Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Centre d'accueil St-Margaret

2013 QCCLP 1031

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

19 février 2013

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

469665-71-1204

 

Dossier CSST :

132832114

 

Commissaire :

Michèle Juteau, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Centre d’Accueil St-Margaret

 

Partie requérante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 18 avril 2012, le Centre d’Accueil St-Margaret (l’employeur) conteste la décision rendue le 20 mars 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 25 janvier 2012. Elle déclare que le coût des visites médicales et des déplacements, relatif à la lésion professionnelle subie par madame Brenda Chuilli (la travailleuse), doit être imputé au dossier de l’employeur.

[3]           À la demande de l’employeur, la présente décision est rendue à partir des renseignements au dossier. Elle tient compte de l’argumentation écrite déposée par l’employeur le 14 novembre 2012.


L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le coût des actes médicaux et autres frais pour la période postérieure au 31 mars 2008 ne doit pas être imputé à son dossier.

LES FAITS

[5]           La travailleuse, une préposée à la buanderie, subit un accident du travail le 12 janvier 2008. Elle se blesse au dos en faisant une rotation lombaire pour lancer un sac de vidanges dans un bac. Une entorse lombo-sacrée est retenue comme diagnostic. La travailleuse reçoit des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie.

[6]           Le 3 mars 2008, le médecin qui la suit indique que son état est amélioré de 40 %. Deux semaines plus tard, soit le 17 mars 2008, il mentionne des symptômes intéressant le nerf sciatique. Le 3 avril suivant, il recommande une thérapie occupationnelle tout en maintenant l’arrêt de travail.

[7]           Quelques jours auparavant, soit le 31 mars 2008, le docteur Michel Lorrain produit un rapport à la suite de l’examen de la travailleuse qu’il effectue à la demande de l’employeur. Il rapporte que la travailleuse se plaint de douleurs résiduelles qui l’empêchent de rester debout longtemps ou de marcher plus de 20 minutes.

[8]           À l’examen physique, le docteur Lorrain mesure des amplitudes articulaires au niveau lombaire qui sont diminuées. Il mentionne un indice de Schoeber à 13,5/10. Il indique cependant que la mobilisation sur la table d’examen est complète. Il ajoute que la travailleuse effectue une flexion aisée du tronc pour mettre ses bottes. Il conclut que la lésion de la travailleuse est consolidée. Voici les motifs qu’il exprime à cet égard :

Lésion consolidée en ce jour à savoir qu’il n’y a pas de douleur palpatoire et qu’il n’y a pas de radiculopathie.

 

Il est à noter une disproportion entre la mobilisation de l’employée en flexion, extension et flexion latérales qui sont très très limitées par rapport à celles observées lors de sa mobilisation sur la table d’examen et pour mettre ses bottes. C’est pour cette raison que nous consolidons la lésion sans limitations fonctionnelles ni DAP.

 

 

[9]           Au cours des semaines qui suivent, la travailleuse voit son médecin, la docteure Cam-Hanh Nguyen, les 3 et 21 avril, 7 et 28 mai et le 7 juin 2008. Ce médecin fournit des rapports médicaux pour chacune de ces consultations médicales. Elle rend compte de l’amélioration de la condition physique de la travailleuse. Elle remplit et elle communique à la CSST le rapport complémentaire que lui avait adressé l’employeur le 24 avril 2008, considérant la contestation médicale initiée le 15 avril 2008.

[10]        Le tribunal comprend que l’employeur conteste l’opinion de la docteure Nguyen telle qu’exprimée sur le rapport du 17 mars 2008.

[11]        Ainsi, le 17 juin 2008 sur le rapport complémentaire, la docteure Nguyen indique qu’à la visite du 21 avril précédent, la condition de la travailleuse était améliorée de 60 % seulement. Elle mentionne une perte d’équilibre survenue au début du mois de mai qui aurait provoqué une aggravation des symptômes. Elle signale que le 28 mai 2008, la travailleuse se sentait mieux et indiquait avoir récupéré d’environ 70 %. Enfin, elle mentionne que dernièrement, la travailleuse est plus flexible et qu’elle est en mesure d’accomplir des tâches allégées. Par ailleurs, elle ne prévoit pas de séquelles permanentes.

[12]        Le 25 juin 2008, la travailleuse est examinée par le docteur Denis Raymond du Bureau d’évaluation médicale. Le médecin juge que la lésion professionnelle de la travailleuse est consolidée au jour de son examen, soit le 25 juin 2008. Il mentionne que les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie servent à rassurer la travailleuse sur ses capacités et que la meilleure thérapie serait la reprise des activités normales. Il ajoute que le retour au travail « peut être encadré par la rassurance médicale habituelle ».

[13]        Le 8 juillet 2008, la CSST donne suite à l’avis du docteur Raymond. Elle juge que la lésion professionnelle de la travailleuse est consolidée le 25 juin 2008 et que les soins ne sont plus justifiés. Elle cesse donc de les payer. Elle cesse également de verser à la travailleuse une indemnité de remplacement du revenu considérant que celle-ci est capable d’exécuter son emploi.

[14]        L’employeur conteste cette décision jusqu’à la Commission des lésions professionnelles. Le 5 février 2009, une décision finale est rendue.

[15]        La Commission des lésions professionnelles entérine une entente intervenue entre les parties dont l’objet est la date de consolidation, la nécessité des traitements, la fin de l’invalidité de la travailleuse et celle du droit à une indemnité de remplacement du revenu. Les conclusions de cette décision sont ainsi rédigées :

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

 

ENTÉRINE l’accord intervenu entre les parties;

 

ACCUEILLE la requête de l’employeur Centre d’accueil St-Margaret;

 

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 6 août 2008 à la suite d’une révision administrative;

 


DÉCLARE que la lésion professionnelle de la travailleuse, madame Brenda Chiulli, est consolidée le 31 mars 2008;

 

DÉCLARE que les soins ou traitements ne sont plus nécessaires après le 31 mars 2008;

 

DÉCLARE que la travailleuse est capable d’exercer son emploi depuis le 31 mars 2008;

 

DÉCLARE que le droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu prend fin le 31 mars 2008.

 

 

[16]        Ce 25 février 2009, la CSST refuse une demande de transfert d’imputation du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle de la travailleuse. L’employeur avait fait valoir qu’une maladie intercurrente avait allongé la période de consolidation.

[17]        Le 21 octobre 2009, l’employeur s’adresse de nouveau à la CSST. Il demande, cette fois, que les frais postérieurs au 31 mars 2008 soient retirés de son dossier. Voici le texte de la lettre qu’il achemine à la CSST :

Après vérification de notre relevé des sommes imputés nous constatons que la décision de la CLP dans ce dossier n’a pas été appliquée.

 

En effet, la lésion a été consolidée sans APIP en date du 31 mars 2008, et donc tous les frais postérieurs à cette date devraient être retirés de notre dossier.

 

Nous vous acheminons copie de cette décision en espérant que les corrections appropriées soient effectuées rapidement.

 

Nous vous remercions de la diligence apportée à traiter notre demande.

 

 

[18]        Il n’apparaît pas, des documents du dossier, que la CSST a répondu à cette demande. Le tribunal ne retrace que la mention d’un suivi à faire aux notes évolutives du dossier.

[19]        Le 7 décembre 2011, l’employeur demande à nouveau à la CSST de retirer de son dossier les « frais postérieurs au 31 mars 2008 ». Il écrit :

Nous avons procédé à une révision de nos dossiers de 2008 avant la fin des 4 ans d’imputation et avons constaté que dans ce dossier la décision suite à la CLP du 6 février 2009 les imputations postérieur [sic] au 31 mars 2008 ne nous avaient pas toutes été retirées. (p.j.)

 

Selon les relevés mensuels de cette période, nous en arrivons à une surfacturation de 4209.51$ qui se détaille ainsi :

 

IRR du 31 mars 2008 au 24 avril 2008 1 927.92 $

IRR du 25 avril 2008 au 22 mai 2008 1 421.84 $

IRR du 23 mai 2008 au 26 juin 2008  1 777.30 $

 

Crédit obtenu :

 

26 juin 2008 101.56$

31mai 2008 au 24 juin 2008 1 269.50 $

 

Manque crédit de 3 856.00 $ pour IRR entre le 31 mars 2008 et le 25 juin 2008

 

Frais médicaux indemnisés entre 31 mars 2008 et 25 juin 2008

3 472.46 $

 

Frais médicaux soustraits de l’imputation postérieur au 31 mars 2008

3 220.00 $

 

Frais non désimputés de 252.46 $

 

Autres frais imputés (déplacement) 101.05 $

Ces frais n’ont jamais été désimputés.

 

Je vous joints copie des relevés mensuels ayant servi à établir notre réclamation de 4209.51$ de demande de désimputation au dossier 132 832 114.

 

(Nos soulignements)

 

 

[20]        Le tribunal comprend que le coût des prestations que l’employeur veut faire retirer de son dossier correspond à une partie des indemnités de remplacement du revenu versées au travailleur, des frais médicaux et des frais de déplacement. En tenant compte des montants mentionnés dans la lettre du 7 décembre 2011, on constate qu’il y a une erreur de calcul pour ce qui est du total de l’indemnité de remplacement du revenu imputé en trop. L’employeur aurait dû indiquer que cette somme est de 3 756.00 $ au lieu de 3 856.00 $. Le total des sommes pour lesquelles il requiert une « désimputation » est donc de 4 109,51 $ et non de 4 209,51 $. Cette précision étant faite, poursuivons l’exposé des faits.

[21]        Le 22 janvier 2012, la CSST refuse la demande de l’employeur. Pour des fins de compréhension, il y a lieu de citer le texte de cette décision :

Nous avons bien reçu votre lettre du 7 décembre 2011 concernant une demande de désimputation. Toutefois nous ne pouvons y donner suite car:

 

un travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit à l’assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion (article 188).

 

Ainsi, le coût découlant d’une visite médicale après la date de consolidation demeure imputé au dossier de l’employeur.

 

Par conséquent, il était de votre responsabilité de démontrer à la CSST que ces visites n’étaient pas en relation avec la lésion professionnelle du travailleur pour permettre à la CSST d’analyser votre demande.

 

Nous vous invitons à communiquer avec nous si vous avez besoin de renseignements supplémentaires au sujet de cette décision ou pour toute autre question. Vous pouvez demander la révision de la décision par écrit dans les 30 jours suivant la réception de la présente lettre.

 

 

[22]        La CSST indique que le coût découlant des visites médicales après consolidation demeure imputé au dossier de l’employeur parce que celui-ci n’a pas démontré qu’elles n’étaient pas effectuées en relation avec la lésion professionnelle du travailleur.

[23]        L’employeur demande la révision de cette décision sans obtenir entière satisfaction. À cette étape, la CSST retire du dossier de l’employeur le coût des indemnités de remplacement du revenu auquel l’employeur réfère. Elle indique que les frais concernant les soins et les traitements ont déjà été retirés du dossier.

[24]        Selon cette décision, il ne reste au dossier de l’employeur que les sommes payées par la CSST pour les visites médicales et les frais de déplacement remboursés en relation avec ces visites. Pour ces prestations, la CSST refuse de modifier sa décision initiale. Voici les motifs de ce refus :

La Révision administrative doit déterminer si les visites médicales et les déplacements et séjours survenus après la date de consolidation de la lésion professionnelle sont en relation avec la lésion professionnelle et si l’imputation de leur coût au dossier de l’employeur est justifiée.

 

La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la Loi) prévoit que le travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit à l’assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion ainsi que le remboursement des frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation. Toutefois, aucune disposition de la Loi ne prévoit ou ne précise la fin de ce droit.

 

De l’avis de la Révision administrative, l’imputation du coût des frais d’assistance médicale et de déplacement et de séjour dépend de son objet et de sa relation avec la lésion professionnelle et non pas nécessairement du moment où les frais ont été autorisés et payés.

 

Par ailleurs, conformément à la règle générale d’imputation, le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle est imputé au dossier de l’employeur au service duquel la travailleuse occupait son emploi au moment de l’événement ou exerçait un travail de nature à engendrer la maladie professionnelle.

 

C’est notamment le cas du coût des visites médicales effectuées après la consolidation de la lésion professionnelle, ainsi que le coût des frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

 


En effet, la consolidation de la lésion étant définie comme la guérison ou la stabilisation d’une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration n’est possible, il faut comprendre que même si une lésion professionnelle est consolidée, il est possible qu’une ou des visites médicales soient jugées nécessaires par le médecin qui a charge pour effectuer un suivi de l’état de santé du travailleur, qu’il y ait ou non présence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.

 

De la documentation retrouvée au dossier, la Révision administrative constate que la travailleuse a subi une lésion professionnelle, laquelle a été reconnue et acceptée par la Commission. Lorsque la lésion professionnelle est survenue, la travailleuse était à l’emploi de l’employeur. De plus, l’employeur n’a pas démontré que la visite médicale effectuée après la date de consolidation de la lésion professionnelle n’est pas en relation avec celle-ci.

 

 

[25]        À la suite de la réception de cette décision, l’employeur s’adresse à la Commission des lésions professionnelles, d’où le présent dossier.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[26]        Considérant que le litige entre l’employeur et la CSST ne concerne que l’imputation du coût des consultations médicales post consolidation et les frais de déplacement associés, la présente décision ne visera que ces prestations.

[27]        Selon la preuve au dossier, il y a eu cinq visites médicales post consolidation, soit les 3 et 21 avril, 7 et 28 mai et le 17 juin 2008.

[28]        La consultation du 17 juin 2008 a été l’occasion pour la docteure Nguyen de remplir le rapport médical complémentaire afin d’étayer ses conclusions médicales sur la consolidation de la lésion professionnelle de la travailleuse. Elle agissait alors suivant les dispositions de l’article 212.1 de la loi qui se rattachent à l’évaluation médicale.

[29]        Voyons maintenant les règles applicables à l’imputation du coût de ces consultations et des frais de déplacement associés.

[30]        Le premier alinéa de l’article 326 de la loi prescrit que la CSST impute à l’employeur le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail survenu à un travailleur qui est à son emploi :

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

[31]        En l’occurrence, la travailleuse est au service de l’employeur lorsque l’accident du travail est survenu. Ce fait n’est d’ailleurs pas contesté.

[32]        La travailleuse a été indemnisée par la CSST en raison de l’accident du travail qu’elle a subi le 12 janvier 2008. Celle-ci, comme l’article 194 de la loi le prescrit, a pris à sa charge le coût de l’assistance médicale requise compte tenu de l’état de la travailleuse. Cette assistance médicale comprend les services de la docteure Nguyen comme l’article 188 et le paragraphe premier de l’article 189 de la loi les prévoient. Voici le texte de ces dispositions législatives :

194.  Le coût de l'assistance médicale est à la charge de la Commission.

 

Aucun montant ne peut être réclamé au travailleur pour une prestation d'assistance médicale à laquelle il a droit en vertu de la présente loi et aucune action à ce sujet n'est reçue par une cour de justice.

__________

1985, c. 6, a. 194.

 

 

188.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

 

189.  L'assistance médicale consiste en ce qui suit :

 

1° les services de professionnels de la santé;

 

2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.

 

 

[33]        Donc, il ne fait pas de doute que les services de la docteure Nguyen sont des prestations au sens de la définition édictée par le législateur à l’article 2 de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« prestation » : une indemnité versée en argent, une assistance financière ou un service fourni en vertu de la présente loi;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[34]        Quant aux des frais de déplacement, la CSST les rembourse au travailleur en vertu de l’article 115 de la loi et du Règlement sur les frais de déplacement et de séjour[1] :

115.  La Commission rembourse, sur production de pièces justificatives, au travailleur et, si son état physique le requiert, à la personne qui doit l'accompagner, les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation, selon les normes et les montants qu'elle détermine et qu'elle publie à la Gazette officielle du Québec.

__________

1985, c. 6, a. 115.

 

 

[35]        Dans le présent dossier, la CSST a retiré du dossier de l’employeur le coût de certaines prestations, soit l’indemnité de remplacement du revenu versée à compter du 31 mars 2008, les traitements administrés après cette date et certains frais de déplacement qui s’y rapportent.

[36]        Le tribunal comprend que la CSST agissait alors en application de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles du 5 février 2009 dont les conclusions visaient spécifiquement la fin du droit à l’indemnité de remplacement du revenu et à la fourniture de soins et traitements. Cette décision établit expressément qu’à partir du 31 mars 2008, la travailleuse n’avait pas droit à ces prestations.

[37]        Même si de facto la travailleuse a reçu une indemnité de remplacement du revenu et qu’elle a bénéficié des traitements, le dossier de l’employeur n’est pas imputé de leur coût parce qu’ils ne sont pas dus en raison d’un accident du travail. Il s’agit d’une conséquence qui découle des conclusions de la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles dont l’objet est notamment la fin du droit à l’indemnité de remplacement du revenu  et la fin du droit à recevoir des traitements et des soins.

[38]        L’employeur plaide que le coût des services du docteur Nguyen doit subir le même sort. Il ne conteste pas le droit de la travailleuse de recevoir ces prestations que sont les services du docteur Nguyen. Son recours concerne plutôt la relation de ces services avec l’accident du travail.

[39]        On comprend que si le droit de la travailleuse était remis en question, le litige l’impliquerait comme partie intéressée et, suivant l’article 370 de la loi, il serait inscrit dans la division de la prévention et de l’indemnisation des lésions professionnelles où le juge administratif siège accompagnée de membres issus des associations syndicales et patronales. Il n’est donc pas question d’examiner le droit de la travailleuse de recevoir les services d’un professionnel de santé.

[40]        Par ailleurs, il faut noter que la CSST n’a pas rendu de décision écrite qui concernerait spécifiquement les services d’un professionnel de la santé autre que la décision d’admissibilité, laquelle précise que la réclamation est acceptée. Par contre, de facto, la CSST a assumé le coût des services de la docteure Nguyen. La question en litige concerne l’imputation de ces coûts.

[41]        Pour appuyer son argumentation, l’employeur cite un précédent jurisprudentiel, soit l’affaire Sœurs Ste-Croix (Pavillon Saint-Joseph)[2]. Il demande à la Commission des lésions professionnelles d’appliquer le même raisonnement au présent dossier.

[42]        Dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles dispose d’une demande d’un employeur visant l’imputation du coût des consultations médicales postérieures à la date de consolidation de la lésion professionnelle alors que la travailleuse n’avait conservé aucune séquelle de cette lésion. Le tribunal saisit du litige retient que la date de consolidation marque la fin de l’imputation du coût des prestations au dossier de l’employeur :

[17] La Commission des lésions professionnelles adhère aux propos de la majorité des juges administratifs du banc de trois précité. Le présent tribunal est en effet d’avis que la consolidation d’une lésion professionnelle sans la nécessité de traitements et sans atteinte permanente ou limitations fonctionnelles entraine la fin de l’imputation des coûts au dossier de l’employeur.

 

[43]        Cette conclusion repose sur le raisonnement tenu par la majorité des juges administratifs dans l’affaire Centre hospitalier de Montréal-Pavillon Mailloux et CSST[3]. Nous reviendrons sur cette décision plus loin.

[44]        Le présent tribunal comprend que la solution au présent litige découlera de la signification qu’on donne au concept de « prestations dues en raison accident du travail. » On imputera au dossier de l’employeur le coût des consultations médicales qui sont survenues après la consolidation si elles sont en relation avec la lésion professionnelle survenue par le fait de l’accident du travail.

[45]        L’imputation du coût des services d'un professionnel de la santé, particulièrement ceux fournis par le médecin qui a charge d’un travailleur, a fait l’objet de nombreuses décisions. Au fil du temps, deux principaux courants jurisprudentiels ont émergé.

[46]        Le premier courant assimile la consolidation sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles à une guérison complète, laquelle met un terme définitif au droit du travailleur de recevoir des prestations en vertu de la loi, incluant l’assistance médicale. Dans de tels cas, on juge que les services fournis par un professionnel de la santé, après la date de consolidation, ne sont pas dus en raison de la lésion professionnelle.

[47]        L’autre courant jurisprudentiel exige que chaque situation soit considérée à son mérite. Selon cette façon d’appliquer la loi, la consolidation d’une lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles n’entraîne pas automatiquement la fin du droit aux services d’un professionnel de la santé. Ce faisant, pour obtenir gain de cause, l’employeur doit démontrer que la consultation médicale n’a pas eu lieu « en raison » de la lésion professionnelle.

[48]        En avril 2012, dans l’affaire Centre hospitalier de Montréal-Pavillon Mailloux et CSST[4], mentionnée précédemment, une formation de trois juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles revoit cette jurisprudence. Elle rend une décision de principe sur la question. Si certains sujets abordés font l’objet d’un consensus, la lecture de la décision permet de constater que sur l’essentiel la décision est divisée. Deux juges administratifs s’inspirent du courant jurisprudentiel majoritaire, alors que la juge administrative dissidente interprète la loi différemment.

[49]        Unanimement, la formation indique que le coût des services d’un professionnel de la santé fait partie des risques assurés en vertu de la loi et qu’il doit être imputé au dossier d’expérience de l’employeur dans la mesure où ces services sont dus en raison d’un accident du travail.

[50]        Les trois juges administratifs considèrent que les services d’un professionnel de la santé ne doivent pas être confondus avec les concepts de soins et de traitements, lesquels sont spécifiquement destinés à guérir ou à soulager des symptômes.

[51]        Pour la majorité, la guérison d’une lésion professionnelle entraîne logiquement la fin du suivi médical. En conséquence, à compter de la consolidation d’une lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles, le travailleur n’a plus besoin d’assistance médicale, ce qui inclut les services d’un médecin. Les consultations médicales ultérieures à cette consolidation-guérison sont donc sans relation avec la lésion professionnelle. Elles ne sont donc pas des prestations dues en raison d’un accident du travail et leur coût ne doit pas être imputé au dossier de l’employeur.

[52]        Voici un extrait des motifs qui concerne la notion de « consolidation » et les conséquences sur le suivi médical relié à l’accident du travail :

[373] L’article 2 de la loi énonce ce que le législateur entend par la consolidation d’une lésion. Il indique :

 

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[374] La consolidation au sens de la loi vise donc deux concepts bien distincts, soit la guérison d’une lésion OU la stabilisation de celle-ci, à savoir l’atteinte d’un état stable au-delà duquel aucune amélioration de l’état de santé n’est prévisible.

 

[375] En effet, l’utilisation de la conjonction « ou » exprime une alternative entre ces deux notions, et non un cumul de celles-ci, de telle sorte que la non-amélioration de l’état s’adresse à la stabilisation et non à la guérison de la lésion.

 

[376] De plus, le sens ordinaire des mots « guérison » et « guérir » oriente vers un rétablissement total et complet du travailleur et vers une absence de séquelles résultant de la lésion :

 

« guérison » : Disparition complète d’un mal physique ou moral.54

 

« guérir » : Délivrer d’un mal physique ou moral. Recouvrer la santé. Disparaître, cesser en parlant d’une maladie.55

 

[377] Les dictionnaires médicaux offrent des définitions similaires. À titre d’exemple, dans le Dictionnaire de médecine56, il est écrit que la guérison est le « retour à l’état de santé antérieur à la maladie ou à la blessure » et il est aussi précisé que « en matière d’accident de travail ou de maladie professionnelle, la délivrance d’un certificat de guérison exclut la détermination d’un taux d’invalidité ».

 

[378] Une lésion professionnelle peut donc se solder par une guérison ou par une stabilisation de l’état du travailleur.

 

[379] La guérison n’est certes pas décrite à la loi, comme l’est le concept de stabilisation, mais il ressort du sens usuel de ce terme qu’il y a disparition complète du problème de santé affligeant le travailleur.

 

[380] Dès lors, une lésion consolidée parce que guérie ne génère pas d’atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles et ne nécessite pas de soins ou de traitements additionnels.

 

[381] Tout au contraire, la lésion consolidée parce que stabilisée oriente vers la reconnaissance de séquelles permanentes et de limitations fonctionnelles et vers la nécessité de soins ou de traitements dans le but de maintenir, au besoin, l’état stable acquis au terme des traitements actifs.

 

[382] Le suivi médical amorcé à la suite d’un accident du travail se termine donc par l’une ou l’autre des consolidations prévues par le législateur.

 

[…]

 

[388] Le rétablissement du travailleur par la guérison de sa lésion rend donc cette assistance inutile. De plus, lorsque qu’une lésion est consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, la CSST retire du dossier d’expérience de l’employeur les coûts relatifs aux soins ou aux traitements ainsi que les frais de déplacement générés pour recevoir ces soins ou ces traitements parce qu’elle considère que l’effet du rapport final émis ou des décisions rendues est de nier toute relation entre ces coûts et la lésion professionnelle. Le tribunal s’explique donc mal comment la visite médicale effectuée pour recevoir ces soins ou ces traitements peut demeurer reliée à cette lésion.

 

(Les références sont omises)

 

 

[53]        La majorité élabore sur ce qu’elle qualifie de « fardeau de la preuve ». Elle prend en contact les pratiques administratives de la CSST et relève certains cas où la démonstration de l’absence de relation causale entre la consultation médicale et l’accident du travail est à son avis un fardeau trop lourd, voire impossible, pour l’employeur. Ce faisant, elle considère plus juste d’exiger des employeurs qu’ils  fassent simplement la preuve que la lésion professionnelle est consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles pour obtenir gain de cause :

[407] L’employeur apprend donc, plusieurs années plus tard, qu’une visite médicale a eu lieu et il ignore tout des motifs de celle-ci puisqu’aucun rapport médical n’est produit à l’appui de cette visite.

 

[408] Le tribunal peine à voir comment l’employeur peut démontrer que cette visite médicale particulière n’est pas reliée à la lésion professionnelle autrement qu’en établissant que cette lésion est consolidée sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle et que, dans un tel contexte, les visites médicales postérieures à cette consolidation ne peuvent être effectuées en raison de cette lésion.

 

[409] Il est vrai que madame Leroux réussit à faire cette démonstration en appelant les travailleurs pour s’enquérir des motifs de la visite médicale ou encore en consultant les documents confidentiels se trouvant dans leur dossier d’assurance invalidité.

 

[410] Or, d’une part, cet avantage de gérer deux régimes d’indemnisation n’est pas donné à tous les employeurs.

 

[411] Ces régimes sont habituellement étanches et l’employeur ne peut donc puiser au dossier d’invalidité l’information relative au motif d’une visite médicale particulière.

 

[412] D’autre part, les bris de confidentialité que génère une telle méthode ne sont pas souhaitables et ils ne doivent pas être recherchés ou encouragés par la Commission des lésions professionnelles. L’imposition d’un fardeau de preuve moins lourd apparaît un moindre mal que les incursions inopportunes dans le dossier confidentiel d’un travailleur dans le but de respecter un fardeau de la preuve qui s’avère exorbitant dans les circonstances.

 

[413] Le tribunal est donc d’avis que le fardeau de preuve que doit respecter l’employeur se limite à démontrer que la lésion découlant de l’accident du travail est consolidée sans nécessité de traitements additionnels, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle et que des coûts générés après cette date de consolidation sont imputés à son dossier d’expérience.

 

 

[54]        La majorité admet cependant l’existence de certains cas d’exception comme celui du travailleur atteint de douleurs chroniques reliées à la lésion professionnelle qui nécessite un suivi médical pour l’ajustement de la médication. Dans ces rares cas, les juges administratifs de la majorité indiquent que le coût des consultations médicales doit être imputé à l’employeur. Voici le raisonnement qu’elle tient à cet égard en tenant compte du courant jurisprudentiel minoritaire :

[415] Le courant jurisprudentiel minoritaire s’oppose certes à cette interprétation. Dans certaines décisions, les juges administratifs soutiennent que diverses raisons peuvent expliquer des consultations médicales postérieures à la consolidation d’une lésion professionnelle sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle.

 

[416] Ils parlent de consultations pour des douleurs chroniques, d’obtention d’un nouveau plan de traitements, de traitements additionnels prescrits, de recommandation de poursuivre les modalités thérapeutiques, d’ajustement de prothèses ou d’orthèses, de travailleurs porteurs d’une atteinte permanente infra-barème devant consulter en raison de douleurs toujours présentes, de travailleurs consultant leur médecin pour faire remplir des formulaires, de travailleurs se présentant chez un dentiste afin de faire ajuster une prothèse dentaire, de travailleurs recevant des traitements de soutien afin d’être maintenus en emploi, de travailleurs voulant s’assurer que leur état n’a pas évolué, de travailleurs désirant savoir s’ils conservent une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, de travailleurs désirant se faire confirmer l’atteinte d’un plateau thérapeutique ou l’échec des traitements proposés ou encore de travailleurs consultant en raison d’une récidive, rechute ou aggravation éventuelle.

 

[417] Le tribunal remarque cependant que, dans aucun des dossiers concernés, ces situations de faits hypothétiques ne sont démontrées. Or, la Commission des lésions professionnelles ne peut rejeter une demande en se basant sur des faits non prouvés.

 

[418] De plus, comme mentionné précédemment, il ne s’agit pas de procéder à un retrait de coûts automatique sans égard aux faits particuliers du dossier présenté au tribunal.

 

[419] Ainsi, si le dossier révèle que, malgré la consolidation de la lésion professionnelle sans nécessité de soins ou de traitements, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, le travailleur souffre toujours de douleurs chroniques, que ces douleurs sont reconnues et indemnisées par la CSST puisque reliées à la lésion professionnelle et que ce dernier consulte son médecin pour faire ajuster sa médication, le tribunal ne pourra faire autrement que de conclure que cette visite médicale constitue une prestation due en raison de l’accident du travail dont les coûts doivent être imputés à l’employeur.

 

[420] Il en est de même des autres hypothèses soulevées.

 

[421] Bien qu’il soit peu probable, voire impossible, qu’une lésion consolidée sans nécessité de traitements additionnels génère des visites médicales afin d’ajuster de tels traitements ou de revoir le plan de traitements ou de prescrire des traitements additionnels ou des traitements de soutien ou de se faire confirmer l’atteinte d’un plateau thérapeutique ou l’échec des traitements proposés, s’il s’avère que, dans le dossier particulier porté à l’attention du tribunal, ces traitements supplémentaires prescrits sont acceptés par la CSST et administrés en raison de la lésion professionnelle, les coûts relatifs à ces visites médicales devront demeurer imputés au dossier d’expérience de l’employeur.

 

[422] En outre, bien que le tribunal ait quelques difficultés à imaginer une telle situation lorsque la lésion est consolidée sans nécessité de traitements supplémentaires, sans atteinte permanente ni limitation fonctionnelle, si des prothèses ou des orthèses sont prescrites et qu’elles sont défrayées par la CSST, la visite médicale générée après la date de la consolidation de la lésion afin d’ajuster une telle prothèse ou une telle orthèse sera considérée reliée à cette lésion.

 

 

[55]        La majorité se penche spécifiquement sur le cas où la date de consolidation et la fin des traitements et des soins ont été modifiées à rebours par la Commission des lésions professionnelles comme en l’espèce. Elle conclut que ces situations ne peuvent justifier une réponse différente puisqu’il faut donner un effet à la décision finale sur la consolidation et les séquelles, laquelle cristallise les conséquences médicales de la lésion professionnelle.

[56]        Par contre, la majorité déclare que le coût des consultations médicales liées à la procédure d’évaluation médicale doit être imputé au dossier de l’employeur parce que ces déboursés sont intimement liés au processus décisionnel. Elle écrit que « sans ces déboursés, il est impossible de se prononcer de façon finale sur les conséquences médicales de la lésion professionnelle ».

[57]        En conclusion, la majorité se résume et précise notamment que le fardeau de preuve revient à l’employeur, lequel doit démontrer que les visites médicales, dont le coût est à retirer de son dossier d’imputation, sont survenues après la date de consolidation de la lésion professionnelle sans nécessité de traitements ou de soins ultérieurs alors que le travailleur ne conserve pas d’ atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles.

[58]        Dans cette affaire, Centre hospitalier de Montréal-Pavillon Mailloux et CSST[5], la juge administrative dissidente fait une autre application du premier alinéa de l’article 326 de la loi en distinguant les questions médicales des questions juridiques ainsi que leurs effets respectifs.

[59]        Après avoir cité la définition de consolidation et les dispositions législatives relatives à l’assistance médicale, la juge administrative dissidente écrit que la loi n’empêche pas un travailleur, dont la lésion professionnelle est consolidée et même guérie, de consulter son médecin en raison de sa lésion professionnelle. Elle indique que les articles 188 et 189 sur l’assistance médicale ne font pas référence à la notion de « consolidation » comme les articles 46 et 47 de la loi le font à l’égard du droit à une indemnité de remplacement du revenu.

[60]        La juge dissidente fait remarquer que la consolidation d’une lésion professionnelle n’est pas synonyme de sa guérison et qu’il ne faut pas confondre ces concepts. Elle précise que dans certains cas, l’état du travailleur, dont la lésion professionnelle est consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles, pourra nécessiter un suivi médical pour surveiller l’évolution, renouveler une ordonnance ou ajuster la posologie d’un médicament. Elle juge que ce suivi post consolidation est dû en raison de l’accident du travail dont le travailleur a été victime.

[61]        Mais, encore plus, la juge administrative dissidente fait une distinction entre les concepts médicaux que sont la consolidation, la nécessité des soins et des traitements, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles, et le droit aux prestations qui relève de l’ordre juridique.

[62]        À son avis, en matière de prestations, le droit d’un travailleur dépend de la relation causale qui s’établit entre l’accident du travail et, en l’occurrence, la visite médicale. Les conclusions médicales ne doivent pas emporter le sort d’une question essentiellement juridique.

[63]        Elle retient, contrairement à l’opinion de la majorité, qu’on ne peut conclure à l’absence de relation entre des services de professionnels de la santé et un accident du travail pour la seule raison qu’une lésion professionnelle est consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.

[64]        La juge administrative dissidente distingue les services fournis par un médecin des questions qui ont trait à la nature et à la nécessité des soins et des traitements. À son avis, il faut les distinguer de sorte qu’on ne peut pas déduire que la consolidation sans poursuite de soins ou de traitements et sans séquelles entraîne nécessairement la fin du droit au service d’un médecin. Elle souligne, par ailleurs, que l’employeur ne peut pas utiliser la procédure d’évaluation médicale pour contester le bien fondé des visites médicales.

[65]        Elle indique, afin de déterminer si un coût doit être imputé à l’employeur, qu’il y a toujours lieu d’examiner si la consultation médicale est bel et bien effectuée « en raison de la lésion ». À son avis, c’est généralement le cas lorsque le médecin remplit le formulaire prescrit par la CSST.

[66]        Dans cette affaire, Centre hospitalier de Montréal-Pavillon Mailloux et CSST[6], les juges administratifs de la formation ont disposé de plusieurs recours dont les faits sont similaires au présent dossier. À titre d’illustration, voyons la solution que la majorité et la juge dissidente adoptent dans certains de ces cas.

[67]        Dans le dossier 383712-71-0907, le travailleur a subi une lésion professionnelle le 14 mai 2007 par le fait d’un accident du travail. Cette lésion professionnelle est consolidée le 3 juillet 2007 sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles suivant l’avis du médecin qui a charge. Plusieurs mois plus tard, soit le 17 septembre 2009, le travailleur consulte son médecin. Il n’y a pas de rapport médical au dossier de la CSST qui attesterait des motifs de cette visite.

[68]        La majorité de même que la juge administrative dissidente jugent qu’en vertu de l’article 326 de la loi, le coût de cette seule visite médicale post consolidation ne doit pas être imputé au dossier de l’employeur. La majorité motive cette conclusion par le fait que la visite médicale est effectuée plusieurs mois après la consolidation de la lésion professionnelle alors qu’il n’en résulte aucune séquelle. Elle considère également que la visite médicale n’est pas documentée et qu’il est impossible pour l’employeur d’en connaître le motif. La juge dissidente motive sa conclusion de manière différente. Elle tient compte principalement du fait que la visite médicale post consolidation n’est pas documentée par un rapport médical. Elle en déduit que la consultation médicale n’est pas une prestation due en raison d’un accident du travail.


[69]        Dans le dossier 395433-62-0911, le travailleur a subi une lésion professionnelle le 4 novembre 2006 par le fait d’un accident du travail. Cette lésion professionnelle est consolidée le 30 mars 2007 sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles suivant l’avis du médecin membre du Bureau d’évaluation médicale. Le 18 juillet 2007, la CSST rend une décision pour donner suite aux conclusions médicales du Bureau d’évaluation médicale. Elle juge également que le travailleur était en mesure de reprendre son emploi à compter du 30 mars 2007. Il appert des faits que le travailleur a consulté son médecin, à quelques reprises, entre le 30 mars 2007 et le 18 juillet 2007.

[70]        La majorité de la formation de trois juges administratifs rappelle que la contestation de questions médicales par l’employeur et l’obtention de l’opinion d’un médecin membre du Bureau d’évaluation médicale n’ont aucun impact sur l’application de l’article 326 de la loi. Elle déclare donc que l’employeur ne doit pas supporter le coût des visites médicales post consolidation puisqu’il a démontré que ces visites médicales ne peuvent être assimilées à des prestations dues en raison d’un accident du travail. La juge administrative dissidente en serait venue à une autre conclusion parce que les consultations médicales ont servi à encadrer le retour au travail et permis au médecin qui a charge d’émettre un rapport final. Elle écrit :

Opinion dissidente

 

[662] Les visites médicales effectuées entre le 30 mars et le 7 juin 2007 sont toutes accompagnées de rapports médicaux dans lesquels le médecin qui a charge recommande certaines restrictions dans le cadre du retour au travail. La visite du 7 juin est le rapport final émis.

 

[663] La soussignée estime que la preuve démontre que ces visites médicales ont été effectuées en en raison de l’accident du travail survenu et que le coût de ces visites médicales doit demeurer au dossier financier de l’employeur.

 

 

[71]        Dans le dossier 398826-62-0912, le travailleur a subi une lésion professionnelle le 10 juin 2008 par le fait d’un accident du travail. Il est indemnisé par la CSST. Pendant la période de consolidation et de traitements, l’opinion du médecin qui a charge est contestée. Un médecin du Bureau d’évaluation médicale se prononce puis finalement, les questions médicales sont soumises à la Commission des lésions professionnelles qui entérine une entente intervenue entre les parties par décision finale datée du 2 avril 2009. La Commission des lésions professionnelles conclut que la lésion professionnelle du travailleur est consolidée depuis le 4 juillet 2008 avec suffisance de soins. Elle déclare également que le travailleur est en mesure d’accomplir son travail à compter de cette date, compte tenu de la date de consolidation et de l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.

[72]        La majorité de la formation rappelle que la contestation médicale et l’obtention de l’opinion d’un médecin membre du Bureau d’évaluation médicale n’ont aucun impact sur l’application de l’article 326 de la loi. Elle déclare donc que l’employeur ne doit pas supporter le coût des visites médicales post consolidation puisqu’il a démontré que ces visites médicales ne peuvent être assimilées à des prestations dues en raison d’un accident du travail.

[73]        La juge administrative dissidente en arrive à une conclusion différente. Elle juge que la consultation, qui a donné lieu à la rédaction du rapport complémentaire, ainsi qu’une autre consultation documentée par un rapport médical à la CSST sont en relation avec la lésion professionnelle et leur coût doit être imputé au dossier de l’employeur. Pour les autres visites post consolidation, elle indique que la relation ne peut être établie considérant la preuve au dossier.

[74]        Dans un autre cas, dossier 391701-62-0910, le travailleur subit un accident du travail qui entraîne une lésion professionnelle consolidée le 2 mars 2004 avec suffisance des soins. Le travailleur est déclaré apte à reprendre son emploi à compter de cette date. La décision finale sur ces questions mentionne également que le travailleur n’a plus droit aux prestations prévues par la loi à partir du 2 mars 2004.

[75]        La majorité de la formation juge qu’il faut donner plein effet à la décision finale qui met fin aux prestations prévues par la loi pour conclure que les visites médicales effectuées après le 2 mars 2004 n’étaient pas reliées à la lésion professionnelle. La majorité ajoute cependant que la consultation du 30 août 2004 a été utile à la détermination des conséquences médicales finales de la lésion professionnelle. Elle indique que le coût de cette consultation médicale, qui a donné lieu à la production du rapport final, doit être imputé au dossier de l’employeur.

[76]        La juge administrative dissidente indique que ce dossier est un cas d’espèce. Elle en arrive à la même conclusion que la majorité mais, précise-t-elle, strictement en raison du fait que la décision finale comporte une conclusion voulant que le travailleur n’ait plus droit aux prestations prévues par la loi à compter du 2 mars 2004.

[77]        Le tribunal constate que la base du différend entre la majorité et la juge administrative vient principalement de ce qu’on infère de la décision finale sur la consolidation et les conséquences médicales de la lésion professionnelle.

[78]        La majorité retient qu’une décision établissant la consolidation sans nécessité de soins ni traitements ultérieurs et sans laisser d’atteinte permanente ni de limitations fonctionnelles, est en principe guérie de sorte que cette décision entraîne la fin de la relation entre les services d’un professionnel de la santé et la lésion professionnelle. Néanmoins, la majorité reconnaît que certaines circonstances particulières pourraient permettre d’établir cette relation comme dans le cas de douleurs chroniques.


[79]        La juge administrative dissidente ne considère pas que la décision finale sur la consolidation a un impact sur une question juridique qu’est la relation entre les consultations médicales post consolidation et la lésion professionnelle. Elle retient que l’absence de relation ne peut être établie en référant à la décision qui concerne des questions médicales.

[80]        Par souci de précision, il faut indiquer que la décision rendue par la formation de trois juges administratifs fait l’objet d’une requête en révision judiciaire dont le résultat n’est pas encore connu. Malgré cela, depuis la sortie de cette décision, le raisonnement de la majorité a été largement suivi sans que les décisions soient portées en révision judiciaire[7].

[81]        Par ailleurs, il persiste un courant jurisprudentiel minoritaire qui s’inspire de l’opinion de la juge administrative dissidente[8]. Ces décisions ne font pas non plus l’objet de requête en révision judiciaire.

[82]        Considérant ce tableau jurisprudentiel, que doit-on retenir?

[83]        L’employeur plaide que l’imputation du coût cesse par la consolidation d’une lésion professionnelle « lorsque celle-ci n’entraîne plus la nécessité de traitements ou de soins et lorsqu’il y a absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles ». De l’avis du présent tribunal, cette façon de résumer la norme juridique applicable est incomplète.

[84]        Même en référant à l’opinion de la majorité dans l'affaire te. Centre hospitalier de Montréal-Pavillon Mailloux et CSST[9], on constate que la solution exige un examen des faits en cause eu égard aux circonstances particulières pouvant justifier une conclusion différente. Il faut aussi voir si certains actes des professionnels de la santé relèvent de la procédure de l’évaluation médicale, auquel cas leur coût demeurerait imputé au dossier de l’employeur.

[85]        Il faut donc rejeter l’idée que la date de consolidation assortie d’une fin de traitement et d’un constat d’absence de séquelles permanentes fait foi de tout. Avec respect pour l’argument, le présent tribunal considère que cette façon de faire escamote l’analyse des faits d’un dossier à la faveur d’une vision mécanique de la norme juridique applicable.

[86]        Quel que soit le courant jurisprudentiel retenu, le décideur doit considérer les faits, notamment l’objet des consultations médicales et la nature des services fournis par le professionnel de la santé avant de conclure qu’ils ne sont pas reliés à la lésion professionnelle. Dans cette analyse plusieurs éléments peuvent être considérés dont la fin des soins et des traitements, la présence de séquelles, telles les douleurs chroniques, ainsi que les conditions de retour au travail.

[87]        La conclusion voulant que les consultations médicales post consolidation ne soient pas reliées à l’accident du travail doit reposer sur l’analyse des faits du dossier. Conséquemment, l’argument de l’employeur tel que formulé n’est pas retenu.

[88]        Cela dit, face à une jurisprudence divisée, le litige du présent dossier, relatif à l’imputation du coût des consultations de la docteure Nguyen, reste à trancher.

[89]        Dans le présent dossier, peut-on considérer que la décision de la Commission des lésions professionnelles sur la consolidation emporte aussi la fin de la relation entre les services du professionnel de la santé et l’accident du travail. Pour les motifs qui suivent qui s’accordent avec le raisonnement de la majorité dans l’affaire Centre hospitalier de Montréal-Pavillon Mailloux et CSST[10], le présent tribunal juge que tel est le cas.

[90]        Les consultations, qui ont eu lieu après le 31 mars 2008, ont servi à encadrer l’administration des traitements. En effet, la docteure Nguyen évaluait l’évolution de la condition de la travailleuse comme il s’en explique sur le Rapport complémentaire. Par ailleurs, Il n’y a eu aucune visite médicale de la docteure Nguyen pour encadrer le retour au travail, du moins le tribunal n’en a pas la preuve. Le suivi médecin a pris fin le 17 juin 2008, ce qui coïncide avec la date de l’examen médical effectué par le docteur Raymond, membre du Bureau d’évaluation médicale.

[91]        Dans le présent dossier, l’employeur a contesté avec succès la durée du  plan de traitements établi par le médecin qui a charge. La Commission des lésions professionnelles a déclaré que l’état de la travailleuse ne nécessitait plus de traitements à compter du 31 mars 2008. Les soins postérieurs à cette date ont été jugés sans relation avec l’accident du travail.


[92]        On peut inférer de ces faits que la travailleuse s’est complètement rétablie et qu’elle a été en mesure de reprendre son travail sans que la docteure Nguyen intervienne pour encadrer la démarche de retour en emploi comme le docteur Raymond, membre du Bureau d’évaluation médicale, l’avait suggéré.

[93]        Le tribunal convient que le concept de consolidation d’une lésion professionnelle est plus large que celui de guérison. Toutefois, il n’est pas impossible que dans certains cas, comme en l’espèce, la preuve prépondérante établisse que la travailleuse s’est complètement rétablie.

[94]        Dans ces cas, il est logique et conséquent de conclure que les consultations médicales qui ont eu lieu, uniquement pour assurer le suivi clinique des soins post consolidation, soient également jugées sans relation avec la lésion professionnelle qui découle de l’accident du travail. Il en est de même pour les frais de déplacement associés à ces visites qui ont été remboursés à la travailleuse.

[95]        De l’avis du présent tribunal, l’imputation au dossier de l’employeur du coût des consultations médicales post consolidation et des frais de déplacement associés ne serait pas équitable considérant que cet employeur a exercé avec succès ses droits en contestant l’avis du médecin qui a charge ainsi que les décisions écrites que la CSST lui a communiquées.

[96]        Néanmoins, le coût de la consultation du 17 juin 2008 doit être imputé au dossier de l’employeur puisqu’à cette occasion, la docteure Nguyen a rempli le rapport médical complémentaire. Elle agissait donc dans le cadre du processus contestation menant au Bureau d’évaluation médicale.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE en partie la contestation de l’employeur;

INFIRME la décision rendue le 20 mars 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative;


DÉCLARE qu’outre la consultation médicale du 17 juin 2008 et les frais de déplacement qui s’y rapportent, le dossier de l’employeur ne doit pas être imputé du coût des consultations médicales postérieures au 31 mars 2008 ainsi que des frais de déplacement qui s’y rapportent.

 

 

 

__________________________________

 

Michèle Juteau

 

 

 

 

Me Michel J. Duranleau

DURANLEAU CONSULTANTS INC.

Représentant de la partie requérante

 

 



[1]          Décision 93-06-07, 1993 G.O. 2, 4257.

[2]          2012 QCCLP 5532 .

[3]          2012 QCCLP 2553 .

[4]          Précitée note 2.

[5]           Précitée, note 3.

[6]           Précitée, note 3.

[7]           Bell Canada, 2012 QCCLP 3090 ; Saladexpress 1995 inc., 2012 QCCLP 4655 ; I.B.M. Canada ltée, 2012 QCCLP 4950 ; CSSS Haute-Yamaska, 2012 QCCLP 5073 ; CSSS Haut Richelieu/Rouville, 2012 QCCLP 5731 ; Société Terminaux Montréal Gateway, 2012 QCCLP 6621 ; Agromex inc., 2012 QCCLP 6931 ; Société des Traversiers du Québec, 2012 QCCLP 7042 ; Centre de la petite enfance Mon Monde à Moi et CSST, 2012 QCCLP 5096 ; CSH L’Oasis S-Jean, 2012 QCCLP 4194 .

[8]           Ville de Montréal (Arrondissement Villeray/St-Michel/Parc-Extension), 2012 QCCLP 5518 ; Provigo distribution inc., 2012 QCCLP 3498 ; Provigo Québec inc. (division Loblaw), 2012 QCCLP 3783 .

[9]          Précitée note 2.

[10]        Précitée note 2.

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