DÉCISION
[1] Le 15 mars 2000, monsieur Jean-Paul Morin, le travailleur, dépose une requête en révision de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 10 février 2000.
[2] Cette décision de la Commission des lésions professionnelles confirme une décision rendue par le Bureau de révision de Lanaudière (le bureau de révision) le 27 juillet 1994, à l’effet de refuser la réclamation du travailleur pour une lésion professionnelle s’étant manifestée en avril 1992.
[3] Le travailleur est présent et représenté à l’audience portant sur sa requête en révision. L’employeur, Épiciers unis Métro-Richelieu, y est représenté.
[4] La Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) n’est pas intervenue au dossier du travailleur.
L'OBJET DE LA REQUÊTE
[5] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision rendue le 10 février 2000, de lui permettre de soumettre une argumentation écrite à l’appui de sa contestation de la décision du bureau de révision et de retourner le dossier au premier commissaire afin qu’il rende une décision, tenant compte des arguments qu’il aura soumis.
[6] Le travailleur invoque qu’il n’a pu, pour des raisons suffisantes, se faire entendre de façon complète, notamment en ce que la décision de la Commission des lésions professionnelles a été rendue alors que sa représentante n’avait pas encore soumis des représentations écrites, tel qu’elle s’était engagée à le faire 16 février 1998.
[7] Les arguments invoqués par le travailleur sont décrits dans la requête qu’il a transmise à la Commission des lésions professionnelles le 15 mars 2000. Ainsi :
« (…)
14. Le travailleur est justifié
de requérir à la Commission qu’elle révise sa décision pour les motifs
suivants :
a)
la
représentante du travailleur lui avait dit lors de sa dernière présence à la
Cour qu’elle produirait une réponse à l’argumentation de l’employeur;
b)
il
fût toujours de l’intention du travailleur, Jean-Paul Morin, de produire une
argumentation écrite pour faire valoir ses prétentions;
c)
le
travailleur a tenté à plusieurs reprises par l’entremise de M. Robert Bergevin,
un confrère de travail avec qui le présent dossier a été entendu conjointement,
de rejoindre la représentante, sans succès, celle-ci ne retournant jamais les
appels;
d)
la
représentante n’a pas rempli le mandat qui lui était confié;
e)
l’erreur
de la représentante ne peut préjudicier à la partie qu’elle représentait;
f)
l’argumentation
écrite du travailleur fait partie du droit à une représentation juste,
équitable, pleine et entière;
g) le travailleur n’a pas été entendu selon la règle de audi alteram partem;
15.
Le travailleur, devant l’erreur de la représentante, est justifié de
voir la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 10 février 2000 révisée;
16.
La présente requête est bien fondée en faits et en droit.
(…) » (sic)
LES FAITS
[8] Compte tenu du motif de révocation invoqué par le travailleur, il y a lieu de relater certaines circonstances entourant la prise de décision par la Commission des lésions professionnelles.
[9] Le 2 août 1994, le travailleur soumet une contestation à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) à l’encontre d’une décision rendue par le bureau de révision le 27 juillet 1994, refusant sa réclamation pour une maladie professionnelle, soit un syndrome du canal carpien.
[10] Madame Nicole Bernèche comparaît au dossier du travailleur le 13 octobre 1994. Elle est conseillère en sécurité du Syndicat des travailleurs et travailleuses unis de l’alimentation et du commerce, section locale 501 (TUAC 501). Devant le bureau de révision, le travailleur était représenté par monsieur Pierre Normandeau, du même syndicat.
[11] Une audience est fixée par la Commission d'appel, qui doit se ternir le 6 février 1996. Le 1er février 1996, la représentante du travailleur demande une remise de cette audience, au motif que le docteur Gauthier n’est pas disponible à cette date. La Commission d'appel accorde la remise. Une nouvelle date d’audience est fixée le 6 mai 1996. Les parties demandent à la Commission d’appel de joindre le dossier de monsieur Robert Bergevin à celui du travailleur. Ils entendent faire une preuve commune à ces deux dossiers.
[12] À cette même date, une requête pour visite des lieux est soumise par les parties. Cette requête est accueillie par le commissaire Danis, qui a rendu la décision qui fait l’objet de la présente requête[1].
[13] L’audience sur le fond du litige se tient les 27 septembre 1996, 12 et 13 novembre 1997 et 16 février 1998. Plusieurs témoins sont entendus, soit le travailleur lui-même, messieurs Roy et Bergevin, collègues de travail du travailleur, le docteur Gauthier (pour le travailleur), les docteurs Le Bire et Gilbert (pour l’employeur) et en dernier lieu, Monsieur Laplante, directeur des opérations chez l’employeur. Une abondante documentation médicale est déposée par les parties. Les membres du tribunal sont assistés par un assesseur médical.
[14] Lors de la dernière journée d’audience, les parties conviennent de transmettre des représentations écrites. Le représentant de l’employeur s’engage à soumettre ses notes et autorités, le 1er juin 1998. La représentante du travailleur dispose d’un délai d’un mois pour soumettre ses arguments et répondre à ceux de l’employeur (donc jusqu’au 1er juillet 1998). L’employeur aura, par la suite, un droit de réplique qu’il devra exercer au plus tard le 15 juillet 1998.
[15] Le 29 septembre 1998, le représentant de l’employeur communique avec la Commission des lésions professionnelles[2]. La teneur de cette communication, adressée au commissaire Danis, est la suivante :
« (…)
La présente fait suite à un entretien de ce jour. Il ne nous a pas été possible de vous faire parvenir nos notes et autorités dans le délai convenu. Nous sommes présentement à la rédaction de ces notes et nous pensons être en mesure de vous les transmettre sous peu. (…) »
[16] Copie de ce document est transmis à la représentante du travailleur, Madame Bernèche. Il n’y a pas d’indication au dossier, à l’effet qu’un délai supplémentaire a été accordé à l’employeur. On peut cependant présumer que ce fut le cas, compte tenu de ce qui suit.
[17] Le 28 octobre 1998, Madame Bernèche transmet une lettre à Madame Côté-Claveau, secrétaire du commissaire Danis. Elle y indique qu’elle attend toujours les représentations de l’employeur et qu’elle compte produire une argumentation écrite, sur réception de ces documents. Elle fait part de son changement d’adresse.
[18] Le 4 novembre 1998, le représentant de l’employeur communique à nouveau avec le commissaire Danis. Il s’engage à produire ses notes le 13 novembre 1998. Il respecte cet engagement. Dans la lettre qui accompagne son envoi, il indique qu’une copie a été transmise à Madame Bernèche. Sur cette lettre apparaît également une inscription à la main, faite par un membre du personnel de la Commission des lésions professionnelles. On y apprend qu’un appel téléphonique a été logé auprès de Madame Bernèche le 23 novembre 1998. Elle n’a pu être rejointe et elle doit rappeler.
[19] Le 29 juin 1999, soit sept mois plus tard, le représentant de l’employeur transmet une lettre au commissaire Danis. Il signale qu’il n’a toujours pas reçu l’argumentation écrite qui doit être complétée par la représentante du travailleur. Il indique avoir tenté de la rejoindre, sans succès. Il demande au commissaire de faire une relance auprès de Madame Bernèche pour s’enquérir du moment où elle compte faire parvenir son argumentation.
[20] Le 8 septembre 1999, le commissaire Danis transmet une lettre à Madame Bernèche. Il l’avise de ce qui suit :
« Suite à votre conversation téléphonique avec ma secrétaire, Madame Monique Côté-Claveau, nous désirons vous informer que les dossiers en exergue seront pris en délibéré dès réception de votre argumentation, au plus tard le 30 septembre 1999.
La Commission des lésions professionnelles ne peut accepter de retarder sa décision plus longtemps compte tenu des longs délais déjà encourus. »
[21] Le commissaire Danis rend sa décision le 10 février 2000. Le dossier a été pris en délibéré le 3 novembre 1999, tel qu'indiqué sur la décision. Il précise au paragraphe [38] de la décision que « La représentante des travailleurs n'a pas soumis de représentations écrites ».
[22] Il rejette l’appel du travailleur. Il rend une décision motivée. Il retient que la présomption de maladie professionnelle prévue à l’article 29 de la loi ne s’applique pas au cas du travailleur. Il juge, d’autre part, que ce dernier n’a pas établi, de façon prépondérante, que la maladie dont il souffre est caractéristique de son travail ou directement reliée aux risques particuliers de son travail. Il tient également compte du fait que le travailleur est porteur d’une maladie personnelle, sans lien avec son travail.
[23] Pour déterminer si le travail du travailleur comporte des risques de développer un syndrome du canal carpien, il se base sur la preuve contenue au dossier tel que constitué, la visite des lieux et l’étude des témoignages, tel qu’il le précise aux paragraphes [50], [55] et [59]de sa décision :
« (.,.)
[50] Dans la présente cause, ces facteurs de risques ont été examinés et analysés après lecture du dossier, visite de l'entrepôt et étude des témoignages.
(…)
[55] Qu'en est-il à cet égard du travail de manutentionnaire-assembleur? La Commission des lésions professionnelles a écouté attentivement le témoignage des travailleurs, notamment la description de ces mouvements au travail. Elle a aussi porté une attention particulière à ses propres constatations lors de la visite des lieux. Il en ressort clairement que les travailleurs travaillent beaucoup avec leurs mains, comme c'est habituel dans de telles fonctions. Toutefois, comme le docteur Lebire l'a mentionné dans son témoignage, il faut se demander si le nerf médian est constamment ou très souvent comprimé. En l'instance, le tribunal n'a pas noté suffisamment de positions extrêmes du poignet susceptibles de coincer le nerf médian.
(…)
[59] Les notes médicales déposées au dossier ne permettent pas au tribunal de retrouver une cause précise de cette maladie et les dites notes ne font pas la relation avec le travail de façon substantielle. Il faut tenir compte du fait que le travailleur Morin a des problèmes de tyroïde qui sont dus à une cause autre que le travail. Dans le cas de Monsieur Bergevin, la preuve indique un problème d'obésité qui constitue à lui seul un facteur de risques.
(…) »
[24] Le travailleur dépose une requête en révision, à l’encontre de cette décision, le 15 mars 2000.
[25] Il témoigne de certains faits lors de l’audience portant sur sa requête en révision. Son collègue de travail, monsieur Robert Bergevin est également entendu.
[26] Monsieur Bergevin déclare qu’immédiatement après l’audience du 16 février 1998, une rencontre a eu lieu dans un local de la Commission d’appel, à laquelle participaient Madame Bernèche, le docteur Gauthier, le travailleur et lui-même. Ils ont alors discuté des représentations écrites qui seraient transmises au commissaire. Madame Bernèche s’est engagée à rédiger des notes et autorités après avoir consulté le docteur Gauthier sur les aspects médicaux du dossier. Selon l’échéancier établi par le commissaire, les notes des travailleurs devaient être produites en juillet 1998.
[27] N’ayant pas de nouvelles de sa représentante, Monsieur Bergevin a tenté de la rejoindre au cours du mois d’août 1998. Il a laissé des messages à son bureau et à son domicile.
[28] Monsieur Bergevin a communiqué avec la Commission des lésions professionnelles, à deux reprises, en septembre 1998, pour savoir si des documents avaient été acheminés par sa représentante. Ayant reçu une réponse négative, il a tenté de rejoindre cette dernière, sans succès. Il a laissé des messages aux deux endroits où elle travaille. Madame Bernèche n’a pas retourné ses appels téléphoniques.
[29] Monsieur Bergevin a alors fait des démarches auprès de trois personnes agissant au sein de son syndicat, soit messieurs Jacques, Giroux et Bellemare, président du syndicat. Il leur a demandé d’intervenir auprès de Madame Bernèche. Ces démarches se sont avérées infructueuses.
[30] En janvier 1999, Monsieur Bergevin a, de nouveau, communiqué avec la secrétaire du commissaire Danis. Il a appris que les notes et autorités de l’employeur avaient été reçues. Il a d’abord cru que les documents reçus émanaient de sa représentante. Au fil de la conversation, il a réalisé que la prise de décision était retardée parce que sa représentante avait négligé de transmettre des notes et autorités.
[31] Il n’a plus fait de démarches par la suite.
[32] Le travailleur est également entendu lors de l’audience. Il déclare avoir téléphoné au bureau de sa représentante, à quatre ou cinq reprises. Il n’a pas noté les dates où ces appels ont été faits. La secrétaire de Madame Bernèche lui a affirmé que ses messages étaient transmis. Il dit avoir été en contact avec Monsieur Bergevin et avoir été informé des démarches que celui-ci a faites.
L'AVIS DES MEMBRES
[33] Conformément à la loi, la commissaire soussignée a reçu l’avis des membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs, sur les questions qui font l’objet de la présente requête.
[34] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la requête du travailleur doit être accueillie.
[35] Entre l’audience du 16 février 1998 et la décision du 10 février 2000, le travailleur a démontré, de façon concrète et à de multiples reprises, qu’il entendait que sa représentante soumette des représentations écrites à l’appui de sa contestation. Or, elle a négligé de respecter l’engagement pris vis-à-vis de lui. Le travailleur ne doit pas être pénalisé pour une erreur commise par sa représentante.
[36] Le droit d’être entendu comporte celui de soumettre des représentations écrites, aussi la décision de la Commission des lésions professionnelles a-t-elle été rendue alors que le travailleur n’a pas été entendu pleinement. Dans les circonstances particulières du dossier sous étude, il est d’avis que la révocation de la décision s’impose.
[37] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que le travailleur ne dispose pas d’un droit absolu de soumettre des représentations écrites. L’insatisfaction d’une partie à l’égard du travail de son représentant n’est pas un motif de révision. Les circonstances du dossier sous étude ne justifient pas que la décision de la Commission des lésions professionnelles soit révoquée.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[38] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a démontré un motif donnant ouverture à la révocation demandée.
[39] L’article 429.49 de la loi établit qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et que toute personne visée doit s’y conformer sans délai :
429.49 Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
_____________________
1997,c. 27, a. 24.
[40] Par ailleurs, l’article 429.56 de la loi permet la révision ou la révocation d’une décision dans des cas qui y sont expressément prévus :
429.56 La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1o lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2o lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3o lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3o, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
____________________
1997, c. 27, a. 24
[41] L’effet conjugué de ces deux articles de la loi fait en sorte que la révision ou la révocation d’une décision demeure un recours exceptionnel, vu le principe énoncé à l’article 429.49 de la loi. Ce recours n’est possible que dans les circonstances prévues à l’article 429.56 de la loi et ne peut, en aucun cas, constituer un second appel ou un appel déguisé.
[42] La présente requête est soumise en vertu du paragraphe 2° de l’article 429.56 de la loi. Le travailleur invoque qu’il n’a pu, pour des raisons suffisantes, se faire entendre par la Commission des lésions professionnelles, ceci, dans la mesure où il n’a pas exercé son droit de soumettre des représentations écrites, tel qu’entendu lors de l’audience du 16 février 1998.
[43] Le tribunal ne partage pas cet avis pour les motifs qui suivent.
[44] Le travailleur a eu l’opportunité de se faire entendre lors des quatre jours au cours desquels se sont tenues les audiences portant sur sa contestation. Il a témoigné, fait entendre des témoins, parmi lesquels, un médecin, le docteur Gauthier. Une visite de son poste de travail a été faite, à laquelle il a participé. Il a été en mesure de bien décrire son travail. Sa représentante a soumis de la documentation médicale lors de l’audience.
[45] Le commissaire, saisi de ce dossier, disposait donc de tous les éléments pour prendre sa décision. Il était en outre assisté d’un assesseur médical.
[46] Le travailleur savait qu’il disposait d’un délai pour soumettre une argumentation écrite. Le commissaire avait lui-même établi un échéancier lors de la dernière journée d’audience. Il convient de noter que le commissaire a tenu compte de la complexité du dossier alors qu’il a accordé quatre mois à l’employeur pour rédiger son argumentation. Le travailleur disposait d’un délai supplémentaire d’un mois, après la transmission des notes par l’employeur. Ainsi, Madame Bernèche avait cinq mois pour rédiger son argumentation.
[47] Le représentant de l’employeur n’a pas été en mesure de respecter le délai qui lui était imposé. Le commissaire a fait preuve de souplesse à son égard et a attendu les notes et autorités jusqu’en novembre 1998. Les représentations écrites du travailleur devaient donc être transmises en décembre 1998. Dix mois s’étaient alors écoulés depuis la dernière journée d’audience.
[48] Madame Bernèche n’a pas soumis de notes écrites, tel qu’elle s’était engagée à le faire. Le travailleur et Monsieur Bergevin ont tenté de la rejoindre à plusieurs reprises entre juillet 1998 et janvier 1999. Elle n’a plus communiqué avec eux.
[49] Le travailleur aurait dû, dès ce moment, s’inquiéter de la situation et se constituer un nouveau représentant. Il pouvait également s’enquérir auprès de la Commission des lésions professionnelles des moyens dont il disposait dans les circonstances. Il n’a posé aucun geste utile durant une très longue période, soit plus d’un an.
[50] Un délai supplémentaire de treize mois s’est écoulé entre le moment où une dernière démarche a été effectuée par Monsieur Bergevin, auprès de la Commission des lésions professionnelles et le moment où la décision a été rendue.
[51] Par son inaction durant cette longue période, le travailleur a démontré qu’il avait renoncé à produire des représentations écrites. Ce n’est qu’après réception de la décision et alors qu’il était insatisfait de son contenu qu’il a communiqué avec un avocat. Il aurait dû effectuer cette démarche dès janvier 1999. En février 2000, deux années s’étaient écoulées depuis le moment, où, par l’entremise de sa représentante, il s’était engagé à soumettre une argumentation écrite.
[52] Le travailleur invoque la négligence de sa représentante. Or, on ne connaît pas les motifs pour lesquels elle n’a pas soumis de représentations. En effet, aucune preuve n’a été faite à ce sujet. La représentante était-elle dans l’impossibilité de soumettre des notes? A-t-elle décidé de ne pas en produire? A-t-elle négligé d’en produire? Nul ne le sait.
[53] Le représentant du travailleur soumet que le droit d’être entendu comporte celui de soumettre des représentations écrites. La soussignée en convient. Une partie peut cependant renoncer à soumettre des arguments et laisser le tribunal décider de la question qui lui est soumise, à partir de la preuve dont il dispose. Dans le cas sous étude, les prétentions des parties étaient connues et le commissaire en a disposé dans sa décision.
[54] Le procureur du travailleur a soumis trois décisions portant sur le droit d’être entendu. Il convient d’en discuter brièvement.
[55] Dans la décision Marcel Roy et Industries John Lewis Ltée[3], une requête en révocation a été soumise à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles, après qu’une décision sur dossier ait été rendue. Le travailleur invoque que son représentant lui a fait des représentations à l’effet qu'il y avait remise de l’audience. Dans les faits, il avait renoncé à la tenue de l’audience et convenu de produire un affidavit et des notes, en lieu et place de la tenue d’une audience. Il s’agit d’un cas où le travailleur a fait l’objet de représentations mensongères de la part de son représentant, ce qui n’est pas le cas dans le dossier sous étude.
[56] Dans la décision Bouchard et St-Hubert (Ville de)[4], le tribunal a manqué aux règles de justice naturelle, en rendant une décision alors que l’enquête et l’audition n’étaient pas terminées. En effet, le travailleur devait être entendu à nouveau, lors d’un ajournement de l’audience. Les circonstances du dossier sous étude sont différentes alors que le commissaire a fourni aux parties l’occasion de se faire entendre pleinement. Il a fait preuve de beaucoup de patience et d’une grande souplesse, en acceptant de reporter la prise de décision bien au-delà de ce qui avait été convenu.
[57] La décision Construction R.C.A c. Yvon Bouchard inc[5]. a trait à une requête en rétractation de jugement, annulation de saisie et prolongation de délai pour soumettre une défense. Il s’agit d’un cas où une décision ex parte a été rendue, alors que le défendeur n’a pas produit de défense. Le défendeur invoque la faute de son procureur, faute qui est admise par ce dernier. Le tribunal a tenu compte de ces circonstances particulières. Il n’y a rien de tel dans le présent dossier.
[58]
Il ressort de la preuve soumise dans le cadre de la
présente requête en révision, que le travailleur est insatisfait de sa
représentante. Il lui reproche de ne
pas avoir exécuté son mandat comme il le souhaitait. Ce n'est pas là un motif de révocation, tel qu'en a décidé la
Commission d'appel dans le dossier Jean-Marc
Lebrun et Arno Électriique[6].
[59] En conclusion, le tribunal juge que le travailleur a eu l’opportunité de se faire entendre pleinement et qu'il n’y a donc pas lieu de révoquer la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 10 février 2000.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révocation de monsieur Jean-Paul Morin.
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Me Micheline
Bélanger |
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Commissaire |
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Monsieur Luc
Lachance T.U.A.C.
(LOCAL 501) 4850, boul.
Métropolitain Est Saint-Léonard,
Québec H1S 2Z7 |
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Représentant de la partie requérante |
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Monsieur Michel
Gauthier MÉTRO RICHELIEU
2000 INC. 11011, boul.
Maurice-Duplessis Montréal,
Québec H1C 1V6 |
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Représentant de la partie intéressée |
[1] Voir la décision de la Commission d'appel du 30 mai 1996
[2] L’appel du
travailleur a été déposé devant la Commission d’appel. Cependant, le 1er avril 1998, la Commission
d'appel a été remplacée par la Commission des lésions professionnelles,
conformément à l’article 52 de la Loi
instituant la Commission des lésions professionnelles et modifiant diverses
dispositions législatives (L.Q. 1997, c. 27) En vertu de cette loi, les
affaires pendantes devant la Commission d’appel sont continuées et décidées par
la Commission des lésions professionnelles
[3] CLP, 102233-04-9807, Michèle Carignan, 19 janvier 2000
[4] CALP, 32806-62-9108, Mireille Zigby, 29 février 1996
[5] Cour du Québec, Chambre civile, Abitibi,
170-22-000006-978, Juge Jean-Yves Tremblay, 10 juin 1998
[6] CALP, 34320-62-9111, Joëlle L’Heureux, 8 décembre 1994
AVIS :
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