55] Décision 10156 du 3 décembre 2013.
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