Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Malartic (Ville de) et Petit

2013 QCCLP 7365

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

19 décembre 2013

 

Région :

Abitibi-Témiscamingue

 

Dossiers :

512965-08-1306      515813-08-1307

 

Dossier CSST :

140533779

 

Commissaire :

Michel Letreiz, juge administratif

 

Membres :

Jean Litalien, associations d’employeurs

 

Michel Paquin, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

 

Ville de Malartic

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Jacques Petit

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 512965-08-1306

[1]           Le 4 juin 2013, la Ville de Malartic (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 27 mai 2013, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme en partie une décision qu’elle a initialement rendue le 19 mars 2013 et déclare que monsieur Jacques Petit (le travailleur) a subi une lésion professionnelle le 22 février 2013, soit un dérangement intervertébral mineur droit. En conséquence, elle déclare également que le travailleur a droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

Dossier 515813-08-1307

[3]           Le 5 juillet 2013, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 19 juin 2013, à la suite d’une révision administrative.

[4]           Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 7 mai 2013 et déclare qu’il n’y a pas lieu de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu qui est versée au travailleur.

[5]           Une audience devait se tenir devant la Commission des lésions professionnelles à Val-d’Or le 30 octobre 2013, mais celle-ci n’a pas eu lieu puisque personne ne s’est présenté à l’heure prévue pour ladite audience. Le tribunal souligne qu’il avait été informé de l’absence de l’employeur par une lettre transmise par le procureur de ce dernier qui a également produit une argumentation écrite au soutien de ses prétentions.

[6]           Le dossier a donc été mis en délibéré à la date prévue pour l’audience, soit le 30 octobre 2013, et la présente décision est rendue en fonction de la preuve contenue au dossier.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Dossier 512965-08-1306

[7]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 22 février 2013 et qu’il n’a donc pas droit aux prestations prévues par la loi.

Dossier 515813-08-1307

[8]           Dans l’éventualité où la Commission des lésions professionnelles considère que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle, l’employeur soumet au tribunal que sa contestation doit être déclarée sans objet.

[9]           Cependant, de façon subsidiaire et dans l’hypothèse où le tribunal considère que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 22 février 2013, l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la CSST devait suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur à compter du 19 avril 2013.

 L’AVIS DES MEMBRES

Dossier 512965-08-1306

[10]        Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que la Commission des lésions professionnelles doit infirmer la décision rendue par la CSST et déclarer que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 22 février 2013. Dans un premier temps, il estime que le travailleur ne peut bénéficier des effets de la présomption de lésion professionnelle puisque les différents diagnostics posés par les médecins consultés ne constituent pas une blessure. Deuxièmement, il estime que la preuve ne démontre pas de façon prépondérante un lien entre les diagnostics posés et l’événement survenu le 22 février 2013. Dans les circonstances, il est d’opinion que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle.

[11]        Pour sa part, le membre issu des associations syndicales émet l’opinion que le tribunal doit rejeter la requête de l’employeur et confirmer la décision rendue par la CSST le 27 mai 2013. À ce sujet, il estime que la présomption prévue par les dispositions de l’article 28 de la loi s’applique et que la preuve soumise par l’employeur ne permet pas le renversement de ladite présomption.

Dossier 515813-08-1307

[12]        Le membre issu des associations d’employeurs considère que cette requête de l’employeur est devenue sans objet puisqu’il a émis l’avis que le travailleur n’a pas subi de lésion professionnelle le 22 février 2013.

[13]        De son côté, le membre issu des associations syndicales est d’avis que cette requête de l’employeur doit également être rejetée. En effet, il considère que le travailleur a démontré un motif valable pour refuser d’effectuer le travail que l’employeur voulait lui assigner temporairement puisqu’il avait annoncé le 14 janvier 2013, soit avant la survenance de son accident du travail, son intention de prendre sa retraite à compter du 28 février 2013.

LES FAITS ET LES MOTIFS

Dossier 512965-08-1306

[14]        Dans ce dossier, la Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 22 février 2013.

[15]        La notion de lésion professionnelle est définie à l’article 2 de la loi de la façon suivante :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[16]        Une simple lecture de cette définition permet de comprendre que la notion de lésion professionnelle regroupe trois situations distinctes, soit :

·        une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail;

·        une maladie professionnelle;

·        une récidive, rechute ou aggravation d’une lésion professionnelle antérieure.

[17]        Dans le présent dossier, la Commission des lésions professionnelles comprend que le travailleur invoque seulement la première possibilité, soit la présence d’une blessure ou d’une maladie qui serait survenue par le fait ou à l’occasion d’un accident du travail.

[18]        Dans les circonstances, il est également pertinent de reproduire la définition d’accident du travail que l’on retrouve également à l’article 2 de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[19]        Afin d’alléger le fardeau de preuve d’une personne qui prétend être atteinte d’une lésion professionnelle, le législateur a également prévu une présomption de lésion professionnelle. Cette présomption se retrouve à l’article 28 de la loi et est formulée dans les termes suivants :

28.  Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 28.

 

 

[20]        Afin de pouvoir bénéficier des effets de cette présomption, le travailleur doit démontrer, à l’aide d’une preuve prépondérante, chacun des trois éléments constitutifs de cette présomption, soit : la présence d’une blessure, que cette blessure est survenue sur les lieux du travail et enfin qu’elle est survenue alors que le travailleur est à son travail.

[21]        Dans le but de déterminer si le travailleur peut bénéficier des effets de la présomption, la Commission des lésions professionnelles estime à propos de faire un résumé des éléments de preuve pertinents pour la solution du litige qui lui est soumis.

[22]        Le travailleur occupe un emploi de menuisier pour le compte de l’employeur depuis 23 ans lorsqu’il produit une réclamation à la CSST dans laquelle il invoque avoir subi un accident du travail le 22 février 2013, dans les circonstances suivantes :

J’installais des lumières à la patinoire du camping de la Ville de Malartic, en marchand sur la glace de la patinoire, mes pieds ont glissés et je me suis retenu pour ne pas tomber ce qui m’a causé un mal dans le bas du dos et par la suite des douleurs aux jambes qui m’empêche de marcher convenablement. [sic]

 

 

[23]        La Commission des lésions professionnelles retient également les informations suivantes contenues dans la note évolutive consignée le 12 mars 2013 par l’agente d’indemnisation de la CSST :

Appel au T

 

Me précise le fait accidentel.

Il marchait sur la glace de la patinoire quand tout d’un coup, les pieds lui ont partis.

En se retenant pour éviter la chute, il a ressenti une douleur dans le bas du dos et ensuite des douleurs aux jambes. À noter qu’il n’est pas tombé.

C’était vendredi après-midi. T s’est dit que ça passerait dans la fin de semaine.

Dit avoir passé la fin de semaine couché et a pris des anti-inflammatoires qu’il avait à la maison.

Est retourné au travail le lundi 25 février. A pu faire son travail mais dit que le travail n’est pas trop dur à ce temps-ci de l’année.

Le 26 février, il a déclaré l’événement à son boss Yan Bergeron. Celui-ci voyait bien qu’il marchait tout croche.

La douleur ne s’améliorant pas, il est allé consulter le 28 février.

 

[…]

 

T me confirme qu’il n’a jamais eu ce genre de douleur auparavant. [sic]

 

 

[24]        La preuve au dossier démontre effectivement que le travailleur a consulté un médecin pour la première fois le 28 février 2013. À cette date, il rencontre la docteure Ève Darcy qui retient un diagnostic de sciatalgie droite, prescrit une médication anti-inflammatoire ainsi qu’un arrêt de travail.

[25]        Le 8 mars 2013, le travailleur revoit la docteure Darcy qui maintient le diagnostic de sciatalgie droite et précise qu’il y a abolition du réflexe rotulien de ce côté. Dans ce contexte, la docteure Darcy dirige le travailleur vers un examen de tomodensitométrie ainsi que vers des traitements de physiothérapie. Enfin, la docteure Darcy mentionne que le travailleur peut effectuer des travaux légers pour une période de trois semaines.

[26]        Le 18 mars 2013, la docteure Chantal Brien, médecin-conseil de la CSST, émet son avis concernant l’admissibilité de la réclamation soumise par le travailleur. Elle précise que la sciatalgie droite qui affecte le travailleur est un diagnostic acceptable en lien avec l’événement survenu au travail le 22 février 2013. La docteure Brien mentionne également que la tomodensitométrie précisera probablement la raison de cette sciatalgie. Pour sa part, elle suspecte la présence d’une hernie discale en raison de l’abolition du réflexe rotulien droit.

[27]        Le 21 mars 2013, la CSST rend donc une décision par laquelle elle accepte la réclamation soumise par le travailleur concernant son accident du 22 février 2013. Cette décision a été confirmée le 27 mai 2013 à la suite d’une révision administrative et il s’agit du litige soumis à l’attention du présent tribunal.

[28]        Le 27 mars 2013, le travailleur consulte à nouveau la docteure Darcy qui retient le diagnostic de sciatalgie et de névralgie fémorale droite avec perte du réflexe rotulien. De plus, elle mentionne qu’elle soupçonne la présence d’une compression radiculaire L3-L4 et précise que le travailleur peut effectuer des travaux légers pour une période d’un mois.

[29]        Le 9 avril 2013, le travailleur se soumet à une tomodensitométrie du rachis lombosacrée qui est interprétée dans les termes suivants par le docteur Robert Trudel, radiologiste :

L3-L4 :  En rapport avec une légère difformité scoliotique à convexité gauche, on observe un pincement discal asymétrique, léger à gauche et modéré à sévère à droite. Léger bombement circonférentiel de l’annulus mais pas de hernie discale ni de sténose spinale ou foraminale.

 

L4-L5 :  On observe également un pincement asymétrique du disque, léger à gauche et modéré à droite. Présence de gaz inter-somatique. Extrusion de gaz en postéro-latéral droit témoignant d’une fissure radiaire mais sans hernie associée. Arthrose facettaire droite légère à modérée. Ces modifications entraînent une sténose foraminale droite légère. Pas de sténose spinale.

 

L5-S1 :  Pincement dégénératif sévère du disque où on observe beaucoup de gaz. Il n’y a cependant aucune évidence de fissure ou de herniation postérieure. Arthrose facettaire bilatérale modérée. Sténose foraminale bilatérale modérée à sévère. Pas de sténose spinale. [sic]

 

 

[30]        Le 19 avril 2013, la docteure Darcy demande qu’un examen d’imagerie par résonance magnétique de la colonne lombaire soit réalisé afin de compléter l’examen de tomodensitométrie. Ce nouvel examen est réalisé le 23 avril 2013 et est interprété par la docteure Danielle Bédard, radiologiste, de la façon suivante :

Niveau L3-L4 :  Discopathie chronique modérée. Il y a un peu de pincement de l’espace inter-vertébral avec un léger étalement discal diffus et de l’ostéophytose surtout antérieure. Pas de hernie discale. Pas de compression du sac dural ou des racines nerveuses.

 

Niveau L4-L5 Discopathie chronique modérée à marquée. Le pincement discal est associé à un étalement discal diffus d’importance modérée et qui prédomine légèrement la région foraminale gauche. Il y a de l’arthrose facettaire légère à modérée prédominant à droite. Aucune sténose centrale et pas de sténose foraminale.

 

Niveau L5-S1 Discopathie chronique marquée. Le pincement discal est sévère, il y a un peu d’étalement discal mais l’ostéophytose est relativement importante surtout au niveau des foramens et particulièrement à droite. L’ostéophytose foraminale refoule les racines L5 ce qui est plus marqué à droite où la racine est davantage déformée, donc compression des racines L5 gauche et surtout droite. Arthrose facettaire modérée. Modic I et II des plateaux vertébraux. Pas de sténose centrale.

 

 

[31]        Le 9 mai 2012, le travailleur rencontre le docteur Jean-Guy Ricard qui retient les diagnostics de dérangement intervertébral mineur (DIM), de lombo-sciatalgie droite et de radiculopathie L4 droite.

[32]        C’est donc dans ce contexte que la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a subi une lésion professionnelle le 22 février 2013.

[33]        Comme mentionné précédemment, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer dans un premier temps si le travailleur peut bénéficier des effets de la présomption prévue par les dispositions de l’article 28 de la loi.

[34]        Le premier critère qui doit être satisfait afin que le travailleur bénéficie de cette présomption étant qu’il ait subi une blessure, il y a donc lieu de se demander si les diagnostics retenus par les médecins consultés par le travailleur constituent une telle blessure.

[35]        Puisque la question du diagnostic n’a pas fait l’objet d’un avis rendu par un membre du Bureau d’évaluation médicale, le présent tribunal est lié par les diagnostics posés par le médecin qui a charge du travailleur, et ce, en conformité avec les dispositions de l’article 224 de la loi.

[36]        Comme nous l’avons vu précédemment, différents diagnostics ont été retenus par les docteurs Darcy et Ricard. Aux fins de la présente décision, la Commission des lésions professionnelles retient comme probant que le travailleur a présenté un dérangement intervertébral mineur accompagné d’une sciatalgie droite.

[37]        Le soussigné rappelle qu’un diagnostic de dérangement intervertébral mineur ne réfère pas d’emblée à une blessure comme ce serait le cas lorsque le diagnostic retenu serait celui d’entorse lombaire[2]. Il en est de même pour un diagnostic de sciatalgie[3]. Dans un tel cas, il y a lieu de vérifier si les examens médicaux réalisés de façon contemporaine à l’événement allégué révèlent des éléments objectifs permettant de conclure à la présence d’une blessure.

[38]        À cet égard, le soussigné fait siens les propos que tenait une formation de trois juges administratifs dans la décision de principe rendue par la Commission des lésions professionnelles sur l’application de la présomption de l’article 28 de la loi[4] :

[128]    En effet, derrière un libellé d’« algie », par exemple, utilisé par un médecin, peut se cacher un diagnostic de blessure selon l’évolution du suivi médical ou des examens plus approfondis subis par le travailleur auprès de divers spécialistes. L’examen physique et les différentes analyses pourront permettre de retrouver des éléments objectifs (ex. : spasme, contracture, hématome, ecchymose, épanchement, contusion, etc.) qui amèneront à constater ultimement la présence d’un diagnostic de blessure.

 

 

[39]        Dans le présent dossier, la preuve qui a été soumise au tribunal est très peu convaincante pour conclure à la présence de tels signes objectifs. En effet, de façon générale, la présence d’indications révélant ces signes objectifs se retrouve dans les notes de consultations médicales rédigées par les médecins consultés. Or, dans le cadre du présent litige, le tribunal ne dispose pas de ces notes de consultations.

[40]        Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles considère que la preuve soumise à son attention ne peut permettre de conclure à la présence d’une blessure. En conséquence, le travailleur ne peut bénéficier des effets de la présomption prévue à l’article 28 de la loi.

[41]        Malgré tout, le travailleur peut voir sa lésion reconnue à titre de lésion professionnelle s’il démontre chacun des éléments constitutifs de la définition d’accident du travail, soit la présence d’un événement imprévu et soudain, que ledit événement soit survenu par le fait ou à l’occasion du travail ainsi qu’une preuve de relation entre ledit événement et la lésion diagnostiquée par la suite.

[42]        Avant tout, le présent tribunal tient à souligner qu’il n’y a aucun élément au dossier qui permet de mettre en doute les informations transmises par le travailleur quant à l’apparition de ses douleurs à la région lombaire et aux membres inférieurs. 

[43]        En fonction de la preuve contenue au dossier, le présent tribunal retient qu’en date du 22 février 2013, le travailleur marchait sur la glace d’une patinoire, qu’il a glissé et qu’il s’est retenu afin d’éviter de chuter sur la glace. Ceci constitue de l’avis du soussigné un événement imprévu et soudain.

[44]        Il est également clair que cet événement est survenu par le fait du travail puisque le travailleur se déplaçait sur une patinoire afin de procéder à l’installation de lumières, ce qui fait partie de ses tâches.

[45]        Reste donc à déterminer si la preuve démontre de façon prépondérante un lien de cause à effet entre cet événement qui est survenu le 22 février 2013 et la lésion qui a été diagnostiquée à compter du 28 février 2013.

[46]        Dans un premier temps, la Commission des lésions professionnelles précise qu’elle est d’opinion que le court délai de six jours entre l’événement allégué et la première consultation médicale ne permet pas d’écarter le lien de causalité entre la lésion diagnostiquée à ce moment et le fait accidentel. En effet, le travailleur a présenté une explication raisonnable justifiant ce délai, soit que son accident est survenu le vendredi et qu’il croyait qu’avec une période de repos ses douleurs se résorberaient.

[47]        De plus, le travailleur affirme que ses douleurs au dos sont apparues immédiatement lorsqu’il s’est retenu pour éviter de chuter sur la patinoire et qu’il n’avait jamais ressenti ce genre de douleurs auparavant. Aucune preuve n’a été soumise par l’employeur pour contredire cette affirmation du travailleur et la Commission des lésions professionnelles n’a aucune raison de ne pas y donner foi.

[48]        Enfin, la Commission des lésions professionnelles constate que la seule opinion médicale qu’elle possède sur la relation probable entre l’événement survenu au travail le 22 février 2013 et la sciatalgie diagnostiquée par la suite est celle produite par la docteure Brien, médecin-conseil de la CSST. Tout en reconnaissant que cette opinion est bien peu motivée, le tribunal n’a aucune raison de l’écarter.

[49]        En conséquence de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles considère que la preuve est prépondérante pour conclure à une relation entre l’événement du 22 février 2013 et le diagnostic de dérangement intervertébral mineur avec sciatalgie droite qui a été posé.

[50]        La Commission des lésions professionnelles conclut donc que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 22 février 2013.

Dossier 515813-08-1307

[51]        Dans ce dossier, la Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la CSST devait suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu au travailleur à compter du 19 avril 2013.

[52]        Une telle suspension du paiement d’une indemnité est prévue par les dispositions de l’article 142 de la loi qui stipule :

142.  La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :

 

1° si le bénéficiaire :

 

a)  fournit des renseignements inexacts;

 

b)  refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

2° si le travailleur, sans raison valable :

 

a)  entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;

 

b)  pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;

 

c)  omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;

 

d)  omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;

 

e)  omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180;

 

f)  omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274.

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

 

[53]        L’employeur prétend que la CSST devait suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu puisque le travailleur aurait omis ou refusé de faire le travail qu’il voulait lui assigner temporairement et qu’il était tenu de faire conformément à l’article 179 de la loi. Dans les circonstances, il est également pertinent de reproduire les dispositions de ce dernier article :

179.  L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que :

 

1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;

 

2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et

 

3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

 

Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S - 2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.

__________

1985, c. 6, a. 179.

 

 

[54]        On comprend donc des dispositions précitées que la CSST peut suspendre le paiement d’une indemnité si un travailleur, sans raison valable, omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qui a été dûment autorisé par le médecin qui a charge du travailleur.

[55]        Avant tout, le présent tribunal tient à souligner qu’il est d’avis que la mention faite par la docteure Darcy sur les rapports médicaux qu’elle a produits les 8 mars 2013 et 27 mars 2013 à savoir que le travailleur pouvait effectuer des travaux légers ne constitue pas une assignation temporaire de travail autorisée en conformité avec les dispositions de l’article 179 de la loi. La Commission des lésions professionnelles constate d’ailleurs que l’employeur ne demande pas la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu pour ces périodes.

[56]        En effet, l’employeur demande la suspension du paiement de l’indemnité à compter du 19 avril 2013, soit à la date où la docteure Darcy a dûment rempli et signé un formulaire d’assignation temporaire de travail.

[57]        Dans un premier temps, la Commission des lésions professionnelles s’interroge sur le statut de la docteure Darcy à cette date. Il apparaît en effet que celle-ci ne détenait plus le statut de médecin qui a charge du travailleur au moment où elle a autorisé l’assignation temporaire.

[58]        En effet, il ressort de la note évolutive rédigée par l’agente d’indemnisation de la CSST le 10 avril 2013 que le travailleur avait informé cette dernière que le suivi médical de sa lésion professionnelle serait dorénavant assuré par son médecin de famille, le docteur Ricard.

[59]        Ceci étant dit, la Commission des lésions professionnelles estime de toute façon que le travailleur avait une raison valable pour refuser d’effectuer le travail que l’employeur voulait lui assigner temporairement.

[60]        À cet égard, la preuve démontre que le travailleur avait avisé son employeur en date du 14 janvier 2013, soit cinq semaines avant son accident du travail, de sa décision de partir à la retraite le 28 février 2013 puisqu’il avait alors atteint l’âge de 60 ans. La Commission des lésions professionnelles constate d’ailleurs que l’employeur inscrit que le travailleur est retraité sur le formulaire « Avis de l’employeur et demande de remboursement » qu’il a fait parvenir à la CSST.

[61]        Une telle décision de la part du travailleur entraîne la rupture du lien d’emploi qui le lie à l’employeur et, dans une telle situation, la jurisprudence majoritaire du tribunal reconnaît que les dispositions de l’article 142 de la loi ne peuvent s’appliquer[5].

[62]        À ce sujet, et bien que ceux-ci étaient applicables à un cas de rupture du lien d’emploi en raison d’une démission, le soussigné souscrit aux propos que tenait le juge administratif Sincennes dans l’affaire Laplante et Lauzon Planchers de bois exclusifs[6] lorsqu’il mentionne :

[38]      Le soussigné est d’avis que la démission du travailleur constitue une décision qui lui est personnelle et qui par ailleurs, entraîne pour lui des conséquences importantes, dont la perte des droits qui étaient rattachés à son emploi chez l’employeur. Le fait de démissionner n’est soumis à aucune condition particulière et il s’agit là d’un droit du travailleur. On ne doit pas par ailleurs rechercher l’intention ou les motifs du travailleur à la base de sa décision.

 

[39]      Il n’y a pas lieu davantage d’évaluer le caractère raisonnable de la ou des raisons ayant conduit ce dernier à démissionner en matière de versement de l’indemnité de remplacement du revenu au sens des dispositions de l’article 142 de la loi. La jurisprudence ne fait une telle démarche que lorsqu’il est question de retraite d’un travailleur et il n’y a pas lieu de faire de distinction entre la retraite et la démission en ce qui a droit au versement de l’IRR dans le processus entourant l’assignation temporaire prévue à l’article 179 de la loi.

 

[40]      En fait, autant la démission que la retraite sont des mesures extrêmes et en principe définitives que prend un travailleur. Il ne s’agit pas là de situations assimilables à celles édictées par le législateur à l’article 142 de la loi quand il est question de situations où un travailleur « omet » ou « refuse » de faire un travail assigné temporairement par un employeur. On n’a pas à se demander si, par sa démission, le travailleur omet ou refuse d’accomplir un travail chez l’employeur. La démission entraîne une fin d’entente contractuelle, la rupture d’un lien d’emploi. On ne doit  pas y voir un geste de contestation de la part du travailleur ni si ce dernier avait une raison valable de poser un tel geste.

 

[41]      Le droit à une indemnité de remplacement du revenu est relié à la survenance d’une lésion professionnelle au sens de la loi et les causes d’extinction de ce droit sont spécifiquement prévues à l’article 57 de la loi. Il ressort de la lecture de cette disposition législative que la démission d’un travailleur de son emploi chez un employeur ne constitue pas une des raisons qui y sont prévues. Quant aux dispositions de l’article 142 de la loi, on doit les interpréter restrictivement car il s’agit de mesures de nature punitive et d’exception eu égard à l’esprit général de la loi, qui a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires8 et dont l’application doit être faite de façon large et libérale.

 

[42]      Le tribunal est d’avis que l’article 142 confère à la CSST un pouvoir de contraindre un travailleur, dans certains cas précis, à respecter les obligations prévues à la loi à défaut de quoi, son indemnité pourra être réduite ou suspendue. L’utilisation des termes « réduire » ou « suspendre » revêt un caractère temporaire et ne se veut pas permanent. D’ailleurs, les dispositions de l’article 143 prévoient la possibilité pour la CSST de non seulement mettre fin à la suspension ou la réduction d’une indemnité, mais prévoient aussi le versement rétroactif des indemnités suspendues ou réduites lorsque le motif qui a justifié sa décision n’existe plus. Il serait difficile de concevoir l’application de l’article 143 au cas d’un travailleur ayant remis sa démission à un employeur, la démission étant de par sa nature, une situation permanente et non temporaire. En d’autres termes, comment un travailleur pourrait-il bénéficier des termes de l’article 143 dans le cas d’une démission? La situation ayant mené à la suspension de l’IRR étant définitive et permanente, le travailleur ne pourrait jamais faire valoir que le motif qui avait justifié la décision n’existe plus. En d’autres termes, la suspension de l’IRR en cas de démission d’un travailleur deviendrait permanente. Ce n’est certes pas là l’intention recherchée par le législateur dans la rédaction des articles 142 et 143 de la loi.

 

[43]      Dans ce contexte, la Commission des lésions professionnelles considère que le fait de démissionner pour le travailleur a mis fin au lien d’emploi avec l’employeur, mais n’avait pas d’incidence sur le droit pour le travailleur de continuer à recevoir l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle il avait droit en vertu des dispositions de l’article 57 de la loi. La CSST ne pouvait dès lors, appliquer les dispositions de l’article 142 en réponse à une situation reliée à l’assignation à un travail temporaire au sens de l’article 179 de la loi.

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8           Article 1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001)

 

 

[63]        Au surplus, dans le présent dossier, il ressort clairement que le travailleur n’a pas pris une décision dans le but de contrer l’application des dispositions législatives relatives à l’assignation temporaire de travail, puisque sa décision a été prise et communiquée à l’employeur avant la survenance de son accident du travail.

[64]        Avant de conclure, la Commission des lésions professionnelles tient à répondre à l’argument de l’employeur qui soutient qu’en décidant de prendre sa retraite, le travailleur renonçait au versement d’une indemnité de remplacement du revenu.

[65]        À cet égard, deux commentaires s’imposent.

[66]        Premièrement, le litige soumis au tribunal en l’instance ne concerne pas le droit du travailleur à recevoir une indemnité de remplacement du revenu à la suite de la lésion professionnelle qu’il a subie le 22 février 2013, mais bien à décider si le versement d’une telle indemnité peut être suspendu parce que le travailleur aurait omis ou refusé, sans raison valable, d’effectuer l’assignation temporaire de travail dûment autorisée.

[67]        Deuxièmement, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles précise que le droit d’un travailleur à recevoir une indemnité de remplacement du revenu résulte de son incapacité à exercer son emploi et que le fait qu’il soit retraité ne met pas fin à ce droit[7].

[68]        En conséquence de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles conclut que la CSST était bien fondée de refuser de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle le travailleur a droit. 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 512965-08-1306

REJETTE la requête de la Ville de Malartic, l’employeur;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 27 mai 2013, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur Jacques Petit, le travailleur, a subi une lésion professionnelle le 22 février 2013 et qu’il a donc droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Dossier 515813-08-1307

REJETTE la requête de la Ville de Malartic, l’employeur;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 19 juin 2013, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE qu’il n’y a pas lieu de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu versée à monsieur Jacques Petit, le travailleur.

 

 

 

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Michel Letreiz

 

 

 

 

Me Éric Latulippe

LANGLOIS KRONSTRÖM DESJARDINS

Représentant de la partie requérante

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Natrel (St-Laurent) et Paquette, C.L.P. 274884-63-0511, 27 janvier 2007, C.-A. Ducharme.

[3]           Martel et Benoît Tremblay soudure inc., C.L.P. 131400-02-0002, 27 février 2001, R. Deraiche; Porlier Express inc. et Joncas, C.L.P. 372392-09-0903, 30 septembre 2010, R. Arseneau.

[4]           Boies et C.S.S.S. Québec-Nord, 2011 QCCLP 2775.

[5]           Voir notamment : Laplante et Lauzon Planchers de bois exclusifs, C.L.P. 327977-07-0709, 18 février 2009, P. Sincennes; Sodexho Québec ltée et Côté, C.L.P. 328706-64-0709, 19 mars 2009, R. Daniel; Bar-Salon Vénus et Ross, C.L.P. 407674-04-1004, 22 décembre 2010, J. A. Tremblay; Les Rôtisseries de Sherbrooke inc. et Péloquin, 2011 QCCLP 4390; Chalifoux et C.D.C.U., 2012 QCCLP 902; Acier AGF inc. et Major, 2013 QCCLP 2406; Sabri et Tentes Fiesta ltée, 2013 QCCLP 4882.

[6]           Précitée, note 5.

[7]           Voir notamment : Lauzer et Ville de Trois-Rivières, C.L.P. 216514-04-0309, 7 février 2006, D. Lajoie; Rivard et Gestion & Construction Dinar inc., C.L.P. 327174-63-0709, 15 octobre 2008, M. Gauthier.

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