LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES QUÉBEC MONTRÉAL, le 25 janvier 1993 DISTRICT D'APPEL DEVANT LA COMMISSAIRE : Sylvie Moreau DE MONTRÉAL RÉGION:MONTÉRÉGIE AUDIENCE TENUE LE : 11 janvier 1993 DOSSIER:34133-62-9111 DOSSIER CSST:03540804 À : Montréal DOSSIER B.R.:60665322 REQUÊTE PRÉSENTÉE EN VERTU DE L'ARTICLE 406 DE LA LOI SUR LES ACCIDENTS DU TRAVAIL ET LES MALADIES PROFESSIONNELLES [L.R.Q., c. A-3.001] MONSIEUR GILBERT LAPRADE 13, rue Vernais Mercier (Québec) J6R 2H9 PARTIE APPELANTE et LE GROUPE ZIMMCOR 2100, rue Remembrance Lachine (Québec) H8S 1X3 PARTIE INTÉRESSÉE D É C I S I O N Le 7 août 1992, le Groupe Zimmcor, l'employeur, dépose à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) une requête en révision pour cause d'une décision de la Commission d'appel rendue le 9 juin 1992.Par cette décision, la Commission d'appel accueille l'appel du travailleur, monsieur Gilbert Laprade, infirme la décision rendue le 10 septembre 1991 par le bureau de révision, déclare que le travailleur a été victime d'une sanction au sens de l'article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) et ordonne à l'employeur de verser sa part de cotisation au régime d'assurance collective pendant la période où le travailleur s'est absenté de son travail, en raison de sa lésion professionnelle.
OBJET DE LA REQUÊTE L'employeur demande à la Commission d'appel de réviser sa décision aux motifs que celle-ci est entachée d'erreurs de droit manifestement déraisonnables.
LES FAITS Le 21 novembre 1991, le travailleur dépose à la Commission d'appel une déclaration d'appel à l'encontre d'une décision rendue le 10 septembre 1991 par le bureau de révision et transmise aux parties le 27 septembre 1991.
Par cette décision, le bureau de révision infirmait la décision rendue le 11 décembre 1990 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) et déclarait que le travailleur n'avait pas fait l'objet d'une mesure ou sanction visée à l'article 32 de la loi. Les motifs de la décision de la Commission d'appel, dont la révision est demandée par l'employeur, se lisent comme suit : «La Commission d'appel doit décider si le travailleur a été l'objet de mesures discriminatoires, de représailles ou d'une sanction eu égard à l'article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles qui édicte ce qui suit: 32. L'employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la présente loi.
Le travailleur qui croit avoir été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l'article 253.
Plus précisément, la Commission d'appel doit décider si l'employeur devait assumer sa part de cotisation au régime d'assurance-collective pendant la période où le travailleur a été en arrêt de travail à la suite d'une lésion professionnelle, contrairement à l'article 235 de la loi.
L'article 235 édicte ceci: 235. Le travailleur qui s'absente de son travail en raison de sa lésion professionnelle: 1 continue d'accumuler de l'ancienneté au sens de la convention collective qui lui est applicable et du service continu au sens de cette convention et au sens de la Loi sur les normes du travail (chapitre N-1.1); 2 continue de participer aux régimes de retraite et d'assurances offerts dans l'établissement, pourvu qu'il paie sa part des cotisations exigibles, s'il y a lieu, auquel cas son employeur assume la sienne.
Le présent article s'applique au travailleur jusqu'à l'expiration du délai prévu par le paragraphe 1 ou 2 , selon le cas, du premier alinéa de l'article 240.
En l'espèce, le travailleur a payé sa part de cotisations exigibles pendant sa période d'arrêt de travail.
L'employeur, qui n'a pas payé sa part de cotisation, invoque l'article 22.07 de la convention collective qui prévoit ce qui suit: 22.07 La Compagnie paie la valeur de trente-neuf cents ($0.39) par heure régulière travaillée pour chaque employé de l'unité de négociation pour la prime d'une police d'assurance collective...» L'employeur soumet qu'en vertu de la convention collective, la contribution de l'employeur est fonction du nombre d'heures régulières travaillées par chaque travailleur. Ainsi, lorsqu'un travailleur s'absente de son travail pour quelque raison que ce soit, y compris en raison d'une lésion professionnelle, l'employeur n'est pas tenu de payer sa part de cotisation pendant cette absence.
La Commission d'appel ne partage pas cette interprétation.
En effet, en plus du lien d'emploi et du droit de retour au travail qui sont protégés par la loi pendant l'absence d'un travailleur en raison d'une lésion professionnelle, l'accumulation de l'ancienneté, du service continu de même que la participation aux régimes de retraite et d'assurance sont des éléments expressément protégés par la loi.
Accepter l'interprétation suggérée par l'employeur enlèverait tout effet à l'article 235. Selon la Commission d'appel, la loi étant d'ordre public, elle doit avoir préséance sur toute disposition qui aurait pour effet d'empêcher son application.
Il ne faut pas oublier, non plus, l'article 242 par lequel le législateur impose de considérer comme période réelle de travail celle pendant laquelle le travailleur s'est absenté en raison de sa lésion professionnelle.
242. Le travailleur qui réintègre son emploi ou un emploi équivalent a droit de recevoir le salaire et les avantages aux mêmes taux et conditions que ceux dont il bénéficierait s'il avait continué à exercer son emploi pendant son absence.
Le travailleur qui occupe un emploi convenable a droit de recevoir le salaire et les avantages liés à cet emploi, en tenant compte de l'ancienneté et du service continu qu'il a accumulés.
En conséquence, la Commission d'appel en vient à la conclusion que le travailleur a été victime d'une sanction ou d'une mesure au sens de l'article 32 de la loi.» À l'audience devant la Commission d'appel, l'employeur et le travailleur ne présentent aucune preuve additionnelle.
ARGUMENTATION DES PARTIES L'employeur soutient essentiellement que la Commission d'appel a modifié le libellé de l'article 235 de la loi en ne considérant pas, dans son interprétation, les termes «régimes ... offerts dans l'établissement», violant ainsi l'ordre public.
Il soumet de plus, contrairement à ce que la Commission d'appel a décidé dans cette affaire, que l'article 242 de la loi ne crée aucune présomption effective de travail ni revêt d'effet rétroactif.
Le travailleur, quant à lui, rappelle que la jurisprudence majoritaire de la Commission d'appel apparente le présent recours à une requête en évocation et l'assujettit à de semblables conditions d'ouverture.
Il soumet qu'une simple différence d'opinion, quant à l'interprétation d'une disposition, ne saurait suffire à accueillir une telle requête.
MOTIFS DE LA DÉCISION La Commission d'appel doit, en l'instance, décider s'il y a lieu de réviser la décision qu'elle a rendue le 9 juin 1992.
L'article 406 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) se lit ainsi : 406. La Commission d'appel peut, pour cause, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu.
Comme la Commission d'appel l'a maintes fois décidé, une erreur de faits ou de droit peut donner ouverture à une requête en révision pour cause. Par ailleurs, cette erreur de droit ou de faits se doit d'être manifeste aux fins de respecter les prescriptions énoncées, au second alinéa de l'article 405 de la même loi, qui confèrent aux décisions de la Commission d'appel un caractère final et exécutoire.
En l'espèce, l'employeur reproche essentiellement à la Commission d'appel l'interprétation qu'elle a donnée aux articles 235 et 242 de la loi. Il soumet, entre autres, à l'encontre de celle-ci, l'affaire Minerais Lac Ltée (Mine Doyon) et André Meilleur [1991] CALP 355 , ainsi que Société canadienne de métaux Reynolds Ltée et CALP et Gaston Morin [1990] CALP 1390 .
La Commission d'appel reconnaît l'existence de certaines divergences d'opinion quant à l'interprétation de ces dispositions. Par ailleurs, bien que celles-ci puissent influer sur le sort des litiges, la Commission d'appel considère, en l'espèce, qu'elle ne peut, par le biais du présent recours, substituer une opinion différente à celle d'un autre commissaire sans pour ce faire accorder à cette procédure les attributs d'un appel.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES REJETTE la requête en révision de l'employeur.
Sylvie Moreau, commissaire Me Pierre-E. Moreau (RIVEST, SCHMIDT & ASS.) 7712, rue St-Hubert Montréal (Québec) H2R 2N8 Représentant de la partie appelante Me Jean-François Gilbert (LE CORRE & ASS.) 2550, boul. Daniel Johnson Bureau 650 Laval (Québec) H7T 2L1 Représentant de la partie intéressée
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.