Da Silva c. Delonay (ID Starmedia Films) |
2014 QCCQ 3679 |
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COUR DU QUÉBEC |
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« Division des petites créances » |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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« Chambre civile » |
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N° : |
500-32-130318-118 |
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DATE : |
Le 6 mai 2014 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE |
L’HONORABLE |
ALAIN BREAULT, J.C.Q. |
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MURIELLE DA SILVA -et- HUGENS MILHOMME […]Contrecoeur (Québec) […] |
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Demandeurs et défendeurs reconventionnels |
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c.
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STEVENSON DELONAY -et- KARINE BERTRAND faisant affaires sous le nom de "ID Starmedia Films", 6343, rue Marie-Victorin, Montréal (Québec) H1G 2J2
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Défendeurs et demandeurs reconventionnels |
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JUGEMENT |
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[1] Murielle da Silva et Hugens Milhomme, demandeurs et défendeurs reconventionnels («les demandeurs»), réclament solidairement des dommages-intérêts totalisant 1 130,19 $ à Stevenson Delonay et Karine Bertrand, défendeurs et demandeurs reconventionnels («les défendeurs»). En bref, ils allèguent que ces derniers n'ont pas respecté leur entente ou obligations en ne procédant pas au filmage de leur mariage par caméra vidéo.
[2] Les défendeurs contestent la réclamation et se portent aussi demandeurs reconventionnels. Ils plaident que les demandeurs n'ont pas eux-mêmes respecté leurs propres obligations et qu'en tout état de cause, ils n'ont pas apporté une collaboration suffisante pour leur permettre d'exécuter toutes les prestations envisagées.
[3] En reconventionnel, ils réclament 2 864,83 $ pour les divers services et frais qu'ils auraient rendus et engagés, de même que pour le préjudice et les troubles, ennuis et inconvénients qu'ils allèguent avoir subis dans les circonstances.
[4] Le 3 janvier 2014, un jugement par défaut a été rendu contre les défendeurs par notre collègue, la juge Brigitte Charron, J.C.Q. Le 24 janvier 2014, ils ont signé une demande de rétractation qui a été présentée et reçue par le juge Gatien Fournier, J.C.Q.
[5] Les motifs exposés au dossier sont suffisants pour que le jugement rendu par la juge Charron soit rétracté. Le Tribunal tranche donc ici le fond du litige qui oppose les parties.
LE CONTEXTE
[6] Les défendeurs sont conjoints dans la vie et exploitent ensemble une entreprise sous le nom de "ID Starmedia Films". Le défendeur Delonay se spécialise dans le filmage par caméra vidéo, tandis que la défenderesse Bertrand consacre son temps à la photographie.
[7] Le ou vers le 20 avril 2011, une entente verbale intervient entre les parties. Les défendeurs acceptent de procéder au filmage par caméra vidéo du mariage des demandeurs, mariage qui doit avoir lieu le 16 juillet 2011.
[8] De fait, pour un prix totalisant 700 $, les défendeurs s'engagent à filmer pendant 12 heures différentes phases de la journée du mariage : d'abord, chez le demandeur et ses parents, pendant que les membres de sa famille se préparent, puis pendant la cérémonie qui doit se dérouler à Laval, pendant le repas et même la soirée qui suit.
[9] La preuve révèle que le prix de 700 $ est un prix réduit en raison de l'amitié qui unit le demandeur Milhomme et le défendeur Delonay. Habituellement, le prix demandé pour une telle prestation s'élève à 1 100 $, plus ou moins.
[10] La preuve révèle aussi que les parties se sont entendues sur certaines modalités de paiement.
[11] Pour les défendeurs, 50 % de la somme totale due devait être acquitté au moins 30 jours avant le mariage et 25 % devait être payé le jour du mariage. C'est donc dire que, selon eux, les demandeurs s'engageaient à ce qu'un montant de 525 $ soit payé aux défendeurs au jour de leur mariage.
[12] Pour les demandeurs, seul un autre montant de 350 $ devait être acquitté avant le mariage.
[13] Les demandeurs reconnaissent qu'ils n'ont pas versé aux défendeurs la totalité des acomptes (quels qu'ils soient) qu'ils s'étaient engagés à leur remettre avant le mariage. De fait, le seul acompte payé totalise 200 $ et a été versé au moment où l'entente a été conclue avec les défendeurs ou dans les jours qui suivent.
[14] Les demandeurs soutiennent que, le ou vers le 16 juin 2011, ils ont fait parvenir aux défendeurs une invitation formelle pour qu'ils assistent à leur cérémonie de mariage, invitation à laquelle était jointe un itinéraire détaillé leur permettant de connaître le trajet menant à l'endroit où se déroulait la cérémonie et la soirée. Les défendeurs, témoignent-ils, ont confirmé leur présence.
[15] Les défendeurs nient avoir reçu l'itinéraire. En date du 16 juin 2011, disent-ils, ils étaient par ailleurs toujours sans nouvelles des demandeurs au sujet de l'acompte additionnel qui devait leur être versé.
[16] De fait, les demandeurs ne paieront jamais le reste des acomptes qu'ils devaient acquitter.
[17] N'empêche. Les discussions reprennent entre le demandeur Milhomme et le défendeur Delonay. Elles se concluent le matin même du jour où le mariage doit avoir lieu, soit à 1h30 environ selon le défendeur Delonay, soit à 6h00 selon le demandeur Milhomme. La conclusion est que, par amitié et malgré le défaut des demandeurs d'effectuer les paiements prévus, le défendeur Delonay accepte de procéder au filmage par caméra vidéo.
[18] Le défendeur Delonay, comme entendu avec le demandeur Milhomme, exécute en fin d'avant-midi les premières opérations de filmage. Il reste celles reliées à la cérémonie de mariage et à la soirée de célébrations. Elles se déroulent à Laval.
[19] Incertain du trajet, le défendeur Delonay demande des informations et souhaite même accompagner un groupe d'invités à bord de leur automobile. La preuve n'est pas très précise, mais il semble qu'après avoir reçu certaines informations, il décide de suivre une automobile en direction de Laval.
[20] Peu après, dit-il, ne pouvant suivre l'automobile sur l'autoroute 25, il tente par ses propres moyens ou choix de rues de se rendre au lieu où la cérémonie et la soirée après le mariage doivent avoir lieu. Il ne trouvera jamais l'endroit recherché. Il n'exécutera donc pas les autres opérations de filmage qui étaient prévues.
[21] Les demandeurs réclament des dommages-intérêts qui totalisent 1 130,19 $. Ils recherchent le remboursement de l'acompte versé (200 $), une indemnité pour leurs dommages moraux (800 $), le coût du repas pour les deux défendeurs (120 $) et les frais postaux pour l'envoi de la mise en demeure (10,19 $).
[22] La réclamation des défendeurs totalise de leur côté 2 864,83 $. Pour les opérations de filmage effectuées en avant-midi, ils réclament des honoraires de 300 $ et des frais de 200 $.
[23] De plus, ils recherchent un remboursement de certains débours se rapportant à l'encodage et au transcodage vidéo (11,83 $) et aux frais judiciaires en l'instance (153 $), de même qu'une indemnité « pour préjudices » (1 100 $) et pour dommages moraux (1 100 $).
ANALYSE ET MOTIFS
[24] L'entente par laquelle une entreprise ou une personne accepte de procéder à une opération de filmage par caméra vidéo d'un mariage est un contrat de services au sens des articles 2098 et suivants du Code civil du Québec.
[25] Les articles 2099 et 2100 C.c.Q. énoncent ce qui suit :
2099. L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.
2100. L'entrepreneur et le prestataire de services sont tenus d'agir au mieux des intérêts de leur client, avec prudence et diligence. Ils sont aussi tenus, suivant la nature de l'ouvrage à réaliser ou du service à fournir, d'agir conformément aux usages et règles de leur art, et de s'assurer, le cas échéant, que l'ouvrage réalisé ou le service fourni est conforme au contrat.
Lorsqu'ils sont tenus du résultat, ils ne peuvent se dégager de leur responsabilité qu'en prouvant la force majeure.
[26] En l'espèce, eu égard à la preuve faite de part et d'autre, le Tribunal, sous réserve de ce qui suit au sujet des dommages-intérêts recherchés, est d'avis que la thèse des demandeurs est celle qui doit être préférée.
[27] Le défendeur Delonay, une fois qu'il a accepté de fournir ses prestations malgré que les demandeurs n'eussent pas acquitté tous les montants qu'ils s'étaient engagés à payer, devait prendre les moyens nécessaires pour qu'elles soient exécutées entièrement, correctement et sans retard (art. 1590 C.c.Q.).
[28] Or, les excuses fournies pour expliquer son absence à Laval laissent perplexe. En bref, il se justifie ainsi :
· Il n'a pas suivi l'automobile qui le précédait sur l'autoroute 25 parce qu'il n'avait pas la carte pertinente y donnant accès ;
· Il n'a pas pu téléphoner à une personne se trouvant à Laval pour obtenir les directives lui permettant de se rendre au lieu de la cérémonie parce que son cellulaire est tombé en panne ;
· Il n'a pas pu non plus téléphoner à partir d'une cabine téléphonique parce qu'il n'avait plus accès à la liste de ses contacts se trouvant dans son cellulaire.
[29] Le défendeur Delonay, un professionnel en la matière, devait agir aux mieux des intérêts de ses clients (les demandeurs) et, de surcroît, avec prudence et diligence. Les explications offertes manquent de sérieux. Il devait de lui-même prendre les dispositions nécessaires pour se rendre à l'endroit où il a accepté de fournir ses prestations.
[30] En somme, la conduite du défendeur Delonay ne répond pas aux normes ou standards de qualité qui s'imposent aux professionnels qui oeuvrent auprès des clients voulant se ménager des souvenirs de leur mariage. S'agissant d'une faute contractuelle, les défendeurs sont responsables des dommages subis par les demandeurs.
[31] La prestation des défendeurs n'ayant pas été exécutée entièrement et correctement, et prenant en compte la nature particulière de l'objet de l'entente entre les parties (un mariage), les demandeurs ont droit au remboursement de l'acompte versé (200 $). De même, est bien fondée la réclamation pour les frais postaux (10,19 $).
[32] La demande au sujet du coût du repas pour les deux défendeurs n'est pas accordée. La preuve documentaire ne fait pas voir ce que les demandeurs ont payé au final à cet égard et s'ils ont effectivement eu à débourser quelque chose pour le repas des défendeurs.
[33] En outre, la défenderesse était amplement justifiée de ne pas se présenter à la cérémonie et au repas qui suivait en raison du défaut des demandeurs de verser les acomptes qu'ils s'étaient engagés à remettre avant le mariage.
[34] Enfin, pour les dommages moraux, le Tribunal estime que la réclamation est exagérée dans les circonstances.
[35] D'une part, la preuve révèle que d'autres personnes ont procédé à la prise de photos et à des opérations de filmage par caméra vidéo à diverses phases de la cérémonie de mariage et de la soirée. Les demandeurs ne sont donc pas dépouillés d'autres sources de souvenirs.
[36] D'autre part, séance tenante, les défendeurs ont offert aux demandeurs de leur remettre une disquette des éléments filmés en avant-midi. Le Tribunal a procédé au visionnement pendant le procès. Le travail effectué par le défendeur Delonay est de bonne qualité.
[37] Les demandeurs ont refusé l'offre qui leur a été ainsi présentée. De l'avis du Tribunal, ils ont eu tort et, de ce fait, ils n'ont pas respecté l'obligation qui s'impose à tout créancier de minimiser les dommages subis.
[38] Aussi, pour les dommages moraux, le Tribunal limite l'indemnité à laquelle les demandeurs ont droit à la somme de 500 $.
[39] Au final, la créance des demandeurs est établie à la somme de 710,19 $ (200 $ + 10,19 $ + 500 $).
[40] Le recours judiciaire des demandeurs étant bien fondée, il va presque sans dire que la demande reconventionnelle des défendeurs doit être rejetée. Ces derniers, en raison de la faute contractuelle décrite plus haut, sont responsables de l'échec de l'entente.
[41] De surcroît, la plupart des allégations présentées pour justifier la réclamation ne sont aucunement appuyées par une preuve convaincante ou probante, les dommages-intérêts recherchés étant du reste hautement déraisonnables et exagérés.
POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
RÉTRACTE le jugement rendu par défaut par la juge Brigitte Charon, J.C.Q, le 3 janvier 2014 ;
ET, sur le fond du litige,
ACCUEILLE en partie la réclamation des demandeurs et défendeurs reconventionnels ;
CONDAMNE les défendeurs et demandeurs reconventionnels à payer solidairement la somme de 710,19 $ aux demandeurs et défendeurs reconventionnels, avec les intérêts au taux de 5 % l'an et l'indemnité additionnelle prévue à l'article 1619 C.c.Q., à compter de la demeure, le 22 août 2011, et les frais judiciaires de 100 $.
REJETTE la demande reconventionnelle des défendeurs et demandeurs reconventionnels.
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__________________________________ ALAIN BREAULT, J.C.Q. |
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Date d’audience : |
Le 14 avril 2014 |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.