DÉCISION
[1] Le 28 février 2001, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) présente une requête en révision de la décision rendue le 15 janvier 2001 par la Commission des lésions professionnelles.
[2]
Cette décision infirme celle rendue par la CSST, le 27 juin
2000, à la suite d’une révision administrative et déclare que monsieur
Dominique Soucy (le travailleur) a droit au remboursement du coût de
remplacement de sa prothèse auditive en vertu de l’article
[3] Le travailleur et l’employeur, Groupe RCM inc., étaient absents à l’audience tenue le 4 juin 2001. La CSST était représentée par procureur.
L'OBJET DE LA REQUÊTE
[4] La CSST demande de réviser la décision rendue le 15 janvier 2001 et de déclarer que le travailleur n’a pas droit à l’indemnité prévue à l’article 113 de la loi pour le remplacement de sa prothèse auditive.
[5] Au soutien de sa requête, le procureur de la CSST allègue ce qui suit :
A. LES FAITS
1. Le 15 janvier
2001, la Commission des lésions professionnelles rendait une décision à l’effet
de déclarer que le travailleur, monsieur Dominique Soucy, avait droit, pour le
remplacement de sa prothèse auditive, à l’indemnité prévue à l’article
[…]
3. Notamment, dans le cadre de la décision mentionnée au paragraphe 1 des présentes, référant aux conditions énoncées audit article 113, il y est précisé ce qui suit, à savoir :
« Enfin, la preuve révèle que le travailleur n’a pas droit à une
indemnité en vertu d’un autre régime »
Le tout tel qu’il appert de la page 6 de ladite décision déjà déposée au soutien des présentes sous la cote R-1;
4. Le 6 février 2001, en vue de donner suite à la décision mentionnée au paragraphe 1 des présentes et après avoir eu des entretiens téléphoniques avec le père du travailleur et avec la représentante de l’employeur, madame Nicole Spénard, agente d’indemnisation à l’emploi de la requérante, communique avec le travailleur, lequel l’informe avoir été remboursé en totalité du coût de sa prothèse auditive, et ce, par le biais d’une assurance-responsabilité détenue et payée par son père, assurance-responsabilité que le travailleur rembourse à ce dernier tous les mois, le tout tel qu’il appert des notes évolutives, de la facture et d’un chèque déposés en liasse au soutien des présentes sous la cote R-3;
B. LE DROIT
5. Tel que l’a décidé à maintes occasions l’ancienne Commission d’appel en matière de lésions professionnelles, de même que l’actuelle Commission des lésions professionnelles, la requérante est admise à déposer une requête en révision à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles et ce, malgré le fait qu’elle ne soit pas intervenue lors de l’audition devant la Commission des lésions professionnelles;
6. Au soutien de la présente requête, la requérante allègue le premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi, à savoir la découverte d’un fait nouveau, soit le fait que le travailleur a eu droit à une indemnité en vertu d’un autre régime, fait qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente, l’article 113 de la loi excluant le droit à l’indemnité lorsque le travailleur a droit à une telle indemnité en vertu d’un autre régime;
7. Cette exclusion prévue à l’article 113 de la loi s’inscrit dans le contexte de l’article 1 de cette dernière, lequel a été interprété à maintes occasions comme visant à indemniser le travailleur pour ce à quoi ce dernier a droit en vertu de la loi, ni plus, ni moins, excluant dès lors la double indemnisation;
[…]
L'AVIS DES MEMBRES
[6] Les membres issus des associations d’employeurs et syndicales sont d’avis que la décision du 15 janvier 2001 doit être révisée et que la contestation déposée par le travailleur à l’encontre de la décision de la CSST du 27 juin 2000 doit être rejetée. Ces membres estiment en effet que le contrat d’assurance couvrant les dommages causés aux prothèses auditives du travailleur constitue un fait nouveau au sens du premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi. Ces membres considèrent que cet élément de preuve fait en sorte que le travailleur ne peut bénéficier de l’indemnité prévue à l’article 113 de la loi dans la présente affaire.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de réviser la décision rendue le 15 janvier 2001.
[8] Suivant l’article 429.49 de la loi, une décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel. L’article 429.56 prévoit toutefois que la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue aux conditions prescrites à cet article :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
________
1997, c. 27, a. 24.
[9] Dans le présent dossier, la première commissaire devait décider si le travailleur avait droit au remboursement du coût de remplacement de sa prothèse auditive du côté droit, en vertu de l’article 113 de la loi. Cette disposition énonce :
113. Un travailleur a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité pour la réparation ou le remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse au sens de la Loi sur la protection de la santé publique (L.R.Q., chapitre P-35) endommagée involontairement lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant par le fait de son travail, dans la mesure où il n'a pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime.
L'indemnité maximale payable pour une monture de lunettes est de 125 $ et elle est de 60 $ pour chaque lentille cornéenne; dans le cas d'une autre prothèse ou orthèse, elle ne peut excéder le montant déterminé en vertu de l'article 198.1.
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1985, c.6, a. 113; 1992, c. 11, a. 5.
[10] La CSST avait refusé la réclamation du travailleur au motif que sa prothèse n’avait pas subi de dommages lors d’un événement imprévu et soudain. Dans sa décision du 15 janvier 2001, la commissaire a jugé que le travailleur avait endommagé sa prothèse involontairement lors d’un événement imprévu et soudain, survenu par le fait du travail, le 11 avril 2000.
[11] La commissaire a conclu que le travailleur avait droit au remboursement du coût de remplacement de sa prothèse au motif qu’il n’avait pas droit à cette indemnité en vertu d’un autre régime, de sorte que la seconde condition prévue à l’article 113 de la loi était rencontrée. À cet égard, la commissaire s’exprime ainsi au paragraphe 8 de sa décision dans la section des faits :
8. Le 27 avril 2000, le travailleur signe une attestation à l’effet qu’il ne détient pas de plan d’assurance personnelle couvrant ce type de réclamation.
[12] Il est à noter que cette attestation faisait partie du dossier de la CSST au moment où elle a rendu sa première décision du 2 mai 2000 refusant la réclamation du travailleur.
[13] Dans les motifs de sa décision, la commissaire mentionne ce qui suit au paragraphe 25 :
25. Enfin la preuve révèle que le travailleur n’a pas droit à une indemnité en vertu d’un autre régime.
[14] Par ailleurs, à la suite de la réception de la décision du 15 janvier 2001, madame Nicole Spénard de la CSST a communiqué avec le travailleur afin d’obtenir une copie des pièces justificatives démontrant qu’il avait payé le coût de remplacement de sa prothèse auditive. La CSST n’avait alors en main qu’un estimé au montant de 950,00 $ daté du 13 avril 2000.
[15] Le 29 janvier 2001, le travailleur produisait à la CSST une facture de madame Suzanne Rainville, audioprothésiste, du 2 mai 2000 pour une prothèse auditive du côté droit, au montant de 950,00 $ et portant la mention « payés par chèque ».
[16] Le 6 février 2001, le travailleur informait madame Spénard que son père détenait une assurance-responsabilité couvrant les dommages causés à ses prothèses auditives. Le travailleur rembourse à son père la prime versée à l’assureur.
[17] Le 8 février 2001, madame Suzanne Rainville transmettait à la CSST une copie du chèque fait à son ordre et à celui des parents du travailleur par ING Groupe Commerce. Ce chèque daté du 14 avril 2000 et au montant de 950,00 $ avait servi à acquitter la facture du 2 mai 2000.
[18] Le procureur de la CSST soutient que les informations dont il est question aux trois paragraphes précédents constituent des faits nouveaux au sens du premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi. Le procureur ajoute que la connaissance de ces faits, en temps utile, aurait pu justifier une décision différente compte tenu des conditions d’ouverture au droit prévu à l’article 113 de la loi.
[19] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que la prétention du procureur de la CSST est bien fondée et qu’il y a lieu d’accueillir la requête en révision de la décision du 15 janvier 2001 et de déclarer que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût de remplacement de sa prothèse auditive en vertu de l’article 113 de la loi.
[20] Il convient dans un premier temps de préciser que la CSST peut demander la révision de cette décision et ce, malgré le fait qu’elle n’est pas intervenue lors de la première audience. En effet, la décision du 15 janvier 2001 oblige la CSST à rembourser une somme d’argent au travailleur. Dans un tel cas, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles a, à de multiples reprises reconnu l’intérêt de la CSST de se pourvoir en révision[2].
[21] Pour ce qui concerne le premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi, la Commission des lésions professionnelles a précisé que les critères pour qu’un fait nouveau permette la révision sont les suivants :
1. ce fait existait au moment de l’audience initiale mais sa découverte par la partie requérante est postérieure à la décision;
2. cet élément de preuve n’était pas disponible au moment de l’audience initiale; et
3. cet élément de preuve aurait pu justifier une décision différente en raison de son caractère déterminant sur l’issue du litige[3].
[22] En l’instance, ces trois critères sont remplis.
[23] Tout d’abord, c’est après la décision du 15 janvier 2001, que la CSST a été informée du fait que le travailleur avait droit, en vertu d’une police d’assurance détenue par son père, au remboursement de la totalité du coût de remplacement de sa prothèse droite endommagée.
[24] Ce fait existait au moment où s’est tenue l’audience initiale. Par contre, il n’était pas disponible pour la CSST puisque le travailleur ne l’en avait pas informée. La CSST n’était même pas en mesure de soupçonner son existence en raison de la déclaration du travailleur suivant laquelle, le coût de remplacement de sa prothèse n’était pas couvert par un régime autre que celui prévu à l’article 113 de la loi.
[25] Enfin, ce fait est un élément ayant un caractère déterminant sur l’issue du litige puisqu’il concerne une condition d’ouverture à l’indemnité prévue à l’article 113 de la loi.
[26] Or, le fait que le travailleur avait droit au remboursement intégral du coût de remplacement de sa prothèse auditive endommagée le 11 avril 2000, en vertu d’un régime privé d’assurance a pour conséquence qu’il ne peut bénéficier de la protection prévue à l’article 113 de la loi, suivant le texte clair de cet article.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête en révision déposée le 28 février 2001 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail;
RÉVISE la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 15 janvier 2001;
REJETTE la contestation déposée par monsieur Dominique Soucy le 31 juillet 2000 à l’encontre de la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 27 juin 2000;
DÉCLARE que monsieur Dominique Soucy n’a pas droit au versement d’une indemnité prévue à l’article 113 de la loi pour le remplacement de sa prothèse auditive.
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Me
Micheline Allard |
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Commissaire |
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M. JEAN-BERNARD
SOUCY |
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Représentant de la partie requérante |
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GROUPE RCM INC. (Mme
Marie-Claude Beauclair) |
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Représentante de la partie intéressée |
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PANNETON,
LESSARD (Me
Lise Matteau) |
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Représentante
de la partie intervenante |
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L.R.Q.,
c. A-3.001
[2]
Giguère et Boulangerie
Weston ltée, C.A.L.P., 37374-62-9205, 95-08-16, J.-G. Béliveau; Gagnon et Jean-Marie Dupuis ltée,
[3]
Joseph Pisacane et Entretien
Paramex inc., CLP
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