Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Vézina et Aubainerie Concept Mode Trois-Rivières inc. (L')

2014 QCCLP 6263

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saguenay

14 novembre 2014

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossier :

491507-04-1212

 

Dossier CSST :

139760045

 

Commissaire :

Jean Grégoire, juge administratif

 

Membres :

Céline Dugré, associations d’employeurs

 

Richard Morin, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Micheline Vézina

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Aubainerie Concept Mode Trois-Rivières inc. (L’)

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 15 janvier 2014, madame Micheline Vézina (la travailleuse) dépose une requête par laquelle elle demande la révocation d’une décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 27 décembre 2013.

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête de la travailleuse, confirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 12 novembre 2012 à la suite d'une révision administrative et déclare qu’elle n’a pas subi de lésion professionnelle le 6 septembre 2012.

[3]           Le 9 septembre 2014, une audience a lieu à Trois-Rivières lors de laquelle, seul L’Aubainerie Concept Mode Trois-Rivières inc. (l’employeur) était présent et représenté par madame Nathalie Beauchemin.

[4]           La travailleuse étant absente à l’audience convoquée pour entendre sa requête en révocation, le tribunal rend donc la présente décision à partir de la preuve se trouvant au dossier, comme le prévoit d’ailleurs l’article 429.57 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[5]           Selon la requête de la travailleuse, celle-ci demande de révoquer la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 27 décembre 2013. Elle invoque qu’elle n’aurait pu se faire entendre pour une raison valable.

L’AVIS DES MEMBRES

[6]           La membre issue des associations d’employeurs ainsi que le membre issu des associations syndicales sont d’avis unanime que la requête en révocation de la travailleuse doit être rejetée.

[7]           Ils considèrent que les motifs écrits soumis par cette dernière ne permettent pas de conclure qu’elle n’a pu se faire entendre pour une raison suffisante. Les membres ajoutent que l’absence de la travailleuse lors de l’audience portant sur sa requête en révocation, ne permet pas d’accorder une valeur probante aux éléments qu’elle soumet pour justifier son absence lors de la première audience.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[8]           La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de révoquer la décision rendue le 27 décembre 2013.

[9]           D’emblée, le tribunal tient à rappeler qu’en vertu de l’article 429.49 de la loi, les décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel :

429.49.  Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[10]        Néanmoins, le législateur a prévu qu’une décision de la Commission des lésions professionnelles pouvait faire l’objet d’une révision ou d’une révocation à certaines conditions, lesquelles sont prévues à l’article 429.56 de la loi :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[11]        En l’espèce, la travailleuse invoque le deuxième paragraphe de l’article 429.56 de la loi, soit qu’elle n’aurait pu se faire entendre pour une raison jugée suffisante.

[12]        Au soutien de sa demande, elle soumet essentiellement, dans sa lettre datée du 3 janvier 2014, n’avoir pu se présenter à l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles le 20 novembre 2013, car elle n’a pu s’absenter de son emploi d’assistante - gérante dans un Pétro-Canada. Elle écrit que ce jour-là, son gérant a dû quitter subitement le travail vers 10 h 30 à la suite d’une rencontre. Selon la déclaration écrite de la travailleuse, elle aurait alors avisé son gérant qu’elle avait un « rendez-vous » prévu en après-midi ce jour-là, mais celui-ci n’a pas voulu qu’elle quitte son travail.

[13]        Toujours selon la lettre de la travailleuse du 3 janvier 2014, cette dernière aurait alors  contacté une personne de la Commission des lésions professionnelles pour l’aviser de la situation. Cette dernière lui aurait alors mentionné qu’il était trop tard pour remettre l’audience prévue le même jour à 13 h 30 et qu’elle devait attendre de recevoir la décision du tribunal afin de justifier son absence à l’audience.

[14]        Dans l’affaire Viandes du Breton inc. (Les) et Dupont[2], le tribunal soulignait l’importance du droit d’être entendu, lorsqu’une partie invoque le deuxième paragraphe de l’article 429.56 de la loi :

[40]  Au paragraphe 2 de l’article 429.56, il est prévu que lorsqu’une partie fournit des raisons suffisantes justifiant qu’elle n’a pas pu être entendue, la décision initiale peut être révoquée.  Il revient à la Commission des lésions professionnelles d’évaluer si les raisons fournies par la partie requérante peuvent être qualifiées de suffisantes.

 

[41]  Le droit d’être entendu à l’audience est un droit fondamental reconnu à la Charte des droits et libertés de la personne2 et également l’article 429.13 de la loi.  Lorsque le deuxième paragraphe de l’article 429.56 est invoqué pour demander la révocation d’une décision de la Commission des lésions professionnelles, la soussignée estime que chaque cas doit être évalué à son mérite.

 

[42]  Tel que mentionné par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Luciano Gaggiotti et Domaine de la forêt3, c’est le droit du travailleur à être entendu qui doit primer dans l’appréciation des raisons justifiant qu’une partie n’a pas pu se faire entendre.

 

[43] La soussignée estime qu’une raison suffisante ne doit pas être interprétée comme équivalant à une impossibilité d’exercer son droit d’être entendu.  Si telle avait été l’intention du législateur, il l’aurait mentionné précisément.  Le libellé utilisé par celui-ci est beaucoup plus souple et le tribunal doit en tenir compte lorsqu’il doit juger de la suffisance des raisons invoquées.

______________________

2       L.R.Q., c. C-12.

3       C.L.P. 86666-71-9703, 199-01-22, M. Duranceau.

 

[sic]

 

 

[15]        Afin d’être suffisantes, les raisons invoquées par une partie qui prétend n’avoir pu se faire entendre, doivent être sérieuses et ne pas révéler de négligence de sa part. On retrouve une telle interprétation dans l’affaire Imbeault et S.E.C.A.L.[3], où l’on peut lire que :

[18.] Lorsque le deuxième paragraphe de l’article 429.56 est soulevé par une partie au soutien d’une requête en révocation, il revient à la Commission des lésions professionnelles d’apprécier la preuve et de décider s’il a été démontré des raisons suffisantes pour expliquer que la partie n’a pu se faire entendre.

 

[19.] Pour être jugées suffisantes, les raisons invoquées doivent être sérieuses et il ne doit pas y avoir eu négligence de la part de la partie qui prétend n’avoir pu se faire entendre.  La règle qui doit toujours guider le tribunal lorsqu’il a à décider de cette question est le respect des règles de justice naturelle.

 

[sic]

[16]        En l’espèce, il apparaît clairement que la travailleuse n’a pu se faire entendre lors de l’audience tenue le 20 novembre 2013, celle-ci y étant alors absente, tel que le rapporte le premier juge administratif au paragraphe 3 de sa décision.

[17]        La preuve révèle-t-elle l’existence d’une raison suffisante justifiant l’absence de la travailleuse à cette audience? À cette question, le soussigné estime qu’il doit répondre par la négative.

[18]        En effet, le présent tribunal constate d’abord que selon la teneur de la lettre de la travailleuse du 3 janvier 2014, il ressort clairement qu’elle avait été avisée qu’une audience aurait lieu le 20 novembre 2013 à 13 h 30 et que celle-ci porterait sur la reconnaissance d’une lésion qu’elle considère être survenue au travail le 6 septembre 2012. D’ailleurs, nous retrouvons au dossier, un avis de convocation qui a été envoyé aux parties le 25 juillet 2013 les avisant de la tenue de cette audience.

[19]        La travailleuse n’invoque d’ailleurs pas cet aspect, mais soumet plutôt qu’elle n’a pu se libérer de son travail d’assistante-gérante, en raison du départ inattendu de son gérant ce jour-là.

[20]        Or, bien que la jurisprudence[4] ait déjà conclu qu’un tel motif relié à des difficultés à s’absenter du travail pouvait être considéré comme représentant une raison suffisante, le présent dossier est cependant particulier, puisque plusieurs questions restent sans réponse, la travailleuse étant absente à l’audience du 9 septembre 2014 portant sur sa requête en révocation.

[21]        En effet, la preuve ne permet pas de savoir depuis quand la travailleuse avait avisé son supérieur qu’elle devait s’absenter du travail durant l’après-midi du 20 novembre 2013. Selon la lettre du 3 janvier 2014, il semble plutôt que c’est lorsque son gérant l’a avisée qu’il devait quitter subitement pour le reste de la journée, que la travailleuse lui a mentionné qu’elle avait un « rendez-vous » prévu en après-midi. Or, un tel comportement de la travailleuse dénote un manque de prudence dans la conduite de ses affaires.

[22]        Qui plus est, la preuve ne permet pas de déterminer si d’autres employés étaient présents ce jour-là sur les lieux de travail ni si celle-ci a fait des démarches pour se faire remplacer.

[23]        Certes, le témoignage de la travailleuse sur ces aspects importants dans l’évaluation du caractère suffisant des raisons qu’elles invoquent, aurait pu éclairer le tribunal. Cependant, comme mentionné précédemment, en raison de l’absence de celle-ci lors de l’audience convoquée pour le 9 septembre 2014 visant à statuer sur sa requête en révocation, le soussigné ne dispose pas de preuve prépondérante sur ces éléments.

[24]        Quant à l’affirmation de la travailleuse à l’effet qu’elle aurait contacté, quelques heures avant l’audience du 20 novembre 2013, une personne au tribunal et qu’on lui aurait alors mentionné qu’il était trop tard pour remettre l’audience, le tribunal ne peut accorder une valeur probante à une telle affirmation.

[25]        En effet, cette affirmation est non seulement imprécise, puisqu’on ne sait pas à qui la travailleuse a parlé précisément, mais celle-ci est en contradiction avec les règles établies par le tribunal en matière de remise. Ces règles ne prévoient aucun temps limite pour faire une demande de remise avant la tenue d’une audience. Une demande de remise pouvant même être formulée à l’audience.

[26]        Qui plus est, dans sa décision du 27 décembre 2013, le juge administratif ne fait aucunement état d’une demande de remise formulée par la travailleuse avant l’audience ni d’un quelconque appel téléphonique de cette dernière au tribunal.

[27]        Dans ces circonstances, le présent tribunal conclut que cette dernière n’a pas démontré une raison suffisante pour laquelle elle n’a pu se faire entendre lors de l’audience du 20 novembre 2013.

[28]        Il n’y a donc pas lieu de révoquer la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 27 décembre 2013.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révocation déposée le 15 janvier 2014 par madame Micheline Vézina, la travailleuse.

 

 

__________________________________

 

Jean Grégoire

 

 

 

Mme Nathalie Beauchamp

L’AUBAINERIE

Représentante de la partie intéressée

 



[1]          RLRQ, c. A-3.001.

[2]           C.L.P. 89720-01A-9707-R, 18 décembre 2000, M. Carignan.

[3]           C.L.P. 84137-02-9611-R, 24 septembre 1999, M. Carignan.

[4]           Malouin et Crustacés Baie-Trinité inc., 2014 QCCLP 4192.

AVIS :
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