Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Maxi-Métal inc. et Cyr

2015 QCCLP 1050

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Lévis

23 février 2015

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossiers :

557695-03B-1411   559229-03B-1412

 

Dossier CSST :

130551922

 

Commissaire :

Ann Quigley, juge administrative

 

Membres :

Céline Marcoux, associations d’employeurs

 

Francine Roy, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

557695

559229

 

 

Maxi-Métal inc.

Daniel Cyr

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

et

 

 

Daniel Cyr

Maxi-Métal inc.

Partie intéressée

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 557695-03B-1411

[1]           Le 20 novembre 2014, Maxi-Métal inc. (l’employeur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 17 novembre 2014 à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST se prononce à l’égard de deux décisions initialement rendues. Ainsi, elle confirme la décision initiale du 9 septembre 2014, déclare que la récidive, rechute ou aggravation subie par le travailleur le 27 novembre 2013 n’a entraîné aucune atteinte permanente supplémentaire à l’intégrité physique ou psychique de monsieur Daniel Cyr (le travailleur) et qu’il n’a pas droit à une indemnité pour préjudice corporel.

[3]           De même, la CSST confirme la décision initialement rendue le 8 septembre 2014, déclare qu’à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 27 novembre 2013, le travailleur est capable d’exercer son emploi de superviseur de la production depuis le 5 septembre 2014 et qu’il n’a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu.

Dossier 559229-03B-1412

[4]           Le 7 décembre 2014, le travailleur conteste également la décision rendue le 17 novembre 2014 par la CSST à la suite d’une révision administrative.

[5]           Le travailleur se représente seul à l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles siégeant à Saint-Joseph-de-Beauce, le 13 janvier 2015. L’employeur est représenté. Quant à la CSST, étant intervenue dans le dossier 559229 - 03B-1412, elle a informé par écrit le tribunal de son absence. La cause est mise en délibéré le 21 janvier 2015, à la réception des renseignements médicaux additionnels requis et des commentaires écrits des parties.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

[6]           L’employeur et le travailleur partagent les mêmes prétentions. Ils considèrent qu’à la suite de la récidive, rechute ou aggravation subie par le travailleur le 27 novembre 2013, ce dernier a droit à la réadaptation que requiert son état et, qu’à cette fin, la CSST doit considérer l’emploi qu’il occupait au moment de la survenance de la récidive, rechute ou aggravation, soit celui de journalier.

[7]           Par conséquent, l’employeur et le travailleur demandent à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le travailleur ne pouvait reprendre son emploi prélésionnel de journalier et qu’il avait ainsi droit à la réadaptation que requiert son état.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[8]           L’employeur et le travailleur demandent à la Commission des lésions professionnelles de déclarer irrégulière la procédure suivie par la CSST relativement à la détermination de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles que conserve le travailleur en vue d’établir sa capacité de travail et son droit à une indemnité pour préjudice corporel.

L’AVIS DES MEMBRES

[9]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis d’accueillir la question préliminaire soulevée par les parties.

[10]        Pour en venir à cette conclusion, les membres s’appuient notamment sur une information médicale complémentaire rédigée le 26 août 2014 par le docteur Nelson Samson, médecin qui a charge.

[11]        À leur avis, cette information médicale complémentaire n’est pas suffisamment étayée pour être conforme aux exigences de l’article 205.1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[12]        En effet, les membres constatent que le 6 mai 2014, le docteur Samson a rédigé un rapport final où il indiquait que le travailleur conservait une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles consécutives à la récidive, rechute ou aggravation du 27 novembre 2013 et qu’il ne pouvait retourner au travail dans son emploi actuel, soit celui de journalier.

[13]        Ils constatent que c’est à la suite d’une évaluation médicale effectuée par le docteur Richard Lirette, chirurgien orthopédiste mandaté par la CSST, conformément à l’article 204 de la loi, que le docteur Samson a modifié sa position, sans en informer le travailleur dans les meilleurs délais et sans étayer les conclusions justifiant son changement de position.

[14]        Par conséquent, les membres sont d’avis d’accueillir la requête portant sur une question préliminaire soumise au tribunal par les parties, d’annuler la décision rendue par la CSST à la suite d’une révision administrative le 17 novembre 2014, de même que les décisions initiales des 8 et 9 septembre 2014 portant à la fois sur l’absence d’atteinte permanente supplémentaire, le fait que le travailleur n’a pas droit à une indemnité pour préjudice corporel, sa capacité à exercer l’emploi de superviseur de la production depuis le 5 septembre 2014 et la fin du droit à l’indemnité de remplacement du revenu à compter de cette date.

[15]        Quant au fond du litige, les membres constatent que la CSST a commis une erreur en considérant l’emploi convenable de superviseur de la production en vue d’établir la capacité du travailleur plutôt que celui de journalier qu’il exerçait, dans les faits, au moment de la récidive, rechute ou aggravation du 27 novembre 2013. Ils sont donc d’opinion que la CSST devra, une fois que les conclusions médicales applicables à la récidive, rechute ou aggravation du 27 novembre 2013 seront établies, déterminer la capacité du travailleur en fonction de l’emploi qu’il occupait au moment de la récidive, rechute ou aggravation du 27 novembre 2013, soit celui de journalier.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[16]        La Commission des lésions professionnelles doit, dans un premier temps, se prononcer à l’égard de la question préliminaire soulevée par les parties relativement à la procédure d’évaluation médicale suivie par la CSST dans le dossier.

[17]        À cette fin, il apparaît utile de faire référence aux dispositions législatives applicables en l’espèce.

[18]        L’article 188 de la loi consacre le droit, pour le travailleur, à l’assistance médicale que requiert son état. Pour sa part, l’article 192 prévoit que le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix. Ce choix n’est pas sans conséquence puisqu’il confère, au médecin choisi par le travailleur, le statut de médecin qui a charge au sens de la loi.

[19]        En l’espèce, il n’est pas remis en cause que le médecin qui a charge est le docteur Nelson Samson, comme il appert d’ailleurs du suivi médical au dossier.

[20]        Conformément aux articles 199 et suivants de la loi, le médecin qui a charge a différentes responsabilités, dont celles de poser le diagnostic de la lésion professionnelle sur une attestation médicale destinée à la CSST et d’informer cette dernière de l’évolution de la condition ou des traitements requis.

[21]        Par ailleurs, l’article 203 de la loi établit que le médecin qui a charge doit rédiger un rapport final lorsque la lésion professionnelle est consolidée et y inscrire s’il considère que le travailleur conservera une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles.

[22]        L’article 204, pour sa part, prévoit la possibilité pour la CSST de faire évaluer le travailleur par un médecin qu’elle désigne à cette fin. C’est ce qui a eu lieu, en l’espèce.

[23]        En réaction à cette évaluation médicale par le médecin désigné par la CSST, le médecin qui a charge peut remplir un rapport complémentaire, dans les 30 jours de la réception de ce rapport, en vue d’étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Il doit également informer le travailleur, sans délai, du contenu de son rapport. À la réception de celui-ci, la CSST peut soumettre les deux rapports au Bureau d’évaluation médicale afin qu’il puisse se prononcer.

[24]        À ce stade-ci de son analyse, le tribunal croit utile de résumer les principaux faits du dossier, en vue de mieux cerner les questions en litige.

[25]        Le travailleur occupe l’emploi de journalier chez l’employeur, au moment où il réclame pour une maladie professionnelle, le 29 septembre 2006. La CSST reconnaît qu’il est porteur d’une tendinite bilatérale aux épaules qui est consolidée le 15 février 2007 et pour laquelle il conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique de 10,35 % et des limitations fonctionnelles que le docteur Michel Giguère, chirurgien orthopédiste, détermine comme suit :

[…]

 

Ø  Éviter le travail au-dessus de 90o avec chaque épaule.

Ø  Éviter les mouvements de rotation répétée au niveau de chaque épaule.

Ø  Éviter les positions statiques d’abduction et de flexion antérieure même inférieure à 90o avec le membre supérieur droit et gauche.

Ø  Éviter la manipulation des charges de plus de 10 à 15 livres à bout de bras avec chaque membre supérieur.

Ø  Éviter le travail en position contraignante avec force de façon répétée.

 

[…]

 

[26]        Étant donné les séquelles permanentes que conserve le travailleur, il a droit à la réadaptation que requiert son état. Dans le cadre de ce processus, le conseiller en réadaptation responsable du dossier procède d’abord à une étude du poste de travail de journalier. Puis, le 6 novembre 2007, madame Isabelle Girard, ergothérapeute et consultante en réadaptation socioprofessionnelle, visite l’entreprise exploitée par l’employeur afin de procéder à une analyse du poste de travail de journalier. Le travailleur participe à cette rencontre, tout comme le directeur de production et responsable des ressources humaines, la conseillère en réadaptation responsable du dossier, un chef d’équipe de la CSST et l’ergothérapeute.

[27]        Dans le cadre de cette analyse, madame Girard s’attarde particulièrement aux emplois convenables de superviseur et d’inspecteur de qualité. Elle analyse aussi la tâche de journalier en finition intérieure et extérieure. Au terme de son évaluation, elle conclut comme suit :

[…]

À la lumière des informations recueillies et des simulations effectuées lors de la visite, il appert que la majorité des tâches de journalier implique des mouvements aux épaules qui sont en contradiction avec les limitations fonctionnelles émises au dossier du travailleur.

 

En effet, l’action de riveter, fixer, visser, coller et trouer, selon le nombre de répétitions requises, peuvent impliquer des mouvements successifs de rotation des épaules. De fait, un mouvement répété consiste en l’exécution successive d’un même mouvement pendant un cycle donné, au cours duquel on retrouve d’autres mouvements qui impliquent des structures musculaires et articulaires différentes. En outre, ces actions ainsi que celle de tirer des joints exigent également des positions statiques en flexion antérieure ou en abduction des deux bras. Or, ces mouvements ne respectent pas les limitations fonctionnelles stipulant que monsieur Cyr doit éviter les mouvements de rotation répétée au niveau de chaque épaule et aussi éviter les postions statiques d’abduction et de flexion antérieure même inférieures à 90 °avec le membre supérieur droit et gauche.

 

En outre, on retrouve des postures contraignantes avec force, effectuées de façon répétée, également contre-indiquées par le Dr Giguère, lorsque le travailleur doit visser, tarauder ou fixer des éléments de finition nécessitant plusieurs pièces de quincaillerie (vis ou autres) à bout de bras ou en rotation prononcée des épaules. La limitation en lien avec le travail en position contraignante avec force de façon répétée n’est donc pas respectée non plus.

 

Enfin, le travailleur n’est pas soumis à un travail au-dessus dc 90 degrés avec chaque épaule et à la manipulation de charge de plus de 10 à 15 livres à bout de bras avec chaque membre supérieur étant donné qu’il a décidé, conjointement avec son employeur, de ne plus faire les tâches demandant de telles exigences physiques dans son emploi convenable. Les limitations concernant ces exigences physiques sont donc respectées. II continue cependant à soulever certaines charges (pesées, étau amovible, outils, etc.) tout en la maintenant le plus près de lui. Cette façon de faire est possible puisqu’il n’y a pas de limitation fonctionnelle à cet égard.

 

En résumé, les emplois convenables de superviseur et d’inspecteur qualité respectent les limitations fonctionnelles émises au dossier, à l’exception de certaines tâches qui se rapportent au travail de journalier en finition intérieure et extérieure. En effet, ces tâches ont des exigences physiques qui, dans certains cas, outrepassent les limitations fonctionnelles émises au dossier. Cela ne signifie pas toutefois que le travailleur doit s’abstenir d’effectuer toutes modifications lorsqu’il inspecte les véhicules. En effet, plusieurs tâches n’ont pu être analysées lors de la visite, cependant, il est clair que le travailleur respecte ses limitations en faisant de petites retouches de peinture au pinceau d’artiste sur un seuil d’entrée, en passant un linge sur le siège du conducteur pour enlever la poussière ou une petite tache ou encore en validant le type de vis à utiliser lors du vissage d’une certaine pièce de mobilier. En fait, le travailleur sait, par les enseignements qui ont été donnés, qu’il doit travailler le plus possible de façon à conserver les coudes collés près de son corps afin de garder les épaules en position neutre. De cette façon, il lui est possible d’accomplir tout de même plusieurs tâches de corrections lorsqu’il règle les non-conformités résultant des inspections. Par ailleurs, en ce qui concerne les formations à donner aux nouveaux employés en finition, l’employeur et le travailleur œuvrent conjointement pour faire en sorte que monsieur Cyr n’ait plus à les donner puisque dans leur ensemble, elles ne respectent pas les limitations fonctionnelles émises au dossier du travailleur.

 

[…]

 

[nos soulignements]

 

[28]        Il appert également du dossier que l’employeur a fourni une description du poste de journalier occupé par le travailleur préalablement à sa réclamation pour maladie professionnelle en 2006. Il apparaît utile de la reproduire en l’espèce :

[…]

Description des tâches :

-       Préparer des composantes : laver, sabler, assembler, coller, fixer, visser, riveter, trouer, gratter, couper, des composantes déjà pré-fabriqués ou assemblées;

-       Occasionnellement, taquer ou souder quelques pièces.

-       Poser des pièces simples, de la quincaillerie, des tapis sur ou dans les

-       aménagements / dans les carrosseries ou camions;

-       Fabriquer / installer / fixer des composantes sur ou dans les aménagements /  dans les carrosseries ou sur les porteurs, selon les règles de l’art.

-       Faire le transport des pièces dans divers départements, manuellement, à l’aide d’un chariot, d’un chariot élévateur et/ou d’un pont roulant.

-       Assurer la maintenance générale de l’usine (nettoyer, classer, ramasser, ranger, etc.);

-       Assister, dans leur travail, les autres types de métiers de l’entreprise;

-       Occasionnellement, effectuer de brefs remplacement au magasin;

-       Nettoyer les camions avant la livraison;

-       Faire et compléter le contrôle de qualité en regard du travail effectué;

-       Effectuer d’autres tâches connexes à la demande de son Responsable. [sic]

 

[…]

 

[29]        En s’appuyant sur l’étude de poste, la conseillère en réadaptation conclut que le travailleur a la capacité d’occuper l’emploi de superviseur de la production. La CSST rend donc une décision en ce sens et détermine que le travailleur a la capacité d’exercer cet emploi à compter du 26 mars 2008.

[30]        Le travailleur témoigne à l’audience et informe le tribunal qu’il a occupé cet emploi de superviseur jusqu’au 7 novembre 2013. Ce poste lui a été retiré à la suite de l’arrivée d’un nouveau superviseur. Le travailleur a donc été réaffecté à son emploi prélésionnel de journalier qu’il a occupé pendant moins de trois semaines puisque le 27 novembre 2013, il a cessé le travail pour consulter la docteure Hélène Théberge, en lien avec des problèmes aux deux épaules de la même nature que ceux ressentis en 2006.

[31]        Le tribunal a demandé au travailleur de produire les notes de consultation pour cette période, ce qu’il a fait après l’audience. Il appert de la note rédigée par la docteure Théberge le 27 novembre 2013 qu’il se plaint de douleurs aux épaules qui ont repris depuis plusieurs semaines à la suite d’un changement d’affectation. Elle note qu’il est passé du poste de contremaître à celui d’employé et que l’employeur ne respectait pas les limitations fonctionnelles déterminées en 2008. Elle conclut à une récidive de la tendinite et rédige un rapport médical destiné à la CSST où elle pose le diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche. Elle y inscrit « récidive, rechute ou aggravation » et indique les mouvements que le travailleur doit éviter d’effectuer.

[32]        À compter du 18 décembre 2013, le travailleur est pris en charge par le docteur Nelson Samson qui, à l’examen physique, note une douleur à l’élévation et à la rotation interne, de même que des douleurs aux mouvements contrariés du sus-épineux et de la coiffe, et un abutement. Il pose le diagnostic de tendinopathie des deux épaules, à gauche plus important qu’à droite, prescrit des radiographies des épaules et rédige un rapport médical destiné à la CSST où il prolonge l’arrêt de travail jusqu’au 20 janvier 2014.

[33]         Le 14 janvier 2014, le travailleur revoit le docteur Samson qui réitère le même diagnostic. Il prolonge l’arrêt de travail, en plus de prescrire des traitements de physiothérapie.

[34]        Lors de la consultation du 4 février 2014, le docteur Samson note une amélioration de sa condition de 40 %. Il maintient l’arrêt de travail et la physiothérapie.

[35]        Le travailleur fait l’objet d’un suivi régulier auprès du docteur Samson qui, le 6 mai 2014, rédige un rapport médical final après avoir constaté qu’il n’y avait pas d’amélioration depuis la visite subséquente. Il réitère le diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs plus importante à gauche qu’à droite, recommande de cesser les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie, et indique que le travailleur « peut retourner au travail, mais pas à son travail actuel ». Il consolide la lésion en date du 6 mai 2014 et coche la case indiquant que le travailleur conservera une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles. Il mentionne qu’il n’entend pas procéder à l’évaluation des séquelles permanentes.

[36]        Le 6 mai 2014, l’agente d’indemnisation communique avec le travailleur relativement au suivi médical dont il fait l’objet. Le travailleur l’informe que le docteur Samson a rédigé un rapport final dont il a copie. En réponse à une interrogation de l’agent d’indemnisation, il indique que son médecin considère qu’il y aura des limitations fonctionnelles additionnelles après celles émises par le docteur Giguère en 2007. Son médecin de famille lui propose d’ailleurs d’être évalué par le docteur Giguère, mais, après vérification, le travailleur constate que le délai pour obtenir un rendez-vous est beaucoup trop long. Après une vérification de la CSST, il appert que le docteur Giguère n’était pas le médecin traitant du travailleur en 2007, mais avait plutôt été mandaté par celle-ci, en vertu de l’article 204 de la loi. Elle entend donc communiquer avec lui afin qu’il puisse procéder à une nouvelle évaluation, en vertu de l’article 204. Il appert des notes que, finalement, le docteur Giguère n’était pas disponible suffisamment rapidement, ce mandat a donc été confié au docteur Lirette, chirurgien orthopédiste, conformément à l’article 204.

[37]        Il appert du rapport du docteur Lirette du 7 août 2014 que le travailleur l’informe qu’il a occupé l’emploi de contremaître chez l’employeur jusqu’au 6 novembre 2013 et que, par la suite, en raison de la suppression de son poste, il est redevenu journalier.

[38]        Au terme de son évaluation, le docteur Lirette se dit d’accord avec les diagnostics retenus par le médecin qui a charge. Il dresse le bilan suivant des séquelles :

            […]

En accord les diagnostics retenus :

 

Considérant l’examen fait aujourd’hui;

 

102383 Atteinte des tissus mous épaule droite avec séquelles objectivées, DAP :

2 %

104906 Perte d’élévation antérieure de 20 degrés épaule droite, DAP : 1 %

102383 Atteinte des tissus mous épaule gauche avec séquelles objectivées, DAP :

2 %

104906 Perte d’élévation antérieure de 20 degrés épaule gauche, DAP : 1 %

 

Séquelles antérieures : (Expertise Dr Michel Giguère)

 

102383 Atteinte épaule droite, DAP : 2 %

104906 Perte de 20 degrés d’élévation épaule droite, DAP : 1 %

102383 Atteinte épaule gauche, DAP : 2 %

104906 Perte de 20 degrés d’élévation épaule gauche, DAP : 1 %

 

Autres séquelles : (Bilatéralité)

 

102383 Atteinte épaule droite, DAP : 2 %

104906 Perte d’élévation de 20 degrés épaule droite, DAP : 1 %

 

[…]

 

[39]        Relativement aux limitations fonctionnelles, il est d’opinion qu’il n’y en a aucune à ajouter à celles déjà émises par le docteur Giguère qu’il reproduit intégralement à son rapport.

[40]        Il appert également des notes évolutives que le 11 juin 2014, l’employeur transmet à la conseillère en réadaptation la description du poste de journalier qu’il a occupé de nouveau à compter du début de novembre 2013. Cette description est la même que celle qu’elle a analysée en 2006 dans le cadre du processus de réadaptation.

 

[41]        Dans le cadre de son témoignage, le travailleur a affirmé que le poste qu’il a occupé à compter de novembre 2013 était le même que celui qu’il occupait avant 2006, hormis certaines améliorations, en ce qui concerne les équipements disponibles, comme les échelles et les escabeaux. Le travailleur insiste également sur le fait qu’entre 2006 et 2013, il a toujours ressenti des douleurs aux épaules, mais avait la possibilité de changer de tâches en étant au poste de superviseur de la production, ce qui lui permettait de diminuer la douleur et de garder un certain contrôle sur la douleur résiduelle. Ce n’est qu’après avoir repris en totalité les tâches de journalier que ses douleurs aux épaules se sont intensifiées rapidement.

[42]        Il appert des notes évolutives que le 20 août 2014, l’agente d’indemnisation communique avec le docteur Samson et lui transmet un formulaire d’information médicale complémentaire écrite pour suivi. Ce même jour, elle communique avec le travailleur pour l’informer de la réception de l’évaluation du docteur Lirette et lui expliquer les conclusions de celle-ci. Elle l’informe que pour l’instant la CSST n’est pas liée par cette expertise pour laquelle elle attend une confirmation du bureau médical de la CSST. Elle lui explique qu’après coup, elle sera transmise au docteur Samson accompagné d’un formulaire d’information médicale complémentaire. Elle lui dit également qu’il devra prendre rendez-vous avec le docteur Samson pour discuter avec lui des conclusions de l’expertise. Elle lui précise que si son médecin n’est pas d’accord avec les conclusions du docteur Lirette, la CSST devra acheminer le dossier au Bureau d’évaluation médicale.

[43]        Le 2 septembre 2014, le travailleur communique avec l’agente d’indemnisation pour lui indiquer qu’il ne peut obtenir de rendez-vous avec le docteur Samson avant le 9 octobre suivant. Il s’inquiète de l’impact que cela peut avoir sur son dossier. L’agente lui indique qu’elle va attendre qu’il ait vu son médecin traitant avant de procéder.

[44]        Le 2 septembre 2014, le travailleur communique avec la conseillère en réadaptation pour avoir des précisions à l’égard d’une éventuelle réadaptation professionnelle. Lors de cet échange, la conseillère en réadaptation lui mentionne que s’il n’y a pas de nouvelles limitations fonctionnelles, il ne pourra pas bénéficier d’un nouveau processus de réadaptation. Il sera plutôt considéré comme apte à retourner au travail chez l’employeur. Elle lui indique qu’elle pourrait cependant appeler son employeur pour le sensibiliser au respect des limitations fonctionnelles établies à la suite de l’événement d’origine, en vue d’éviter de nouvelles récidives, rechutes ou aggravations. Le travailleur lui fait alors part de sa préoccupation relative à la décision de l’employeur de ne pas le reprendre. La conseillère en réadaptation l’informe sur ses droits en vertu de l’article 32 de la loi, dans de telles circonstances.

[45]        La conseillère en réadaptation l’avise qu’elle a reçu la description des tâches que le travailleur effectuait, au moment de la récidive, rechute ou aggravation de novembre 2013. Elle s’engage à effectuer une comparaison afin de voir si les tâches décrites sont les mêmes que celles de l’emploi prélésionnel analysé dans le cadre de l’événement d’origine. Elle s’engage également à le tenir informé de ses démarches.

[46]        À la réception de l’information médicale complémentaire rédigée par le docteur Samson, la CSST rend une décision de capacité, le 8 septembre 2014, déclarant que le travailleur a la capacité d’exercer son emploi depuis le 5 septembre 2014 et qu’il n’a donc plus droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter de cette date. Il appert de la note évolutive rédigée par l’agente d’indemnisation à cette période qu’elle a reçu la réponse du docteur Samson avant qu’il n’ait eu le temps de revoir le travailleur.

[47]        L’agent d’indemnisation communique avec le travailleur pour l’informer que le docteur Samson est d’accord avec les conclusions du docteur Lirette concernant l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. Elle lui souligne que cela implique qu’en l’absence de limitation fonctionnelle supplémentaire, elle ne peut transférer son dossier en réadaptation et doit rendre une décision de capacité, le même jour, concluant qu’il est capable de refaire son emploi. Elle l’informe également de son droit de contestation et lui propose de maintenir son rendez-vous avec le docteur Samson en octobre 2014 pour pouvoir discuter de la situation.

[48]        Le 11 septembre 2014, la conseillère en réadaptation communique avec un représentant de l’employeur pour l’informer des résultats de l’évaluation des séquelles permanentes. Il appert de notes évolutives rédigées à la suite de cette conversation téléphonique que l’employeur se dit « embêté » de réaffecter le travailleur au poste qu’il occupait en novembre 2013, en raison des risques de récidive, rechute ou aggravation. La conseillère rappelle à l’employeur qu’au départ, lors de la réclamation initiale, la CSST avait conclu qu’il n’était plus en mesure de refaire son emploi de journalier, en raison des limitations fonctionnelles qu’il conserve. L’employeur mentionne qu’il ne peut réaffecter le travailleur au poste de superviseur de la production, car il ne répond plus aux exigences de celui-ci, en raison des nombreux changements intervenus dans l’entreprise et du marché qui a évolué. Contrairement à la version du travailleur, l’employeur dit qu’à son retour au poste de journalier au début novembre 2013, le travailleur n’effectuait pas toutes les tâches de journalier, ce que nie le travailleur à l’audience. L’employeur n’a fait entendre aucun témoin pour corroborer ses dires.

[49]        Le 12 septembre 2014, le travailleur communique avec l’agente d’indemnisation pour lui relater une rencontre tenue avec l’employeur où ce dernier n’est pas « chaud à l’idée » de le garder au poste de journalier, en raison des risques évidents de récidive, rechute ou aggravation. Il va donc mettre fin à son emploi et remplir un formulaire de cessation d’emploi.

[50]        La CSST confirme les décisions rendues respectivement les 8 et 9 septembre 2014, en regard de l’absence d’atteinte permanente supplémentaire et au fait que le travailleur n’a pas droit à une indemnité pour préjudice corporel, de même qu’à l’égard de sa capacité à exercer son emploi depuis le 5 septembre 2014, ce qui met fin au droit à l’indemnité de remplacement du revenu. La CSST confirme ces décisions à la suite d’une révision administrative et le tribunal est actuellement saisi d’une requête à l’encontre de celles-ci.

[51]        Les parties soutiennent que la procédure d’évaluation médicale est irrégulière puisqu’elle ne respecte pas les dispositions de la loi et particulièrement l’article 205.1 qui prévoit qu’un médecin qui rédige un rapport complémentaire en réaction à une expertise médicale obtenue, soit du médecin désigné par l’employeur, soit par la CSST, doit fournir par écrit les motifs en vue d’étayer ses conclusions.

[52]        Au soutien de leurs prétentions, les parties s’appuient notamment sur une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Hammani et Fabricants de Plastique fédéral ltée[2], où le tribunal a eu à se prononcer dans un contexte comportant des faits similaires à la présente affaire. Dans cette affaire, le travailleur demandait à la Commission des lésions professionnelles de déclarer irrégulière la procédure suivie par la CSST pour la détermination de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles servant notamment à statuer sur sa capacité à exercer son emploi. Il ressort de cette décision que le travailleur était suivi par le docteur Dahan qui a rédigé un rapport final où il coche la case indiquant que le travailleur conservera une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles. Le travailleur ne le revoit pas par la suite.

[53]        Sur la base de l’examen effectué le jour où il a rédigé le rapport final, soit le 18 juin 2008, le docteur Dahan rédige, le 27 juin 2008, un rapport d’évaluation médicale qui sera ultérieurement transmis à la CSST, où il est d’opinion que le travailleur conserve un déficit anatomophysiologique de 4 % et, relativement aux limitations fonctionnelles, il est d’avis que le travailleur est totalement incapable de faire un travail avec son membre supérieur droit.

[54]        Le travailleur est éventuellement évalué par le docteur Proulx, plasticien, à la demande de la CSST, conformément à l’article 204 de la loi. Au terme de son évaluation, il conclut à un déficit anatomophysiologique de 0 % et à l’absence de limitation fonctionnelle. En réaction à cette évaluation du docteur Proulx, le docteur Dahan se dit d’accord avec ces conclusions.

[55]         Il appert des faits de ce dossier que le travailleur n’a jamais été avisé par son médecin traitant de l’existence du rapport complémentaire qu’il a rédigé et qu’il n’en a appris l’existence qu’ultérieurement par l’intermédiaire de la CSST. À la lumière de ce rapport complémentaire, la CSST a annulé une demande de référence au Bureau d’évaluation médicale qu’elle avait effectuée au préalable et rendu deux décisions. La première conclut que l’atteinte permanente est établie à 0 %, ne donnant pas droit à une indemnité pour préjudice corporel. Dans la seconde décision, la CSST conclut que le travailleur est capable d’exercer son emploi et qu’il n’a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu, en l’absence d’atteinte permanente à l’intégrité physique et de limitation fonctionnelle.

[56]        Il appert de cette décision que la Commission des lésions professionnelles a précisé la notion de « étayer ses conclusions » qui apparaît à l’article 205.1 de la loi. Il apparaît pertinent d’y faire référence :

 

[26]      « Étayer ses conclusions » implique que le médecin énonce les éléments sur lesquels il appuie ses conclusions et donne des explications. Cette étape est d’autant plus importante lorsque le médecin qui a charge du travailleur, comme en l’espèce, change son opinion pour se rallier à celle du médecin désigné de la CSST. Cette nouvelle opinion du médecin qui a charge du travailleur revêt alors le caractère liant qui laisse le travailleur sans recours, concernant les questions d’ordre médical, conformément au second alinéa de l’article 358 de la loi :

358.  Une personne qui se croit lésée par une décision rendue par la Commission en vertu de la présente loi peut, dans les 30 jours de sa notification, en demander la révision.

 

Cependant, une personne ne peut demander la révision d'une question d'ordre médical sur laquelle la Commission est liée en vertu de l'article 224 ou d'une décision que la Commission a rendue en vertu de la section III du chapitre VII ni demander la révision du refus de la Commission de reconsidérer sa décision en vertu du premier alinéa de l'article 365.

 

Une personne ne peut demander la révision de l'acceptation ou du refus de la Commission de conclure une entente prévue à l'article 284.2 ni du refus de la Commission de renoncer à un intérêt, une pénalité ou des frais ou d'annuler un intérêt, une pénalité ou des frais en vertu de l'article 323.1.

__________

1985, c. 6, a. 358; 1992, c. 11, a. 31; 1996, c. 70, a. 40; 1997, c. 27, a. 14; 2006, c. 53, a. 26.

 

[nos soulignements]

 

 

[57]        De même, toujours dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles rappelle que l’article 205.1 de la loi n’a pas pour effet d’empêcher le médecin qui a charge de modifier son opinion dans un rapport complémentaire. Cependant, le tribunal insiste sur l’importance de documenter ses conclusions s’il le fait :

[27]      La jurisprudence reconnaît que l’article 205.1 de la loi n’a pas pour effet d’empêcher le médecin qui a charge du travailleur de modifier son opinion dans un rapport complémentaire. Cependant, en raison des conséquences juridiques importantes que ce geste peut entraîner, le médecin qui a charge du travailleur doit étayer ses conclusions. Son opinion doit être claire, limpide, non ambiguë et ne doit pas porter à interprétation.

 

[notre soulignement]

 

 

[58]        Le tribunal insiste également sur les lourdes conséquences qu’un changement d’opinion de la part du médecin qui a charge a sur le travailleur. Il s’exprime comme suit :

[31]      Ce changement d’opinion du docteur Dahan est lourd de conséquences pour le traitement ultérieur du dossier du travailleur. Il nécessite davantage d’explications que la seule allégation d’être en accord avec l’évaluation minutieuse du docteur Proulx. L’adjectif utilisé pour qualifier l’évaluation du docteur Proulx ne constitue pas une explication suffisante au changement d’opinion, lequel n’est pas étayé.

 

[32]      Pour étayer ses conclusions, le docteur Dahan aurait pu, par exemple, comparer des éléments contenus dans son rapport d’évaluation médicale avec ceux contenus dans le rapport du docteur Proulx et expliquer les raisons pour lesquelles il retient désormais tel ou tel élément.

 

[33]      Il n’appartient pas au tribunal de se livrer à un exercice d’interprétation pour comprendre le changement d’opinion qui n’est pas expliqué par son auteur. Ce changement d’opinion doit être clair, limpide et connu du travailleur avant que le tribunal n’ait à statuer puisque l’article 205.1 de la loi exige que le médecin qui a charge du travailleur l’informe, sans délai, du contenu de son rapport. L’expression « sans délai » réfère à l’époque de l’émission du rapport.

 

[nos soulignements]

 

[59]        Sur la base des motifs préalablement énoncés, la Commission des lésions professionnelles, dans cette affaire, accueille le moyen préalable soulevé par le travailleur, déclare irrégulier le rapport complémentaire du docteur Dahan, annule la partie de la décision de la CSST portant sur la capacité du travailleur à exercer son emploi et sur la fin du droit à l’indemnité de remplacement du revenu, tout comme celle portant sur l’atteinte permanente à l’intégrité physique et l’absence de l’indemnité pour préjudice corporel.

[60]        La soussignée souscrit à cette analyse et aux conclusions auxquelles en vient le tribunal sur cette base.

[61]         Plus récemment, dans l’affaire Simard et Crocs Canada inc.[3], la Commission des lésions professionnelles a conclu dans le même sens. Dans cette affaire, le tribunal conclut que le rapport complémentaire du médecin qui a charge n’est pas étayé et s’appuie également sur le fait qu’il n’a procédé à aucun examen médical de la travailleuse au moment de la production de ce rapport complémentaire, soit plus de cinq mois après l’émission de son rapport final. La Commission des lésions professionnelles conclut que le rapport complémentaire est nul et ordonne à la CSST de soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale afin qu’il puisse se prononcer sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles qui résultent de la lésion professionnelle subie par la travailleuse.

[62]        Dans notre dossier, trois mois et demi se sont écoulés entre la rédaction du rapport final du docteur Samson et la rédaction de l’information médicale complémentaire écrite, tenant lieu de rapport complémentaire.

[63]        À la lumière des dispositions législatives applicables et de la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles, le tribunal en vient à la conclusion qu’en l’espèce, l’information médicale complémentaire produite par le docteur Samson le 26 août 2014 en ces termes : « Je suis d’accord avec les conclusions du Dr Richard Lirette. Je suis également d’accord les atteintes permanentes et les limitations fonctionnelles retenues par le Dr Lirette [sic] », doit être annulée puisqu’elle ne respecte pas les prescriptions de l’article 205.1 de la loi.

[64]        En effet, le tribunal constate que, d’une part, entre le 6 mai 2014, date de l’émission du rapport final, et le 26 août 2014, date où le docteur Samson rédige une information médicale complémentaire écrite, il n’a pas revu le travailleur.

[65]        D’autre part, lors de la consultation du 6 mai 2014, le docteur Samson avait laissé entendre au travailleur qu’il allait conserver une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles additionnelles à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 27 novembre 2013, et qu’il ne serait plus en mesure d’effectuer son emploi actuel, soit celui de journalier.

[66]        La soussignée est d’accord avec la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles qui a reconnu la possibilité pour un médecin qui a charge de modifier les conclusions émises dans un rapport final, dans la mesure où il les étaye et les documente. Tel n’est pas le cas en l’espèce.

[67]        En effet, près de trois mois et demi se sont écoulés entre la rédaction du rapport final et celle de l’information médicale complémentaire. Au cours de cette période, le travailleur n’a pas vu le docteur Samson et ce dernier n’a pas communiqué avec lui, sans délai, au moment où il a transmis à la CSST l’information médicale complémentaire, soit le 26 août 2014. C’est plutôt l’agente d’indemnisation qui a informé le travailleur, le 4 septembre 2014. Pourtant, préalablement à cette conversation téléphonique, le travailleur avait tenté d’obtenir un rendez-vous rapide avec son médecin, dès le début septembre 2014. Cependant, ce dernier n’était pas disponible avant le 9 octobre suivant.

[68]        Ainsi, d’une part, le médecin qui a charge n’a pas étayé ou documenté la modification de ses conclusions relativement à l’atteinte permanente et aux limitations fonctionnelles, et, d’autre part, il n’a pas informé, sans délai, le travailleur du changement de position.

[69]        Par conséquent, le tribunal conclut que l’information médicale complémentaire écrite rédigée par le docteur Samson le 26 août 2014 doit être annulée puisqu’elle n’est pas régulière, ne suivant pas les prescriptions de la loi.

[70]        En conséquence, la CSST n’est pas liée par l’opinion du docteur Samson qui fait siennes les conclusions du docteur Lirette relatives à l’atteinte permanente à l’intégrité physique et aux limitations fonctionnelles. Les décisions, portant sur ces questions d’ordre médical et les droits qui en découlent, doivent être annulées.

[71]        Ainsi, la Commission des lésions professionnelles annule la décision rendue par la CSST le 17 novembre 2014 à la suite d’une révision administrative et les décisions initiales des 8 et 9 septembre 2014 portant sur l’absence d’atteinte permanente supplémentaire à l’intégrité physique et le fait que le travailleur n’a pas droit à une indemnité pour préjudice corporel, sa capacité d’exercer l’emploi de superviseur de la production à compter du 9 septembre 2014 et la fin du droit à l’indemnité de remplacement du revenu à compter de cette même date.

[72]        En raison de l’annulation de ces décisions, les parties doivent être replacées dans l’état où elles étaient préalablement à l’opinion médicale annulée. Le dossier contenait alors le rapport final rédigé par le docteur Samson le 6 mai 2014 et le rapport d’expertise médicale du docteur Lirette obtenu par la CSST conformément à l’article 204 de la loi, le  7 août 2014.

[73]        Dans ce contexte, il appartiendra à la CSST de déterminer si elle se déclare liée par le rapport final rédigé par le docteur Samson et de demander au travailleur de se faire évaluer par le médecin qui a charge ou par toute autre médecin vers lequel il le dirigera en vue d’établir les séquelles permanentes qu’il conserve à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 27 novembre 2013 ou si elle demande que le dossier soit acheminé au Bureau d’évaluation médicale afin qu’il puisse se prononcer.

[74]        Ceci étant établi, étant donné les conclusions auxquelles en arrive le tribunal relativement à la question préliminaire, soit l’irrégularité de la procédure suivie par la CSST en ce qui a trait à l’évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles et, subséquemment, de la capacité de travail du travailleur, le tribunal ne peut se prononcer, à ce stade-ci, sur le fond du litige. De même, il ne lui apparaît pas utile de se prononcer eu égard aux autres arguments soulevés par les parties.

[75]        Néanmoins, une fois que les conclusions de nature médicale auront été établies, il appartiendra à la CSST d’évaluer la capacité de travail du travailleur en analysant l’emploi qu’il occupait au moment où il a subi la récidive, rechute ou aggravation du 27 novembre 2013, soit celui de journalier, et non l’emploi convenable de superviseur de la production que le travailleur n’effectuait pas à ce moment.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la question préliminaire soulevée par les parties;

DÉCLARE irrégulière l’information médicale complémentaire rédigée par le docteur Nelson Samson, le 26 août 2014;

ANNULE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 17 novembre 2014 à la suite d’une révision administrative;

ANNULE la décision initiale rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 9 septembre 2014 déclarant que la récidive, rechute ou aggravation subie par le travailleur le 27 novembre 2013 n’a entraîné aucune atteinte permanente supplémentaire à l’intégrité physique ou psychique et qu’il n’a pas droit à une indemnité pour préjudice corporel.

ANNULE la décision initiale rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 8 septembre 2014 déclarant qu’à la suite de la récidive, rechute ou aggravation du 27 novembre 2013, le travailleur est capable d’exercer son emploi de superviseur de la production depuis le 5 septembre 2014 et qu’il n’a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu.

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin qu’elle puisse procéder au suivi du dossier du travailleur eu égard aux conclusions médicales relatives à la récidive, rechute ou aggravation du 27 novembre 2013.

 

 

__________________________________

 

Ann Quigley

 

 

 

 

Me Chantale Lemay

G.P.I QUÉBEC INC.

Représentante de l’employeur

 

 

Me Lucie Rondeau

Vigneault thibodeau Bergeron

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           RLRQ, c. A-3.001.

[2]           C.L.P. 376688-71-0904, 1er juin 2010, L. Crochetière.

[3]           2014 QCCLP 3931. Voir au même effet : Guitard et Peinture G. & R. Lachance inc., 2011 QCCLP 2731; Meubles Lorenz et D’Angelo, 2011 QCCLP 1491.

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