DÉCISION
[1] Le 2 avril 2003, M. Ricot Espert (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 24 février 2003 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 3 octobre 2002 et déclare que le travailleur a subi un accident du travail le 31 juillet 2002 à savoir un asthme par inhalation de substances irritantes, l’indemnité de remplacement du revenu se terminant le 20 août 2002.
[3] À l’audience, le travailleur est absent mais son représentant est présent. L’employeur est présent et représenté.
L'OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il a été victime d’une maladie professionnelle le 31 juillet 2002 et que l’indemnité de remplacement du revenu ne devait pas cesser le 20 août 2002.
QUESTION PRÉLIMINAIRE
[5] Le représentant du travailleur soumet que le dossier de M. Espert n’a pas suivi la procédure prévue aux articles 226 et suivants de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi) et qu’en conséquence le dossier devrait être retourné à la CSST pour qu’elle agisse en conséquence.
[6] Suite au consentement des parties, le tribunal a décidé de ne procéder que sur cette question préliminaire dans un premier temps et de rendre une décision écrite sur le sujet.
LES FAITS DE LA QUESTION PRÉLIMINAIRE
[7] De l’ensemble du dossier et de la preuve, la Commission des lésions professionnelles retient principalement les éléments suivants.
[8] Dans une réclamation déposée le 5 août 2002, le travailleur allègue la survenance d’une lésion professionnelle dans les termes suivants :
LE 31-09-02, J’AI DÉBUTE MON QUART DE TRAVAIL À 7H15. VERS 8H15 LE TECHNICIEN EST VENU FAIRE FONCTIONNER LE GÉNÉRATEUR ET LES GAZ D’ÉCHAPPEMENT SE SONT INFILTRÉS À L’INTÉRIEUR DE L’UNITÉ ME « SUFFOCANT » DIFFICULTER À RESPIRER. [sic]
[9] Le 1er août 2002, le docteur F. Gougoux émet une attestation médicale initiale avec un diagnostic d’inhalation de substances toxiques ayant entraîné un bronchospasme.
[10] Le 5 août 2002, le docteur Y. Lévesque diagnostique un asthme professionnel, diagnostic repris par le docteur Y. Raymond dans son rapport médical du 15 août 2002 et dans son rapport final du 19 août 2002. À sa note médicale, il indique un asthme professionnel dû au fait que le travailleur exerce ses fonctions dans un endroit mal aéré où entrent parfois des émanations d’échappement d’une génératrice.
[11] Le 7 août 2002, M. Pierre Mercier inique que les vérifications d’usage de la génératrice sont faits une fois par semaine pour 10 à 20 minutes et qu’il est possible qu’une odeur pénètre à l’intérieur de la Villa Fraserville.
[12] Le 26 août 2002, le docteur N. Bastien diagnostique un asthme professionnel.
[13] Dans une note évolutive du 28 août 2002, l’agente d’indemnisation mentionne « attendons dossier et annexe m.p. ».
[14] Le 2 septembre 2002, le travailleur signe un document intitulé « Annexe à la réclamation du travailleur Maladie professionnelle ». Il y indique que les produits ou substances susceptibles d’avoir causé sa maladie dégagent une odeur nauséabonde et de la fumée. Il estime travailler sous exposition à ces substances une fois par semaine pendant une période de trois à quatre heures soit à chaque fois que l’employeur faisait fonctionner la génératrice.
[15] Le 5 septembre 2002, le docteur Yves Raymond remplit une information médicale complémentaire écrite. On lui demande si le travailleur était déjà atteint d’asthme ou s’il s’agit d’une exposition à des émanations gazeuses ce à quoi il répond que le travailleur n’était pas atteint d’asthme et qu’on doit effectivement parler d’une exposition à des émanations gazeuses ayant induit un bronchospasme.
[16] Le 6 septembre 2002, le travailleur rencontre la docteure G. Collins (pièce E-2) qui mentionne la présence d’un bronchospasme aigu pouvant être en relation avec l’inhalation d’hydrocarbures. Elle estime toutefois que l’histoire antérieure n’est pas révélatrice d’un asthme sous-jacent. Des tests sont suggérés et elle en fait mention dans ses notes du 31 janvier 2003.
[17] Le 10 septembre 2002, M. Sylvio Boudreau, ingénieur et inspecteur à la CSST, prépare un rapport d’intervention. Il note que la procédure de mise en marche de la génératrice a été changée, que le moteur est mis en marche une fois par mois au lieu d’une fois par semaine et que les occupants du Centre jeunesse en sont avisés avant.
[18] Le 13 septembre 2002, le travailleur a une conversation téléphonique avec son agent d’indemnisation. Il lui mentionne occuper son poste depuis mars 2002 et qu’à chaque fois que l’employeur fait l’inspection de la génératrice, il était incommodé. Il n’en parlait cependant pas parce que ses collègues de travail n’étaient pas incommodés.
[19] Le 19 septembre 2002, le docteur N. Bastien maintient le diagnostic d’asthme secondaire à un irritant respiratoire et le 1er novembre 2002 il diagnostique une hyperréactivité bronchique.
[20] Le 2 octobre 2002, le docteur Claude Morel de la CSST émet un avis à l’effet de reconnaître l’existence d’une relation entre le diagnostic d’asthme et le fait allégué.
[21] Le 3 octobre 2002, la CSST rend une décision acceptant le diagnostic d’asthme par inhalation de substances irritantes à titre d’accident du travail.
[22] Le 24 février 2003, la CSST rend une décision suite à une révision administrative confirmant la décision initiale et déclarant que le travailleur a subi un accident du travail le 31 juillet 2002 ayant entraîné un asthme par inhalation de substances irritantes.
[23] Le 26 février 2003, le travailleur rencontre le docteur Francis Laberge, pneumologue, à la demande du docteur Claude Morel de la CSST. Il estime que le travailleur a subi un bronchospasme et que les émanations de diesel ne sont pas reconnues comme pouvant entraîner un asthme professionnel. Il croit possible que l’inhalation des gaz d’échappement de la génératrice au diesel ait entraîné une exacerbation de l’hyperréactivité bronchique chez le travailleur. Il estime cependant que le travailleur n’a pas développé un asthme professionnel dans les circonstances qu’il décrit.
[24] Le 31 mars 2003, le travailleur rencontre le docteur Pierre-Michel Bédard, allergologue et immunologue. À l’impression, il mentionne ce qui suit :
1- Hyperréactivité bronchique modérée persistante 9 mois après une exposition à un gaz irritant, chez un fumeur léger avec sensibilisation aux moisissures, pollen des arbres et mauvaises herbes. La mesure d’aujourd’hui est d’autant plus significative qu’elle est faite hors saison des pollens. Il est raisonnable de croire que de la mi-août jusqu’en sept. 2002 le patient était bel et bien incapable de retourner au travail.
L'ARGUMENTATION DES PARTIES SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE
[25] Le représentant du travailleur rappelle que M. Espert a rencontré, suite à sa lésion du 31 juillet 2002, différents médecins puisqu’il se rendait à l’urgence et rencontrait celui qui était de garde. Suite à sa réclamation en relation avec un diagnostic d’asthme, la CSST doit référer le dossier du travailleur au Comité des maladies professionnelles pulmonaires et ce, que le problème soit dû à une courte exposition ou à une exposition répétitive. Le législateur a clairement exprimé sa volonté que les cas de maladies pulmonaires soient traités par une procédure spéciale de référence à des experts en la matière. L’asthme constitue donc une maladie professionnelle pulmonaire en soi et doit être référé selon l’article 226 peu importe les circonstances d’apparition. Il réfère à différentes dispositions de l’annexe I qui démontreraient selon lui que le législateur qualifie parfois l’exposition nécessaire à l’application de la présomption. Toutefois, eu égard à l’asthme, il n’a mentionné que la nécessité d’une exposition à un agent spécifique sensibilisant.
[26] La représentante de l’employeur croit que la CSST était en présence d’une réclamation pour accident du travail et non pour maladie professionnelle. C’est de cette façon que la réclamation a été traitée et le docteur Morel du service médical en parle aux notes évolutives. Il ne s’agit pas de décider si le diagnostic du travailleur est caractéristique du travail mais bien si une exposition d’environ 10 minutes a pu causer une lésion, ce qui constitue donc un accident du travail et non une maladie professionnelle. Elle réfère aux pièces déposées à l’audience qui dénotent le diagnostic d’hyperréactivité bronchique et non celui d’asthme. Elle déplore que la CSST n’ait pas attendu l’expertise du docteur Laliberté pour rendre sa décision.
L'AVIS DES MEMBRES
[27] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis. En présence d’allégation de l’existence possible d’une maladie professionnelle, la CSST aurait dû appliquer l’article 226 de la Loi et référer le dossier au Comité des maladies professionnelles pulmonaires. Le dossier doit donc être retourné à la CSST pour qu’elle le traite selon la Loi.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LA QUESTION PRÉLIMINAIRE
[28] Pour rendre sa décision, la Commission des lésions professionnelles a pris connaissance de l’ensemble de la documentation au dossier, des témoignages rendus à l’audience, de l’argumentation des parties et tenu compte de l’avis des membres. Elle rend en conséquence la décision suivante.
[29] La Commission des lésions professionnelles doit trancher l’objection préliminaire déposée par le représentant du travailleur et décider si la CSST aurait dû référer le dossier du travailleur au Comité des maladies professionnelles pulmonaires.
[30] L’article 226 de la Loi prévoit ce qui suit :
226. Lorsqu'un travailleur produit une réclamation à la Commission alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission le réfère, dans les 10 ours, à un comité des maladies professionnelles pulmonaires.
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1985, c. 6, a. 226.
[31] À la lecture de cet article, on constate que le déclenchement du processus de référence au Comité des maladies professionnelles pulmonaires survient lorsque la réclamation du travailleur allègue l’existence d’une maladie professionnelle pulmonaire. Le législateur n’a donc pas demandé que l’existence de cette maladie soit prouvée avant le déclenchement du processus par la présentation d’une preuve médicale. Tout ce qu’il exige pour déclencher le processus c’est l’allégation de l’existence d’une maladie professionnelle pulmonaire.
[32] En l’espèce, il apparaît évident au tribunal que le travailleur, lors de l’ouverture de son dossier, a allégué l’existence d’une maladie professionnelle pulmonaire. Ainsi, dès le 28 août 2002, la CSST savait qu’une annexe applicable en matière de lésion professionnelle allait être produite par le travailleur tel que le révèle la note évolutive consignée par l’agente d’indemnisation. Cette annexe a d’ailleurs été signée par le travailleur le 2 septembre 2002. Au surplus, plusieurs médecins ont émis le diagnostic d’asthme professionnel au courant du mois d’août et même en septembre 2002. C’est d’ailleurs ce diagnostic d’asthme qui a été reconnu par la CSST dans sa décision initiale et dans celle rendue à la suite d’une révision administrative.
[33] En présence de toutes ces circonstances, le tribunal estime que la réclamation du travailleur alléguait qu’il était atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire et la Commission aurait dû le référer dans les 10 jours à un Comité des maladies professionnelles pulmonaires tel que le mentionne l’article 226 de la Loi. Il ne s’agit pas là d’une simple question de procédure mais d’une question de fond dans le cadre d’une Loi d’ordre public.
[34] Il est clair que le législateur a décidé de confier les questions relatives aux maladies pulmonaires à des spécialistes en la matière à savoir des pneumologues qui composent le Comité des maladies professionnelles pulmonaires et le Comité spécial de présidents prévus aux articles 227 et 231 de la Loi :
227. Le ministre forme au moins quatre comités des maladies professionnelles pulmonaires qui ont pour fonction de déterminer si un travailleur est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire.
Un comité des maladies professionnelles pulmonaires est composé de trois pneumologues, dont un président qui est professeur agrégé ou titulaire dans une université québécoise.
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1985, c. 6, a. 227.
231. Sur réception de ce rapport, la Commission soumet le dossier du travailleur à un comité spécial composé de trois personnes qu'elle désigne parmi les présidents des comités des maladies professionnelles pulmonaires, à l'exception du président du comité qui a fait le rapport faisant l'objet de l'examen par le comité spécial.
Le dossier du travailleur comprend le rapport du comité des maladies professionnelles pulmonaires et toutes les pièces qui ont servi à ce comité à établir son diagnostic et ses autres constatations.
Le comité spécial infirme ou confirme le diagnostic et les autres constatations du comité des maladies professionnelles pulmonaires faites en vertu du deuxième alinéa de l'article 230 et y substitue les siens, s'il y a lieu; il motive son avis et le transmet à la Commission dans les 20 jours de la date où la Commission lui a soumis le dossier.
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1985, c. 6, a. 231.
[35] Il s’agit d’une dérogation à la procédure d’évaluation médicale normale prévue aux articles 199 et suivants que le législateur a pris la peine de mettre sur pied parce qu’il jugeait que les questions ayant trait aux maladies pulmonaires nécessitaient une expertise particulière dans ce domaine. La CSST doit donc respecter cette intention du législateur exprimée aux articles 226 et suivants de la Loi.
[36] La jurisprudence s’est déjà prononcée sur des questions similaires. Dans Ministère du développement des ressources humaines et Massy[2], dans Rouleau et Métallurgie Frontenac[3]et dans Casmiro et Construction DJL inc.[4], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) et la Commission des lésions professionnelles mentionnaient que face à la réclamation alléguant une maladie pulmonaire reliée à son travail, en l’espèce, l’aggravation d’une condition personnelle d’asthme, la CSST avait l’obligation de référer le travailleur à un Comité des maladies professionnelles pulmonaires. Ces trois décisions font donc ressortir le fait que la CSST doit référer le dossier au Comité des maladies professionnelles pulmonaires même lorsqu’il s’agit d’un cas d’aggravation d’une condition personnelle et non pas d’une maladie professionnelle pure. Ces décisions rappellent également que seule l’allégation d’une maladie pulmonaire professionnelle est pertinente sans égard au bien-fondé ou non de cette allégation.
[37] Dans l’affaire CAE électronique ltée et Zohra[5], la Commission des lésions professionnelles estimait que la CSST doit référer le dossier du travailleur concerné au Comité des maladies professionnelles pulmonaires sur simple réception du rapport d’un médecin faisant état de la possibilité d’une maladie professionnelle pulmonaire et ce compte tenu de la réclamation de la travailleuse. En l’espèce, le tribunal rappelle que plusieurs médecins ont mentionné la diagnostic d’asthme professionnel et qu’en conséquence le dossier aurait dû être référé. Il est vrai que certains médecins et notamment le pneumologue Laberge, mentionnent en rétrospective que le travailleur ne serait pas atteint d’asthme professionnel. Le législateur a cependant donné au Comité des maladies professionnelles pulmonaires ainsi qu’au Comité spécial des présidents le mandat de décider des questions médicales en cette matière, ce mandat n’étant pas donné à l’expert Laberge ni aux autres médecins qui ont pu se prononcer sur la question. La CSST ne pouvait pas, comme elle l’a fait, demander une opinion au docteur Laberge afin de remplacer le processus prévu par le législateur. C’est aux deux comités prévus par la Loi de conclure à un diagnostic et de traiter des limitations fonctionnelles et de l’atteinte permanente s’il y a lieu après quoi la CSST rend une décision en vertu de l’article 233 qui se lit comme suit :
233. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi sur les droits du travailleur qui lui produit une réclamation alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission est liée par le diagnostic et les autres constatations établis par le comité spécial en vertu du troisième alinéa de l'article 231.
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1985, c. 6, a. 233.
[38] Une fois ces avis rendus, la CSST doit donc rendre les décisions qui s’imposent. L’avis du Comité spécial ne lie cependant pas la CSST sur le caractère professionnel ou non de la maladie même si ce comité peut émettre un avis à cet effet dont peut tenir compte la CSST dans la décision qu’elle a à rendre[6].
[39] En résumé, la Loi n’oblige pas le travailleur à déposer un rapport médical attestant d’une relation entre ses problèmes de santé et son travail : elle ne réfère qu’à une réclamation du travailleur alléguant qu’il est atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire. En l’espèce, la réclamation du travailleur et notamment l’annexe précisant l’allégation d’une maladie professionnelle et les documents qui ont été produits de façon contemporaine notamment les attestations médicales faisant clairement référence à un asthme professionnel faisaient en sorte qu’il y avait allégation de maladie pulmonaire et que le dossier aurait dû être référé au Comité des maladies professionnelles pulmonaires. Comme la procédure prévue par la Loi n’a pas été suivie, le dossier doit être retourné à la CSST pour que celle-ci se conforme à la Loi[7].
[40] De plus, même si les deux décisions rendues par la CSST parlent de l’existence d’un accident du travail, elles font tout de même référence au diagnostic d’asthme. Au surplus, le travailleur demande au présent tribunal la reconnaissance de l’existence d’une maladie professionnelle au lieu d’un accident du travail.
[41] Le tribunal croit qu’on ne peut légitimer l’absence de référence au Comité des maladies professionnelles pulmonaires par le fait que des expertises ou des avis médicaux rendus plusieurs mois après la survenance de la lésion mettent en doute l’existence d’un asthme professionnel. Le tribunal rappelle que la CSST aurait dû référer le travailleur dans les 10 jours de la réclamation du travailleur de sorte que la CSST aurait été en possession des avis des deux comités bien avant le dépôt des expertises et rapports déposés sous les cotes E-1 et T-2. On peut ainsi par le simple écoulement du temps décider qu’il est inutile d’entamer le processus prévu par la Loi alors qu’on aurait dû le faire dans les 10 jours suivant la réclamation. Le tribunal rappelle également qu’un médecin examinant le travailleur en vertu de l’article 204 ou tout autre médecin ne peut remplacer le forum médical mis sur pied par le législateur pour traiter ce genre de cas.
[42] Le tribunal ne croit pas qu’on puisse ainsi court-circuiter les mécanismes prévus par le législateur pour arriver à une décision. Il est possible que les docteurs Laliberté et Collins aient raison et peut-être que le processus de référence au Comité des maladies professionnelles pulmonaires se sera avéré inutile. Ce n’est toutefois pas au tribunal d’en décider puisque le tribunal doit appliquer la Loi telle qu’elle est écrite.
[43] Il est vrai que le travailleur, dans le cadre de sa réclamation, a coché la case « accident du travail ». Ceci ne peut cependant être déterminant en présence de l’annexe à la réclamation en matière de maladie professionnelle et des diagnostics d’asthme professionnel portés par les médecins. Le fait que cocher une ou l’autre case sur une réclamation ne peut être déterminant quant à la qualification de la lésion en cause et ne peut nullement lier le tribunal. Le tribunal rappelle également que l’exposition du travailleur aux substances incriminées a été répétitive à raison d’une fois par semaine. De toute façon, même si le travailleur n’avait subi qu’une seule exposition aux substances déjà mentionnées, cela ne serait pas incompatible avec l’existence d’une maladie professionnelle prévue aux articles 29 et 30 de la Loi :
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
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1985, c. 6, a. 29.
30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
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1985, c. 6, a. 30.
[44] En ce qui concerne l’article 29, l’asthme est prévu à la section V de l’annexe I et correspond à un travail impliquant une exposition à un agent spécifique sensibilisant. Cette exposition n’est pas qualifiée et lorsque le législateur veut qualifier l’exposition, il le fait comme on peut le lire à d’autres sections du barème, par exemple lorsqu’il parle de bruit excessif ou de périodes prolongées.
[45] Quant à l’article 30, rien n’oblige que le risque particulier dont traite cet article doive se produire plusieurs fois.
[46] De toute façon, l’asthme étant prévu à la section V de la Loi intitulée « Maladies pulmonaires causées par des poussières organiques et inorganiques », on doit comprendre que lorsque ce diagnostic est posé par le médecin qui a charge, la CSST devrait alors référer le dossier au Comité des maladies professionnelles pulmonaires puisqu’en posant le diagnostic d’asthme, le médecin qui a charge donne une connotation de maladie professionnelle pulmonaire au dossier.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la question préliminaire soumise par le représentant du travailleur;
DÉCLARE qu’en présence de l’allégation d’une maladie professionnelle pulmonaire, la CSST aurait dû appliquer les articles 226 et suivants de la Loi et référer le dossier au Comité des maladies professionnelles pulmonaires;
ANNULE les décisions rendues par la CSST le 3 octobre 2002 en première ligne et le 24 février 2003 à la suite d’une révision administrative parce qu’elles sont prématurées, ayant été rendues avant le respect de la procédure prévue aux articles 226 et suivants;
ET
RETOURNE le dossier à la CSST afin qu’elle se conforme aux articles 226 et suivants de la Loi et qu’elle puisse rendre par la suite, en vertu de l’article 233 de la Loi, les décisions qui s’imposent.
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Me Jean-François Clément |
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Commissaire |
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C.S.N. (M. Ulysse Duchesne) |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Jean-Jacques Ouellet |
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Représentant de la partie intéressée |
[1] L.R.Q. c. A-3.001.
[2] [1996] C.A.L.P. 801 .
[3] C.L.P. 110837-03B-9902, 29 juillet 1999, R. Jolicoeur.
[4] C.L.P. 136222-71-0004, 12 mars 2001, D. Gruffy.
[5] C.L.P. 87484-60D-9704, 25 juin 1998, F. Dion-Drapeau.
[6] Voir notamment Audet et Bombardier inc., C.L.P. 127055-03B-9911, 12 juin 2000, G. Marquis; Trudel-Chénard et Asten Canada, [1989] C.A.L.P. 909 .
[7] Casmiro et Construction DJL inc., précitée note 4.
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