Bouchard c. Directeur des poursuites criminelles et pénales |
2020 QCCS 2806 |
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COUR SUPÉRIEURE
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(chambre criminelle) |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
RICHELIEU |
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No : |
765-36-000261-182 |
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DATE : |
LE 20 AOÛT 2020 |
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SOUS LA PRÉSIDENCE DE
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L’HONORABLE
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HÉLÈNE DI SALVO, J.C.S.
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BOUCHARD, Miguel et al |
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Requérants |
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c. |
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DIRECTEUR DES POURSUITES CRIMINELLES ET PÉNALES |
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Intimée |
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JUGEMENT (Comme le permet l’arrêt Kelloggs Company of Canada c. P.G. du Québec, [1978] C.A. 258 aux p.p. 259-260, le Tribunal s’est réservé le droit de modifier, d’amplifier et remanier les motifs. La soussignée les a remaniés uniquement pour améliorer la présentation et la compréhension.)
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APERÇU
[1] Le 1er novembre 2018, l’honorable juge Denys Noël JCQ a rendu une ordonnance de confiscation en déclarant l’ensemble des biens saisis sur les appelants « teintés de criminalité ». Il s’agit, entre autres, de vêtements, bijoux, objets à l’effigie soit des « Hells Angels » « Beast Crew » ou « Red Devils ».
[2] Les requérants en appellent de cette décision.
ANALYSE
PREMIER MOYEN D’APPEL
Le premier juge a erré en droit en concluant qu’il était de connaissance d’office que « les Hells Angels » est une organisation criminelle, sans entendre les parties à cet effet.
Le premier juge a erré en droit et en faits en fondant sa décision sur des éléments de preuve inadmissibles, soit du ouï-dire lors du témoignage de l’agent Boucher, déclaré expert en matière de clubs de motards « hors-la-loi ».
[3] Les parties ont traité conjointement de ces deux moyens d’appel.
FAITS PERTINENTS À CE MOYEN D’APPEL :
[4] Le 15 juin 2016, les policiers ont procédé à des arrestations et perquisitions dans le cadre du projet « Néré ».
[5] Plusieurs individus seront arrêtés, ils font face à des accusations relativement au trafic de stupéfiants.
[6] Le 15 juin 2016, les policiers procèdent à des perquisitions avec mandats au 2120 et 2130b, rang Ste-Thérèse à Sorel-Tracy.
[7] Les appelants sont sur les lieux, à l’exception de Monsieur Monfette qui est intercepté deux heures après le début de ces perquisitions alors qu’il circulait en motocyclette.
[8] Aucun des appelants ne fut accusé d’une infraction criminelle en lien avec le projet « Néré ».
[9] Les biens saisis (décrits aux pièces R-11 à R-18) sont essentiellement des vêtements, des bijoux, des meubles, tous à l’effigie des « Beast Crew », « Hells Angels » ainsi que « Red Devils ».
PRINCIPES JUDICIAIRES :
[10] L’article 490(9) du Code criminel prévoit la confiscation du bien au profit de Sa Majesté en cas d’illégalité de la possession de la chose.
[11] La couronne peut prouver l’illégalité de la possession en démontrant hors de tout doute raisonnable que les objets sont teintés ou contaminés par la criminalité et qu’en conséquence ne doivent pas être remis à ce possesseur (PEARSON c. R. 2007 QCCS 713, para. 33).
[12] Le caractère illégal de la possession peut découler de la nature du produit, par exemple la possession d’armes prohibées ou de stupéfiants et peut découler aussi des circonstances et des conditions de la possession (Canada (Procureur général) c. Vincent, 1996 CanLII 5776 QCCA.
[13] C’est cette deuxième façon de prouver hors de tout doute raisonnable l’illégalité de la possession de biens saisis qu’a soulevée la poursuite en première instance.
[14] Ce recours, en vertu de l’art. 490(9) du Code criminel, ne vise pas les individus, mais les objets saisis.
[15] En l’espèce, les items saisis et confisqués étaient à l’effigie du club de motards « hors-la-loi ».
[16] La couronne n’a pas à prouver hors de tout doute raisonnable que l’effigie est reliée à un crime précis.
[17] La couronne soutient qu’un item portant l’effigie d’un groupe de motards « hors-la-loi » peut être utilisé soit lors de la commission d’un acte criminel ou pour faciliter la commission d’une infraction criminelle.
[18] En l’espèce, les « Hells Angels » seraient un groupe de motards « hors-la-loi » qui s’adonne entre autres au trafic de stupéfiants et qui gère des territoires en recevant des redevances d’individus qui ont reçu l’autorisation des « Hells Angels » de trafiquer dans un secteur donné.
[19] En première instance, des policiers ont témoigné sur les circonstances de la perquisition visée par la requête en confiscation. Aucun stupéfiant ou item reliés au trafic de stupéfiants ne furent saisis aux locaux 2120 et 2130b du rang Ste-Thérèse.
[20] Le témoin principal de la couronne était l’agent Patrice Boucher, déclaré expert sur les bandes de motards « hors-la-loi ».
[21] Il a longuement témoigné à l’effet que l’organisation des « Hells Angels » constituait une organisation criminelle ainsi que de l’existence de ses clubs supporteurs, dont les « Beast Crew » et les « Red Devils ».
[22] Son expertise est basée sur des informations dont il a la connaissance personnelle (de 1ère main) et d’informations provenant de son expérience de formation ou de documents que l’expert a consultés (de 2e main).
[23] Ces deux types d’informations sont nécessaires et admissibles pour que l’expert puisse rendre un témoignage et donner une opinion.
[24] Les informations de 2e main constituent du ouï-dire. Il n’est pas contesté par l’intimée que les informations ou éléments de preuve ne font pas preuve de son contenu, qu’il s’agit de ouï-dire.
[25] Nous y reviendrons plus loin.
CONNAISSANCE D’OFFICE :
[26] Les appelants allèguent que le premier juge a commis une erreur en droit en référant au concept de connaissance judiciaire dans sa décision sans avoir entendu les parties à ce sujet. Voici l’extrait pertinent (décision, notes sténographiques du 2 novembre 2018, pages 45 à 48) :
Clairement, le groupe Hells Angels est une organisation criminelle. Cette conclusion est supportée par la preuve déposée lors de l'audition de la requête, incluant le témoignage de l'expert. De plus j'en viens à la conclusion que l'application du concept de connaissance judiciaire permet d'en arriver à cette conclusion. Le concept de connaissance judiciaire est expliqué dans le traité général de preuve et de procédure pénales 2018 de Béliveau Vauclair et au paragraphe 2485 de ce volume, on retrouve ce qui suit :
«Le juge peut déterminer un fait dont la notoriété est telle qu'une partie est dispensée d'en faire la preuve.» Les auteurs rajoutent : «Pour comprendre le raisonnement de la Cour, il faut savoir qu'il existe deux approches de la question. La première mise de l’avant par Taylor est fondée sur la prémisse que les tribunaux peuvent et doivent admettre d'office ce que tout le monde sait et présumer que les autres le savent aussi.»
(…) Je réfère également à l'arrêt suivant pour justifier la conclusion basée sur la connaissance d'office, il s'agit d'un arrêt de la Cour Suprême du Canada dans Krymowski rapporté en 2005, 1 RCS, à la page 101 et je cite :
«Une Cour de justice peut tenir pour avéré sans exiger de preuve à l'appui les faits qui sont notoires et généralement admis au point de ne pas être l'objet de débat entre des personnes raisonnables et deuxièmement, ceux dont l'existence peut être démontrée immédiatement et fidèlement en ayant recours à des sources facilement accessibles, dont l'exactitude est incontestable.» Fin de la citation.
De plus, sans prétendre être exhaustif, on retrouve de nombreuses décisions dans lesquelles les tribunaux canadiens ont déclaré le groupe Hells Angels une organisation criminelle. Dans la banque des jurisprudences CANLII, on retrouve 2184 décisions reliées aux Hells Angels. (…)
(…)
(…) Je ne retiens aucunement la prétention soumise que les Hells Angels sont un regroupement partageant exclusivement une passion pour la motocyclette.
Ceci étant dit, je passe maintenant à la preuve. La preuve présentée est variée. Les parties ont déposé plusieurs documents, photographies, ont fait certaines admissions et on retrouve les pièces R-1 à R-29. On a déposé également un exposé de faits non contesté et le requérant, dans sa preuve, a présenté plusieurs témoins pour expliquer le contexte dans lequel les policiers ont saisi les objets pour lesquels ils demandent la confiscation. Après la tenue d'un voir-dire, j'ai reconnu monsieur Patrice Boucher, témoin expert, apte à donner son opinion au sujet du club les Hells Angels et ses clubs affiliés.
[27] Le premier juge a soulevé la question de connaissance d’office que dans sa décision. Il transgresse ainsi la règle audi alteram partem. Cette question aurait dû être soulevée lors de l’audition et non lors du délibéré.
[28] L’honorable Guy Cournoyer, dans R. c. Lefebvre [2018] QCCS 4468, traite de la notion de connaissance d’office aux paragraphes 102 à 122 et il conclut de la façon suivante :
119 Il s’avère aussi crucial de déterminer si le décideur a été invité par l’une des parties à considérer certaines données relatives à la question qui doit être tranchée.
120 L’expectative des parties, tant à l’égard de la question que le décideur doit trancher que les données qu’il aura à considérer pour ce faire, se révèlent pertinentes à tout accroc au droit d’être entendu.
121 Par ailleurs, la nouveauté des données qui doivent faire l’objet de la connaissance d’office par le décideur et leur caractère public notoire se révèlent importants à la démonstration de toute contravention au droit d’être entendu.
122 Voilà les jalons posés par la jurisprudence québécoise sur le droit d’être entendu avant qu’un juge prenne connaissance d’office d’un fait.
[29] En l’espèce, le premier juge aurait dû donner l’opportunité aux parties d’être entendues avant de prendre d’office le fait que les « Hells Angels » seraient une organisation criminelle.
[30] Toutefois, cette erreur n’est pas fatale.
[31] Il ressort de la décision que le premier juge s’est tout d’abord penché sur la preuve présentée et que cette preuve l’avait convaincu que le groupe « Hells Angels » est une organisation criminelle.
[32] L’application qu’il a faite de la notion de connaissance judiciaire vient tout au plus confirmer sa première conclusion (décision, page 45) :
Clairement, le groupe « Hells Angels » est une organisation criminelle. Cette conclusion est supportée par la preuve déposée lors de l’audition de la requête, incluant le témoignage de l’expert. De plus, j’en viens à la conclusion que l’application du concept de connaissance judiciaire permet d’en arriver à cette conclusion.
[33] Le Tribunal conclut que nonobstant cette erreur, le premier juge en serait arrivé à la même conclusion, puisqu’il réfère tout d’abord à la preuve présentée lors de l’audition de la requête, dont le témoignage de l’agent Boucher pour conclure que les « Hells Angels » sont un groupe de motards « hors-la-loi ».
[34] Conséquemment, il ne retient pas l’argument des appelants à l’effet que les « Hells Angels » sont un regroupement partageant exclusivement une passion pour les motocyclettes (décision, page 48).
[35] Le premier juge pouvait raisonnablement tirer cette inférence, considérant l’ensemble de la preuve, dont le témoignage de l’expert.
OUÏ-DIRE :
[36] Les appelants soutiennent que le premier juge a commis des erreurs en droit et en faits en décidant que la preuve par ouï-dire présentée par le sergent Boucher était fiable, crédible et nécessaire. Voici les extraits pertinents de sa décision, page 53 :
En l’espèce, la Poursuite a présenté une preuve documentaire et par témoins établissant les circonstances de la possession des biens saisis. Cette preuve démontre un lien entre les Hells Angels et les clubs supporteurs Beast Crew et Red Devils. À certains égards, l’opinion de l’expert est basée sur une preuve qu’on peut qualifier de ouï-dire. Par contre, je considère quand même son opinion admissible puisque la fiabilité de la preuve ne fait aucun doute. Des rapports de filatures, les rapports de sources et les informations fournies par les policiers sont hautement fiables, crédibles et nécessaires. C’est le test qu’impose la Cour d’Appel dans Roberge contre La Reine, [2007] QCCA, à la page 212. J’ajoute que son opinion est supportée par les témoignages entendus et les documents déposés de consentement ainsi que par les observations factuelles de l’expert. Les lieux perquisitionnés constituent un lieu de rencontre pour les clubs et les personnes observées à ces lieux ont des liens directs avec les clubs de motards visés. Dans certains cas, les gens portaient des vestes à l’effigie des Hells Angels, Beast Crew ou Red Devils, alors qu’ils se présentaient aux lieux perquisitionnés. La modification des locaux 2120 et 2130b, pour les transformer en bar et lieu de rencontre privés pour les groupes de motards démontre, selon le contexte et le témoignage de l’expert, qu’il s’agit d’activités criminelles. Selon l’expert, à cette époque, les Hells Angels n’avaient aucun repaire du genre local fortifié avec caméras et clôtures, sauf celui de Sherbrooke. En conséquence, ils utilisaient les locaux des clubs supporteurs pour leur réunion. La preuve démontre amplement ce constat puisque les observations policières confirment la présence régulière des membres des Hells Angels aux lieux perquisitionnés. À cet égard, j’accepte l’opinion de l’expert Boucher lorsqu’il mentionne que le club Hells Angels et les club-écoles Beast Crew ou Red Devils ont une structure similaire et portent chacun des couleurs ou patchs selon les mêmes paramètres. Ces clubs partagent de l’argent avec des redevances pour le trafic de stupéfiants ou autres activités criminelles. Le port des couleurs et vestes symbolise l’intimidation (…).
[37] Le premier juge accepte le témoignage de l’agent Boucher et retient son opinion.
[38] Un expert peut baser son opinion sur des informations de 1ère main et de 2e main. Les informations de 2e main sont du ouï-dire, ne font pas preuve de son contenu, mais permettent à l’expert de formuler une opinion.
[39] L’agent Boucher ne détient pas uniquement des informations de 2e main, mais aussi de 1ère main.
[40] C’est sur l’ensemble de ces informations qu’il base son opinion, soit que le club Hells Angels et les club-écoles Beast Crew et Red Devils ont une structure similaire (…). Ces clubs partagent de l’argent avec des redevances pour trafic de stupéfiants ou autres activités criminelles (décision, page 54).
[41] Voici les éléments de preuve administrée devant le premier juge à l’appui du témoignage de l’agent Boucher. Le Tribunal reprend le résumé fait par l’intimée à son mémoire. Ces longs extraits révèlent la preuve volumineuse présentée devant le premier juge :
Mémoire de l’intimée :
[49] Il y a donc lieu de reproduire ci-dessous une liste des éléments de preuve sur lesquels se fonde l’opinion de l’expert Boucher. Cette liste précise également s’il s’agit d’éléments de preuve produits lors de l’audition ou à la connaissance personnelle de l’expert (ci-après : 1ère main) ou d’éléments de preuve, d’informations provenant de son expérience, de formation ou de documents consultés par l’expert (ci-après : 2e main) :
GÉNÉRAL :
Depuis 2012, il existe environ cinquante clubs supporteurs des Hells Angels (1ère main);
En 2015, plusieurs membres Hells Angels ont commencé à sortir du pénitencier (1ère main);
Il faut au moins six membres en règle pour qu’un chapitre soit en activité (2e main);
Le seul chapitre qui n’est pas en activité est celui de Sherbrooke, les quatre autres le sont, soit : Montréal, South, Québec City et Trois-Rivières (1ère main).
CLUB LES BEASTCREW :
Apparition en avril 2014, au Bike and Tatoo Show] quatre membres des Beast Crew sont présents, soit : Patrick St-Michel, Patrick Laprade, Martin Raymond et Claude ROBERT (1ère main);
À cet événement, ils sont allés saluer les Hells Angels Nomads Ontario (photographie du membre Carlos Fernandez) au kiosque « Support ». Sont aussi présents des membres des Red Devils d’Ottawa. Aucun Hells Angels du Québec n’est présent à ce moment-là (1ère main);
Au kiosque « Support », on y vend des t-shirts, casquettes et chandails « kangourou », portant les inscriptions suivantes (1ère main) :
o Support 81 (pour Hells Angels)]
o Support Red and White (couleurs des Hells Angels)]
o Support Big Red Machine (couleurs de Hells Angels).
Il n’existe qu’un seul chapitre des Beast Crew, qui est celui de Richelieu (1ère main);
Ce club des Beast Crew de Richelieu s’affiche comme étant supporteur des Hells Angels de Trois-Rivières. Leur support est inscrit sur leur veste (1ère main);
Un membre des Beast Crew est maintenant « prospect » pour les Hells Angels de Trois-Rivières. Il s’agit de Maxime Courchesne. Il a été vu portant sa veste au Canada Run de Calgary (1ère main);
Il existe plusieurs similitudes entre les structures des organisations des Hells Angels et des Beast Crew. Pour les Beast Crew, la hiérarchie est la suivante : hangaround, striker et membre. Pour les Hells Angels, la hiérarchie est la suivante : hangaround, prospect et membre (1ère main);
Il existe un écusson sur les vestes des Beast Crew, identifiant celui qui la porte comme étant un « striker » (1ère main);
Les Beast Crew portent l’écusson « 1 % », qui signifie qu’il s’agit d’un motard en marge de la loi (1ère main);
Ce droit de porter le « 1 % » est accordé par les Hells Angels (2e main);
C’est le club parrain qui permet de le porter (2e main);
L’expert a énuméré au Tribunal les clubs qui affichent le « 1 % », suite à des observations personnelles (1ère main).
REPAIRE/LOCAL DES BEAST CREW
En juin 2016, l’expert Boucher visite le 2120, rang Sainte-Thérèse à Sorel-Tracy, où il y constate la présence d’un bar, d’écussons et affiches « Support » (1ère main);
En comparant les locaux/repaires « bunker » des Hells Angels, des Beast Crew et des Darks Soûls, l’expert est d’opinion qu’il s’agit du repaire du club de motard Beast Crew (1ère main);
L’expert constate que les membres des Beast Crew sont : Maxime Courchesne, Martin Raymond, Jean-François TELLIER, René GODIN, Stéphane Laflamme, Evans PROULX et Claude ROBERT. Les strikers sont : André GARIÉPY et Martin JOUBERT (1ère main).
UTILISATION DU LOCAL/REPAIRE DES BEAST CREW
Tous les chapitres des Hells Angels à travers le monde ont un repaire où est tenu des réunions/party/événements (2e main);
Au Québec, depuis les accusations dans le dossier SharQc, il n’y a plus de repaire attitré aux Hells Angels (confiscations ou en appel pour Sherbrooke), sauf à Delson et à Chambly, lesquels sont plus reliés aux Red Devils, mais ils ont été fermés (1ere main);
Les Hells Angels du Québec veulent un endroit pour des rencontres (2e main);
Observation que les Hells Angels utilisent les locaux des clubs supporteurs, notamment ceux des Red Devils (Chambly et Delson), des Beast Crew (Sorel) et des Dark Soûls (Québec) (1ère main);
Les recherches démontrent qu’à au moins onze reprises entre les mois de janvier et juin 2016, plusieurs membres des Beast Crew et des Hells Angels se sont réunis au local des Beast Crew, pour tenir des rencontres. Ces rencontres se tenaient principalement les mercredis (2e main);
Les déductions de l’expert à cet égard sont basées sur des retours d’observations de patrouilleurs, des interceptions, des dénombrements de véhicules devant le local, des observations sur Stéphane Laflamme, des informations qui sont transmises à l’expert dans le cadre de son travail au renseignement criminel (2e main).
PRÉSENCE DE MEMBRES BEAST CREW AVEC DES MEMBRES HELLS ANGELS
• 16 mars 2015 / local des Hells Angels à Sorel-Tracy : 3 membres Hells Angels et 7 des Beast Crew, de même que les Red Devils Miguel BOUCHARD et Daniel GIROUX (1ère main);
• 11 avril 2015 / Party Street Demons : René GODIN agit comme chauffeur pour Serge Lebrasseur et Christian PÉPIN, qui sont tous deux membres des Hells Angels de Trois-Rivières. Cinq autres membres Beast Crew sont aussi présents (1ère main);
• 12 mai 2015 / confiscation au local Hells Angels de Trois-Rivières : Sont présents, les membres des Hells Angels René MONFETTE et Christian PÉPIN, de même que quatre membres Beast Crew et deux membres Red Devils (M. BOUCHARD et D. GIROUX) (2e main);
• 2 mai 2015 / 1er anniversaire des Reds Devils à Delson : les Beast Crew sont arrivés en convoi avec des Hells Angels de Montréal, portant leurs vestes et leurs couleurs (1ère main);
• 18 juillet 2015/ Pig Roast Ontario (party Nomad Hells Angels Ontario): l’expert a identifié (1ère main) :
o Claude ROBERT, Maxime Courchesne, René GODIN, Evans PROULX, Stéphane Laflamme et André GARIÉPY : portant leur veste des Beast Crew;
o Plusieurs membres Hells Angels, dont Christian PÉPIN et René MONFETTE, portant leur veste de membre.
• 25 juillet 2015/ Party des Beast Crew à Saint-Aimé (similaire aux partys des Reds Devils et Street Démons) : il s’agit d’une grange avec des écriteaux des Beast Crew, « support Hells Angels de Montréal et de Trois-Rivières » (1ère main). L’expert était présent, mais ce n’est pas lui qui a procédé aux identifications. Les personnes présentes étaient :
o Beast Crew portant leur veste : Claude ROBERT, Evans PROULX, Stéphane Laflamme, Patrick St-Michel et André GARIÉPY.
o Beast Crew ne portant pas de veste : Jean-François TELLIER et Maxime Courchesne.
o Hells Angels ne portant pas de veste : Robert Lecompte.
o Hells Angels portant leur veste : 7 autres membres, dont Christian PÉPIN.
o Red Devils portant leur veste : 4 membres, dont Miguel BOUCHARD.
o 2 personnes en relation, accusées dans le projet NÉRÉ : Myriam Baereswil et Gilles Tucker (voir perquisition 426, rang St-Thomas)
• 23 juillet 2016 / Canada Run à Ottawa : la participation à cet événement est obligatoire pour tous les membres Hells Angels. En plus des membres, seules des personnes très proches peuvent y participer. Les clubs supporteurs sont présents, mais ne participent pas. Le membre des Beast Crew Jean-François TELLIER est identifié, surveillant des motos à un hôtel. Sont également présents et identifiés par l’expert, tous les membres du Québec, dont (1ère main) :
o Daniel GIROUX et Stéphane JARRY (maintenant Hangaround des Hells Angels de Montréal);
o 15 membres des Hells Angels du Québec, dont Christian PÉPIN, Michel VALLIÈRE et René MONFETTE.
LA PREUVE PRÉSENTÉE À L’AUDIENCE ET LES ADMISSIONS POUVANT SUPPORTER LES DÉDUCTIONS FAITES PAR L’EXPERT (1ère main)
Admission #12 : Le mercredi 13 avril 2016, Stéphane Laflamme a été vu mettre une veste noire avec logo Beast Crew et entrer au 2130, rang Ste-Thérèse;
Admission #13 : Le mercredi 27 avril 2016, l’enquêteur François Dextrase a vu deux personnes inconnues portant vestes de cuir avec logo impossible à décrire à l’extérieure du 2130, rang Ste-Thérèse;
Admission #15 : Le mercredi 11 mai 2016, Stéphane Laflamme a été intercepté alors qu’une veste noire avec inscription Beast Crew sur la banquette arrière de son véhicule;
Admission #16 : Le mercredi 11 mai 2016 vers 18h57, les policiers ont vu plusieurs individus vêtus de vestes à l’effigie des Hells Angels, Beast Crew et Devils Ghosts au 2120 et 2130, rang Ste-Thérèse;
Admission #1 : Le mercredi 18 mai 2016, Martin Raymond portant une veste Beast Crew, ainsi que trois hommes au balcon portant des vestes noires en cuir avec écussons à des effigies non-identifiés, ont été vu au 2120, rang Ste-Thérèse;
Admission #2 : Le mercredi 25 mai 2016, quatre motos ont été observées sur les terrains du 2120 et 2130, rang Ste-Thérèse, dont deux ont été observées le même jour, immatriculées au nom et conduites par Stéphane JARRY (portant une veste noire sans logo) et Christian PÉPIN, portant une veste en cuir à l’effigie des Hells Angels ;
Perquisition du mercredi 15 juin 2016 : Personnes dont les biens à l’effigie de leur club ont été saisis :
o Beast Crew: Martin Raymond, Jean-François TELLIER, Yvon DESCHENEAUX, Evans PROULX, René GODIN, Michel JOUBERT, Claude ROBERT et André GARIÉPY (striker);
o Red Devils : Miguel BOUCHARD;
o Hangaround Hells Angel Montréal : Daniel GIROUX, Stéphane JARRY;
o Hells Angels de Trois-Rivières : Gilles ROBIDOUX et René MONFETTE;
o Hells Angels Montréal : Michel VALLIÈRE, Vincent BOULANGER et Christian PÉPIN.
TERRITOIRE ET REDEVANCES AUX HELLS ANGELS
Le 15 juin 2016, on a saisi en possession de Claude ROBERT, membre Beast Crew, une somme de 9 740 $ accompagnée d’une note avec inscription. Cette note indiquait un total de 10 250 $, soustrait de deux montants pour des fleurs envoyées suite au décès de deux personnes (1ère main) :
« Sœur à Ben TR », 255, soit des fleurs pour le décès de la sœur de Benoit Plourde, HA Trois-Rivières, décédée à ta fin du mois de mai;
« Mère Guert S », 255, soit des fleurs pour le décès de la mère de Michel Guertin, HA South;
L’expert en a déduit qu’il s’agissait d’une somme qui devait être remise à un membre des Hells Angels à titre de redevance pour les activités criminelles qui ont eu lieu sur le territoire consenti aux Beast Crew par un membre des Hells Angels (2e main);
L’expert n’a pu cependant préciser le pourcentage dans ce cas précis;
Cette déduction est fondée sur des enquêtes et des procédures criminelles antérieures consultées par l’expert (2e main), notamment :
o Projet antérieur « RUSH » : Écoute électronique lors de « messe » ou meeting de membres de Hells Angels, à toutes les semaines ou aux deux semaines, faisant état d’une redevance pour des activités criminelles de 10 % devant être versée à l’organisation des Hells Angels;
o Projet « MASTIFF » : Un membre Hells Angels Montréal, André Sauvageau, recevait une cote pour autoriser la vente sur un territoire donné à un individu, un consentement de vendre à cet endroit;
o Projet « OCÉAN » : une analyse comptable de la preuve recueillie au dossier a confirmé le paiement d’une redevance de 10 %;
o Enquête sur remise en liberté de Salvatore CAZETTA : membre des Hells Angels qui recevait une redevance pour le trafic de stupéfiants dans le secteur Hochelaga-Maisonneuve à Montréal;
o Projet « SHARQC » : exposé conjoint des faits déposé lors de plaidoyer de culpabilité de membres Hells Angels faisant état d’une redevance de 10 % des profits remise à l’organisation des Hells Angels pour l’effort de « guerre »;
o Projet « PRINTEMPS 2001 » : une perquisition chez un membre Hells Angels, Richard Mayrand, a permis la saisie d’une carte de Nie de Montréal séparant les secteurs de l’ile entre différents groupes ou personnes, dont le « bas de la ville » au chapitre Hells Angels Nomad.
[50] Il importe de préciser que, même s’il s’agit d’informations de seconde main, elles proviennent de documents déposés dans des procédures judiciaires, consultés par l’expert.
LE PORT DES « COULEURS »
À partir de 2015, plusieurs membres Hells Angels sont remis en liberté et recommencent à porter leurs couleurs, ainsi que les clubs supporteurs (1ère main);
En portant leurs couleurs, les Hells Angels veulent démontrer qu’ils sont de retour et montrer leur dominance sur les autres clubs. C’est une forme d’intimidation. (Couleur signifie le port de la veste au complet, incluant le logo de la tête de mort ailée) (2e main);
Seul le membre peut porter le nom des Hells Angels et le logo. Les règles écrites mondiales et canadiennes ont été consultées par l’expert (1ère main);
Les Hells Angels choisissent les occasions où ils affichent leurs couleurs. L’expert mentionne des exemples documentés (2e main);
En mars 2016, des membres des Beast Crew affichant leur logo ou le nom de leur club se sont présentés accompagnés de Serge Lebrasseur (membre Hells Angels) dans un bar de Contrecœur, afin d’obtenir de l’information sur une personne; ils ont brisé du matériel du bar pour obtenir cette information (2e main);
À l’intérieur d’écoute électronique provenant d’un dossier de 1998, il est mentionné lors d’une « messe » des Rockers, club-école des Hells Angels, qu’il ne faut pas porter leurs couleurs à un bar « ami »; ils vont aller à un bar avec « leurs affaires » pour montrer qu'ils sont présents (2e main);
Dans le cadre du Projet « SHARQC », un exposé conjoint des faits a été déposé lors de plaidoyers de culpabilité de membres Hells Angels, par lequel il est mentionné conjointement que (2e main) :
o Les membres des Hells Angels portent « [...] fièrement leur ‘patches’ qu’ils considèrent comme des instruments de pouvoir et d’intimidation, ce qui leur permet de s'afficher ouvertement comme membres de l'organisation et de maintenir un climat de crainte chez leurs ennemis et concurrents. »
Les membres portent leurs couleurs à des occasions spécifiques pour montrer qu’ils sont de retour (Bike and Tatoo Show, gala de boxe, funérailles, par exemple). Ils ne les portent pas lors de mariages ou de party privé (1ère main);
Suite aux opérations policières de 2001-2002, on a vu une disparition des clubs supporteurs (2e main);
Ils sont réapparus en 2010 et comptent présentement +/- 400 membres répartis dans une trentaine de clubs (1ère main);
Explication de la signification de l’écusson 1 % (2e main);
Maintenant le « 1 % », c’est la classe élite des Hells Angels qui approuvent le port du sigle (2e main). Peu de clubs le portent, seulement les Beast Crew, Dark Soûls,
Deimos Crew et Devils Ghosts. Cela signifie que ces clubs sont très proches des Hells Angels (1ère main);
Les logos des clubs ont une connotation de violence (têtes de mort, armes, autres images du même type); le logo cultive une image de violence ou d’agressivité (2e main);
L’expert cite au juge l’exemple du dossier « BARAKA, » ou Stéphane Plourde, membre Hells Angels, a exhibé son chandail et une chaîne au logo des Hells Angels pour faire comprendre à un commerçant qu’il ne peut pas vendre des produits avec le logo ou le nom, puisque la marque de commerce appartient aux Hells Angels (2e main).
[42] Le premier juge souligne « qu’à certains égards, l’opinion de l’expert est basée sur une preuve qu’on peut qualifier de ouï-dire » (décision, page 53).
[43] De ces propos, nous comprenons que le premier juge considère qu’il y a aussi une grande partie de la preuve sur laquelle se base l’expert qui ne constitue pas du ouï-dire.
[44] Les tribunaux supérieurs ont reconnu depuis longtemps qu’un expert peut émettre une opinion en se basant sur des éléments de preuve fondée sur du ouï-dire. Faut-il ajouter que dans la grande majorité des cas, l’opinion de l’expert est fondée sur du ouï-dire.
· R. c. Lavallée, [1990] 1 R.C.S. 852;
· R. c. Abbey [1982] 2 R.C.S. 24;
· R. v. Lindsay 2005 CanLII 240240(ONSC);
· Ontario (Attorney General) v. 855 Darby Road, Welland (In Rem), 2019 ONCA 31
[45] Les appelants n’ont pas convaincu le Tribunal que le premier juge se serait trompé en accordant une grande valeur probante à l’opinion de l’expert, et ce, malgré qu’il conclut que les rapports de filatures et de sources qui n’ont pas été mis en preuve étaient hautement fiables, crédibles et nécessaires (décision, page 53).
[46] Ce moyen d’appel et rejeté.
DEUXIÈME MOYEN D’APPEL
La décision du premier juge est fondée sur des éléments de preuve inadmissibles :
[47] Les appelants allèguent que le premier juge a considéré des éléments de preuve inadmissibles pour accueillir la requête en confiscation. Il aurait considéré certains éléments de preuve par ouï-dire, pour faire preuve de son contenu, dont les rapports de filatures et de sources (décision, page 53).
[48] Les appelants ajoutent que contrairement à ce que le premier juge affirme, il n’y a pas de preuve que les appelants se sont rencontrés dans des lieux perquisitionnés dans le but de poursuivre des activités criminelles pour les clubs de motards visés (…) (décision, page 56).
[49] Ils soutiennent aussi que le premier juge a commis une erreur en retenant « que ces clubs partagent de l’argent avec des redevances pour le trafic de stupéfiants, ou autres activités criminelles (décision, page 54).
[50] En effet, l’agent Boucher lors de son témoignage ne pouvait affirmer si des territoires étaient visés par le projet « Néré ».
[51] Le premier juge a commis des erreurs en retenant ces éléments de preuve. Toutefois, le Tribunal considère qu’elles ne sont ni manifestes ni déterminantes. Il n’y a donc pas lieu d’intervenir.
[52] Le premier juge a entendu et analysé une preuve importante, dont le témoignage de l’agent Boucher. De cette preuve, il pouvait conclure que les Hells Angels est un club de motards « hors-la-loi » impliqué dans le trafic de stupéfiants et non un regroupement d’individus partageant exclusivement une passion pour les motocyclettes et pouvait raisonnablement décider que les Beast Crew et les Red Devils sont des clubs de motards « hors-la-loi » et clubs supporteurs des Hells Angels (décision, pages 53 et 54).
[53] Il pouvait aussi inférer de l’ensemble de la preuve administrée lors de l’audition de la requête en confiscation que le port des couleurs et vestes symbolise l’intimidation (…). Il retient, entre autres, du témoignage de l’agent Boucher ce qui suit : « […] que le port des couleurs est un symbole pour démontrer une supériorité et dominance et que seul le membre peut porter le nom ou le logo avec la tête de mort. […] que le port de la veste a pour but l’intimidation et la dominance et les membres choisissent les occasions pour le porter, entre autres, ils vont mettre leurs affaires (vestes) pour intimider. » (décision, page 55).
[54] La preuve administrée devant le premier juge lui permettait de retenir l’opinion de l’agent Boucher dont voici sa conclusion (rapport agent Boucher, pièce R-20) :
11. Conclusion
Les observations des dernières années nous démontrent clairement que les Beast Crew sont un club de motards hors-la-loi, avec des affinités très proches aux Hells Angels. Contrairement à la majorité des clubs, les Beast Crew participent directement aux randonnées des Hells Angels, aux partys privés, partagent le même repaire, font de la surveillance pour le club et servent de chauffeur pour les membres Hells Angels. Ils s’élèvent au-dessus des clubs de bas niveaux, seuls les Red Devils les surpassent dans la hiérarchie des motards hors-la-loi. Ils sont au même niveau que les Deimos Crew, les Dark Souls et les Devil Ghosts qui sont trois clubs qui s’affichent avec le 1%.
[55] En résumé, les erreurs soulevées par les appelants ne sont pas manifestes et déterminantes.
[56] À la lumière de l’ensemble de la preuve, le premier juge pouvait être convaincu hors de tout doute raisonnable que les biens saisis et visés par les requêtes sont teintés de criminalité.
[57] Ce moyen d’appel est aussi rejeté.
TROISIÈME MOYEN D’APPEL
Le premier juge a erré en droit en refusant d’entendre la requête en exclusion de preuve présentée par l’appelant René Monfette.
FAITS PERTINENTS À LA QUESTION EN LITIGE :
[58] Tel que décrit précédemment, Monsieur Monfette fut intercepté sur sa motocyclette deux heures après le début des perquisitions aux locaux 2120 et 2130b, rang Ste-Thérèse.
[59] Les policiers procédèrent à une saisie sans mandat de divers items sur la personne de Monsieur Monfette. Une veste, une ceinture, un pendentif ainsi qu’un chandail à manches courtes, tous portant l’effigie « Hells Angels ».
[60] Monsieur Monfette a présenté une requête en restitution de biens saisis illégalement et en exclusion de preuve (articles 8, 24(1) et 24 (2) de la Charte canadienne des droits et libertés).
[61] En première instance la couronne ne contestait pas que la saisie était abusive, qu’il y a eu violation des droits constitutionnels de l’appelant Monfette.
[62] Le juge de première instance a pris connaissance de cette requête et décide de l’entendre après audition et décision sur la requête en confiscation.
[63] Le 2 novembre 2018, le premier juge accueille la requête en confiscation de biens teintés par la criminalité.
[64] Ce faisant, il déclare donc la possession illégale des items saisis, dont ceux saisis sur la personne de Monsieur Monfette au sens de l’article 490(9) du Code criminel.
[65] Considérant cette conclusion, il décide de ne pas entendre la requête de Monsieur Monfette puisque l’audition devient inutile ou théorique.
[66] En effet, le premier juge ne pouvait remettre à Monsieur Monfette les items desquels il venait tout juste de déclarer la possession illégale (art. 490(9) du Code criminel).
[67] La Cour d’appel dans l’arrêt Vincent (précité) mentionne ce qui suit (page 16) :
Je suis évidemment d’accord avec le procureur des intimés lorsqu’il plaide qu’une violation du droit protégé par l’article 8 ne doit pas demeurer sans remède et que l’érosion de ce droit ne peut se justifier que dans des circonstances exceptionnelles. Il me paraît que le caractère illégal de la possession des biens saisis constitue une circonstance exceptionnelle et qu’il est donc aussi certain que l’on ne doit pas rémédier(sic) à une illégalité par la création d’une autre. C’est ce qui se produirait, à mon avis, si, afin de sanctionner l’invalidité de la saisie, la Cour ordonnait la restitution pure et simple des biens aux intimés, comme l’a fait le premier juge. La simple possibilité, invoquée par les intimés, que les produits puissent être ressaisis après leur restitution ne saurait, à mon avis, légitimer la remise initiale. (KOURTASSIS c. M.R.N.).
[68] En l’espèce, le premier juge pouvait décider qu’il serait inutile d’entendre cette requête puisqu’au final, il n’aurait pu remettre les items dont il en avait déclaré la possession illégale.
[69] Il n’a commis aucune erreur en référant à l’arrêt R. c. Cody [2017] 1 R.C.S. 659 où la Cour suprême énonce que les juges de première instance ne devraient pas hésiter à rejeter sommairement des demandes dès qu’il apparaît évident qu’elles sont frivoles.
[70] Le Tribunal souligne que la requête de Monsieur Monfette n’a pas été qualifiée de frivole par le premier juge, mais plutôt que l’audition devenait inutile et serait perte de temps.
[71] En décidant de la sorte, le premier juge n’a commis aucune erreur.
POUR TOUS CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[72] REJETTE l’appel;
[73] LE TOUT sans frais.
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HÉLÈNE DI SALVO, j.c.s.
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Me Annie Lahaise |
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Me Mylène Lareau |
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Procureures pour les requérants |
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Me Marie-Claude Bourassa |
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Procureure pour l’intimée |
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Date d’audience : |
7 juillet, 3 août 2020 |
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AVIS :
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