Boucher et Secrétariat du Conseil du Trésor |
2016 QCCFP 13 |
COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DOSSIERS Nos: |
1301554 1301555 1301556 1301557 |
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DATE : |
3 juin 2016 |
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DEVANT LA COMMISSAIRE : |
Me Nour Salah |
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Jean-François Boucher François Michaud Daniel Piché Miguel Deschênes |
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APPELANTS
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Secrétariat du Conseil du trésor |
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INTIMÉ |
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DÉCISION INTERLOCUTOIRE |
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(Articles
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CONTEXTE |
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[1]
Le 24 mai 2016, les appelants MM. Jean-François Boucher, François Michaud,
Daniel Piché et Miguel Deschênes déposaient chacun un appel devant la
Commission de la fonction publique (ci-après nommée la
« Commission ») en vertu de l’article
[2] La demande des appelants fait suite à la décision du Secrétariat du Conseil du trésor (ci-après nommé le « SCT ») de ne pas retenir leur candidature dans le cadre du processus de qualification 63001PS01600001 - Directrice générale ou directeur général dans le domaine des ressources informationnelles, cadre - classe 1. Ce processus de qualification vise à pourvoir un emploi actuellement disponible au Sous-secrétariat du dirigeant principal de l’information du SCT et, aussi, à pourvoir à d’éventuels emplois réguliers au sein des ministères et des organismes des régions administratives de la Capitale-Nationale et de Montréal.
[3] La décision du SCT est fondée sur le fait que les appelants ne possédaient pas le nombre d’années d’expérience requis dans des activités d’encadrement de niveau équivalent à la classe 3 dans le domaine des ressources informationnelles, incluant une année caractérisée par la supervision d’au moins un cadre.
[4]
Le premier examen du processus de qualification contesté aura lieu le
samedi 4 juin 2016. Ainsi, les appelants demandent, dans l’urgence, à la
Commission d’émettre une ordonnance interlocutoire en vertu de l’article
[5] Lors de la conférence téléphonique préparatoire, la Commission a également reçu une demande d’intervention déposée par l’Alliance des cadres de l’État (ci-après nommée « l’Alliance »). Cette dernière est une association qui défend les intérêts et les droits des cadres de la fonction publique québécoise, notamment aux fins des relations de travail, conformément au Décret 648-2012 du 27 juin 2012. Le SCT s’y oppose.
[6] Les
appelants plaident qu’ils ont été brimés dans leur droit de participer au
processus de qualification et que d’aucune façon, ce droit ne pourra être
substitué ou encore replacé à l’issu du litige. Ainsi, seule la Commission a le
pouvoir d’y remédier en rendant une ordonnance interlocutoire en vertu de
l’article
LES MOTIFS
[7] La Commission statue dans cette décision sur deux questions. Premièrement, sur l’opportunité d’émettre une ordonnance interlocutoire et par la suite, elle analyse la recevabilité de la demande d’intervention de l’Alliance.
[8] Afin de rendre sa décision, la Commission a examiné l'ensemble de la preuve déposée lors de l’audience et l’argumentation des parties. Ainsi, la Commission va succinctement exposer son raisonnement dans les prochains paragraphes.
1. L’ordonnance interlocutoire
[9] La Commission insiste sur le fait qu’une ordonnance interlocutoire est de nature exceptionnelle, elle doit donc être accordée prudemment. Les appelants, sur lesquels repose le fardeau de la preuve, doivent démontrer à la Commission qu’ils remplissent les trois critères suivants : l’apparence de droit, le préjudice irréparable et la balance des inconvénients.
L’apparence de droit
[10] D’après la
Commission, les appelants ont réussi à démontrer une apparence de droit. Les
appelants possèdent l’intérêt juridique pour contester en vertu de l’article
[11] Les appelants considèrent que le processus de qualification ajoute des exigences additionnelles qui ne tiennent pas compte de la nature et des particularités de l'emploi faisant l'objet du processus de qualification. Ils démontrent ainsi prima facie à la Commission que leur appel porte sur une question sérieuse qui mérite d’être approfondie lors d’une audience sur le fond.
Le préjudice sérieux ou irréparable
[12] Malgré le
plaidoyer étayé des appelants[1] qui reprend l’ensemble
des critères nécessaires pour que soit rendue une ordonnance interlocutoire, un
élément majeur faisait défaut, soit une preuve pouvant contrer l’application de
l’article
53.0.1. Pour un même appel de candidatures, la nomination d'un fonctionnaire peut être faite avant l'expiration du délai d'appel prévu à l'article 35 et même si un appel interjeté conformément à cet article est pendant devant la Commission de la fonction publique.
Toutefois, cette nomination est conditionnelle tant que n'est pas expiré le dernier délai d'appel applicable aux candidats inscrits dans le cadre d'un même appel de candidatures et, le cas échéant, tant que tout appel interjeté par un de ces candidats n'a pas été réglé. S'il y a lieu, la nomination doit être réévaluée par le sous-ministre ou le dirigeant d'organisme en fonction de la décision rendue par la Commission et, le cas échéant, cette nomination cesse d'avoir effet et le fonctionnaire est réintégré dans l'emploi qu'il occupait avant celle-ci.
L'emploi qu'occupait le fonctionnaire avant sa nomination conditionnelle ne peut être doté de façon permanente par le sous-ministre ou le dirigeant d'organisme concerné, tant que la nomination conditionnelle du fonctionnaire n'est pas devenue définitive.
[13] Cet article a
été sanctionné le 30 mai 2000 par le législateur, donc après la trilogie Barcelo[2]
qui traitait du pouvoir de la Commission d’émettre des ordonnances en vertu des
articles
[14] La Commission
est d’avis que l’article
[15] En affirmant cela la Commission ne refuse pas d’exercer sa compétence, c’est simplement qu’elle ne peut outrepasser la volonté expresse du législateur qui a choisi de permettre des nominations conditionnelles au lieu de paralyser les processus de dotation de la fonction publique[3]. Ainsi, un fonctionnaire nommé le sera conditionnellement tant et aussi longtemps que n'est pas expiré le dernier délai d'appel applicable aux candidats inscrits dans le cadre d'un processus de qualification.
[16] Conséquemment,
même si la Commission possède de manière indéniable le pouvoir de rendre des
ordonnances interlocutoires, l’article
[17] Cela étant dit, la Commission estime que les appelants n’ont pas réussi à démontrer qu’un préjudice sérieux et irréparable leur serait causé si la Commission n’accordait pas l’ordonnance demandée.
[18] La Commission estime que si elle n’accorde pas d’ordonnance, le processus de qualification suivra son cours de manière régulière. Ainsi, un premier examen éliminatoire aura lieu, le samedi 4 juin 2016 et il sera corrigé. Par la suite, suivra un deuxième examen éliminatoire qui sera administré seulement aux candidats ayant réussi le premier examen. Les candidats qualifiés seront alors inscrits dans une banque et ce pour une période de cinq ans.
[19] En effet, comme l’a souligné l’intimé, dans sa décision sur le fond, dans l’éventualité où elle accueille les appels, la Commission pourra rendre différentes ordonnances. Par exemple, la Commission pourrait ordonner un nouvel appel de candidatures. Cela permettra aux personnes susceptibles de satisfaire aux conditions d'admission de soumettre leur candidature.
[20] Ainsi, les
candidats potentiels qui n’ont pu soumettre leur candidature lors du premier
affichage pourront le faire et ne seront donc pas pénalisés. L’article
45. Les appels de candidatures doivent être faits de façon à fournir aux personnes susceptibles de satisfaire aux conditions d'admission une occasion raisonnable de soumettre leur candidature.
[21] La Commission est forcée de constater qu’elle n’est pas en présence d’une situation de fait ou de droit qui serait de nature à rendre son jugement définitif inefficace.
La balance des inconvénients
[22] Quant à la
balance des inconvénients, la Commission convient que cela peut être irritant
pour les appelants de devoir attendre l’issue de l’audience avant de débuter le
processus de qualification auquel ils auraient pu déjà prétendre. La Commission
convient aussi qu’il est possible que des postes soient comblés avant qu’elle
ne puisse tenir l’audience sur le fond, mais elle est d’avis que l’article
La conclusion
[23] Conséquemment, après analyse de la preuve présentée, la Commission rejette la demande d’ordonnance interlocutoire des appelants. En effet, la seule apparence de droit ne suffit pas à justifier l’ordonnance provisoire demandée dans un contexte où il y a absence de préjudices sérieux ou irréparables causés aux appelants et dans lequel la balance des inconvénients n’est pas déterminante.
2. La demande d’intervention de l’Alliance
[24] En ce qui
concerne la demande d’intervention de l’Alliance, devant la jurisprudence
constante sur cette question[4], la Commission est d’avis
qu’elle ne pourra pas participer à l’audience en tant que partie. D’autant plus
que, notamment, l’article
[25] Cependant, la Commission ne voit aucune raison valable dans la Loi d’interdire à l’Alliance de participer à l’audience, à titre amical, tel que le permet le Nouveau code de procédure civile[5] aux articles 185 et 187.
[26] En effet, la participation de l’Alliance pourrait-être utile à amener un éclairage supplémentaire à la Commission sur des questions techniques ou pour expliciter une situation. De plus, elle assure déjà la représentation des appelants lors de l’audience, dans ce cas, elle pourra faire valoir ses arguments lors de sa plaidoirie.
POUR CES MOTIFS, la Commission :
§ REJETTE l’ordonnance interlocutoire demandée par MM. Jean-François Boucher, François Michaud, Daniel Piché et Miguel Deschênes enjoignant le SCT à suspendre le processus de qualification 63001PS01600001 - Directrice générale ou directeur général dans le domaine des ressources informationnelles, cadre - classe1.
§ PERMET à l’Alliance d’intervenir à titre d’intervenant amical lors de l’audience qui sera tenue ultérieurement par la Commission.
ORIGINAL SIGNÉ PAR :
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_____________________________ Me Nour Salah, avocate Commissaire |
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Jean-François Boucher François Michaud Daniel Piché Miguel Deschênes |
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Appelants représentés par Me Pascale Racicot |
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Secrétariat du Conseil du trésor
Intimé représenté par Me Claire Lapointe |
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Lieu de l’audience : Québec |
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Date de l’audience : 1er juin 2016 |
[1] Barcelo c. Québec (Commission de la santé et de la sécurité de travail), 1997 CanLII 10709 (QC CA); Bonenfant c. Québec (Revenu), 2003 CanLII 57255 (QC CFP).
[2] Bernier c. Commission de la santé et de la sécurité du travail, ordonnance de la Commission du
6 septembre 1991; Commission de la santé et de la sécurité du travail c.
Barcelo,
[3] Sur la volonté du législateur, voir : Assemblée nationale, Journal des débats de la Commission permanente des finances publiques, Étude détaillée du projet de loi no 82 - Loi sur l’administration publique, fascicule no 58, 6 avril 2000, p. 1-41.
[4]
St-Martin c. Québec (Justice), 2000 CanLII 22136 (QC CFP)
cette décision se distingue, car la partie intimée ne s’est pas opposée à la
demande d’intervention de l’Association des juristes du Québec en tant que
partie; Allard et Québec (Ministère de la Sécurité publique),
[5] RLRQ, c. C-25.01.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans
appel; la consultation
du plumitif s'avère une précaution utile.