96011947
                      COUR D'APPEL
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE QUÉBEC
No: 200-09-000245-933
   (200-05-001508-899)
CORAM: LES HONORABLES  BEAUREGARD
                       BAUDOUIN
                       ROBERT, JJ.C.A.
                                             
MICHELINE LAPOINTE-BOUCHER,
          APPELANTE - Demanderesse
c.
LA MUTUELLE-VIE DES FONCTIONNAIRES,
          INTIMÉE - Défenderesse  
                                             
OPINION DU JUGE ROBERT
______________________________
               L'appelante Micheline Lapointe demande la réformation
 d'un jugement de la Cour supérieure de Québec ( l'honorable Paul
 Corriveau, 3 mars 1993 ) rejetant sa réclamation d'une indemnité
 d'assurance de 40 000 $ à titre de bénéficiaire d'une police
 d'assurance sur la vie de son mari Robert Boucher.
LES FAITS ESSENTIELS
               Robert Boucher est décédé le 10 novembre 1988 à l'âge
 de 51 ans, il était retraité depuis peu, soit depuis le 1
er juin
 1988.  Il avait été pompier pour la Ville de Québec depuis 1953. 
 Au moment de sa retraite, il était titulaire d'une couverture
 d'assurance-vie aux termes d'une assurance collective.  Il aurait
 pu transformer sa couverture collective en une couverture
 individuelle sans examen médical.
               À la même époque, l'appelante Micheline Lapointe était
 à l'emploi de l'intimée La Mutuelle-Vie des Fonctionnaires depuis
 1967.  Renseignements pris quant au montant de la prime, Robert
 Boucher décide d'annuler la police collective et de souscrire une
 nouvelle police auprès de l'intimée.
               Le 15 janvier 1988, il signe une proposition
 d'assurance auprès de l'intimée, La Mutuelle-Vie des Fonctionnaires
 ( la Mutuelle ).  Cette dernière a émise une police dont
 l'appelante était bénéficiaire.
               Robert Boucher est décédé le 10 novembre 1988 des
 suites d'une cirrhose hépatique, d'une hémorragie digestive et de
 varices oesophagiennes.  L'appelante a réclamé l'indemnité de
 40 000 $.  La Mutuelle a contesté la validité du contrat pour lemotif que Robert Boucher aurait omis de déclarer une ischémie
 cérébrale transitoire dont il aurait été atteint en janvier 1985.
               La lettre de la Mutuelle se lit en partie ainsi:
     
     À la lumière des informations que nous avons
 maintenant en notre possession, nous en sommes
 venus à la conclusion que les réponses aux
 questions qui ont été posées à feu Robert Boucher
 lors de la signature de la proposition d'assurance,
 étaient inexactes.
          Parmi celles-ci, on note que l'ischémie cérébrale
 transitoire de janvier 1985 ne nous a pas été
 divulguée.
          En conséquence, si cela nous avait été divulgué,
 nous aurions alors refusé d'émettre la police.  Nous
 nous voyons donc dans l'obligation de contester la
 validité du contrat déjà mentionné en nous référant
 à la clause prévue à cette fin dans la police
               L'appelante a poursuivi en justice et dans son
 plaidoyer, la Mutuelle a ajouté un nouveau motif de contestation. 
 Les paragraphes 8 et 9 du plaidoyer énoncent ce qui suit:
          8.  Lors de la souscription de la proposition,
 Robert Boucher a délibérément et frauduleusement
 fait de fausses déclarations aux questions qui lui
 ont été posées sur son état de santé et plus
 particulièrement en ce que:
          a)  Il n'a pas, à la partie 2C de la proposition, à
 la question 15, déclaré qu'au cours de sa vie il
 avait été traité pour une maladie du système
 nerveux;
          b)  À la même partie C, à la question 17, au sous-
 paragraphe a), il n'a pas déclaré ses abus d'alcool
 et de drogue;
          9.  La police d'assurance portant le numéro 176121-
 2 n'aurait pas été émise par la défenderesse si ces
 faits avaient été connus au moment de l'analyse de
 la proposition faite par Micheline Boucher à titre
 de preneur sur la vie assurée de Robert Boucher.
               Monsieur Boucher aurait donc également omis de
 dénoncer ses abus d'alcool et de drogue en réponse à la question
 17 de la partie C du questionnaire de la proposition d'assurance.
LE JUGEMENT DONT APPEL
               Le juge de première instance a rejeté l'action de
 l'appelante pour le motif que Robert Boucher aurait fait défaut de
 faire part de l'épisode d'ischémie cérébrale transitoire de
 décembre 1984 et contrevenu à la règle de l'article 2485 C.c.B.C.
 qui oblige le preneur à déclarer les circonstances connues de lui
 qui sont de nature à influencer de façon importante la décision de
 l'assureur raisonnable.
               Le juge de première instance ne peut croire qu'une
 personne qui a subi plusieurs pertes de conscience au cours de la
 même journée et qui fut hospitalisée pour cette raison puisse
 oublier ce fait.  Selon lui, omettre de déclarer cet épisode
 constitue de la part de M. Boucher une réticence volontaire àl'endroit d'un événement qu'il connaissait et qui devait être
 fourni à l'assureur pour se conformer aux règles du Code civil.
               Selon lui, un proposant raisonnable ne peut pas
 convaincre le Tribunal de pouvoir omettre un tel événement, alors
 qu'il est confronté au questionnaire de la proposition d'assurance.
               Il ajoute ensuite qu'il est évident qu'on ne peut
 exiger d'un proposant qu'il soit en mesure de savoir de façon
 précise comment ses systèmes nerveux, immunitaire, digestif ou
 autre sont directement affectés lorsque se manifestent de tels
 symptômes ou de telles maladies.  Selon lui le questionnaire de la
 proposition est suffisamment descriptif pour amener le proposant
 à faire connaître son passé médical.  Le Tribunal pense, par
 exemple, que ne sachant peut-être pas son système nerveux atteint,
 Robert Boucher savait cependant qu'il avait eu des problèmes de
 circulation dans ses vaisseaux sanguins qui s'étaient bouchés pour
 se déboucher.  Il juge qu'à la question 9 de la section C intitulée
 « Système cardio-vasculaire » laquelle demandait s'il avait déjà
 été soigné ou eu des symptômes en rapport avec ce système, il y a
 lieu de croire que quelqu'un qui a subi ce qu'a subi le proposant
 aurait dû parler des problèmes qu'il a eus en décembre 1984.
               Finalement, il est d'avis que l'intimée a fait la
 preuve que si l'assureur avait connu l'épisode d'ischémiecérébrale, il aurait appliqué au moins une surprime.  Il annule
 donc le contrat d'assurance intervenu.
               Il a toutefois retenu l'argument de l'appelante selon
 lequel l'intimée était forclose d'invoquer dans sa défense
 l'alcoolisme comme motif de refus de la réclamation puisque sa
 lettre de négation de couverture du 13 mars 1989 n'en faisait pas
 état.  Pour disposer de cet argument il se réfère à la « doctrine
 of election » et cite les arrêts Entreprises Cotenor Ltée c.
 Travelers du Canada, 
 
[1976] C.S. 415
 confirmé par 
 
[1978] C.A. 17
; 
 Tracy Plate Shop Inc. c. The Continental Insurance Company, 
 
[1980]
 C.S. 903
 confirmé par la Cour d'appel, 500-09-001211-804, 5 janvier
 1987.  Le Tribunal ajoute au surplus que la décision de l'intimée
 de ne pas invoquer l'alcoolisme dans sa lettre de négation de
 couverture du 13 mars 1989 n'était probablement pas sans fondement,
 puisque l'analyse des éléments relatifs à la consommation d'alcool
 de feu Robert Boucher dans le dossier du Jeffery Hale montrait très
 peu d'information permettant de déterminer la quantité de boisson
 que consommait l'assuré au moment de la signature de la proposition
 en janvier 1988.
LES PROCÉDURES EN APPEL
               L'appelante a porté en appel la décision de première
 instance.  L'intimée a également logé un appel incident dans lequelelle plaide que le juge de première instance était mal fondé à 
 déclarer inadmissible la preuve relative à la consommation d'alcool
 de Robert Boucher.
LES QUESTIONS EN LITIGE
               1.  Appel principal -  Le juge de première instance a-
 t-il erré en droit en annulant la police d'assurance au motif que
 Robert Boucher aurait sciemment omis de déclarer l'épisode
 d'engourdissement de décembre 1984 au moment où il a soumis sa
 proposition d'assurance ?
               2.  Appel incident - Le juge de première instance a-
 t-il erré en droit en déclarant l'intimée forclose de soumettre,
 comme motif de négation de couverture, le prétendu alcoolisme de
 Robert Boucher ?
PRÉTENTIONS DES PARTIES
A)  Appelante
               1.  Appel principal -  Le juge de première instance a
 erré en annulant la police d'assurance au motif que Robert Boucher
 aurait sciemment omis de déclarer l'épisode d'ischémie cérébrale
 transitoire de décembre 1984.
               Selon l'appelante, aux termes de la loi, la seule
 obligation de M. Boucher dans le cadre de la déclaration du risque
 était de déclarer les circonstances connues de lui, de nature à
 influencer un assureur raisonnable.
               La preuve a démontré que Robert Boucher ne se savait
 pas atteint d'une maladie de son système nerveux ou cardio-
 vasculaire.  D'abord, la preuve a démontré qu'aucun des quatre
 médecins ayant eu à se pencher sur le cas de M. Boucher n'a porté
 de diagnostic identique.  Il a également été établi que Robert
 Boucher n'avait jamais été informé par le Docteur Deschênes ou par
 quiconque qu'il avait prétendument souffert d'ischémie cérébrale
 transitoire.
               Dans les circonstances, l'intimée ne peut faire grief
 à Robert Boucher de ne pas avoir déclaré, à la question 15 de la
 proposition, qu'il avait été traité pour une maladie du système
 nerveux alors qu'il n'avait pas été informé que son système nerveux
 était en cause et que les médecins qui ont eu à se pencher sur son
 cas n'ont pu s'entendre pour déterminer la nature et la cause de
 l'épisode de 1984.
               Le juge de première instance mentionne que Robert
 Boucher aurait pu faire état de l'épisode de décembre 1984 dans lecadre de la question 9 de la proposition où on lui demandait s'il
 avait été soigné pour une maladie ou des symptômes au niveau du
 système cardio-vasculaire.  Ce grief encore une fois est mal fondé
 puisqu'il n'a même pas été établi que l'épisode de décembre 1984
 était relié au système cardio-vasculaire de Robert Boucher.  Jamais
 il n'a été informé que son système cardio-vasculaire pouvait être
 en cause.  Tout au plus, lui a-t-on dit qu'il devait prendre de
 l'aspirine pour éclaircir son sang.
               2.  Appel incident - L'appelante soumet que la
 décision du juge de première instance qui déclare forclose de
 soumettre l'alcoolisme comme motif de négation de couverture,
 puisque sa lettre du 13 mars 1989 n'en faisait pas état, était bien
 fondée.
               Selon elle, l'appelante était justifiée d'opposer une
 fin de non recevoir à l'argument de l'intimée.  En vertu d'une
 jurisprudence bien établie, l'intimée ne pouvait soulever au procès
 un motif de négation de couverture autre, que celui initialement
 opposé à l'appelante.
B)  Intimée
               1.  Appel principal - L'obligation du proposant est de
 déclarer toutes les circonstances connues de lui.  Parcirconstances on entend, des événements et des faits qui sont
 connus du preneur.  M. Boucher ne pouvait ignorer les circonstances
 qui se sont produites en décembre 1984.  Il a été victime de
 convulsions, d'évanouissement, de pertes de mémoire et
 d'hospitalisation.  Lors de son hospitalisation de décembre 1984,
 les médecins lui ont fait subir une batterie de tests.  Le Docteur
 Deschênes est arrivé à un diagnostic d'ischémie cérébrale
 transitoire.  Ce dernier avait même avisé M. Boucher que s'il
 cessait de prendre de l'aspirine enrobée, il pourrait être victime
 d'une paralysie.  Ceci confirme la gravité de son état physique.
               Le proposant n'a pas à déterminer ou à juger par lui-
 même, si les circonstances connues de lui sont de nature à
 influencer de façon importante un assureur raisonnable, selon
 l'article 2485 C.c.B.C.  C'est à l'assureur, lorsque tous les faits
 lui sont complètement et franchement exposés, de déterminer si les
 circonstances qui lui sont déclarées, encore faut-il qu'elles le
 soient, sont importantes.  L'obligation du proposant est réputée
 remplie, si les circonstances qui sont déclarées sont conformes aux
 déclarations.  Il doit même dévoiler les circonstances qu'il ne
 croit pas dignes d'intérêt ou qu'il pourrait croire peu
 importantes.  En l'espèce, en omettant de dévoiler l'épisode de
 décembre 1984, il a fait une réticence importante.
               2.  Appel incident - L'intimée soumet que le juge
 n'avait aucun motif et a erré complètement en droit en déclarant
 l'intimée forclose de soumettre, comme motif de négation, la
 période d'alcoolisme de M. Boucher.  Selon l'intimée, la preuve de
 l'alcoolisme était permise parce qu'elle a été dénoncée à
 l'appelante dès le début des procédures et qu'elle n'a pas été
 prise par surprise.  Le fait de ne pas préciser ces motifs dans la
 lettre de refus de l'intimée, ne constitue pas une fin de non
 recevoir d'invoquer ce motif.
               Le juge de première instance a également erré en faits
 et en droit en refusant de reconsidérer la preuve quant à
 l'alcoolisme sur la foi d'une certaine jurisprudence qui ne
 concerne que l'étape préliminaire à l'exécution d'un contrat
 d'assurance.  En effet, toute la jurisprudence citée par
 l'appelante ne concerne qu'une étape préliminaire essentielle à la
 production d'une réclamation auprès d'un assureur.  Dans le cas
 sous étude, il n'y a aucune étape préliminaire prévue au contrat
 et, s'il y en avait eu une, l'intimée n'a jamais soulevé
 l'inexécution d'une telle étape.
               L'allégation relative à l'alcoolisme a toujours été
 connue de l'appelante depuis le début des procédures judiciaires. 
 Au surplus, la lettre de l'intimée ne constitue pas une
 renonciation.  D'autre part, l'alcoolisme de M. Boucher a étéprouvé en première instance.  L'intimée entend démontrer qu'elle
 a droit à une défense pleine et entière et le droit d'invoquer tout
 motif même découvert au cours de l'enquête.
ANALYSE ET DÉCISION
               Avec égards pour l'opinion contraire, je crois que le
 juge de première instance a erré en concluant que le preneur a
 contrevenu à l'article 2485 C.c.B.C. en omettant de déclarer
 l'épisode d'ischémie cérébrale dont il aurait été victime en
 décembre 1984.
               Selon les conclusions factuelles du juge de première
 instance, Robert Boucher, en revenant de son travail le 11 décembre
 1984 aurait perdu conscience pendant cinq à dix minutes.  Reconduit
 en ambulance à l'hôpital malgré sa volonté, il aurait séjourné deux
 jours à l'urgence sous les soins du docteur Lachance et par la
 suite trois autres jours sous les soins du docteur Jacques
 Deschênes.  Ce dernier lui a administré toute une batterie
 d'examens dont les résultats furent tous positifs.  À sa sortie de
 l'hôpital, le médecin lui a prescrit de l'entrophen, c'est-à-dire
 de l'aspirine enrobée pour éclaircir son sang.
               Le diagnostic d'ischémie cérébrale transitoire est
 celui du docteur Deschênes.  Les autres médecins consultés ne sontpas du même avis et aucun ne semble absolument certain sur la
 nature du malaise qu'aurait ressenti M. Boucher en décembre 1984.
               Une chose est encore plus certaine, jamais M. Boucher
 n'a été informé de ce diagnostic.  Tout au plus lui aurait-on
 expliqué que son sang était trop épais et qu'il devait prendre de
 l'aspirine pour l'éclaircir.  On ne lui a jamais dit qu'il
 souffrait d'une maladie du système nerveux.  Le 15 janvier 1988,
 au moment de la signature de la proposition d'assurance, quatre ans
 après l'incident de décembre 1984, M. Boucher se sentait en pleine
 forme et n'avait pas connu depuis, aucun incident semblable.
               La question de droit à résoudre est celle de savoir
 si Robert Boucher a contrevenu à l'article 2485 C.c.B.-C. dont le
 texte se lit ainsi:
          
Le preneur, de même que l'assuré si l'assureur le
 demande, est tenu de déclarer toutes les
 circonstances connues de lui qui sont de nature à
 influencer de façon importante un assureur
 raisonnable dans l'établissement de la prime,
 l'appréciation du risque ou la décision de
 l'accepter.
                                   (mes soulignements)
               L'assuré n'a qu'à déclarer les circonstances connues
 de lui, et non toutes les maladies ou tous les désordres physiquesou mentaux dont il pouvait être atteint (1).  De plus, l'assuré n'a
 pas en l'espèce de formation médicale et les réponses qu'il donne
 reflètent sa perception des maladies dont il peut être affecté (2). 
 Enfin, en cas d'ambiguïté, le contrat d'assurance s'interprète
 contre l'assureur (3).
               La lettre de négation de couverture mentionne que le
 proposant n'a pas révélé l'ischémie cérébrale transitoire de
 janvier 1995.  Il est loin d'être certain que le proposant a
 souffert d'une telle ischémie selon la preuve médicale offerte. 
 L'intimée avait le fardeau d'établir un tel diagnostic, elle n'a
 pas réussi à le faire.  De plus, l'assureur devait faire la preuve
 que ce diagnostic avait été porté à la connaissance du proposant,
 cette preuve n'a pas été faite, le contraire fut prouvé.
               Le juge de première instance dit que le proposant
 savait que ses vaisseaux sanguins s'étaient bouchés et débouchés
 par la suite et qu'il devait prendre de l'aspirine pour éclaircir
 son sang.  En conséquence, il aurait dû répondre positivement à la
 quesiton 9 portant sur le système cardio-vasculaire.  Même si celaétait, avec égards pour l'opinion contraire, l'assureur n'a pas
 spécifiquement mentionné que l'ischémie cérébrale transitoire dans
 la lettre de négation de couverture est une maladie du système
 nerveux prévue à la question 15 dans son plaidoyer à l'encontre de
 l'action.  L'assureur doit limiter sa contestation aux motifs
 mentionnés dans sa lettre de négation de couverture.  Peut-il
 ajouter un nouveau motif de contestation dans son plaidoyer comme
 il l'a fait ici dans son plaidoyer, en déclarant que le proposant
 n'avait pas mentionné ses abus d'alcool et de drogue en réponse à
 la question 17.
L'appel incident
               Cette question nous amène à discuter de la valeur de
 l'appel incident.
               D'abord, il faut rappeler que l'assureur, par son
 représentant Leboeuf, a été informé par son médecin expert le
 docteur Tremblay des références à l'état d'alcoolisme dans le
 dossier médical de l'assuré à l'Hôpital Jeffrey Hale.  Leboeuf a
 reçu une confirmation du même docteur Tremblay que l'alcoolisme
 documenté de l'assuré constituait un motif majeur de refus.
               Malgré ces rapports, l'assureur a choisi de ne pas
 invoquer ce motif dans sa lettre de négation de couverture du 13mars 1989, probablement, comme le souligne le juge de première
 instance, parce que l'assureur possédait très peu d'information
 sur la quantité d'alcool consommé par l'assuré au moment de la
 proposition en janvier 1988.
               Dans l'affaire Tracy Place Shop Inc. c. Continental
 Insurance Co., 
 
1980 C.S. 903
, le juge Philippe Pothier était
 confronté à une situation semblable.  Dans un premier temps,
 l'assureur avait refusé d'indemniser l'assuré pour le motif qu'il
 n'était pas responsable des dommages.  La réponse fut «
 No liability
 on part of insured liability denied to claimant »
.  Malgré cette prise de
 position de son assureur, l'assuré admit sa responsabilité et fit
 effectuer les réparations requises.  Au procès, l'assureur a
 soulevé deux nouveaux moyens pour refuser de payer les dommages: 
 l'existence d'une autre police d'assurance qui devait s'appliquer
 en priorité et l'admission de responsabilité de l'assuré en
 violation d'une des conditions de la police.
               Le juge s'appuyant sur la « doctrine of election »
 déclare:
          
... La Cour est d'avis que la défenderesse n'est
 plus admise à invoquer la violation d'une condition
 de la police.  Elle n'a jamais avisé l'assuré de ce
 prétendu manquement et bien plus tard, elle a
 finalement pris position sans l'invoquer.
               Cette décision fut confirmée par notre Cour dans
 l'arrêt The Continental Insurance Company c. Tracy Plate Shop Inc.
 
 
(1987) R.R.A. 176
.  L'opinion de l'honorable L'Heureux-Dubé à
 laquelle souscrivent les juges Vallerand et Rothman, confirme
 spécifiquement la décision du premier juge sur la tardiveté à
 invoquer les deux nouveaux moyens.
               Je conclus en précisant qu'en l'espèce, l'assureur a
 fait son lit en toute connaissance de cause et délibérément choisi
 de ne pas invoquer l'alcoolisme comme motif de refus de couverture. 
 La situation serait différente si l'assureur avait découvert ce
 motif après son enquête initiale et après sa lettre du 13 mars
 1989.  Le comportement de l'assureur équivaut à une renonciation
 tacite à invoquer ce moyen.  La bonne foi étant le fondement même
 du contrat d'assurance, l'assuré était justifié de conclure que le
 seul motif de refus de couverture était l'absence de mention de
 l'ischémie cérébrale.
               Le juge de première instance a eu raison de décider
 que l'intimée était forclose de plaider l'alcoolisme du proposant.
               Pour ces motifs, j'accueillerais l'appel avec dépens,
 infirmerais le jugement de première instance, condamnerais
 l'intimée à payer à l'appelante la somme de 40 000 $ avec intérêtsdepuis l'assignation plus l'indemnité additionnelle prévue par le
 Code civil et condamnerais l'intimée à payer à l'appelante tous les
 frais d'expertise et d'assistance technique qui lui ont été
 nécessaires pour administrer sa preuve.
               Je rejetterais également l'appel incident de l'intimée
 sans frais. 
Michel Robert, J.C.A.
                     
 COUR D'APPEL
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE QUÉBEC
No: 200-09-000245-933
   (200-05-001508-899)
 
CORAM: LES HONORABLES  BEAUREGARD
                       BAUDOUIN
                       ROBERT, JJ.C.A.
                                             
MICHELINE LAPOINTE-BOUCHER,
              APPELANTE PRINCIPALE -
          INTIMÉE INCIDENTE -  (demanderesse)
c.
LA MUTUELLE-VIE DES FONCTIONNAIRES,
          INTIMÉE - 
              APPELANTE INCIDENTE - (défenderesse) 
 
                                             
OPINION DU JUGE BAUDOUIN
               Avec respect pour l'opinion contraire, je partage
 l'avis de mon collègue M. le juge Robert.
               Sur le premier point, la preuve au dossier est claire
 et ne prête pas à controverse.  Jamais Robert Boucher n'a été mis
 au courant du prétendu mal dont il souffrait et dont l'intimée
 invoque l'existence pour nier couverture.  Je dis bien «prétendu»
 parce que la lecture des témoignages des médecins experts au procèsrévèle que trois sur quatre d'entre eux ont été dans
 l'impossibilité d'affirmer que Robert Boucher avait effectivement
 souffert d'ischémie cérébrale transitoire et qu'en outre la
 batterie des tests subis par lui à l'hôpital Jeffrey Hale en
 décembre 1984 au moment de l'incident s'est avérée entièrement
 négative.
               L'intimée, en l'espèce, n'a donc ni démontré
 l'existence de cette maladie de façon prépondérante, ni contredit
 le fait que l'assuré ignorait lui-même ce dont il pouvait être
 atteint.
               Sur le second point, il est en preuve que l'intimée
 savait dès le 20 décembre 1988 que Robert Boucher avait un problème
 probable d'alcoolisme.  La chose était d'ailleurs évidente, eu
 égard à la façon dont il est mort.  La lettre du 13 mars refusant
 la réclamation ne le mentionne pas.  Je ne peux mieux faire, à cet
 égard, que de citer ce passage du Professeur Jean-Guy Bergeron qui,
 sur les circonstances susceptibles de montrer une volonté de
 renonciation, écrit:
          [...]
Le fait de ne pas invoquer le moyen de défense, de le garder
 en réserve en cas d'échec des autres moyens soulevés est un
 indicateur sérieux d'une volonté de renoncer pour un assureur
 raisonnable.  Cette attitude de l'assureur ne nous paraît pas
compatible avec la bonne foi devant entourer les relations
 assureur-assuré.
(J.G. BERGERON, Les contrats d'assurance terrestre,
 Sherbrooke, Éditions SEM, 1992, vol 2, p. 376)
               Pour ces motifs, je suis également d'avis d'accueillir
 le pourvoi principal avec dépens et de rejeter avec dépens le
 pourvoi incident.
          JEAN-LOUIS BAUDOUIN, J.C.A.   
                     
 COUR D'APPEL
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE QUÉBEC
No: 200-09-000245-933
   (200-05-001508-899)
CORAM: LES HONORABLES  BEAUREGARD
                       BAUDOUIN
                       ROBERT, JJ.C.A.
                                             
MICHELINE LAPOINTE-BOUCHER,
          APPELANTE - (demanderesse)
c.
LA MUTUELLE-VIE DES FONCTIONNAIRES,
          INTIMÉE - (défenderesse)  
                                             
OPINION DU JUGE BEAUREGARD
L'art. 2485 C.c.B.-C. dispose:
Le preneur, de même que l'assuré si l'assureur le
 demande, est tenu de déclarer toutes les
 circonstances connues de lui qui sont de nature à
 influencer de façon importante un assureur
 raisonnable dans l'établissement de la prime,
 l'appréciation du risque ou la décision de
 l'accepter.
À cette fin, puisque l'assureur-vie se fie sur l'assuré, celui-ci
 doit faire montre de la plus haute bonne foi (uberrimae fide). 
En l'espèce il est acquis que nous sommes en présence de
 circonstances qui étaient de nature à influencer de façon
 importante l'assureur dans l'appréciation du risque.
Le litige porte sur la connaissance ou l'ignorance de l'assuré de
 ces circonstances.
Voici comment le juge résume le témoignage de l'épouse de l'assuré
 concernant une attaque qu'a subie ce dernier le 11 décembre 1984:
Elle rappelle que le 11 décembre 1984, Robert
 Boucher est revenu fatigué du travail et ressentait
 des picotements à la tempe gauche.  À un certain
 moment, il s'est senti mal et est tombé par terre,
 sans connaissance.  Il réagissait alors avec les
 bras.  Son fils était avec elle et elle lui a
 demandé de s'occuper de son mari pendant qu'elle
 appelait l'ambulance.  Le temps de faire ça, elle
 dit que son mari était revenu à lui et ne se
 rappelait plus de rien.  Cet épisode a alors duré
 entre cinq et dix minutes.  Son mari ne voulait pas
 de l'ambulance, mais, finalement, quand même il fut
 reconduit à l'hôpital par celle-ci.  À l'hôpital,
 il est demeuré deux jours à l'urgence sous les soins
 du docteur Lachance et par la suite, il fut admis
 dans l'institution pour être, pendant trois autres
 jours, sous les soins du docteur Jacques Deschênes,
 qui lui a fait passer toutes sortes d'examens, dont
 les résultats furent tous positifs (négatifs?).  Son
 mari s'est toujours demandé pourquoi il passait tant
 de temps à l'hôpital puisqu'il n'avait rien.  À sa
 sortie, il devait prendre de l'entrophen, c'est-à-
 dire de l'aspirine enrobée pour éclaircir son sang.
Elle-même a parlé avec le docteur Jacques Deschênes,
 qui ne lui a jamais mentionné l'expression «ischémie
 cérébrale transitoire» ou encore quoi que ce soit
 qui ait rapport avec le système nerveux.  Ce n'est
 qu'à la suite du décès de son mari qu'elle a entendu
 parler de ces choses.
Robert Boucher n'a plus jamais eu d'accident
 semblable à celui du 11 décembre par la suite, et
 même après qu'il eut cessé de prendre ses aspirines. 
 Selon elle, son mari considérait cet épisode comme
 ne correspondant pas à grand chose et n'y a jamais
 porté trop d'attention.
Voici par ailleurs le résumé de l'interniste Jacques Deschênes qui
 s'est occupé du malade à l'hôpital entre le 12 et le 16 décembre;
 on constatera que le docteur Deschênes nous fait part d'un incident
 plus important que celui décrit par l'épouse de l'assuré:
Il s'agit d'un patient de 47 ans, droitier, qui a
 été admis parce que, le soir avant son admission,
 il avait présenté en regardant la télévision, des
 paresthésies au niveau de l'hémiface gauche avec de
 la dysarthrie et une absence qui a duré environ 45
 minutes.  Le tout sans céphalée, sans vomissement,
 sans nausée.  Le même phénomène a recommencé plus
 tard pour durer environ 45 minutes et plus tard le
 même phénomène s'est reproduit, il veut se lever et
 il tombe et à ce moment-là il aurait présenté un
 mouvement convulsif des deux membres supérieurs qui
 auraient duré environ 10 minutes avec perte de
 conscience et incontinence urinaire.  Lorsqu'il a
 consulté il persistait une légère paresthésie au
 niveau de l'hémiface gauche qui a complètement
 disparu à l'hôpital.  Le patient n'était pas connu
 diabétique ou hypertendu et le tout a été confirmé
 à l'hôpital.
Par ailleurs, la scintigraphie cérébrale et l'EEG
 étaient normaux.  La radiographie du crâne était
 normale.  La radiographie cardiopulmonaire était
normale.  L'ECG était normal.  Le patient a été vu
 en neurologie où l'on voulait éliminer la
 possibilité d'une embolie pulmonaire, la
 scintigraphie pulmonaire était normale.  On voulait
 aussi éliminer la possibilité d'arythmie cardiaque. 
 Il est à noter que le patient n'avait eu aucune
 palpitation.  Il a été placé sous télémétrie et
 celle-ci s'est révélée entièrement négative.  La
 formule sanguine complète et la sédimentation
 étaient normales.  L'analyse et la culture d'urine
 étaient normales.  Le BUN était normal.  Les
 électrolytes étaient normaux.  Le bilan lipidique
 était normal.  Calcium + magnésium.
De sorte qu'un diagnostic final a été porté
 d'ischémie cérébrale transitoire au niveau du
 territoire sylvien droit et pour laquelle je lui ai
 prescrit de l'Entrophen 2Xg b.i.d.
Pour sa part, le neurologue Jacques de Léan, appelé en consultation
 par l'interniste Deschênes, devait vérifier si le malade avait
 souffert d'une ischémie cérébrale transitoire doublée de
 convulsions.  Le docteur de Léan ajouta ceci au dossier:
Ce malade présente une histoire complexe.  Il est
 frappant de noter que son épouse parle de pâleur
 extrême, de transpiration (...) et de difficulté à
 respirer durant l'épisode.  Il n'y a pas eu de
 mouvements convulsifs comme tel.  Je crois qu'il
 faut considérer d'autre diagnostic que celui de
 convulsion tel que:
- embolie pulmonaire               affectant
- (...) de l'aorte                      la
- (...) d'une autre nature         circulation.
À la suite de la consultation du docteur de Léan, le docteur
 Deschênes fit subir à l'assuré divers tests qui confirmèrentl'ischémie cérébrale transitoire comme diagnostic.
Que le diagnostic correct ait été une ischémie cérébrale
 transitoire ou une embolie quelconque affectant la circulation, il
 reste que l'incident n'était ni bénin ni banal.
Le 3 janvier 1985 l'assuré a rencontré le docteur Simon-Pierre
 Proulx dans le but d'obtenir un certificat médical pour son
 employeur.  Le juge décrit comme suit ce que l'assuré aurait dit
 au docteur Proulx à cette occasion:
Lors de cette entrevue, Boucher a parlé avec le
 docteur Proulx de son hospitalisation au Jeffery
 Hale et il lui a expliqué ce qu'il avait eu comme
 perte de conscience avant d'être transporté à
 l'hôpital.  Le docteur Proulx raconte que Boucher
 lui a dit qu'on avait conclu que son sang était trop
 épais et qu'on lui avait donné de l'aspirine pour
 l'éclaircir. 
Donc, au docteur Proulx, l'assuré n'a pas manqué de décrire ce qui
 l'avait conduit à l'hôpital en décembre 1984.  Mais l'assuré
 omettra de faire la même chose lors de la proposition d'assurance.
Il faut dire qu'en 1985 et 1986, l'assuré a revu trois fois le
 docteur Deschênes.  À une occasion c'était parce qu'il avait subi
 deux autres épisodes d'engourdissement semblables à celui du 11
 décembre 1984.  Voici comment le juge résume le témoignage dudocteur Deschênes quant à ces trois consultations: 
Le docteur Jacques Deschênes confirme avoir traité
 Robert Boucher à partir du 12 décembre 1984 pour
 des problèmes qui, selon les symptômes démontrés,
 relevaient de la neurologie.  Il l'a investigué et
 tous les tests négatifs confirmaient pour lui une
 possibilité d'ischémie cérébrale transitoire.  Il
 a demandé le docteur Jacques de Léan en consultation
 et celui-ci lui a fait des suggestions.  À
 l'hôpital, avant que son client quitte, il raconte
 lui avoir expliqué très clairement ce qu'il avait
 fait, sans aller jusqu'à utiliser les termes
 «ischémie cérébrale transitoire».
Par la suite, il a rencontré Boucher trois fois à
 son bureau à l'occasion du suivi qui devait être
 donné à son hospitalisation.  En juillet 1985, lors
 d'une première visite, il n'a décelé aucun problème. 
 Vers novembre, il l'a revu et à cette occasion,
 Boucher l'a informé qu'il avait arrêté de prendre
 ses entrophens et qu'il avait eu deux épisodes
 d'engourdissement au côté gauche du visage.  Le
 docteur lui aurait dit de ne jamais arrêter de
 prendre ses entrophens, car il pourrait paralyser
 complètement et lui a réexpliqué le problème qu'il
 avait eu en décembre 1984.  En mai 1986, il l'a revu
 pour la dernière fois et Boucher l'informa qu'il
 avait toujours pris ses entrophens et qu'il n'avait
 plus de problème.
                                   [J'ai souligné]
Indépendamment des prétentions des parties quant aux faits qui sont
 survenus, voyons ceux que le juge de première instance a retenus:
Le Tribunal retient de la preuve concernant la
 connaissance de Robert Boucher de ce qu'il en était
 quant à l'attaque qu'il a subie le 11 décembre 1984,
 qu'il en était bien informé.  Le docteur Deschênes
 a témoigné à cet égard qu'avant que Robert Boucher
 quitte le Jeffery Hale suite à son hospitalisation,
il lui avait très bien expliqué ce qu'il en était. 
 Il ne lui a pas parlé d'ischémie cérébrale
 transitoire, mais lui a expliqué, dit-il, très
 clairement et pour qu'il comprenne, qu'il avait
 probablement eu un vaisseau sanguin qui s'était
 bouché, pour se déboucher par la suite et qu'il lui
 fallait pour éclaircir son sang prendre de
 l'aspirine et que c'était important.  Lorsqu'il l'a
 revu en novembre 1985 et que Boucher l'eut alors
 informé avoir connu deux autres épisodes
 d'engourdissement et du fait qu'il avait arrêté de
 prendre ses aspirines, à nouveau, il lui a
 réexpliqué sa condition et insisté pour qu'il prenne
 sa médication, ce qu'il a confirmé qu'il faisait
 encore à sa dernière visite en mai 1986.  Le docteur
 Deschênes déclare aussi avoir dit à Boucher de ne
 jamais arrêter l'aspirine, parce qu'il pourrait
 paralyser complètement.
                         [J'ai souligné]
À mon humble avis, il s'agit là de constatations de fait qui, non
 seulement ne sont pas manifestement erronées, mais qui sont tout
 à fait correctes.  Dans ces circonstances comment une cour d'appel
 peut-elle intervenir et substituer son appréciation des faits à
 celle du juge qui a vu les témoins?
Puis le juge a conclu comme suit:
Pourquoi, le 15 janvier 1988, lorsqu'interrogé par
 l'infirmière, Robert Boucher n'a jamais mentionné
 son hospitalisation au Jeffery Hale en décembre
 1984?
Le Tribunal ne peut croire qu'une personne qui,
 selon le dossier médical, a subi plusieurs pertes
 de conscience au cours de la même journée et
 reconduite en ambulance dans un centre hospitalier
 où elle passe deux jours à l'urgence et trois à
l'hôpital, puisse oublier ce fait.  Il est aussi
 peu croyable, parce que peu probable, que l'on
 puisse considérer comme une niaiserie de se faire
 dire que l'un de ses vaisseaux a bouché et s'est
 heureusement débouché sans laisser de séquelle.  Il
 est étonnant aussi, parce que peu probable, de
 croire que Robert Boucher ne savait pas qu'il
 risquait la paralysie complète s'il devait subir
 une autre attaque d'une nature semblable à celle de
 décembre 1984.
Selon le Tribunal, omettre de déclarer cet épisode
 de décembre 1984 constitue de la part de Robert
 Boucher une réticence volontaire de sa part à
 l'endroit d'un événement qu'il connaissait et qui
 devait être fourni à l'assureur.  Un proposant
 raisonnable ne peut certainement pas convaincre le
 Tribunal de pouvoir omettre un tel événement, alors
 qu'il est confronté au questionnaire de la
 proposition d'assurance (P-6A).
Il est évident qu'on ne peut exiger d'un proposant
 qu'il soit en mesure de façon précise de savoir que
 c'est son système nerveux, immunitaire, digestif ou
 autre qui a directement été intéressé par tel
 symptôme ou telle maladie.  Il tombe, cependant,
 sous le sens que quelque chose d'important n'allait
 pas en quelque part lorsque, comme Robert Boucher,
 on a à vivre les événements qu'il a vécus du 11 au
 16 décembre 1984 et par la suite.
Le questionnaire de la proposition est suffisamment
 descriptif pour amener le proposant à faire
 connaître son passé médical.  Le Tribunal pense,
 par exemple, que ne sachant peut-être pas son
 système nerveux atteint, Robert Boucher savait
 cependant à la suite de ce que lui avait dit le
 docteur Deschênes qu'il avait eu des problèmes de
 circulation dans ses vaisseaux sanguins qui
 s'étaient bouchés pour se redéboucher.
Lorsque confronté à la section C sous l'article 9,
 intitulé «Système cardiovasculaire», on lui
 demandait s'il avait déjà été soigné ou eu des
 symptômes en rapport avec ce système, qui incluait
 des troubles aux vaisseaux sanguins.  Il y a lieu
 de croire que quelqu'un qui a subi ce qu'a subi le
 proposant Boucher pourrait aisément sous le couvert
 de cette question parler des problèmes qu'il a eus
en décembre 1984.
Robert Boucher devait déclarer sa maladie de
 décembre 1984 lorsqu'il a rempli sa proposition et
 sciemment, il ne l'a pas fait.
Bien respectueusement, il me semble que cette conclusion du juge
 de première instance est inattaquable.  Dans sa proposition
 d'assurance, l'assuré a cru nécessaire de mentionner des choses
 aussi banales que le fait qu'il avait déjà consulté un médecin pour
 un examen physique de routine, le fait qu'il avait déjà été traité
 pour une tendinite, le fait qu'il avait déjà été traité pour de
 l'arthrite.  Pourtant l'assuré n'a pas cru nécessaire de mentionner
 qu'il avait été hospitalisé durant cinq jours sous les soins du
 docteur Deschênes, qu'il avait par la suite subi deux autres
 attaques et qu'il avait été grondé par le docteur Deschênes pour
 avoir cessé de prendre ses médicaments.  L'assuré a révélé tout ce
 qui n'était pas pertinent à l'appréciation du risque, et il n'a pas
 mentionné  ce qui, objectivement, devait intéresser un assureur
 raisonnable.
Le juge Robert écrit:
L'assuré n'a qu'à déclarer les circonstances connues
 de lui, et non toutes les maladies ou tous les
 désordres physiques ou mentaux dont il pouvait être
 atteint.  De plus, l'assuré n'a pas en l'espèce de
 formation médicale et les réponses qu'il donne
 reflètent sa perception des maladies dont il peut
 être affecté.  Enfin, en cas d'ambiguïté, le contrat
d'assurance s'interprète contre l'assureur.
Il est certain que le contrat d'assurance s'interprète contre
 l'assureur, mais, à mon humble avis, le problème qui est le nôtre
 n'en est pas un d'interprétation.
Il est également certain qu'un assuré n'a pas à déclarer les
 maladies ou désordres physiques ou mentaux dont il peut être
 atteint s'il ignore ces maladies et ces désordres.  Mais il doit
 déclarer «les circonstances connues de lui».  Or, à mon humble
 avis, comme le juge l'a constaté, l'assuré devait mettre l'assureur
 au courant de l'attaque du 11 décembre 1984, de son
 hospitalisation, du fait qu'il était suivi par le docteur Deschênes
 et du traitement que celui-ci lui avait prescrit.  L'assuré avait
 assez d'informations pour bien renseigner son assureur sans avoir
 une formation médicale et le fait qu'il n'avait pas de formation
 médicale ne l'excuse pas d'avoir laissé son assureur dans
 l'ignorance.  Les questions posées par la proposition ne
 demandaient pas à l'assuré de donner des diagnostics; l'une des
 questions demandait à l'assuré s'il avait séjourné à l'hôpital et,
 si oui, de donner des détails.  C'est en omettant de parler de son
 séjour à l'hôpital entre le 11 et le 16 décembre 1984 que l'assuré
 a violé son obligation aux termes de l'art. 2485.
Je ne partage pas l'opinion de mon collègue Robert suivantlaquelle, puisque l'assureur a refusé l'indemnité au motif que
 l'assuré avait souffert d'ischémie cérébrale transitoire, son moyen
 de défense ne saurait réussir puisqu'il n'a pas établi par
 prépondérance de preuve que l'assuré avait souffert d'ischémie
 cérébrale transitoire.
Il me paraît évident que l'assureur n'avait pas à établir la cause
 précise des attaques subies par l'assuré.  Il lui suffisait de
 démontrer qu'en décembre 1984 l'assuré avait subi une attaque
 sérieuse, qu'il avait été hospitalisé, qu'il avait été traité par
 le docteur Deschênes et qu'il avait subi par la suite deux autres
 attaques semblables.  Que les médecins spécialistes ne s'entendent
 pas sur la cause des malaises de l'assuré n'a absolument aucune
 importance.  L'assureur s'est donc acquitté de la charge de la
 preuve.
Je rejetterais donc le pourvoi, avec dépens.
Je désire ajouter que, sur un autre point, je ne partage pas
 l'opinion du premier juge suivant laquelle l'appelante pouvait
 opposer une fin de non-recevoir à l'assureur au motif que dans une
 lettre celui-ci n'a pas mentionné expressément qu'il refusait la
 demande d'indemnité également à cause du fait que Boucher lui avait
 aussi caché son éthylisme.
Le juge de première instance s'est basé à cet égard sur l'affaire
 Entreprises Cotenor Ltée c. Travelers du Canada, [1976] 1 C.S. 415,
 confirmée quant au résultat par 
 
[1978] C.A. 17
 et Tracy Place Shop
 Inc. c. Continental Insurance Co. 
 
[1980] C.S. 903
, confirmée quant
 au résultat par 
 
[1987] R.R.A. 176
.
À mon humble avis ni dans l'affaire Cotenor ni dans l'affaire Tracy
 Place Shop Inc. la Cour d'appel a-t-elle fait siens les motifs des
 juges de première instance.
Dans l'affaire Cotenor le moyen de défense que l'assureur aurait
 invoqué en retard ne paraît pas clairement.  Il semble cependant
 que l'assureur ne faisait pas valoir un moyen de défense qui
 touchait le coeur de la garantie, mais un moyen de défense qui
 concernait une «informalité que l'assuré aurait pu commettre dans
 la présentation de sa réclamation».
Le juge se basait sur une théorie rappelée dans British Colonial
 Fire Insurance Co. c. Rahal (1919), 28 B.R. 227 et Cie Équitable
 d'assurance Mutuelle contre le Feu c. Boulanger (1920), 29 B.R.
 515.  Cette théorie veut qu'un assureur qui, d'une part, prétend
 que sa police est nulle, ne peut, du même souffle, invoquer qu'une
 condition préalable à une réclamation et que prévoit la police n'a
 pas été remplie.  On ne peut à la fois plaider la nullité d'un
 contrat et en invoquer ses dispositions.
Dans l'affaire Tracy Place Shop Inc. le juge de première instance
 a décidé qu'après avoir refusé de payer un tiers de la part d'un
 assuré, qui, contractuellement, était obligé de payer ce tiers, un
 assureur ne peut invoquer contre son assuré une clause de la police
 qui lui défendait d'admettre sa responsabilité.
À mon humble avis il y a une différence très nette entre les deux
 situations suivantes:
1)        Devant une demande d'indemnité, un assureur-vie prétend que
 sa police est nulle parce que l'assuré lui a mal décrit le
 risque; ce faisant, l'assureur renonce à invoquer le
 respect des clauses de la police concernant la façon de
 faire la réclamation.  Une défense au fond empêche une
 exception d'irrecevabilité;
2)        Devant une demande d'indemnité, un assureur-vie prétend,
 dans une lettre, que sa police est nulle parce que, sur un
 point particulier, l'assuré lui a mal décrit le risque; ce
 faisant, l'assureur ne renonce pas à faire voir, dans une
 défense à une action, que l'assuré lui a également mal
 décrit le risque sur un autre aspect.  Un moyen de défense
 au fond ne se prescrit pas.
On peut peut-être trouver de la jurisprudence étrangère au
 contraire(4), mais, en droit québécois, on n'enlève pas facilement
 des droits ou des moyens de défense à un justiciable.  À mon humble
 avis il n'y eut aucun abus de droit de la part de l'assureur et je
 ne vois aucune raison de biffer du plaidoyer de l'assureur la
 référence à l'éthylisme du défunt.  Le fait que l'assureur n'a pas
 mentionné ce problème dans sa lettre où il nie responsabilité n'a
 aucune pertinence.  En réalité l'assureur n'était pas obligé de
 nier responsabilité par écrit.  Me paraîtrait très technique la
 règle suivant laquelle un assureur-vie serait restreint par les
 termes précis d'une lettre dans laquelle il avise le preneur ou le
 bénéficiaire d'une police d'assurance qu'il n'entend pas payer
 l'indemnité réclamée.
Dans ses motifs le juge Baudouin cite le professeur Jean-Guy
 Bergeron:
Le fait de ne pas invoquer le moyen de défense, de le
 garder en réserve en cas d'échec des autres moyens
 soulevés est un indicateur sérieux d'une volonté de
 renoncer pour un assureur raisonnable.  Cette attitude
 de l'assureur ne nous paraît pas compatible avec la bonne
 foi devant entourer les relations assureur-assuré.
En autant que le professeur Bergeron avait à l'esprit les affaires
 British Colonial Fire Insurance Co. et Cie Équitable d'assurance
 Mutuelle contre le Feu, citées plus haut, je me range avec lui. 
 Je me range également du même côté si le professeur Bergeron avait
 à l'esprit un cas où l'assureur sortirait une carte de sa manche
 très tard au cours d'un procès.  Je ne partage cependant pas son
 avis s'il suggère que, dans un cas comme celui qui nous concerne,
 un assureur est irrecevable à proposer un deuxième moyen de défense
 s'il ne l'a pas allégué spécifiquement lorsqu'il a refusé la
 garantie surtout dans un cas, comme celui qui nous concerne, où le
 bénéficiaire n'a subi absolument aucun préjudice de l'omission de
 l'assureur.  D'ailleurs le professeur Bergeron mentionne que
 l'omission d'invoquer un moyen de défense en temps utile est un
 moyen de preuve pour établir que l'assureur a renoncé à ce moyen. 
 Il n'affirme pas que le retard équivaut en lui-même à une
 renonciation.
En tout état de cause, en l'espèce, le texte de la lettre par
 laquelle l'assureur refusait l'indemnité ne fermait pas la porte
 à l'assureur.  L'assureur mentionnait que «les réponses aux
 questions... étaient inexactes» et que «parmi celles-ci» l'ischémie
 cérébrale transitoire n'avait pas été divulguée.
                                   [J'ai souligné]
L'appelante n'a pas demandé de détails supplémentaires à
 l'assureur.
D'autre part il ne s'agit pas d'un cas où le deuxième moyen de
 défense de l'assureur a été allégué la veille ou le matin de
 l'instruction.  Le moyen fut plaidé au tout début des procédures,
 et l'appelante a eu tout le temps pour démontrer que la prétention
 de l'assureur suivant laquelle son mari souffrait d'éthylisme
 n'était pas fondée.
Enfin, mes deux collègues et le professeur Bergeron insistent sur
 le fait qu'un contrat d'assurance est basé sur la bonne foi.  Il
 n'y a aucun doute que, comme pour tout contrat, les parties doivent
 être de bonne foi, tant lors de la création du contrat que dans
 l'exécution des obligations qui en découlent. 
Ce qui est singulier au contrat d'assurance, c'est le fait qu'étant
 le mieux placé pour décrire le risque, l'assuré doit être, non
 seulement de bonne foi, mais de la plus haute bonne foi.  V.
 Coronation Ins. Co. c. Taku Air Transport Ltd., 
 
[1991] 3 R.C.S. 622
 où, à la p. 636, le juge Cory rappelle ce qu'écrivait lord
 Mansfield dans l'arrêt Carter c. Boehm (1766), 3 Burr. 1905, 97
 E.R. 1162.
En l'espèce, comme l'a conclu le premier juge, l'assuré n'acertainement pas fait montre de la plus haute bonne foi en
 décrivant les circonstances pertinentes du risque.
En revanche, même si aucune stipulation de la police n'exigeait que
 l'assureur mentionne spécifiquement toutes et chacune des causes
 de déchéance et même si la jurisprudence canadienne et québécoise
 n'a jamais exigé cela d'un assureur, le juge de première instance
 et mes collègues imposent cette obligation à l'assureur au motif
 que, s'il en était autrement, l'assureur ne serait pas de bonne
 foi.
D'un côté on est très tolérant envers l'assuré qui a violé son
 obligation de la plus haute bonne foi et, de l'autre, on est très
 exigeant en taxant l'assureur d'une conduite répréhensible alors
 qu'au moment où l'assureur a refusé l'indemnité, il n'a pas voulu
 parler de l'éthylisme de l'assuré parce que, si son dossier
 indiquait que l'assuré avait eu un problème de ce côté-là, il
 n'était pas assez étoffé pour permettre à l'assureur d'alléguer
 cela en toute bonne foi.  Ce n'est que plus tard que l'assureur sut
 l'ampleur de l'éthylisme de l'assuré.
                                                                 
                                   MARC BEAUREGARD, J.C.A.
                     
 COUR D'APPEL
PROVINCE DE QUÉBEC
GREFFE DE QUÉBEC
No: 200-09-000245-933
   (200-05-001508-899)
Le 24 octobre 1996
CORAM: LES HONORABLES  BEAUREGARD
                       BAUDOUIN
                       ROBERT, JJ.C.A.
                                             
MICHELINE LAPOINTE-BOUCHER,
          APPELANTE - Demanderesse
c.
LA MUTUELLE-VIE DES FONCTIONNAIRES,
          INTIMÉE - Défenderesse  
                                             
_______________LA COUR; - Statuant sur le pourvoi de l'appelante
 contre un jugement de la Cour supérieure ( Québec, 3 mars 1993,
 l'honorable Paul Corriveau ) qui a rejeté la réclamation de
 l'appelante d'une indemnité d'assurance de 40 000 $ à titre de
 bénéficiaire d,une police d'assurance sur la vie de son mari Robert
 Boucher.
               Après étude dossier, audition et délibéré;
               Pour les motifs exprimés dans les opinions écrites des
 juges Baudouin et Robert, dont un exemplaire est déposé avec le
 présent arrêt;
               ACCUEILLE l'appel avec dépens;
               INFIRME le jugement de première instance;
               CONDAMNE l'intimée à payer à l'appelante la somme de
 40 000 $ avec intérêts plus l'indemnité additionnelle prévue par
 le Code civil, depuis l'assignation;
               CONDAMNE l'intimée aux frais y compris tous les frais
 d'expertise et d'assistance technique qui lui ont été nécessaires
 pour administrer sa preuve.
               REJETTE l'appel incident de l'intimée sans frais;
               Pour les motifs exprimés dans son opinion écrite, dont
 un exemplaire est déposé avec le présent arrêt, le juge Beauregard
 aurait rejeté le pourvoi, avec dépens et rejeté le pourvoi incidentsans frais.
                              
MARC BEAUREGARD, J.C.A.       
                              
JEAN-LOUIS BAUDOUIN, J.C.A.   
                              
MICHEL ROBERT, J.C.A.         
 
Me Louis-M. Cossette
OGILVY RENAULT
Procureur de l'appelante
Me Hugues Roy
GIROUX ROCH & ROY
Procureur de l'intimée
Date de l'audience:  20 février 1996
 1. 
  Jean-Guy Bergeron, La déclaration du risque et les
 assurances-vie de non-fumeur, 1988 R. du B. Vol. 48, 47, aux pages
 49, 50.
 2. 
  Robert E. Keeton Insurance Law St-Paul Minn. West
 Publishing, 1971, p. 324.
 3. 
  Article 2499 C.c.du B.-C.
 4.     
Couch Cyclopedia of Insurance Law, cité par l'appelante,
 est, comme son titre l'indique, une encyclopédie de la
 jurisprudence américaine en matière d'assurance. 
 Dépendant des époques, des dispositions législatives en
 cause, des États et des tribunaux qui les ont prononcées,
 on est certain d'y trouver des décisions qui appuient
 une proposition et son contraire.