Décision

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Droit de la famille — 22283

2022 QCCA 276

COUR D’APPEL

 

CANADA

PROVINCE DE QUÉBEC

GREFFE DE

 

QUÉBEC

 :

200-09-010459-227

(200-04-029709-217)

 

DATE :

23 février 2022

 

 

DEVANT

L'HONORABLE

SIMON RUEL, J.C.A.

 

 

P… D…

APPELANTE – demanderesse

c.

 

A… G…

INTIMÉ – défendeur

 

 

JUGEMENT

 

 

MISE EN GARDE : Interdiction de divulgation ou diffusion : le Code de procédure civile interdit de divulguer ou diffuser toute information permettant d’identifier une partie ou un enfant dont l’intérêt est en jeu dans une instance en matière familiale, sauf sur autorisation du tribunal (articles 15 et 16 du Code de procédure civile).

[1]                Dans un jugement rendu le 8 février 2022 et rectifié le 9 février 2022, la Cour supérieure accueille la demande de l'intimé en autorisation de faire vacciner les enfants des parties, âgés de 6 et 8 ans, contre la COVID-19[1].

[2]                L'appelante conteste la demande de vaccination puisqu'elle craint les effets à long terme du vaccin pour les enfants, vaccin qui a fait l'objet d'un processus d'approbation accéléré. Le juge s'appuie plutôt sur les recommandations de l'Institut national de santé publique du Québec pour la vaccination des enfants de 5 à 11 ans de même que sur celles publiées par le Gouvernement du Canada.

[3]                Considérant les délais devant être respectés entre les deux doses et l'importance que le premier vaccin soit inoculé rapidement, le juge rend exécutoire son ordonnance de vaccination nonobstant appel.

[4]                L'appelante se pourvoit devant cette Cour. Dans sa déclaration d'appel, elle invoque des moyens qui sont principalement de deux ordres.

[5]                Premièrement, elle soulève que, tout au long de l'audition, le juge de première instance a fait preuve de partialité, par ses remarques, son agressivité envers la partie appelante, en l'empêchant de faire sa preuve et en manifestant un préjugé favorable à la vaccination.

[6]                Deuxièmement, elle réitère que les enfants sont en bonne santé, qu'ils n'ont pas besoin d'être vaccinés, qu'il est requis d'avoir plus de données pour évaluer les effets secondaires potentiels des vaccins et que le choix du parent qui s'oppose à la vaccination devrait être respecté.

[7]                En application de l'article 660, al. 1 () du Code de procédure civile, l'exécution provisoire a lieu de plein droit lorsque le jugement de première instance se prononce en matière d'autorité parentale, ce qui est le cas en l'espèce.

[8]                L'appelante présente donc une demande en suspension de l'exécution provisoire de l'ordonnance de vaccination pendant l'appel, conformément au deuxième alinéa de l'article 660 du Code de procédure civile.

[9]                Dans cette affaire, j'estime que les critères d'octroi de la suspension de l'exécution provisoire du jugement ne sont pas satisfaits.

[10]           Le jugement ne présente aucune faiblesse apparente.

[11]           L'appelante soulève de graves allégations quant à la partialité du juge qui, dans ses paroles, son attitude et sa gestion de l'affaire, aurait manifesté un parti pris évident en faveur de la vaccination et l'aurait empêchée de faire sa preuve.

[12]           Or, les juges et leurs jugements bénéficient d'une forte présomption d'impartialité et d'intégrité[2]. Cette présomption peut être repoussée dans des circonstances exceptionnelles fondées sur une démonstration concrète et probante[3].

[13]           En règle générale, la partie qui allègue la partialité du juge en raison de son attitude ou comportement à l'audience doit le soulever à la première occasion, en première instance[4]. Le juge peut alors, si requis, apporter les correctifs nécessaires, ce qui peut inclure sa récusation[5].

[14]           En l'espèce, malgré les nombreux reproches adressés à l'égard de la conduite du juge, critiques qui s'étendent même à d'autres juges de première instance non identifiés, « en grand nombre », qui manifesteraient « un parti pris évident en faveur de la vaccination des enfants », l'appelante n'a pas soulevé ses doléances auprès du juge de première instance lui-même, directement visé.

[15]           Il n'appartient pas à cette Cour de s'immiscer, a posteriori, dans la gestion des affaires judiciaires en première instance. Si l'appelante avait des griefs quant à la gestion de l'instruction, elle aurait dû les soulever en première instance. L'appelante ne démontre donc aucune faiblesse du jugement sous cet angle.

[16]           Quant aux conclusions du juge sur l'exercice de l'autorité parentale en lien avec la vaccination, l'appelante ne soulève aucun élément concret qui puisse démontrer la faiblesse du jugement de première instance.

[17]           Essentiellement, l'appelante plaide de manière générique que la vaccination contre la COVID-19 n'est pas nécessaire pour prévenir la maladie et qu'il existe des effets secondaires sérieux au vaccin qui n'ont pas été complètement documentés. Ces arguments ont été présentés en première instance. L'appelante a témoigné et a pu faire valoir ses prétentions, qui ont été rejetées.

[18]           Il s'agit ici d'un dossier relatif à l'exercice de l'autorité parentale à l'égard d'enfants mineurs. L'appelante soulève des questions de droit public relatives au processus d'approbation, à la sécurité des vaccins et liées aux responsabilités des autorités de santé publique au Québec et au Canada[6]. Il s'agit de questions complexes qui dépassent très largement le cadre du débat qui est très concret et immédiat, c’est-à-dire la vaccination des deux enfants mineurs des parties.

[19]           Dans ce contexte, l'appelante ne démontre pas l'existence d'une faiblesse apparente qui pourrait justifier l'octroi de la suspension.

[20]           L'appelante ne démontre pas de préjudice sérieux aux enfants si l'exécution provisoire du jugement de première instance était maintenue. Le juge note que les enfants sont en bonne santé et qu'ils n'ont aucune contre-indication médicale à la vaccination.

[21]           L'intimé a requis judiciairement de pouvoir faire vacciner ses enfants pour leur propre sécurité, mais également pour la sécurité d'autres personnes avec qui ils pourraient être en contact, incluant leurs grands-parents plus âgés. La balance des inconvénients penche du côté de l'intimé.

POUR CES MOTIFS, LE SOUSSIGNÉ :

[22]           REJETTE la requête de la partie appelante en suspension de l'exécution provisoire d'une ordonnance d'autorisation de vaccination d'enfants de 6 et 8 ans, sans frais.

 

 

 

 

SIMON RUEL, J.C.A.

 

Me Myriam Bohémier

Pour l'appelante

 

Me Olivia Ruel

Me Catherine Sylvain

Verdon Armanda

Pour l'intimé

 

Date d’audience :

18 février 2022 (huis clos)

 


[1] P.D. c. A.G., C.S. Québec, no 200-04-029709-217, 8 février, 2022, de Blois, j.c.s.

[2] Bande indienne Wewaykum c. Canada, 2003 CSC 45, paragr. 76; R. c. Teskey, 2007 CSC 25, paragr. 20-21; Cojocaru c. British Columbia Women’s Hospital and Health Centre, 2013 CSC 30, paragr. 22; Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c. Yukon (Procureure générale), 2015 CSC 25, paragr. 25.

[3] R. c. S. (R.D.), [1997] 3 R.C.S. 484, paragr. 117; 9108-5621 Québec inc. c. Construction Duréco inc., 2017 QCCA 1089, paragr. 35-36; Droit de la famille — 181553, 2018 QCCA 1156, paragr. 35; Adoption — 20118, 2020 QCCA 820, paragr. 16.

[4] Bérubé c. Loto-Québec, 2012 QCCA 1289, paragr. 11; Droit de la famille — 17739, 2017 QCCA 629, paragr. 20 et note infrapaginale 3; Boyer c. Loto-Québec, 2017 QCCA 951, paragr. 5, demande d’autorisation d’appel à la Cour suprême rejetée, 14 décembre 2017, no 37758; Droit de la famille — 21138, 2021 QCCA 231, paragr. 44; Pelletier c. Demers, 2021 QCCA 252, paragr. 21.

[5] Bernier c. R., 2021 QCCA 1010, paragr. 13.

[6] Droit de la famille – 22167, 2022 QCCA 160, paragr. 45-46; Bastien c. Dupont, C.A. Montréal, no 500-09-029885-225, 14 février 2022, Vauclair, Beaupré, Bachand, jj.c.a., paragr. 13.

AVIS :
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