Bar-Salon Venus et Ross |
2010 QCCLP 9244 |
______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 15 avril 2010, Bar-Salon Vénus, l’employeur, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision conjointe de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 7 avril 2010 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a rendue initialement le 22 février 2010 et déclare qu’elle est justifiée de ne pas appliquer les dispositions de l’article 142 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[3] Une audience s’est tenue à Trois-Rivières le 10 septembre 2010 en présence de l’employeur, qui est représenté. Mme Maude Ross, la travailleuse est également présente et non représentée.
[4] Le dossier a été mis en délibéré le 24 septembre 2010 à la réception d’une décision de la Commission des lésions professionnelles promise par le représentant de l'employeur et d’un court ajout à son argumentation faite à l’audience.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[5] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la CSST rendue le 7 avril 2010 à la suite d’une révision administrative et de déclarer que la CSST devait en l’espèce appliquer les dispositions de l’article 142 de la loi. L’employeur allègue que la CSST devait donc suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse à compter du 9 octobre 2009 ou subsidiairement à compter du 16 décembre 2009.
LES FAITS
[6] Du dossier constitué par la Commission des lésions professionnelles et de la preuve produite à l’audience, le tribunal retient les éléments pertinents suivants.
[7] Le 14 mai 2009, Mme Maude Ross, la travailleuse, subit un accident du travail alors qu’elle lève une caisse de grosses bières pour remplir le frigidaire, son bras reste alors bloqué et elle ressent une vive douleur.
[8] La travailleuse consulte le lendemain le Dr Marc-André Lacombe qui retient un diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite avec possibilité de déchirure. Il prescrit un arrêt de travail et la prise d’un anti-inflammatoire non stéroïdien et un relaxant musculaire.
[9] Le 5 juin 2009, la travailleuse produit une réclamation à la CSST, laquelle est acceptée. Cette décision n’est pas contestée par l’employeur.
[10] Des traitements de physiothérapie sont prescrits, lesquels commencent le 22 juin 2009.
[11] Le 3 septembre 2009, la Dre Annie Morin, médecin qui a charge de la travailleuse, rédige une attestation médicale. Elle écrit que la tendinite de l’épaule droite s’améliore et écrit :
« […] si possibilité de travaux légers, nous fournir feuille d’assignation temporaire avec description tâche. Pour l’instant poursuivre l’arrêt de travail X 2 semaines. RAT 21 septs. 1 mois R.V. » [sic]
[12] Dans une attestation du 17 septembre 2009, la Dre Morin note que la tendinite de l’épaule droite est réfractaire aux traitements avec augmentation des douleurs en étendue dorso-cervico-brachialgies bilatérales. Elle ajoute :
« Travaux si dispo (lettre de l’employeur signée) sinon poursuivre arrêt de travail. Cesser physio. RAT régulier 5 octobre 2009 sinon revoir. » [sic]
[13] Un rapport de suivi en physiothérapie du 21 septembre 2009 indique que la Dre Morin a autorisé la fin des traitements et recommande l’essai de massothérapie. Le dossier de physiothérapie est fermé en conséquence.
[14] Le 2 octobre 2009, la Dre Morin écrit dans une attestation médicale :
« Tendinite épaule D en résolution. Décision prise de réorientation de travail. Cessation d’emploi 2° raison médicale »
[15] Une ordonnance médicale est rédigée le 2 octobre 2009 par la Dre Morin, elle y écrit : « Cessation d'emploi 2° raison médicale ».
[16] Le 7 octobre 2009, l’employeur rédige une cessation d'emploi pour la travailleuse.
[17] Il appert d’une note évolutive du 4 novembre 2009 que la CSST est au courant que la travailleuse a démissionné de son emploi le 2 octobre 2009.
[18] Le 23 novembre 2009, à la demande de la CSST, la travailleuse a été examinée par le Dr Mario Giroux, chirurgien orthopédiste. Dans une expertise du 1er décembre 2009, il conclut à un diagnostic de tendinopathie (tendinite) de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite avec possibilité d'arthrose acromio-claviculaire surajoutée qu’il consolide à la date de son examen. Il ne recommande aucun traitement supplémentaire et estime qu’aucune atteinte permanente ne doit être accordée. Il recommande toutefois des limitations fonctionnelles.
[19] Le 11 décembre 2009, le Dr Antoine Hoang, parle de tendinite calcifiée de l’épaule droite et prolonge l’arrêt de travail d’un mois.
[20] Le 16 décembre 2009, Mme Haché transmet à Mme Gisèle Lemelin de la CSST les documents suivants :
1° Une copie de la cessation d’emploi émise le 7 octobre 2009, à laquelle est joint un document médical;
2° Une copie de l’attestation médicale du 17 septembre 2009 autorisant des travaux légers si disponibles et un retour au travail régulier le 5 octobre 2009;
3° Une copie de la description de tâches transmise au médecin de la travailleuse avec au bas les commentaires de ce médecin;
4° Une copie de la lettre de démission « définitive » de la travailleuse du 2 octobre 2009.
[21] Le 21 décembre 2009, la CSST reçoit la lettre suivante de Mme Haché :
« La Tuque 16 décembre 09
À qui de droit,
Par la présente vous avez reçu au dossier de Mme Ross # 134991488 une lettre de démission venant de cette dernière donc Mme n’est plus à notre emploi depuis le 2 octobre 09
Bien à vous Mme Suzanne Haché
[…]
Je vous envoie une copie de sa démission. » [sic]
[22] Le 6 janvier 2010, la Dre Emmanuelle Gauthier confirme le diagnostic de tendinite calcifiée de l’épaule droite et ajoute la présence de spasmes au niveau du trapèze droit. Elle suggère de la massothérapie et maintient l’arrêt de travail.
[23] Le 8 janvier 2010, la représentante de l'employeur, Mme Chantal Boutin transmet par télécopieur la lettre suivante, à Mme Lemelin de la CSST :
« Nous sommes mandatés par Bar Salon Vénus, membre de la Mutuelle 00154, pour le représenter dans le dossier di-haut mentionné.
Nous vous demandons de bien vouloir suspendre et radier les indemnités de remplacement dde madame Ross en date du 5 octobre 2009 pour le motif qu’elle n’a pas respecté les modalités prévues à l’article 142 de la LATMP qui stipule :
La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :
2° si le travailleur, sans raison valable :
e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;
Le 17 septembre le docteur Morin, médecin traitant de la travailleuse, recommande des travaux légers si ces derniers sont disponibles et comme indiqué sur la lettre de l'employeur signée (voir la lettre du 9 septembre). La travailleuse est donc formellement convoquée au travail pour le 5 octobre 2009.
Le 2 octobre 2009, soit le vendredi avant son retour au travail, la travailleuse consulte le docteur Morin qui indique ce qui suit sur le rapport médical de suivi :
« Tendinite épaule D en résolution. Décision prise de réorientation de travail. Cessation d’emploi 2° raison médicale »
La travailleuse ne s’est donc pas présentée au travail le 5 octobre, refusant ainsi le travail temporairement assigné par son employeur.
Ainsi, nous voulions nous assurer que les indemnités soit non seulement suspendues, mais aussi radiées et ce à compté du 5 octobre 2009. Je vous rappelle aussi que la demande a été faite verbalement le 9 octobre 2009. Voir document en annexe à cet effet.
[…] » [sic]
[24] Le tribunal souligne toutefois qu’au dossier de la travailleuse aucune note évolutive du 9 octobre 2009 ne fait état d’une demande verbale de Mme Boutin ou de quelqu’un d’autre de la mutuelle de prévention afin d’appliquer l’article 142 de la loi.
[25] Le 25 janvier 2010, le dossier de la travailleuse est soumis au Bureau d’évaluation médicale (BEM). Dans un avis du 20 avril 2010, le Dr Réjean Grenier du BEM conclut à la consolidation de la lésion de la travailleuse en date du 23 novembre 2009 et estime les soins et traitements adéquats. Il est d'avis d'accorder une atteinte permanente de 2 % pour atteinte permanente des tissus mous avec séquelles fonctionnelles et émet des limitations fonctionnelles.
[26] Il appert d’une note évolutive du 19 février 2010 que la représentante de l’employeur a fait parvenir à la CSST une demande de suspension selon l'article 142 de la loi à compter du 5 octobre 2009 en invoquant le second alinéa de cet article. La note indique que la travailleuse a omis ou refusé d’exécuter le travail en assignation temporaire offert par l’employeur conformément à l’article 179 de la loi. L’agente de la CSST, Mme Danielle Descheneaux, écrit :
« […]
Vérification faite au dossier :
Aucun formulaire d’ATT complété par le médecin au dossier;
RME daté du 17 septembre 2009 mentionne TL si dispo (lettre de l’E signée), sinon poursuivre AT.
Lettre avec différente tâche inscrite par l’E le 9 septembre 2009 et signée par le médecin le 17septembre 2009 encadrant les tâches légères qu’il autorise, reçu de l’E le 16 décembre 2009.
RME daté du 2 octobre indiquant tendinite en résolution, décision prise en réorientation de travail.
Cessation d’emploi secondaire raison médicale.
Billet médicale du médecin signé le 2 octobre 2009 indiquant : cessation d'emploi secondaire raison médicale, reçu le 16 décembre 2009 par l’E.
Lettre de démission de la T fait le 2 octobre 2009 et reçu par l’E le 16 décembre 2009.
Cessation d’emploi fait par l’E le 9 octobre 2009 et reçu par l’E le 16 décembre 2009.
Nous contactons Mme Boutin……..le 19 fév 10 à 13h30
Nous questionnons Mme à savoir s’il ya un formulaire d’ATT qui a été présenté au médecin et signé par ce dernier pour le début de cette dernière le 5 octobre 2009.
Mme affirme qu’elle avait envoyé une lettre avec un formulaire d’ATT au médecin en septembre dernier mais qu’elle n’a jamais reçu copie de ce dernier.
Nous expliquons donc à Mme que nous rendrons une décision de refus d’appliquer l’art 142 suivant les informations que nous possédons au dossier actuellement.
Nous indiquons à Mme que si elle réussi à obtenir le formulaire d’ATT signé par le médecin en septembre dernier qu’elle devra nous en faire parvenir une copie afin que nous puissions refaire l’analyse à savoir s’il y a lieu de reconsidérer ou non la décision que nous rendons ce jour.
Mme affirme avoir bien saisi les informations transmise.
- ANALYSE ET RÉSULTAT :
Considérant que la demande de suspension des IRR selon l’art 142 reçu de l’E le 8 janvier incluait une période déjà versé à la T;
Nous concluons que nous ne pourrons accepter la demande de l’E.
Nous refusons donc d’appliquer l’article 142.
Lettre de décision rendue ce jour. » [sic]
[27] Le 22 février 2010, la CSST refuse de faire suite à la demande de l’employeur et refuse de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu conformément à l’article 142 de la loi, au motif notamment qu’elle a déjà versé à la travailleuse les indemnités auxquelles elle avait droit.
[28] Le 26 février 2010, l’employeur demande la révision de la décision du 22 février 2010. Cette dernière décision est confirmée en révision administrative le 7 avril 2010, d’où la présente requête de l’employeur.
[29] Le 6 juillet 2010, la CSST informe la travailleuse qu’après avoir analysé les conséquences de sa lésion, elle considère qu’elle est capable d’exercer son emploi à compter du 6 juillet 2010. Cette décision n’a pas été contestée.
[30] À l’audience, le tribunal a entendu le témoignage de Mme Suzanne Haché, copropriétaire du Bar-Salon Vénus depuis 21 ans.
[31] Mme Haché mentionne qu’elle connaît la travailleuse depuis plusieurs années. Cette dernière a travaillé au Bar-Salon en 1989 pendant 8 mois et ensuite de 1995 jusqu’à son accident du travail du 14 mai 2009.
[32] Mme Haché relate les événements entourant le litige. Elle explique qu’elle a remis à la travailleuse vers le 9 septembre 2009 la lettre suivante afin qu’elle l’apporte à son médecin :
« 9 septembre 09
À qui de droit,
La présente est pour décrire tel que demander la tâche de serveuse.
Servir de la bière et le fort à la demande du client et l’entretient avec ceux-ci.
Faire le petit ménage journalier, l’époussettage, le ménage des tablettes, révision des salles de bains après chaque travail et faire le remplissage du frigidaire afin de régulariser son inventaire, une caisse de bière pèse environ 25 lbs à 30 lbs.
Bien à vous
Mme Suzanne Haché
[…] » [sic]
[33] Aux environs du 17 septembre 2009, la travailleuse lui a rapporté la lettre du 9 septembre 2009 avec la note suivante de la Dre Morin rajoutée au bas :
« 090917
L’employée ne peut pour l’instant faire la ménage et lever caisse de bières. Peut servir bière et fort tel que stipulé ci haut.
P.s. À noter que CSST fourni formulaire assignation temporaire pour avoir 3 copies - employeur, employé et CSST. » [sic]
[34] Le 29 septembre 2009, Mme Haché a rencontré la travailleuse sur les lieux de travail. Elle lui a alors demandé si elle était prête à se présenter au travail le 5 octobre suivant. Mme Haché affirme que la travailleuse lui a répondu positivement. Il a été alors question d'ajouter au quart de travail de la travailleuse une autre employée pour alléger ses tâches.
[35] Par la suite Mme Haché précise qu’elle a attendu jusqu’au 5 octobre 2009 afin d'entreprendre d'autres démarches. Elle a toutefois communiqué avec Mme Chantal Boutin de sa mutuelle de prévention le 2 ou le 3 octobre 2009 pour l’informer du déroulement du dossier. Il a alors été question de « suspension » du versement de l’indemnité de remplacement du revenu de la travailleuse. Mme Haché mentionne qu’elle est partie en Floride dans les premiers jours de novembre 2009 et n’est revenue chez elle que le 16 décembre 2009.
[36] Au cours de la semaine débutant le 5 octobre 2009, Mme Haché mentionne qu’elle avait l’intention de faire travailler la travailleuse pendant environ 20 heures. Il n’était pas question que la travailleuse fasse le lavage des toilettes, ni le remplissage des réfrigérateurs de caisses de bières. Mme Haché ajoute qu’elle aurait attendu que la travailleuse soit rétablie avant que cette dernière reprenne ses tâches régulières.
[37] Le 2 octobre 2009, le mari de la travailleuse est venu remettre à Mme Haché la lettre suivante :
« La Tuque 2 oct 09
À Suzanne + Roger
Par la présente lettre je vous informe de mon arrêt de travail définitif après consultation médical un arrêt est recommandé par mon médecin, 1er encore douleur aux épaules et 2e raison personnel je dois faire attention à moi et mon moral (dépression). Donc je vous remercient pour toutes les années de travail que vous m’avez donnés et vous souhaitent bonne chance en m’excusant de vous laissés ainsi mais pas le choix c’est ma santé ou ma job. Merci de votre discrétion.
Maude » [sic]
[38] À l’audience, la travailleuse a également témoigné. Elle confirme les périodes d'emplois chez l'employeur et mentionne qu’elle voit son médecin à tous les quinze jours depuis septembre 2009.
[39] Elle se rappelle avoir remis la lettre du 9 septembre 2009 à la Dre Morin et d'avoir discuté avec elle d’un éventuel retour au travail.
[40] La travailleuse mentionne qu’elle a aussi vu par la suite la Dre Morin, le 2 octobre 2009 et que cette dernière était d’avis qu’elle n’était alors « pas assez guérie » pour un retour au travail. La Dre Morin lui a alors remis l’attestation médicale sur laquelle elle écrit « Cessation d'emploi 2° raison médicale ». La travailleuse affirme que la Dre Morin lui avait donné deux raisons médicales pour lesquelles elle ne pouvait retourner au travail.
[41] Questionnée par le tribunal, la travailleuse confirme que c’est effectivement le 2 octobre 2009 qu’elle a décidé de réorienter sa carrière. Par la suite, elle a rédigé la lettre de démission que son mari a livrée la journée même à l'employeur.
L’ARGUMENTATION DES PARTIES
[42] Dans sa courte argumentation, le représentant de l’employeur précise dans un premier temps que l’application de l’article 142 de la loi était justifiée dans le présent cas et que la travailleuse devait exécuter l’assignation de travail temporaire autorisée par son médecin ou la contester en vertu des dispositions des articles 179 et suivants de la loi.
[43] Ainsi il estime, puisque l’assignation temporaire de travail a été faite entre la survenance de la lésion et sa consolidation, que la travailleuse devait occuper l’emploi allégé et qu’à défaut, la CSST devait suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu soit à compter du 9 octobre 2009, date de l’avis verbal de la part de Mme Boutin de la mutuelle de prévention à la CSST ou subsidiairement à compter du 16 décembre 2009 date de la lettre de l'employeur à la CSST confirmant la démission de la travailleuse.
[44] En ajout à son argumentation verbale, le représentant a demandé au tribunal la décision de na pas retenir les conclusions de l’affaire Laplante et Lauzon Planchers de bois exclusifs[2] de la Commission des lésions professionnelles. Il ajoute dans sa lettre du 24 septembre 2010 :
« […] Ceci étant dit, nous n’avons que très peu de chose à ajouter à l'argumentation que nous avons livrée de vive voix lors de l’audition du 10 septembre dernier. Avec égards, la démission n’est pas un geste irréversible et l’employeur doit maintenir la disponibilité de son assignation temporaire pour que les dispositions de l'article 142 LATMP trouvent application. Ainsi, tant que cette assignation est offerte et que la travailleuse la refuse, les indemnités doivent être suspendues. Bien entendu, cette suspension doit cesser lorsque l’assignation n’est plus disponible.
En l’espèce, la preuve est claire à l'effet que l’assignation est demeurée disponible après la démission de la travailleuse. » [sic]
[45] La travailleuse ne fait, quant à elle, aucune argumentation.
L’AVIS DES MEMBRES
[46] Le membre issu des associations d'employeurs est d’avis de faire droit à la requête de l'employeur et de déclarer que la CSST devait, conformément à l’article 142 de la loi suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à la travailleuse à compter du 9 octobre 2009, soit à la date de l’avis verbal de la part de Mme Boutin de la mutuelle de prévention à la CSST.
[47] Il estime que la démission de la travailleuse empêche une assignation temporaire de travail autorisée par son médecin traitant, situation qui est visée par le sous-paragraphe e) du paragraphe 2° de l’article 142 de la loi.
[48] Pour sa part, le membre issu des associations syndicales considère que la requête de l’employeur ne devrait être pas être accueillie. Il estime que l’article 142 de la loi ne peut trouver application en cas de démission de la travailleuse.
[49] Le membre issu des associations syndicales est d’avis que la réduction ou la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu est une mesure temporaire que si on l’appliquait dans un cas de démission deviendrait une mesure définitive.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[50] L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision que la CSST a rendue le 7 avril 2010 à la suite d’une révision administrative et de déclarer qu’elle devait suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à la travailleuse soit à compter du 9 octobre 2009, date de l’avis verbal de la part de Mme Boutin de la mutuelle de prévention à la CSST ou subsidiairement à compter du 16 décembre 2009, soit à la date de la lettre adressée à la CSST de l'employeur confirmant la démission de la travailleuse. Il estime que le versement de l’indemnité de remplacement du revenu devait être suspendu puisqu’une assignation temporaire avait été autorisée par la Dre Morin, médecin de la travailleuse.
[51] Le tribunal souligne d'emblée que même en l’absence du formulaire de la CSST, une assignation temporaire peut être considérée comme valide si la preuve démontre que le médecin traitant était convaincu que la travailleuse était raisonnablement en mesure d’accomplir ce travail et que de ce fait, il répondait aux différentes conditions prévues à l’article 179 de la loi. La Commission des lésions professionnelles tient à rappeler que la jurisprudence[3] du tribunal a déjà décidé que la présence d’un formulaire spécifique d’assignation temporaire, complété par le médecin traitant du travailleur, n’était pas indispensable pour conclure à une assignation temporaire valide au sens de la loi lorsque, comme en l’espèce, il y a tout lieu de croire que les travaux légers autorisés par la Dre Morin le 17 septembre 2009 répondaient aux 3 conditions prévues à l’article 179 de la loi.
[52] Cet article stipule :
179. L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que :
1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;
2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et
3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.
Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.
__________
1985, c. 6, a. 179.
[53] La Commission des lésions professionnelles doit donc déterminer si la travailleuse continuait d’avoir droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu en raison de sa lésion professionnelle du 14 mai 2009, après avoir quitté son emploi chez l’employeur le 2 octobre 2009 alors qu’une assignation temporaire de travail était autorisée par son médecin.
[54] Les dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[4] (la loi) pertinentes à la solution du présent litige sont les suivantes.
[55] L’article 44 de la loi prévoit qu’un travailleur a droit à une indemnité de remplacement du revenu suite à une lésion professionnelle.
44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.
Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.
__________
1985, c. 6, a. 44.
[56] L’article 46 de la loi traite pour sa part de la durée de l’incapacité.
46. Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.
__________
1985, c. 6, a. 46.
[57] La fin du droit à l’indemnité de remplacement du revenu est déterminée par l’article 57 de la loi.
57. Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants :
1° lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, sous réserve de l'article 48 ;
2° au décès du travailleur; ou
3° au soixante-huitième anniversaire de naissance du travailleur ou, si celui-ci est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 64 ans, quatre ans après la date du début de son incapacité d'exercer son emploi.
__________
1985, c. 6, a. 57.
[58] La loi prévoit par ailleurs des situations pour lesquelles la CSST peut réduire ou suspendre le paiement d’une indemnité.
142. La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :
1° si le bénéficiaire :
a) fournit des renseignements inexacts;
b) refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;
2° si le travailleur, sans raison valable :
a) entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;
b) pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;
c) omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;
d) omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;
e) omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;
f) omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274 .
__________
1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.
[le soulignement est du tribunal)
[59] Suite à une lésion professionnelle, des mesures de réadaptation peuvent être appliquées pour faciliter le retour au travail d’un travailleur. L’assignation temporaire d’un travail par l’employeur constitue l’une de ces mesures.
[60] En l’espèce, il s’agit d’une travailleuse à qui l’employeur offre une assignation temporaire laquelle est autorisée le 17 septembre 2009 par le médecin qui a charge. La travailleuse doit commencer son assignation temporaire le 5 octobre 2009, mais remet plutôt sa démission le 2 octobre 2009. La lésion professionnelle de la travailleuse n’est à ce moment pas consolidée. La travailleuse ne fait pas l’assignation temporaire et elle ne la conteste pas selon la procédure prévue.
[61] L’objet du présent litige repose essentiellement sur la question de l’application de l’article 179 à la travailleuse et du maintien ou non du versement de l’indemnité de remplacement du revenu au travailleur à la suite de la cessation de ses fonctions chez l’employeur.
[62] Cette question a été abordée à quelques occasions par la jurisprudence qui a proposé certains jalons à l’interprétation des articles 179 et 142 de la loi en regard de situations reliées particulièrement à la retraite ou la démission d’un travailleur alors que ce dernier reçoit une indemnité de remplacement du revenu suite à une lésion professionnelle.
[63] La Commission des lésions professionnelles dans l'affaire Laplante et Lauzon Planchers de bois exclusifs précitée a fait une revue de cette jurisprudence. Le tribunal écrit :
[…]
[31] La Commission des lésions professionnelles a déjà considéré qu’un travailleur n’avait pas droit au versement de l’IRR après avoir démissionné de ses fonctions chez l’employeur parce qu’il refusait d’exécuter les tâches assignées temporairement conformément aux dispositions de l’article 179 de la loi2, de crainte d’aggraver sa condition médicale. On a alors souligné que le travailleur avait eu recours à la démission plutôt que d’utiliser les dispositions prévues à l’article 179 de la loi en vue de manifester son désaccord avec la recommandation de son médecin.
[32] Dans l’affaire Boudreault et Michael Rossy Ltée3, la Commission des lésions professionnelles a conclu que la suspension de l’IRR de la travailleuse était bien fondée puisque sa décision de démissionner pour des raisons personnelles avait rendu impossible l’assignation à un travail temporaire proposé par l’employeur. On y précise que l’article 179 de la loi exige l’existence d’un lien contractuel entre le travailleur et l’employeur et que la rupture de ce lien était due exclusivement de la décision de la travailleuse. Le commissaire ajoute que l’article 57 de la loi n’était pas remis en cause et que la travailleuse avait droit à l’indemnité de remplacement du revenu, mais que le versement de cette indemnité avait à bon droit été suspendu.
[33] Dans Provigo Distribution inc. et Elbenord4, la Commission des lésions professionnelles estime que la démission du travailleur équivaut à un refus d’exécuter une assignation temporaire chez l’employeur sans avoir recouru aux dispositions de la loi pour contester l’opinion de son médecin. Cette démission volontaire constitue une rupture du lien d’emploi avec l’employeur et justifie la suspension du versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[34] Certaines décisions font par ailleurs état du droit au maintien du versement de l’indemnité de remplacement du revenu suite à la démission du travailleur jusqu’alors assigné à un travail temporaire au sens des dispositions de l’article 179 de la loi. Dans l’affaire SGT 2000 inc. et Tyutyunnikov5, la commissaire estime que rien dans la loi ne prévoit qu’un travailleur doive conserver son lien d’emploi pour bénéficier des versements d’IRR et de la réadaptation. La démission a entraîné l’absence du lien d’emploi et à partir de ce moment, l’assignation temporaire devenait impossible.
[35] La Commission des lésions professionnelles a ainsi reconnu le maintien du versement de l’IRR pour une travailleuse ayant démissionné de son emploi alors qu’elle était en assignation temporaire chez l’employeur, ayant dû déménager dans une autre région6. On allègue qu’en l’absence du lien d’emploi, l’assignation s’avère impossible.
[36] Dans l’affaire Hôpital Rivière-des-Prairies et Charest7, la Commission des lésions professionnelles considère que, vu le caractère prospectif de la mesure prévue à l’article 142 de la loi, il importe de déterminer la présence ou non d’une raison valable pour le travailleur d’avoir démissionné de son emploi. Dans le cas en espèce, la commissaire refuse de suspendre le versement de l’IRR, malgré la rupture du lien d’emploi.
[37] Après avoir analysé la jurisprudence et les faits pertinents au dossier sous étude, il y a lieu de constater que la démission du travailleur en cause a mis fin au lien d’emploi avec son employeur et que l’assignation temporaire proposée par ce dernier est devenue caduque lors de ladite démission.
[38] Le soussigné est d’avis que la démission du travailleur constitue une décision qui lui est personnelle et qui par ailleurs, entraîne pour lui des conséquences importantes, dont la perte des droits qui étaient rattachés à son emploi chez l’employeur. Le fait de démissionner n’est soumis à aucune condition particulière et il s’agit là d’un droit du travailleur. On ne doit pas par ailleurs rechercher l’intention ou les motifs du travailleur à la base de sa décision.
[39] Il n’y a pas lieu davantage d’évaluer le caractère raisonnable de la ou des raisons ayant conduit ce dernier à démissionner en matière de versement de l’indemnité de remplacement du revenu au sens des dispositions de l’article 142 de la loi. La jurisprudence ne fait une telle démarche que lorsqu’il est question de retraite d’un travailleur et il n’y a pas lieu de faire de distinction entre la retraite et la démission en ce qui a droit au versement de l’IRR dans le processus entourant l’assignation temporaire prévue à l’article 179 de la loi.
[40] En fait, autant la démission que la retraite sont des mesures extrêmes et en principe définitives que prend un travailleur. Il ne s’agit pas là de situations assimilables à celles édictées par le législateur à l’article 142 de la loi quand il est question de situations où un travailleur « omet » ou « refuse » de faire un travail assigné temporairement par un employeur. On n’a pas à se demander si, par sa démission, le travailleur omet ou refuse d’accomplir un travail chez l’employeur. La démission entraîne une fin d’entente contractuelle, la rupture d’un lien d’emploi. On ne doit pas y voir un geste de contestation de la part du travailleur ni si ce dernier avait une raison valable de poser un tel geste.
[41] Le droit à une indemnité de remplacement du revenu est relié à la survenance d’une lésion professionnelle au sens de la loi et les causes d’extinction de ce droit sont spécifiquement prévues à l’article 57 de la loi. Il ressort de la lecture de cette disposition législative que la démission d’un travailleur de son emploi chez un employeur ne constitue pas une des raisons qui y sont prévues. Quant aux dispositions de l’article 142 de la loi, on doit les interpréter restrictivement car il s’agit de mesures de nature punitive et d’exception eu égard à l’esprit général de la loi, qui a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu’elles entraînent pour les bénéficiaires8 et dont l’application doit être faite de façon large et libérale.
[42] Le tribunal est d’avis que l’article 142 confère à la CSST un pouvoir de contraindre un travailleur, dans certains cas précis, à respecter les obligations prévues à la loi à défaut de quoi, son indemnité pourra être réduite ou suspendue. L’utilisation des termes « réduire » ou « suspendre » revêt un caractère temporaire et ne se veut pas permanent. D’ailleurs, les dispositions de l’article 143 prévoient la possibilité pour la CSST de non seulement mettre fin à la suspension ou la réduction d’une indemnité, mais prévoient aussi le versement rétroactif des indemnités suspendues ou réduites lorsque le motif qui a justifié sa décision n’existe plus. Il serait difficile de concevoir l’application de l’article 143 au cas d’un travailleur ayant remis sa démission à un employeur, la démission étant de par sa nature, une situation permanente et non temporaire. En d’autres termes, comment un travailleur pourrait-il bénéficier des termes de l’article 143 dans le cas d’une démission? La situation ayant mené à la suspension de l’IRR étant définitive et permanente, le travailleur ne pourrait jamais faire valoir que le motif qui avait justifié la décision n’existe plus. En d’autres termes, la suspension de l’IRR en cas de démission d’un travailleur deviendrait permanente. Ce n’est certes pas là l’intention recherchée par le législateur dans la rédaction des articles 142 et 143 de la loi.
[…]
__________________
2 Lavallée et Accès Formation Inc., CLP 143404-61-0007, 15 octobre 2000, B. Lemay
3 C.L.P. 191471-09-0210, 27 août 2003, J.M. Laliberté
4 C.L.P. 289299-71-0605 et 302165-71-0611, 31 mai 2007, M. Zigby
5 C.L.P. 158046-71-0103, 28 septembre 2001, H. Rivard
6 C.L.P. 114186-08-9904, 20 septembre 2001, S. Lemire
7 C.L.P. 280372- 63-0661, 1er mars 2007, S. Sénéchal
8 Article 1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., chapitre A-3.001)
[le soulignement est du présent tribunal]
[64] À la suite de son analyse, la Commission des lésions professionnelles conclut que le fait de démissionner ne met fin qu’au lien d’emploi avec l’employeur et n’a pas d’incidence sur son droit de continuer à recevoir l’indemnité de remplacement du revenu à laquelle il a droit en vertu des dispositions de l’article 57 de la loi. En conséquence, elle estime que la CSST ne pouvait donc, appliquer les dispositions de l’article 142.
[65] Le soussigné est en parfait accord avec ce raisonnement et estime qu’en l’espèce, la travailleuse, même si elle a démissionné le 2 octobre 2009, ne perdait pas son droit à l’indemnité de remplacement du revenu. C’est d’ailleurs essentiellement au même raisonnement qu’en arrive le tribunal dans l’affaire Hôpital Rivière-des-Prairies et Charest[5].
[66] Qui plus est, le présent tribunal ne peut souscrire au raisonnement fait dans les affaires Boudreault et Michael Rossy Ltée[6] et Provigo Distribution inc.[7] soumises par le représentant de l’employeur qui apparaissent d’une interprétation beaucoup trop restrictive et confère à l’article 142 un effet définitif. D’ailleurs, le tribunal ne retient pas l’affirmation du représentant de l’employeur qui écrit dans son complément d’argumentation que « la démission n’est pas un geste irréversible ». Le tribunal est plutôt d'avis comme l’écrit la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Laplante et Lauzon Planchers de bois exclusifs, que la démission est « de par sa nature, une situation permanente et non temporaire ».
[67] Le tribunal souligne que la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles a donné l’interprétation suivante de l’article 142 de la loi dans l’affaire Salvaggio et Asphalte et Pavage Tony inc.[8] :
« […]
En effet, l’article 142 ne permet que la réduction ou la suspension du paiement de l’indemnité de remplacement du revenu, et non pas la suspension du droit à cette indemnité.
Précisons que l’article 142 est une mesure de dissuasion créée par le législateur, ou encore, un moyen pratique d’inciter le travailleur en défaut à rencontrer, à l’avenir, ses obligations qui découlent de la loi. Il s’agit en effet d’un outil prospectif. En pratique, la Commission si elle se heurte, par exemple, au refus d’un travailleur de se présenter à un examen médical, pourra suspendre le paiement de l’indemnité pour amener le travailleur à se soumettre audit examen. Si le travailleur entend raison et se rend à l’examen, la Commission lui versera l’indemnité à laquelle il avait droit, rétroactivement à la date de suspension, en vertu de l’article 143 de la loi.
Cet exemple démontre que la suspension du paiement de l’indemnité en vertu de l’article 142 ne peut être rétroactive. Si elle est faite rétroactivement, elle prive le travailleur de la possibilité de cesser l’acte qui la motive, et de bénéficier de l’application de l’article 143 de la loi.
[…] »
[le soulignement est du présent tribunal]
[68] Ainsi, la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles qualifie ce pouvoir de dissuasif ou de mesure prospective. En cas de manquement, on cherche donc à amener le travailleur à s’amender pour l’avenir. Ce raisonnement a été repris dans plusieurs décisions de la Commission des lésions professionnelles[9].
[69] Le tribunal est donc d’avis pour les motifs qui précèdent de ne pas faire droit à la requête de l'employeur.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de l’employeur, Bar-Salon Vénus ;
CONFIRME la décision rendue le 7 avril 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative ;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était bien fondée de refuser de réduire ou de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à la travailleuse, Mme Maude Ross.
|
|
|
J. André Tremblay |
|
|
|
|
|
|
|
|
Me Réjean Côté |
|
RAYMOND CHABOT GRANT THORNTON |
|
Représentant de la partie requérante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] C.L.P. 327977-07-0709, 18 février 2009, P. Sincennes.
[3] Voir notamment à cet effet : Transylve inc. et Lavictoire, C.L.P., 357176-04B-0808, 11 décembre 2008, A. Quigley; C.H.U.Q. (Pavillon Hôtel-Dieu), C.L.P. 349341-31-0805, 7 mai 2009, Monique Lamarre; CSSS Québec-Nord et CSST, C.L.P. 369830-31-0902, 30 juillet 2009, J-L. Rivard; Supermarché Arcand 1993 inc. C.L.P., 402656-04-1002, 12 mai 2010, M. Racine.
[4] L.R.Q., c. A-3.001.
[5] C.L.P., 280372-63-0601, 293553-63-0607, 294688-63-0607, 298597-63-0609, 7 mars 2007, S. Sénéchal.
[6] C.L.P., 191471-09-0210, 27août 2003, J.M. Laliberté.
[7] C.L.P., 289299-71-0605 et 302165-71-0611, 31 mai 2007, M. Zigby.
[8] [1991] C.A.L.P. 291 .
[9] Julien et Confections St-Élie Pantalons USA, C.L.P. 109503-63-9901, 20 janvier 2000, A. Archambault; Berkline inc. et Hasler, C.L.P. 134590-73-0003, 14 décembre 2000, C-A. Ducharme; Guidi et Résidence St-Eustache, C.L.P. 182932-64-0204, 23 août 2002, L. Boucher; Griffith et Signalisation J.-P. 2000 inc., C.L.P. 168389-72-0109, 31 mars 2003, N. Lacroix; Sévigny et Perfecta Plywood Ltée, C.L.P. 249869-62-0412, 24 février 2005, M-D. Lampron; Laliberté et Corporation Développement Récréo-Touristique Nautisme Grande-Piles, [2005] C.L.P. 765 .
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.