Université de Montréal c. Desnoyers Mercure & Associés |
2013 QCCS 481 |
JL 3454 (Chambre civile) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-053653-096 |
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DATE : |
12 février 2013 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE : |
L’HONORABLE |
LOUIS LACOURSIÈRE, J.C.S. |
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UNIVERSITÉ DE MONTRÉAL |
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Demanderesse |
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c. |
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DESNOYERS MERCURE & ASSOCIÉS et |
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JODOIN LAMARRE PRATTE & ASSOCIÉS et |
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ANDRÉ J. MERCURE et |
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MICHEL DESROSIERS et |
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MICHEL BOURASSA et |
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MAURICE DESNOYERS et |
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JEAN-MARC DE GRANDPRÉ et |
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MAURICE CABANA et |
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CLAUDE SAUVAGEAU et |
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CONSTRUCTION M.R.C. LTÉE et |
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SALVATORE L. BRIQUETEUR (1989) INC. et |
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BÉTONS PRÉFABRIQUÉS DU LAC INC. et |
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ARTECH ISOLATION INC. et |
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GAMMA INDUSTRIES INC. et |
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TOITURES ET CONSTRUCTION ROBITAILLE (1985) INC. et |
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LE GROUPE CONSEIL G.I.E. INC. et |
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PLACEMENTS LEMAY NADON INC. et |
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JEAN-PAUL RIOUX et |
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177474 CANADA INC. et |
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LA GARANTIE, COMPAGNIE D’ASSURANCE |
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DE L’AMÉRIQUE DU NORD |
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Défendeurs |
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et |
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TOITURES ET CONSTRUCTION ROBITAILLE (1985) INC. |
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Requérante |
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c. |
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LIBERTY MUTUAL INSURANCE COMPANY |
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Intimée |
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JUGEMENT SUR UNE REQUÊTE DE LA REQUÉRANTE TOITURES ET CONSTRUCTION ROBITAILLE (1985) INC. POUR ENJOINDRE LIBERTY MUTUAL INSURANCE COMPANY DE PRENDRE SES FAIT ET CAUSE |
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[1] La requête de Toitures et Construction Robitaille (1985) inc. (« Robitaille ») vise à enjoindre Liberty Mutual Insurance Company (« Liberty ») à la défendre à une action intentée par l’Université de Montréal (l’« Université »).
[2] L’Université est propriétaire d’un édifice désigné comme le Pavillon André-Aisenstadt (l’« Édifice »), construit entre 1992 et 1994.
[3] Robitaille a érigé la toiture, comme sous-traitante.
[4] L’Université a intenté en octobre 2009 une action contre tous ceux qui ont participé à la conception et la construction de l’Édifice. Elle réclame dans la version ré-ré-ré-amendée de la requête introductive d’instance du 25 octobre 2010 (la « Requête ») la somme de 10 851 514 $ et recherche aussi une condamnation in solidum de Robitaille pour la somme de 1 346 499 $.
[5] La police d’assurance responsabilité générale no GLTO-411233-008 sur base de réclamation (la « Police »)[1] émise par Liberty est applicable.
2. LE CADRE FACTUEL ET PROCÉDURAL
[6] La Requête vise donc les concepteurs et constructeurs de l’Édifice.
[7] L’Édifice est livré en juin 1994 et l’action intentée en octobre 2009.
[8] Robitaille est assurée en 1994 mais Liberty ne devient son assureur qu’en 2003. La Police est rétroactive au 1er janvier 2003.
[9] Le litige décrit à la Requête porte plus particulièrement sur l’enveloppe de l’Édifice, soit ses murs extérieurs, essentiellement constitués de maçonnerie, de briques d’argile et de panneaux de béton préfabriqués, et les travaux de toiture. Ce sont ces derniers travaux qui sont pertinents à la requête de Robitaille.
[10] La Requête décrit ainsi l’implication de Robitaille à titre de sous-traitante de Construction M.R.C. ltée (« MRC »), sa responsabilité et les dommages qui lui sont imputés :
[14] La défenderesse, Toitures et Construction Robitaille (1985) inc., fut impliquée à titre de sous-traitante de Construction M.R.C. ltée pour réaliser la construction de la toiture, laquelle construction englobait non seulement la mise en place d’un système de membrane et l’installation des drains de toiture, mais aussi celle des solins recouvrant notamment les parapets en périphérie de l’Édifice et des contre-solins intra-muraux qui devaient être étanches et tout en étant fixés en place adéquatement et solidement (attaches mécaniques);
[…]
Les anomalies affectant la toiture
[41] Enfin, bien qu’elles ne sont pas liées aux anomalies affectant la maçonnerie de brique, des anomalies ont été découvertes sur la toiture de l’Édifice à l’occasion des observations réalisées pour identifier les causes de dégradation de maçonnerie de brique, à savoir les suivantes :
a) les contre-solins des toitures se décollent des murs, créant des entonnoirs qui laissent entrer l’eau de pluie sous la membrane, laquelle eau a détérioré de façon irrémédiable les panneaux putrescibles de fibre de bois se trouvant sous celle-ci, obligeant par le fait même la demanderesse à maintenir les contre-solins en place au moyen d’attaches mécaniques additionnelles;
b) les drains de toiture n’ont pas été abaissés, suite à l’insertion d’une membrane de renfort autour des drains créant ainsi la rétention d’eau sur la membrane en bitume élastomère, accélérant par le fait même la dégradation de celle-ci par l’effet d’oxydation suite à la rétention d’eau et à la formation de lentilles de glace en hiver;
c) la toiture a été conçue en prévoyant un système de parapets ventilés, lequel système était, à l’époque où les travaux de construction de toiture furent réalisés, un système proscrit suivant les règles de l’art et connaissances de l’époque. Cette anomalie sur le plan de la conception a été portée à la connaissance du Consortium d’architectes professionnels, à celle de Toiture et Construction Robitaille (1985) inc. ainsi qu’à celle de Construction M.R.C. ltée, puisqu’ils durent, en cours d’exécution de travaux, procéder à la modification de la conception de la construction des joints de contrôle dont l’assemblage est semblable à celui des parapets, afin que ces joints ne soient plus ventilés, et ce en raison des exigences exprimées par Axa Assurance en sa qualité d’émetteur de la « Garantie de bonne tenue » applicable aux travaux de toiture. Or, les mêmes modifications auraient aussi dû être apportées aux parapets.
[42] L’ensemble des anomalies affectant la toiture telles que décrites au paragraphe qui précède, ont eu pour effet d’accélérer la dégradation de celle-ci de telle sorte qu’elle devra être refaite entièrement pour assurer la présence d’une enveloppe étanche et continue sur l’ensemble de l’Édifice.
[…]
La responsabilité des défendeurs
[…]
Toitures et Construction Robitaille (1985) inc.
[53] La responsabilité extracontractuelle de la défenderesse, Toitures et construction Robitaille (1985) inc., se trouve engagée envers la demanderesse pour les désordres constatés affectant la toiture de l’Édifice, pour les motifs ci-après exposés :
a) en sa qualité de sous-traitant spécialisé en toiture, il lui incombait de réaliser ses travaux conformément aux règles de l’art et aux plans et devis préparés par les architectes-professionnels, ce qu’elle a omis de faire tel qu’en témoignent les anomalies décrites aux paragraphes 41 a) à 41 c), alors qu’elle savait ou devait savoir que ces manquements aux règles de l’art et/ou plans et devis auraient pour effet d’affecter la durabilité de la toiture qu’elle s’était engagée à réaliser et qui allait devenir la propriété de la demanderesse.
[…]
Les dommages
[…]
[62] Tel qu’il sera démontré lors de l’audition, la dégradation de la toiture est telle qu’elle devra être remplacée en totalité.
[63] Les coûts de remplacement de cette toiture sont présentement évalués à 1 346 499 $, déduction faite de la dépréciation et se ventilent comme suit :
- contrat sans taxes (en 2009) : 985 000 $
- assurances, cautions, débris : 80 000 $
- conditions d’hiver si requis : 16 000 $
- administration entrepreneur général : 107 520 $
- profit entrepreneur général (10%) : 107 520 $
- imprévus de budget et de chantier : 243 600 $
- architecture plans devis chantier : 97 920 $
- structure plans et devis, chantier : 0 $
- surveillance en résidence, labo : 66 600 $
- frais de laboratoire : 0 $
Total budgétaire sans taxe : 704 160 $
- Dépréciation : Toits 30% : 511 248 $
- Sous-total budgétaire sans plus-value : 1 192 912 $
- Taxes applicables : 153 587 $
- Grand total : 1 346 499 $
[64] Aussi, pour les raisons plus amplement détaillées aux paragraphes 43 à 48, 53, 56.1 à 56.3 de la présente requête introductive d’instance, la responsabilité in solidum des défendeurs, Desnoyers Mercure & Associés, Jodoin Lamarre Pratte & Associés, André J. Mercure, Michel Desrosiers, Michel Bourassa, Maurice Desnoyers, Jean-Marc De Grandpré, Maurice Cabana, Claude Sauvageau, construction M.R.C. ltée et Toitures et construction Robitaille (1985) inc., Jean-Paul Rioux, 177474 Canada inc. et La Garantie, compagnie d’assurance de l’Amérique du Nord (celle-ci étant cependant solidaire avec Construction M.R.C. ltée), se trouve engagée envers la demanderesse pour la somme de 1 346 499 $.
[11] La Requête conclut ainsi :
[…]
CONDAMNER in solidum les défendeurs,
Desnoyers Mercure & Associés, Jodoin Lamarre Pratte & Associés, André
J. Mercure, Michel Desrosiers, Michel Bourassa, Maurice Desnoyers, Jean-Marc De
Grandpré, Maurice Cabana, Claude Sauvageau, Contruction M.R.C. ltée, Salvatore
L. Briqueteur (1989) inc., Bétons Préfabriqués du Lac inc., Artech Isolation
inc., Gamma Industries inc., Le Groupe Conseil G.I.E. inc. (Les laboratoires
Labobec inc.), Placements Lemay Nadon inc., résultante d’une fusion avec
9142-4812 Québec inc. et La Garantie, compagnie d’assurance de l’Amérique du
Nord (celle-ci étant néanmoins solidaire avec Construction M.R.C. ltée) à payer
à la demanderesse la somme de 9 505 015 $ plus l’intérêt au taux
légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article
CONDAMNER in solidum les défendeurs,
Desnoyers Mercure & Associés, Jodoin Lamarre Pratte & Associés, André
J. Mercure, Michel Desrosiers, Michel Bourassa, Maurice Desnoyers, Jean-Marc De
Grandpré, Maurice Cabana, Claude Sauvageau, Construction M.R.C. ltée et
Toitures construction Robitaille (1985) inc. et La Garantie, compagnie
d’assurance de l’Amérique du Nord (celle-ci étant néanmoins solidaire avec
Construction M.R.C. ltée) à payer à la demanderesse la somme de
1 346 499 $ plus l’intérêt au taux légale et l’indemnité additionnelle
prévue à l’article
Tout en CONDAMNANT in solidum le défendeur Jean-Paul Rioux[2] avec les défendeurs décrits au paragraphe qui précède à payer ladite somme de 1 346 499 $ avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle calculés à compter de l’assignation, et ce jusqu’à concurrence de 10.3% de celle-ci, et en CONDAMNANT également la défenderesse 177474 Canada inc. in solidum avec les défendeurs décrits au paragraphe qui précède à payer ladite somme 1 346 499 $ avec intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle calculés à compter de l’assignation, et ce jusqu’à concurrence 89.7% de celle-ci;
[12] C’est le 4 novembre 2009 que Robitaille reçoit signification de la requête introductive d’instance de l’Université.
[13] Le 12 novembre suivant, Robitaille envoie un avis de sinistre à Liberty.
[14] Le 22 décembre, Liberty informe Robitaille qu’il n’y a aucune couverture disponible pour elle et aucune obligation de défendre[3]. La position de Liberty, qui est essentiellement reprise à l’audience, est la suivante :
- la détérioration prématurée de la toiture pourrait effectivement constituer des dommages matériels ( « property damage » ) au sens de la Police mais ne saurait être couverte pour la portion de ces dommages qui s‘est produite avant le 1er décembre 2003;
- cependant, la détérioration de la toiture alléguée à la Requête est un dommage matériel ( « property damage ») au travail exécuté par l’assuré ( « insured’s work » ) qui est exclu spécifiquement par la Police.
[15] La requête de Robitaille sous étude est signifiée le 8 novembre 2011 et amendée en juin 2012.
3. QUESTIONS EN LITIGE
[16] La question est de déterminer si Liberty a l’obligation de défendre Robitaille dans le cadre de la Requête.
4. POSITION DES PARTIES
i) Robitaille
[17] Robitaille plaide qu’il appert, à la face même de la Requête et des pièces, que les faits qui y sont énoncés, si véridiques, exigent que Liberty l’indemnise. Cette dernière a donc l’obligation de la défendre, du moins pour la portion des dommages qui se serait manifestée après le 1er décembre 2003.
[18] Une fois ce constat dressé, Liberty a le fardeau de démontrer l’application de l’exclusion; or, selon Robitaille, elle ne satisfait pas ce fardeau.
ii) Liberty
[19] Liberty rétorque que, même en accordant la portée la plus large possible aux allégations de la Requête pour déterminer si elle constitue une réclamation qui découle de la Police, l’exclusion « insured’s work » est suffisamment claire pour trouver application car la réclamation contre Robitaille est limitée à son travail et les dommages réclamés d’elle au coût de remplacement de la toiture.
5. LE DROIT
[20] Le Tribunal souscrit à l’analyse du droit du juge Payette dans le jugement Placements[4]. Il décrit ainsi les principes qui régissent l’obligation de défendre :
[23] Les principes régissant l'obligation de défendre d'un assureur ont été énoncés et précisés à plusieurs reprises par la Cour suprême7. Ces principes sont appliqués en droit québécois8.
[24] La Cour suprême les a récemment repris avec concision dans Progressive Homes Ltd. c. Cie canadienne d'assurances générales Lombard9:
[19] L'assureur est tenu d'opposer une défense si les actes de procédures énoncent des faits qui, s'ils se révélaient véridiques, exigeraient qu'il indemnise l'assuré relativement à la demande. Il n'est pas pertinent de savoir si les allégations contenues dans les actes de procédure peuvent être prouvées. Autrement dit, l'obligation de défendre ne dépend ni du fait que l'assuré soit réellement responsable ni du fait que l'assureur soit réellement tenu de l'indemniser. Ce qu'il faut, c'est la simple possibilité que la demande relève de la police d'assurance. Lorsqu'il ressort clairement que la demande ne relève pas de la portée de la police, soit parce qu'elle n'est pas visée par la protection initiale, soit en raison d'une clause d'exclusion, il n'y a pas d'obligation de se défendre.
[20] En examinant les actes de procédure pour déterminer si les demandes relèvent de la portée de la police, les parties au contrat d'assurance ne sont pas liées par la terminologie employée par le demandeur. L'utilisation ou l'absence d'un terme particulier ne sera pas déterminant quant à l'existence ou non d'une obligation de défendre. Ce qui compte, c'est la nature véritable ou le contenu de la demande.
[Citations omises]
[25] Quant aux principes d'interprétation des polices d'assurance, la Cour suprême précise que :
v lorsque le texte de la police n'est pas ambigu, le Tribunal doit l'interpréter en donnant effet à son libellé en le considérant dans son ensemble10;
v en cas d'ambiguïté du libellé, les règles générales d'interprétation des contrats s'appliquent11;
v à cet égard, on doit tenir compte des attentes raisonnables des parties et de l'interprétation faite par les tribunaux de polices d'assurance semblables12;
v si ces règles ne permettent pas de dissiper l'ambiguïté, le texte de la police sera généralement interprété contre l'assureur13.
[26] Après avoir rappelé que les dispositions concernant la protection reçoivent une interprétation large et les clauses d'exclusion une interprétation restrictive14, la Cour souligne l'importance de procéder à une interprétation méthodique des polices d'assurance de responsabilité des entreprises (« Polices ARCE »).
[27] Ainsi, les tribunaux devraient d'abord déterminer la protection offerte par la police en litige puis en examiner les exclusions et enfin en étudier les exceptions15. Un examen qui confondrait les trois est à proscrire.
[7] Voir notamment Nichols c. American
Home Assurance Co.,
[8] Voir notamment Boréal
Assurances inc. c. Réno-dépôt inc.,
[9]
[10] Progressive Homes Ltd. c. Cie
canadienne d'assurances générales Lombard
[11] Id., par. 23.
[12] Id.
[13] Id., par. 24.
[14] Id.
[15] Id., par. 28.
6. LA POLICE
[21] Avant de passer à l’analyse, il est utile de référer aux articles pertinents de la Police.
[22] D’abord, soulignons que la Police couvre les dommages matériels (« property damage ») qui surviennent après la date de rétroactivité (1er décembre 2003) et qui sont causés par un événement ( « occurrence ») [5] pour et en autant que la réclamation survienne durant la période de la Police.
[23] La clause complète de protection se lit comme suit[6] :
SECTION 1 - COVERAGE is deleted in its entirety and replaced by the following :
SECTION 1 - COVERAGE
Subject to the applicable Limits of Liability, the Insurer will pay on behalf of the "Insured" all damages the "Insured" becomes legally liable to pay by reason of liability imposed by law or assumed by the "Insured" under an "insured contract" for :
COVERAGE A - BODILY INJURY AND PROPERTY DAMAGE LIABILITY
a. This insurance applies to "bodily injury" and "property damage" only if :
(1) the "bodily injury" or "property damage" is caused by an "occurrence" that takes place in the "coverage territory";
(2) the "bodily injury" or "property damage" did not occur before the Retroactive Date, if any, shown in the Declarations or after the end of the "policy period"; and
(3) a claim for damages because of the "bodily injury" or "property damage" against any "Insured" is :
(i) made in writing; and
(ii) first made in accordance with Paragraph b. below, during the "policy period" or any extended reporting period provided under Section IX - Extended Reporting Periods.
b. A claim by a person or organization seeking damages will be deemed to have been made at the earlier of the following times :
(1) when notice of such claim is received and recorded by any "Insured" or by the Insurer, whichever comes first; or
(2) when the Insurer make settlement in accordance with the terms of this policy.
All claims for damages because of "bodily injury" to the same person, including damages claimed by any person or organization for care, loss of services, or death resulting at any time from the "bodily injury", wil be deemed to have been made at the time the first of those claims is made against any "Insured".
[24] Les termes « property damage » et « occurrence » sont définis à la Police[7] :
SECTION VII - DEFINITIONS
When used in this Policy the words and phrases appearing in quotation marks have the defined meanings shown below.
[…]
21. "Property Damage" means :
(a) physical injury to or destruction of tangible property, including all resulting loss of use of that property. All such loss of use will be deemed to occur at the time ot the physical injury that caused it; or
(b) […]
15. "Occurrence" means :
(a) with respect to "bodily injury", "property damage" or "employers’ liability", an accident, including continuous or repeated exposure to substantially the same general harmful conditions. All damages arising out of the same or related acts or omissions of the Insured or out of one lot of goods or products manufactured, prepared or acquired by the "Insured" shall be deemed to arise out of one "occurrence".
(b) […]
[25] La Section VI de la Police décrit les exclusions, dont l’exclusion 12, invoquée par Liberty, qui est au coeur de ce litige. L’exclusion 12 se lit comme suit :
SECTION VI - EXCLUSIONS
[…]
This insurance does not apply to :
[…]
12. Damage to insured’s work
"property damage" to the "insured’s work" arising out of it or any part of it and included in the "products and completed operations hazard". This exclusion does not apply if the damaged work or the work out of which the damages arises was performed on the "Insured’s" behalf by a subcontractor.
[26] L’expression « insured’s work » est définie à la Section VII, Définition 11 de la Police :
SECTION VII - DEFINITIONS
[…]
11. "Insured’s work" means work or operations performed by or on behalf of the Named Insured or an organization described in Definition 8. (b) or 8.(c) above and materials, parts or equipment furnished in connection with such work or operations. "Insured’s work" includes warranties or representations made any time with respect to the fitness, quality, durability, performance or use of the work, and the providing or failure to provide warnings or instructions.
[27] Enfin, les termes « products and completed operations hazard » sont définis à la Section VII, Définition 19 :
SECTION VII - DEFINITIONS
[…]
19. "Products and completed operations hazard" means all "bodily injury" and "property damage" occurring away from premises the "Insured" owns or rents and arising out the "Insured’s product" or "Insured’s work" except :
(a) products that are still in the "Insured’s" physical possession; or
(b) work that has not yet been completed or abandoned. […]
7. ANALYSE
[28] Conformément aux enseignements de la Cour suprême dans l’arrêt Progressive Homes Ltd[8], il convient de procéder à l’analyse méthodique suivante :
i) l’examen de la protection offerte par la Police eu égard aux faits énoncés à la Requête; et, par la suite
ii) l’exclusion; et, le cas échéant
iii) les exceptions.
i) La protection offerte par la Police
[29] La protection offerte par la Police eu égard aux faits énoncés à la Requête ne pose pas de difficulté en l’instance.
[30] Rappelons que, ainsi qu’elle l’a fait lorsqu’elle a nié couverture, Liberty ne plaide pas, à l’audience, que la détérioration prématurée de la toiture qui se serait produite après le 1er janvier 2003 ne pourrait constituer du « property damage ». Elle a en effet reconnu, pour les fins de la requête sous étude, que la détérioration de la toiture dont se plaint l’Université pourrait constituer du dommage matériel tel que défini à la Police pour la période postérieure au 1er janvier 2003.
[31] Il y a donc une énonciation de faits, à la Requête, qui soulève la possibilité qu’elle relève de la protection offerte par la Police. Il s’ensuit que, toujours pour les fins de la requête sous étude, une partie des dommages réclamés par Robitaille pourrait être des dommages matériels causés par un accident et être couverts par la Police.
[32] Sans qu’il ne soit nécessaire d’épiloguer sur la question, cette conclusion est compatible avec le fait que, généralement, sous réserve des définitions de chaque police, il ne faut plus exclure d’emblée, depuis l’arrêt Progressive Homes[9], qu’un bien défectueux puisse également être un dommage matériel[10] et qu’un vice de construction puisse être un accident[11], sans pour autant, dans ce dernier cas, transformer la Police en une garantie de bonne exécution.
[33] Robitaille a donc satisfait son fardeau de démontrer que la protection offerte par la Police pourrait être visée par les allégations de la Requête, du moins pour la détérioration de la toiture postérieure au 1er janvier 2003.
[34] Le litige entre les parties s’articule donc plutôt en fonction du sens à donner, à cette étape des procédures, à l’exclusion 12 de la Police.
ii) L’exclusion
[35] Comme Robitaille semble, à partir des allégations de la Requête, bénéficier de la couverture de la Police, il incombe à Liberty de démontrer clairement que la clause d’exclusion s’applique.
[36] Sur cette question particulière, les positions des parties peuvent se résumer comme suit.
a) Liberty
[37] Liberty, qui a le fardeau, plaide que la Requête est claire quant à l’origine de la responsabilité alléguée de Robitaille. Elle n’est recherchée que pour les dommages résultant du vice de construction de la toiture, qui englobait la mise en place d’un système de membrane, l’installation des drains de toiture, l’installation de solins recouvrant des parapets en périphérie de l’Édifice et de contre-solins intramuraux qui devaient être étanches et fixés en place adéquatement par des attaches mécaniques. La Requête précise même que les anomalies découvertes sur la toiture de l’Édifice ne sont pas liées aux anomalies affectant la maçonnerie de brique[12].
[38] Liberty ajoute qu’il est tellement clair que la responsabilité recherchée ne vise que le travail de Robitaille que la Requête prend le soin d’isoler de l’ensemble des dommages réclamés les coûts de remplacement de la toiture[13].
[39] Liberty conclut donc que, vu l’exclusion 12, il ne saurait être question pour elle d’assumer le coût de refaire le travail de l’assuré « lorsque le travail de l’assuré est endommagé par le travail de l’assuré ». Liberty assure; elle ne cautionne pas.
b) Robitaille
[40] Robitaille rétorque que la Requête vise plus que le vice et le remplacement de la toiture. Elle plaide que les dommages à la toiture proviennent du fait des tiers, en particulier l’architecte et l’entrepreneur général.
[41]
Pour étayer sa position, Robitaille réfère à un rapport d’expertise de
l’architecte Claude Frégeau produit par l’Université le 2 septembre 2010 sous
l’article
• • • • • •
[42] Il convient d’abord de traiter de l’opportunité pour le Tribunal de référer à la preuve extrinsèque, soit le rapport d’expert de l’architecte Frégeau et l’extrait des devis des architectes, produit comme pièce à la requête sous étude.
[43] Rappelons comme toile de fond que, en examinant les actes de procédure pour déterminer si les demandes relèvent de la Police, les parties à cette dernière ne sont pas liées par la terminologie employée par le demandeur. C’est la nature véritable ou le contenu de la demande qui compte[14].
[44] Dans l’arrêt Monenco[15], la Cour suprême, après avoir rappelé que le débat sur l’obligation de défendre ne saurait devenir « un procès à l’intérieur d’un procès[16] », semble avoir limité l’analyse du juge saisi d’une requête de type Wellington à la requête introductive d’instance et aux pièces qui y sont spécifiquement mentionnées[17]. La Cour suprême s’exprime comme suit :
[40] Enfin, je noterais également que la mention du contrat de coentreprise et du contrat intervenu entre la coentreprise et Suncor paraît conforme aux Supreme Court rules, B.C. Reg. 221/90, qui s’appliquent à cette demande relative à l’obligation de défendre. Selon la règle 26(8), une partie qui s’oppose peut demander de consulter un document mentionné dans une déclaration vraisemblablement dans le but de comprendre les actes de procédure et le litige en cause. Je suis d’accord avec l’intimée pour dire qu’une cour devrait également pouvoir le faire et qu’il devrait donc lui être loisible d’examiner elle-même tout document mentionné explicitement dans une déclaration. J’en viens à cette conclusion en dépit du fait que la règle 19(2) prévoit que l’effet de tout document mentionné dans un acte de procédure doit être exposé brièvement dans les actes de procédure s’il est pertinent, sans que les termes précis utilisés dans le document ne soient repris. Bien que la règle 19(2) puisse être invoquée pour donner à la cour un aperçu général d’une preuve extrinsèque, il est également logique de permettre à une cour de consulter les documents mentionnés dans une déclaration lorsque cela est nécessaire pour déterminer la nature véritable et le contenu des actes de procédure et, de ce fait, l’étendue de l’obligation de défendre de l’assureur.
[soulignements ajoutés]
[45] La Cour suprême incite donc à la prudence dans l’utilisation de la preuve extrinsèque, et, sauf exception, la limite à la requête introductive d’instance et aux pièces qui y sont spécifiquement mentionnées.
[46] Me Isabelle Hudon, chargée d’enseignement à l’Université Laval, dans un article intitulé La requête Wellington et la preuve extrinsèque : que faire lorsque la validité même du contrat d’assurance est mise en cause ou qu’une cause de déchéance est soulevée par l’assureur?[18] suggère certaines exceptions très circonscrites à la règle générale qui restreint l’analyse à la requête introductive d’instance et aux pièces :
Nous croyons cependant que le juge devrait, exceptionnellement, pouvoir tenir compte de faits non mentionnés à la requête introductive d’instance ou dans les pièces auxquelles la requête fait spécifiquement référence. Cette possibilité devrait être réservée aux faits ne faisant pas l’objet de contestation, qui sont déterminants quant à la couverture d’assurance mais qui ne sont pas allégués par la tierce partie dans ses procédures.
[47] Elle ajoute qu’il faut éviter, dans la mesure du possible, que des éléments de preuve qui peuvent faire l’objet d’une contestation lors du procès sur la responsabilité soient soumis à l’appréciation d’un juge alors qu’il n’a pas en main tous les éléments nécessaires pour se prononcer valablement[19]. Elle avance qu’en permettant qu’une preuve contestée soit permise pour déterminer si l’assureur a l’obligation de défendre, cette dernière obligation et celle d’indemniser risquent d’être confondues alors qu’elles sont bien distinctes, ne sont pas évaluées au même moment et que leurs conditions de déclenchement ne sont pas les mêmes.
[48] Qu’en est-il du rapport d’expert de l’architecte Frégeau produit par la demande? Le Tribunal peut-il l’inclure dans son analyse?
[49] Le rapport de l’expert Frégeau a été signifié à tous les défendeurs. Il serait étonnant, compte tenu de la flexibilité préconisée par la Cour suprême dans le processus visant à déterminer l’existence ou non d’une obligation de défendre, que le tribunal chargé d’analyser la véritable nature de la demande doive occulter une opinion d’expert produite au soutien de cette même demande et dont l’objectif est précisément d’étayer les fautes qui y sont alléguées. Il ne s’agit pas alors pour le tribunal de se prononcer sur la valeur de ce rapport, encore moins d’en tirer des conclusions susceptibles d’influer sur le procès, mais plutôt de déterminer quelle est la nature véritable de la demande.
[50] Dans ce contexte, il apparaît approprié de se référer au rapport de l’expert Frégeau pour évaluer la nature véritable ou le contenu de la demande.
[51] Qu’en est-il maintenant de l’extrait des devis des architectes?
[52] Il n’y a pas lieu pour le Tribunal de se pencher, à ce stade, comme Robitaille l’invite à le faire, sur les devis préparés par les architectes co-défendeurs. En effet, ces devis ne sont pas déposés comme pièces au soutien de la Requête. Tout au plus réfère-t-elle, au paragraphe 53a), au fait que Robitaille devait réaliser ses travaux conformément aux plans et devis.
[53] Le Tribunal ajoute, sans que ceci ne soit déterminant, que seul un extrait de ces plans et devis a été produit, non pas, rappelons-le, au soutien de la Requête mais au soutien de la requête sous étude.
[54] Examiner cet extrait pour aider à la compréhension de l’étendue de la demande relèverait de la spéculation. D’une part, il ne saurait éclairer le Tribunal sur le contenu de la demande. D’autre part, et surtout, il est clair que la pertinence de cet extrait est susceptible de faire l’objet d’une contestation lors du procès.
[55] Le Tribunal a parcouru les extraits du rapport de l’expert Frégeau qui traitent de la dégradation prématurée des toitures.
[56] L’expert affirme avoir constaté des infiltrations d’eau dans les toitures du bâtiment à cause d’une dégradation prématurée[20]. Il note que les toitures originales ne sont plus étanches[21]. Il mentionne que l’installation inadéquate et non durable des toitures selon le système de parapets ventilés relève de Robitaille[22] et qu’il en va de même de l’installation des contre-solins non fixés mécaniquement et l’infiltration directe qui en résulte[23].
[57] Robitaille plaide que l’anomalie, mentionnée à la Requête, au système de parapets ventilés de la toiture[24], décrit comme étant proscrit par les règles de l’art de l’époque, serait une anomalie sur le « plan de la conception » qui aurait été portée à la connaissance des architectes, de l’entrepreneur et de Robitaille et qui aurait été résolue entre eux.
[58] L’expert Frégeau, après avoir expliqué le principe sous-jacent au système de parapets ventilés[25], décrit effectivement l’existence d’une polémique inhérente à cette installation à l’époque[26] et reproche aux architectes une erreur de conception qui aurait dû entrainer des changements aux parapets ventilés[27].
[59] Robitaille plaide que cette « polémique » et cette anomalie sur le « plan de la conception » relèvent de la responsabilité des architectes et qu’on ne saurait lui reprocher son exécution de ce système controversé.
[60] Or, si Robitaille avait raison, ce que le jugement au mérite permettra de savoir, il s’agit là d’un moyen de défense à l’action qui ne modifie en rien l’essence du reproche que lui adresse l’Université à la Requête, soit d’avoir mal fait la toiture, et à la réclamation qu’elle lui fait, soit le coût de remplacement de la toiture.
[61] Le Tribunal estime que, à la face même de la Requête et des pièces, l’Université réclame à Robitaille le simple remplacement de la toiture. L’implication de Robitaille se limite à la toiture. Il n’est pas question de dommages causés au reste de l’Édifice par son travail. La Requête isole d’ailleurs le problème du toit du reste de la réclamation.
[62] Le recours à l’expertise de l’architecte Frégeau ne suffit pas pour créer un doute dans l’esprit du Tribunal quant à la véritable nature de la demande. La réclamation contre Robitaille est limitée à son travail et les dommages réclamés d’elle au coût de remplacement de la toiture. L’exclusion « property damage » to the « insured’s work » s’applique.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[63] REJETTE la requête amendée de Toitures et Construction Robitaille (1985) inc. pour enjoindre Liberty Mutual Insurance Company à prendre ses fait et cause;
[64] LE TOUT avec dépens.
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__________________________________ LOUIS LACOURSIÈRE, j.c.s. |
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Me Jean L. Bernier |
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BERNIER FIGLARZ & ASSOCIÉS |
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Me François-Olivier Godin |
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DANIEL CAISSE, AVOCATS |
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Procureurs de la requérante |
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Me John Nicholls |
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Me Michael Bellomo |
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CLYDE & CO. AVOCATS |
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Procureurs de l’intimée |
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Date d’audience : |
30 octobre 2012 |
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[1] Pièce R-3.
[2] Le défendeur Jean-Paul Rioux aurait procédé à la surveillance de l’exécution de certains travaux de toiture; voir par. 56.1 de la Requête.
[3] Pièce R-4; un jugement du juge Payette dans le même dossier (Université de Montréal c. Placements Lemay Nadon inc. & al, rendu le 14 juillet 2011 ordonnant à un assureur de prendre fait et cause de ce défendeur (le « jugement Placements ») est porté plus tard à l’attention de Liberty qui maintient sa position, Pièce R-4 a).
[4] 2011 QCCS 3564 .
[5] Pièce R-3, Endorsement No 1, Claims made endorsement, Amendment A, Section 1 - COVERAGE.
[6] Idem.
[7] Idem, Section VII, Définitions 21 et 15.
[8]
Progressive Homes Ltd c. Compagnie canadienne d’assurances
générales Lombard,
[9] Idem.
[10] Idem, par. 39 et 40.
[11] Idem, par. 46 à 49.
[12] Requête introductive d’instance, par. 41.
[13] Idem, par. 63.
[14] Progressive Homes, précité, note 8, par. 20.
[15]
Monenco Ltd c. Commonwealth Insurance Co.,
[16] Idem, par. 37.
[17] Idem, par. 36 à 39.
[18] Développements récents en droit des assurances (2010), Service de la formation continue du Barreau du Québec, 2010, p. 7.
[19] Idem, p. 8.
[20] Rapport Frégeau, p. 107, par. 2.2.1.2 et 2.2.2.1.
[21] Idem, p. 107, par. 2.2.3.1.
[22] Idem, p. 128, par. 2.2.13.1.
[23] Idem, p. 129, par. 2.2.13.2.
[24] Précité, note 12, par. 41c).
[25] Précité, note 20, p. 110, par. 2.2.4.2 et 2.2.4.3.
[26] Idem, par. 2.2.4.3.
[27] Idem, par. 2.2.5.12 et 2.2.5.14.
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