Méthot et Agence Parcs Canada Archipel-Mingan |
2012 QCCLP 1192 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Gaspé |
17 février 2012 |
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Région : |
Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte-Nord |
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Dossier CSST : |
137141941 |
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Commissaire : |
Delton Sams, juge administratif |
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Membres : |
Guy Marois, associations d’employeurs |
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Marc Paquet, associations syndicales |
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Partie requérante |
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Agence Parcs Canada Archipel-Mingan |
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Partie intéressée |
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[1] Le 31 mars 2011, monsieur Yvon Méthot (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 1er mars 2011, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 19 novembre 2008 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement pour des frais reliés au remplacement de ses lunettes.
[3] Le 7 juillet 2011, la Commission des lésions professionnelles tient une audience à laquelle assiste le travailleur ainsi que l’interlocutrice de Agence Parcs Canada Archipel-Mingan (l’employeur). À la suite du consentement des représentants présents à l’audience, les dossiers ont été réassignés à un nouveau juge administratif 13 février 2012. Le dossier a dès lors été mis en délibéré et le juge administratif a rendu sa décision après avoir étudié la preuve documentaire, réécouté l’enregistrement de l’audience et obtenu l’avis des membres.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande au tribunal d’accueillir sa requête, d’infirmer la décision de la CSST et de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais inhérents au remplacement de ses lunettes, en conformité avec les articles 112 et 113 de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
LES FAITS
[5] Le travailleur exerce un emploi de manœuvre et de préposé à l’entretien pour l’employeur. Il témoigne à l’audience que le 19 août 2010, il a été assigné aux travaux d’aménagements sur l’Île Phantôme dans l’Archipel de Mingan.
[6] Il mentionne qu’il devait construire deux toilettes sèches. Il explique la façon dont il a procédé pour respecter les consignes pour protéger l’environnement. Il mentionne entre autre les dimensions de l’excavation et une toile qu’il avait disposée près de l’endroit où il travaillait afin d’entreposer une certaine quantité de gravier ainsi que d’autres objets. Il témoigne que lorsqu’il effectuait l’excavation, il faisait particulièrement chaud et de la buée s’est formée sur les verres de ses lunettes. Il explique avoir alors enlevé ces dernières et les avoir déposées à un endroit qu’il jugeait sécuritaire, à savoir sur la toile située à proximité de son lieu de travail. Or, il appert qu’un autre employé, à savoir monsieur Martin Cyr, en allant chercher sa bouteille d’eau a marché sur les lunettes dans un moment d’inattention et les a endommagées.
[7] Le travailleur poursuit son témoignage en mentionnant qu’il a reporté sa perte à une employée de l’employeur. Cette dernière a demandé au travailleur de faire évaluer les coûts de remplacement.
[8] Malgré que le travailleur n’eut pas l’estimation à l’audience, il affirme que le coût de remplacement de ses lunettes est de l’ordre de 1 200 $, précisant que ses lunettes étaient munies de verres à foyer progressif.
[9] Dans les jours suivants, son employeur l’a informé qu’il n’assumerait pas les frais associés à la perte de ses lunettes.
[10] À la suite de ce refus, le travailleur présente, le 15 novembre 2010, une réclamation à la CSST pour le remplacement de ses lunettes endommagées. Il estime que le bris est survenu alors qu’il était sur les lieux de travail en effectuant ses tâches de manœuvre et donc, qu’il devrait avoir droit au remboursement des frais. Il déplore que son employeur ne lui fournisse pas des lunettes de sécurité adaptées à sa condition, l’obligeant à porter ses lunettes personnelles lorsqu’il travaille.
[11] Monsieur Martin Cyr, confrère de travail, témoigne et il confirme le témoignage du travailleur.
[12] Pour sa part, l’interlocutrice de l’employeur ne conteste pas le témoignage du travailleur. Elle ne conteste ni la perte ni la diligence du travailleur relative à la manipulation de ses lunettes. Toutefois, elle soumet que le gouvernement fédéral a juridiction exclusive sur ses employés et que le travailleur ne peut bénéficier du remboursement des frais, car la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État[2] (L. I. A. E.) ne le prévoit pas.
L’AVIS DES MEMBRES
[13] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que le travailleur n’a pas droit au remboursement des coûts de remplacement de ses lunettes car l’article 4 de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État[3] ne prévoit que des indemnités lorsque survient une lésion professionnelle. Il est d’avis alors que l’article 113 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[4] ne s’applique pas aux agents de l’État à l’emploi du gouvernement fédéral.
[14] Le membre issu des associations syndicales déplore que la loi fédérale soit discriminatoire, privant certaines catégories de travailleurs des bénéfices prévus à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[5]. Toutefois, il est d’avis que cette dernière n’est pas applicable en l’espèce, vu le libellé de l’article 4 de la Loi sur l’indemnisation des agents de l’État[6].
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[15] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer alors si le travailleur a droit à une indemnité pour le remplacement de ses lunettes.
[16] La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[7] prévoit qu’un travailleur a droit, sur production des pièces justificatives, à une indemnité pour la réparation ou le remplacement d’une prothèse ou une orthèse endommagée involontairement lors d’un événement imprévu, soudain, attribué à toute cause, survenue par le fait de son travail, dans la mesure qu’il n’a pas le droit à une telle indemnité en vertu d’un autre régime.
[17] L’article 113 de la loi énonce ce qui suit :
113. Un travailleur a droit, sur production de pièces justificatives, à une indemnité pour la réparation ou le remplacement d'une prothèse ou d'une orthèse au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2) endommagée involontairement lors d'un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant par le fait de son travail, dans la mesure où il n'a pas droit à une telle indemnité en vertu d'un autre régime.
L'indemnité maximale payable pour une monture de lunettes est de 125 $ et elle est de 60 $ pour chaque lentille cornéenne; dans le cas d'une autre prothèse ou orthèse, elle ne peut excéder le montant déterminé en vertu de l'article 198.1 .
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1985, c. 6, a. 113; 1992, c. 11, a. 5; 2001, c. 60, a. 166.
[18] Il est évident, tel que le prétend le travailleur, que ses lunettes ont été endommagées involontairement lors d’un événement imprévu et soudain survenu par le fait de son travail. Dans un tel contexte, le travailleur répond aux prescriptions de cet article. Il reste à savoir si un agent de l’État peut recourir à la loi l’indemnisant pour le remplacement ou la réparation de ses lunettes.
[19] Le gouvernement fédéral a la compétence exclusive en ce qui a trait à ses employés et donc, ils ne peuvent bénéficier d’un régime provincial d’indemnisation à moins qu’une disposition de la L.I.A.E. opte pour un renvoi à la législation provinciale en vigueur dans la province où l’agent travaille.
[20] Comme notre tribunal l’a souligné dans des décisions antérieures[8], l’intention générale du législateur est d’octroyer aux agents de l’État victimes d’accident du travail ou de maladies professionnelles le droit à l’indemnité prévue à la législation de la province où les agents exercent habituellement leurs fonctions. L’article 4 de la L.I.A.E. renvoie à la législation provinciale.
[21] À cet égard, l’article 4 alinéas 1 de la L.I.A.E. énonce ce qui suit :
4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, il est versé une indemnité :
a) aux agents de l’État qui sont :
(i) soit blessés dans un accident survenu par le fait ou è l’occasion de leur travail,
(ii) soit devenus invalides par la suite d’une maladie professionnelle attribuable è la nature de leur travail;
b) Aux personnes à charge des agents décédés des suites de l’accident ou de la maladie.
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(4) [Abrogé, 1996, ch. 10, art. 229.3 ]
[22] À la lecture de cet article, il est évident que le renvoi à la législation provinciale ne concerne que les conséquences des blessures découlant des accidents survenus par le fait et l’occasion du travail ou des maladies professionnelles attribuables au travail. Cette loi ne prévoit pas le renvoi aux dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[9] relative aux indemnités non reliées aux lésions professionnelles. Il n’y a pas de renvoi spécifique aux autres indemnités, tel que celles énoncées aux articles 112 et 113 de cette dernière loi.
[23] Ainsi, le tribunal est d’avis qu’il ne peut accorder le dédommagement réclamé par le travailleur, étant un employé relevant de la compétence exclusive du législateur canadien. En effet, un « agent de l’État », ainsi que le définit l’article 2 de L. I. A. E. est une personne :
[…] occupant une charge ou un emploi dans un ministère, une personne morale ou un autre organisme chargés d’exécuter une mission pour le compte du gouvernement du Canada et que le ministre, avec l’agrément du gouverneur en conseil, déclare être des agents de l’État
[24] Il est évident alors que le travailleur est un agent de l’État et donc, assujetti à la loi fédérale. Le gouvernement fédéral possède la compétence exclusive en matière d’indemnisation de ses employés et que la loi applicable soit la L. I. A. E. ne prévoit pas un renvoi à la législation provinciale concernant la réparation ou d’un remplacement d’une prothèse ou d’une orthèse en absence de lésion professionnelle.
[25] En conséquence, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais inhérents au remplacement de ses lunettes en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[10].
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Yvon Méthot, le travailleur ;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 1er mars 2011, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais inhérents au remplacement de ses lunettes en vertu de Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles.
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Delton Sams |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] L.R.C. (1985), ch. G-5
[3] Id.
[4] Précitée, note 1.
[5] Id.
[6] Précitée, note 2.
[7] Id.
[8] Massy et Ministère du Développement des ressources humaines, [1996] C.A.L.P. 801 (décision sur requête en révision. Emploi et Immigration Canada et Boisvert, 55888-05-9312, 15 janvier 1997, M. Lamarre, révision rejetée, 3 mars 1998, B. Roi; Blouin et DRHC-Direction Travail, [1997] C.A.L.P. 626 ; Archambault et Emploi et Immigration Canada, 56428-64-9401, 12 juin 1997, A. Leydet (décision sur requête en révision). Société Canadienne des postes c. CLP (l’affaire Dumont), [1999] C.L.P. 82319-03B-9609, 8 mai 2000, M. Allard, (00LP-18), (décision sur requête en révision), requête en révision judiciaire rejetée, [2000] C.L.P. 681 (C.S.), appel rejeté, [2002] C.L.P. 347 (C. A.); Tanguay et Revenu Canada, 121062-03B-9907, 7 février 2000. G. Marquis; Beaudry et Emploi et immigration Canada, 125604-73-9910, 22 juin 2000, D. Taillon.
[9] Précitée, note 1.
[10] Id.
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Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.