Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier

Malic c. Winners Merchant Inc.

2015 QCCQ 6975

COUR DU QUÉBEC

« Division des petites créances »

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

DISTRICT DE

MONTRÉAL

« Chambre civile »

N° :

500-32-140551-138

 

 

 

DATE :

11 août 2015

______________________________________________________________________

 

SOUS LA PRÉSIDENCE DE

L’HONORABLE

ARMANDO AZNAR, J.C.Q.

______________________________________________________________________

 

 

SLAVICA MALIC

Demanderesse

c.

WINNERS MERCHANT INC.

Défenderesse

 

 

______________________________________________________________________

 

JUGEMENT

______________________________________________________________________

 

[1]           La demanderesse réclame de la défenderesse la somme de 7,000.00 $ à titre de dommages et ce, en raison de sa détention, arrestation et fouille qu’elle qualifie d’illégale survenu le 14 novembre 2010.

[2]           Les dommages réclamés par la demanderesse se détaillent comme suit :

a.    Frais d’avocat assumés pour sa défense en Cour Municipale : 5,265.00 $;

b.    Dommages moraux, troubles et inconvénients : 1, 735.00 $.

[3]           La défenderesse conteste l’action intentée contre elle alléguant que la demanderesse a bel et bien changé l’étiquette de prix sur une paire de pantalons qu’elle a acheté en plus d’avoir volé une paire de chaussures et que c’est pour cette raison qu’elle fut arrêtée et fouillée et qu’une plainte fut déposée par elle auprès du Service de police de la Ville de Montréal.

[4]           Sans admission aucune de responsabilité, la défenderesse admet que la demanderesse a encouru des frais d’avocat qui s’élèvent à 5,265.00 $ et ce, afin de se défendre devant la Cour Municipale de Montréal suite au dépôt des accusations criminelles portées contre elle.

[5]           Notamment, à la suite de la plainte déposée par la défenderesse auprès du Service de police de la Ville de Montréal, les accusations suivantes furent déposées contre la demanderesse :

« Le 14 novembre 2010, au 815 Chabanel ouest, district de Montréal, Slavica Malic (1952-05-28), par supercherie, mensonge ou autre moyen dolosif, constituant ou non un faux-semblant, a frustré le public ou toute personne, soit : le magasin Winners, de quelque bien, service, argent ou valeur, à savoir : Jeans Diesel, d’une valeur d’environ 90.00 $, commettant ainsi l’infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire prévue à l’article 380(1)b)ii) du Code criminel. »

« Le 14 novembre 2010, au 815, Chabanel ouest, district de Montréal, Slavica Malic (1952-05-28) a commis un vol, à savoir : paire de bottes, d’une valeur d’environ : 399.99 $, la propriété du : magasin Winners, commettant ainsi l’infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire prévue à l’article 334b)ii) du Code criminel. »

[6]           La preuve a révélé que la demanderesse a été acquittée des susdites accusations. En effet, le jour du procès Monsieur Muebela Kapanga, agent de sécurité à l’emploi de la défenderesse, ne s’est pas présenté à l’audience et ce, sans avoir préalablement avisé qui que ce soit. Or, vu l’absence de preuve présentée par la Couronne, la demanderesse fut acquittée.

[7]           Selon la preuve, il appert que le 14 novembre 2010, la demanderesse s’est rendu au commerce de la défenderesse situé sur la rue Chabanel à Montréal et ce, afin d’y effectuer des achats.

[8]           Notamment, après avoir examiné la marchandise mise en vente par la défenderesse, la demanderesse a décidé d’acheter une paire de pantalons de marque Parasuco et ce, pour son époux. Selon elle, le pantalon était en vente au coût de 39.99 $. Elle a aussi décidé d’acheter une paire de bottes pour elle-même au prix réduit de 129.99 $.

[9]           Selon le témoignage de la demanderesse, après avoir mis la marchandise dans le panier, elle s’est rendu à la caisse et, avec sa carte de crédit Visa Desjardins, elle a payé ses achats le tout pour un total de 153.50 $ taxes incluses.

[10]        Après avoir payé les achats, mais avant qu’elle ne quitte le commerce de la défenderesse, la demanderesse fut interceptée par monsieur Kapanga, agent de sécurité à l’emploi de la défenderesse.

[11]        Monsieur Kapanga a alors demandé à la demanderesse d’ouvrir son sac et de lui exhiber les reçus d’achat. Une fois cela fait, il a demandé à la demanderesse de la suivre dans une petite pièce située à l’intérieure du commerce.

[12]        Selon la demanderesse, monsieur Kapanga lui a dit qu’elle avait changé les étiquettes de prix de la marchandise achetée afin de payer moins cher. La demanderesse a catégoriquement nié les allégations de monsieur Kapanga et ce, en le lui disant sur place.

[13]        Ceci dit, rendu dans la petite pièce située à l’intérieur du commerce, monsieur Kapanga a demandé à la demanderesse de vider ses poches ainsi que son sac à main et à cette occasion, il n’a rien trouvé d’anormal.

[14]        En utilisant son téléphone cellulaire, la demanderesse a alors voulu prendre une photographie des biens qu’elle venait d’acheter, mais monsieur Kapanga s’y est opposé aux motifs que les biens étaient la propriété de la défenderesse.

[15]        Selon la demanderesse, monsieur Kapanga a douté de sa sincérité, entre autres, en raison du fait son permis de conduire portait le nom de famille de son époux alors que sa carte d’assurance maladie portait son nom de famille à elle.

[16]        Après cette discussion avec monsieur Kapanga, la demanderesse a voulu quitter les lieux, mais monsieur Kapanga s’y est opposé en appelant la police. Ceci dit, une fois rendus sur les lieux, les policiers ont rempli un document intitulé, « demande d’intenter des procédures » (pièce D-1) et à la lecture de ce document, on constate qu’ils ne font état que de la version des faits relatés par monsieur Kapanga.

[17]        Les policiers ont alors demandé à la demanderesse de se rendre au poste de police pour fins de prise d’empreintes et elle a alors quitté les lieux sans les objets achetés et sans le reçu d’achat qui lui fut confisqué par monsieur Kapanga.

[18]        Au cours de l’après-midi du 14 novembre 2010, la demanderesse et son époux, Ivica Malic, sont retournés au commerce de la défenderesse et ils y ont rencontré le directeur de l’établissement accompagné de monsieur Kapanga.

[19]        La demanderesse a alors demandé à voir les biens qu’elle avait achetés afin de vérifier le prix de ceux-ci ainsi que le code-bar et aussi afin de prendre des photographies. Cela lui a été refusé.

[20]        Enfin, après 35 minutes de discussion, le directeur de l’établissement de la défenderesse a remboursé la demanderesse la somme 153.50 $ qu’elle avait payé pour l’achat des biens (pièces P-3). Cependant, les représentants de la défenderesse ont refusé de remettre à la demanderesse copie de la facture d’achat.

[21]        Au relevé de la carte de crédit de la demanderesse émis par Visa Desjardins (pièce P-5), l’on constate un achat de 153.50 $ chez la défenderesse le 14 novembre 2010, achat qui lui a été remboursé le même jour.

[22]        Finalement, à l’audience, la demanderesse réitère qu’elle n’a jamais changé les étiquettes sur la marchandise qu’elle a achetée le 14 novembre 2010 et qu’elle n’a jamais volé la paire de bottes tel qu’allégué par monsieur Kapanga. Elle est catégorique à l’effet que le pantalon et les bottes étaient en vente et elle dit avoir payé le prix indiqué sur la marchandise.

[23]        Pour la défenderesse, a témoigné Muebela Kapanga, agent de sécurité à son emploi.

[24]        Monsieur Kapanga a réitéré ce qui est contenu au « rapport d’incident complémentaire » qu’il a complété et signé et qui est joint à la « demande d’intenter des procédures » (pièce D-1).

[25]        À l’audience, bien qu’il était à une certaine distance de celle-ci, monsieur Kapanga réitère avoir vu la demanderesse changer les étiquettes de la paire de pantalons et d’avoir mis une paire de bottes dans un sac de marque Winners qu’elle avait en sa possession.

[26]        Selon monsieur Kapanga, la demanderesse a payé 39.95 $ pour les pantalons alors que ceux-ci se vendaient 129.99 $ ajoutant qu’elle a quitté l’établissement sans payer les bottes qui elles se vendaient 399.99 $.

[27]        Au « rapport d’incident de prévention des pertes » complété par monsieur Kapanga et qui est joint à la « demande d’intenter des procédures » (pièce D-1), monsieur Kapanga mentionne qu’il existe une preuve vidéo des faits allégués par lui. Pourtant, cette preuve vidéo n’a jamais été produite ni devant la Cour Municipale ni devant la Cour du Québec. Ce qui est troublant est que cela s’explique par le fait que cette preuve vidéo n’a jamais existé, tel que l’a reconnu monsieur Kapanga devant le Tribunal.

[28]        La preuve a révélé que la demanderesse a dû faire face à deux (2) chefs d'accusation qui ont été décrits précédemment.

[29]        La preuve a également démontré que la demanderesse a été acquittée vu l’absence de preuve présentée par la Couronne. Néanmoins, le Tribunal trouve troublant les faits suivants, à savoir :

a.    que la défenderesse a confisqué le reçu d’achat émis à la demanderesse le 14 novembre 2010 et a refusé de lui en donner une copie;

b.    que la défenderesse n’est pas en mesure d’exhiber une copie du reçu d’achat;

c.    que la preuve vidéo alléguée au « rapport d’incident de la prévention des pertes » signé par monsieur Kapanga n’a jamais existé;

d.    que monsieur Kapanga ne s’est pas présenté au procès tenu devant la Cour Municipale et ce, sans préalablement avertir qui que ce soit de son absence;

e.    que la défenderesse n’ait pas fait témoigner la caissière en service à la caisse où la demanderesse a payé les biens achetés, laquelle aurait pu témoigner quant aux circonstances entourant l’achat et le paiement des biens.

[30]        Cela dit, la prépondérance de la preuve et plus particulièrement, le remboursement de la somme de 153.05 $ fait par la défenderesse, révèle que la demanderesse a bel et bien acheté deux articles et non un seul comme le prétend la défenderesse. De plus, s’il est possible que le prix affiché aux articles n’était pas le bon, la preuve présentée ne permet pas de conclure que la demanderesse a changé les étiquettes comme l’a affirmé monsieur Kapanga. Il s’agit là uniquement d’hypothèses formulées par monsieur Kapanga.

[31]        À cet égard, le fait que monsieur Kapanga était à une certaine distance de la demanderesse lorsqu’il dit avoir observé ses agissements, le fait que le reçu émis par la défenderesse le 14 novembre 2010 n’est plus disponible, le fait que la preuve vidéo alléguée n’a jamais existé et l’absence de monsieur Kapanga au procès qui s’est tenu devant la Cour Municipale, sont tous des éléments qui minent la crédibilité de son témoignage au point que le Tribunal le rejette comme étant non crédible.

[32]        Ceci étant, compte tenu des explications qui ont été données par la demanderesse et monsieur Kapanga suite à son interpellation le 14 novembre 2010, le Tribunal est d’avis que la défenderesse n’avait pas, dès ce moment, de motifs raisonnables de croire que la défenderesse avait posé les gestes qui lui ont été reprochés par elle dans la « demande d’intenter des procédures » (pièce D-1), ni de l’arrêter, ni de la fouiller.

[33]        De plus, le Tribunal est d’avis que la demanderesse n’avait pas de motifs raisonnables justifiant le dépôt de la plainte contenue au document « demande d’intenter des procédures » (pièce D-1) et qui a résulté dans la mise en accusation de la demanderesse.

[34]        Considérant ce qui précède, en agissant comme il l’a fait, sans motifs raisonnables, monsieur Kapanga a agi de façon arbitraire commettant ainsi une faute au sens de l’article 1457 du Code civil du Québec qui prévoit ce qui suit :

« 1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s'imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

Elle est, lorsqu'elle est douée de raison et qu'elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu'elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu'il soit corporel, moral ou matériel.

Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d'une autre personne ou par le fait des biens qu'elle a sous sa garde.»

[35]        Comme monsieur Kapanga est l’employé de la défenderesse et que la faute a été commise dans l’exécution de ses fonctions, la responsabilité de la défenderesse doit être retenue.

[36]        À cet égard, l’article 1463 du Code civil du Québec prévoit ce qui suit :

« 1463. Le commettant est tenu de réparer le préjudice causé par la faute de ses préposés dans l'exécution de leurs fonctions; il conserve, néanmoins, ses recours contre eux. »

[37]        En conséquence, considérant ce qui précède, le Tribunal accueille l’action de la demanderesse en partie.

[38]        En ce qui concerne les dommages réclamés, eu égard à la preuve et vu l’admission de la défenderesse, le Tribunal accorde à la demanderesse la somme de 5,265.00 $ en remboursement des frais d’avocats qu’elle a assumés afin de se défendre devant la Cour Municipale.

[39]        De plus, le Tribunal accorde à la demanderesse un montant de 1,000.00 $ à titre de dommages moraux, troubles et inconvénients.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :

ACCUEILLE en partie l’action de la demanderesse;

CONDAMNE la défenderesse à payer à la demanderesse la somme de 6,265.00 $ avec intérêt au taux légal plus l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 du Code civil du Québec à compter du 13 août 2013, plus les frais judiciaires au montant de 167.00 $

 

 

__________________________________

ARMANDO AZNAR, j.c.Q.

 

 

Date d’audience :

22 juin 2015

 

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.